Archives de catégorie : droit pénal

Pourquoi de nombreux magistrats et avocats s’opposent à la généralisation des cours criminelles sans jury populaire

Par Céline Rastello, publié le 16 janvier 2023 à 7h30

L’OBS / JUSTICE

La généralisation, depuis le 1er janvier, du déploiement des cours criminelles départementales (CCD), amenées à juger en première instance de nombreux crimes sans jury populaire, cristallise les critiques de magistrats et d’avocats.

« Mesdames et messieurs, la cour ! » La stridente sonnerie retentit ce mardi 1er septembre 2020 au tribunal judiciaire de Caen, dans le Calvados.

Un homme de 55 ans est jugé pour viols sur son enfant de 7 ans, des faits passibles d’une peine de vingt ans d’emprisonnement. Mais, face à lui, ne siègent pas trois juges professionnels et six jurés tirés au sort parmi la population française, comme traditionnellement dans une cour d’assises. La cour, cette fois, est composée de cinq magistrats.

Ce procès s’inscrit dans le cadre de l’expérimentation des nouvelles cours criminelles départementales (CCD), menée depuis septembre 2019 dans quinze départements. Leur généralisation, depuis le 1er janvier 2023, à l’ensemble du territoire cristallise les critiques de nombreux magistrats et avocats, mais pas seulement. Pour quelles raisons ?

 Que craignent-ils ?

Décryptage

1.      Pourquoi ces nouvelles cours ?

Jusqu’à présent, en première instance, tous les crimes (assassinat, meurtre, braquage, vol à main armée, viol, etc.) étaient jugés aux assises par un jury populaire – sauf ceux concernant le terrorisme et le trafic de stupéfiants en bande organisée, jugés par les cours d’assises spéciales.

Mais les cours d’assises croulent sous les dossiers, qui peuvent attendre plusieurs années avant d’être jugés. D’où la création de ces nouvelles cours, qui doivent permettre de gagner du temps, lutter contre la correctionnalisation (requalification d’un crime en délit, des viols souvent, devant le tribunal

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L’anniversaire de l’épouse se termine au tribunal

Carole Sterlé, 19/04/2017

LP/Arnaud Journois

« Personne n’est parfait, moi non plus », assure l’épouse à la barre. C’est elle, cette jeune coiffeuse, la victime, ce mardi, au tribunal correctionnel de Bobigny mais elle n’a pas voulu déposer plainte contre son mari et ne tient pas à se constituer partie civile.

« J’ai tapé une crise de jalousie, on n’est pas des sauvages, on est des parents, on a des enfants », explique-t-elle pour expliquer la tournure sordide de sa fête d’anniversaire. Deux bouteilles de vodka, six de champagne bues à 10 ou 15, dit son mari, jugé pour violences conjugales. Et lorsqu’elle l’entend parler à une convive en fin de soirée, elle voit rouge. Une bagarre éclate, au point que le voisinage appelle la police. Elle avait des hématomes sur le front, la poitrine, la main, les jambes… mais elle n’a pas voulu déposer plainte. « C’était un malentendu », explique le mari dans le box, plusieurs fois condamné et ce soir-là en état d’ébriété. Et son casier est pesant. En cas de récidive pour des violences conjugales, un mandat de dépôt lui pend au nez. Son avocat, Me Stéphane Maugendre, parvient à convaincre le tribunal de lui laisser une chance. Après tout, un juge d’application des peines avait estimé qu’il était accessible à un bracelet électronique. Le tribunal a condamné l’époux à dix mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans, avec une obligation de soins pour sa consommation d’alcool.

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Un dernier espoir pour la famille d’Ali Ziri

  A.B, 22/02/2017

LP/D.P.

On croyait l’affaire Ali Ziri terminée. Ce retraité algérien est mort le 11 juin 2009 à Argenteuil, deux jours après une arrestation houleuse par la police. Une première autopsie avait conclu à une « fragilité cardiaque » et confirmé la « forte alcoolémie » du sexagénaire. Une contre-expertise révéla finalement la présence de 27 « hématomes de 12 à 17 cm » sur le corps.

Après six années de procédure, la Cour de cassation a validé il y a un an le non-lieu prononcé par la cour d’appel de Rennes en décembre 2014 à l’encontre des policiers mis en cause. Mais l’affaire pourrait désormais rebondir devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). C’est en tout cas l’espoir de Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille, qui a saisi la juridiction à l’été 2016, considérant que « l’Etat français n’a pas instruit correctement le dossier ». « La CEDH a transmis la requête à l’Etat français qui vient de répondre ne pas être favorable à un règlement amiable de cette affaire, explique le conseil. Je dois désormais transmettre mes observations. On devrait être convoqué pour une audience. »

Et l’avocat d’énumérer, selon lui, les manquements dans l’instruction. « J’avais demandé que les juges entendent eux-mêmes les policiers, qu’une reconstitution en présence des experts et des policiers ait lieu et que la bande-vidéo de l’arrivée au commissariat soit visionnée. Rien n’a été fait. La France a déjà été condamnée pour mauvaise instruction dans une affaire similaire. » Stéphane Maugendre espère ainsi que la cour s’appuiera « sur l’avis du dernier expert ». « Il avait déclaré qu’Ali Ziri était décédé suite à un arrêt cardiaque dû à un phénomène d’asphyxie causé par la technique du pliage (NDLR : qui consiste à faire pression sur le haut des cuisses afin que la tête soit sur les genoux) pratiquée par les policiers, rappelle-t-il. La cour exige une instruction impeccable lorsqu’une personne décède alors qu’il est entre les mains de la police. »

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Relaxé.e.s pour avoir discrédité une décision de Justice.

Jugement de la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris.

 » Le 26 mars 2015, la 6 ème chambre  ( Pôle 3)  de la cour d’appel  de Paris,  statuant en  chambre du conseil, saisie d’un appel de  Mahamadou X contre un  jugement rendu le  27 mai 2014 par un juge des enfants de Paris disant n’y avoir lieu à assistance éducative à son égard, confirmait ledit jugement, et ce après avoir ordonné avant-dire droit le 19 décembre 2014 une expertise médicale comportant un examen physique externe et un examen dentaire et osseux par radiographie aux fins de l’estimation de l’âge physiologique de l’appelant.

Cette décision comportait, notamment, la motivation suivante :

« Au vu des pièces du dossier,..Mahamadou S. produit un extrait d’acte de naissance et une carte nationale d’identité. Ces deux documents, établis en pays étranger et rédigés dans les formes usitées dans ce pays, sont considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire.

Néanmoins, les éléments sociaux communiqués par l’appelant suscitent des interrogations alors notamment que ses déclarations concernant son propre parcours pour se rendre en France sont floues et que celles selon lesquelles il serait arrivé en France en janvier 2014, ayant quitté son oncle en 201S après être resté 4 années, celui-ci l’ayant recueilli à l’âge de 9 ans, sont contredites par la date de naissance qu’il allègue.

Par ailleurs, si Mahamadou S. ne s’est pas présenté à l’expertise d’âge physiologique ordonnée par le juge des enfants, sans qu’il puisse être déduit des pièces du dossier une volonté délibérée de sa part de s’y soustraire, la cour a ordonné une nouvelle expertise à laquelle Mahamadou S., assisté de son conseil, a expressément consenti, la nécessité de son accompagnement ayant été stipulée dans l’arrêt susvisé.

Il s’est pourtant rendu seul à l’examen en présentant un courrier de l’ADJIE sollicitant du médecin une attestation selon laquelle il se présente seul de sorte que l’expertise ne peut être réalisée, l’ADJlE précisant ne pas être en mesure de l’accompagner, sans plus de précisions. Mahamadou S., assisté d’un conseil dans le cadre de la procédure, n’a pas sollicité ce dernier pour l’y accompagner, de sorte que la mesure d’instruction n’est pas réalisée, sans qu’il puisse légitimement, dans ce contexte, se prétendre étranger à ce défaut d’exécution.

Enfin, son allure et son attitude, telles que constatées par la cour à l’audience, ne corroborent pas sa minorité.

En conséquence, des éléments extérieurs viennent contredire les documents d’état-civil produits, de sorte que la minorité de Mahamadou S. n’est pas établie. Dès lors, il n’y a pas lieu à assistance éducative à son égard. ».

L’arrêt mentionnait que le ministère public s’en était remis à l’appréciation de la cour.

Le 21 mai 2015, le Syndicat de la Magistrature diffusait par courriel un communiqué de presse intitulé « Mineurs étrangers isolés : les apparences pour preuve », co-signé par le Groupe d’information et de Soutien des Immigré-e-s ( GISTI), association ayant pour objet la défense et le soutien des étrangers, et la Ligue des droits de l’Homme, ainsi rédigé :

« MINEURS ISOLES ETRANGERS : LES APPARENCES POUR PREUVE

A un adolescent malien seul en France, porteur d’un acte de naissance et d’une carte d’identité établissant sa minorité, la cour d’appel de Pairs rétorque que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » (décision ci-jointe). Une affirmation lourde de conséquence puisque la cour laisse ce jeune à la rue en refusant sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n ‘a pas seulement renié toute humanité, elle a dû, aussi, tordre le droit C’est l’article 47 du Code civil qui a fait les frais de l’opération.

L’article prévoit que tout acte d’état civil étranger fait foi sauf si d’autres éléments établissent qu’il est irrégulier ou falsifié. En l’espèce, aucune preuve ni aucun indice d’irrégularité ou de falsification des actes d’état civil du mineur n’étaient joints au dossier : au contraire, le service chargé de traquer la fraude documentaire les avait jugés authentiques ! Peu importe : le récit qu’il a fait de sa vie leur ayant semblé peu cohérent, les magistrats ont imaginé de soumettre cet enfant à une expertise osseuse.

Non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée, ils ont prévu qu’il devrait être assisté de son avocat ou « d’un professionnel » d’une association d’aide aux mineurs. Peu importe, encore, que l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés qui est en fait un collectif d’associations) ait toujours refusé de cautionner ces examens osseux dont la fiabilité est déniée par les plus hautes autorités médicales. L’enfant s’étant rendu chez le médecin muni d’un courrier de l’ADJIE disant ne pouvoir être présente, les examens n’ont pas été réalisés. Les juges en ont pris prétexte pour le rendre responsable du « défaut d’exécution » de l’expertise.

Le raisonnement est doublement fallacieux. D’abord parce qu’il impose à un jeune en détresse, qui ne parle ni ne lit le français, de coopérer à la démonstration d’une minorité que les juges devait tenir pour acquise. Ensuite parce qu’il le rend comptable du refus légitime d’un collectif associations de s’associer à cet acharnement dans la suspicion. Et ce, pour conclure sans trembler que, quoi qu’en disent ses actes d’état civil, ce jeune aura l’âge qu’il a l’air d’avoir.

« La chronique quotidienne de l’enfance malheureuse rappelle aux pouvoirs publics l’urgente nécessité de renforcer la protection civile des mineurs » affirme le préambule de l’ordonnance de 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. Aujourd’hui, parce qu ‘ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité en utilisant les expédients de pseudo-expertises ou en tenant les apparences pour preuve.

Alors que la communauté scientifique s’accorde pour dénier toute force probante aux tests osseux et dentaires, que les documents d’identité font foi, l’administration et la justice persistent à recourir à cette technique inepte. Il est plus que temps d’y renoncer.

Paris, le 15 mai 2015

Ce document était accompagné d’une note libellée en ces termes:

« Le Sénat va examiner dans les prochaines semaines la proposition relative à la protection de l’enfant, dans le cadre de laquelle sont discutés des amendements relatifs aux lests osseux pratiqués sur les mineurs isolés étrangers, pour déterminer leur âge. Le Syndicat de la magistrature se mobilise fortement pour l’interdiction de cette pratique aussi inefficace qu’indigne.

Vous trouverez ci-joint le communiqué de presse que nous publions en commun avec le GISTI et la Ligue des Droits de l’Homme, en réaction à une décision de la Cour d’appel de Paris, malheureusement représentative d’une certaine jurisprudence, qui, loin des prescriptions du code civil, ordonne des tests osseux même lorsque les mineurs sont en possession de documents authentiques, sur la base de considérations fondées sur leur apparence, pour mieux les exclure de la prise en charge par l’ASE. ».

Le 4 juin 2015, Etienne Madranges, avocat général près la cour d’appel de Paris, représentant du ministère public lors de l’audience où l’affaire susvisée avait été évoquée, appelait par courriel intitulé « demande d’engager des poursuites contre le syndicat de la magistrature » l’attention de sa hiérarchie sur ce communiqué qui, selon lui, « met (tait) violemment en cause » l’arrêt précité, « rendu sur (ses) réquisitions conformes ». Il soutenait que ce document comportait des « affirmations…injurieuses, insultantes et outrageantes pour la cour, ses membres, son ministère public » et « tomb(ait) à l’évidence sous le coup des dispositions de l’article 434-25 du code pénal », estimait qu’ « une organisation professionnelle de magistrats n’a (vait) pas le droit de critiquer ouvertement dans de tels termes une décision souveraine…et encore moins de jeter le discrédit sur notre travail, difficile au quotidien » et demandait, partant, « officiellement, dé faire engager des poursuites contre le Syndicat de la magistrature ».

Après relance de l’intéressé le 25 juin 2015, ce courriel était transmis le 3 juillet 2015 pour compétence au procureur de la République de Paris, lequel faisait diligenter le 13 juillet 2015 une enquête par la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne.

Etienne Madranges, entendu le 3 août 2015, confirmait ses déclarations, précisant d’une part que tous les magistrats avaient été destinataires du message incriminé, également adressé aux services sociaux et aux avocats, d’autre part qu’il pensait que la présidente de la sixième chambre partageait son avis sur cette affaire, enfin qu’il « croyait se souvenir » qu’une réflexion était déjà engagée sur la légitimité des examens osseux tendant à déterminer l’âge d’un individu, notamment par des radios. Il se réservait le droit de se constituer ultérieurement partie civile si l’affaire était soumise à un tribunal.

Il était par la suite procédé à l’audition des dirigeants des associations co-signataires du communiqué de presse.

Stéphane Maugendre, président du GISTI depuis 2008, confirmait que le GISTI avait participé, de manière collective, à la rédaction du communiqué, qui avait été diffusé à tous ses contacts et publié sur son site. Il contestait à la fois avoir voulu jeter le discrédit sur l’arrêt évoqué et pouvoir être suspecté, ainsi que pouvait le laisser entendre une des questions posées lors de son audition, d’avoir taxé les magistrats concernés de racisme ou de partialité politique, le seul objectif des co-signataires étant de porter un regard critique sur la motivation de l’arrêt. Il rappelait, à cet effet, que son organisation luttait depuis des années, avec d’autres, dont les co-signataires du communiqué et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, contre la détermination de l’âge sur la base d’un examen osseux, cette méthode étant notamment contestée par l’ensemble du monde médical.

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme de 2011 au 25 mai 2015, déclarait également que le texte litigieux, diffusé aux différents contacts de cette association ainsi que sur son site et sa page Facebook, était une oeuvre collective, le sujet abordé étant à ses yeux suffisamment préoccupant et important pour justifier une expression commune et l’instauration d’un débat public. Il se disait inquiet de la procédure diligentée, dénonçant « une volonté d’intimidation » et une démarche présentant «quelque chose de dérisoire et de pathétique », qui n’empêcherait en rien la Ligue de continuer à user de sa liberté d’expression et défendre les droits et la dignité de la personne.

Françoise Martres, présidente du Syndicat de la Magistrature lors de la rédaction et de la diffusion du communiqué de presse, expliquait, documents à l’appui, que celui-ci était contemporain au débat au Parlement sur la proposition de loi sur la protection de l’enfance et à des discussions de son organisation avec les cabinets de Mmes Taubira et Rossignol en vue d’introduire un amendement visant à l’inscription dans la loi de l’interdiction des tests osseux aux fins de déterminer l’âge d’une personne. Elle précisait que l’arrêt du 26 mars 2015 avait été mis en exergue car il illustrait précisément les dérives dénoncées par le Syndicat de la Magistrature et nombre d’associations et de professionnels. Elle contestait,enfin, fermement, que le communiqué attaqué puisse être analysé autrement que comme un commentaire d’une décision, certes formulé sur un ton pouvant paraître un peu vif, mais n’excédant en rien la liberté d’expression reconnue en matière syndicale et ne constituant nullement une attaque personnelle contre les magistrats ayant rendu l’arrêt ou ayant participé à l’audience.

Le 26 novembre, la présidente de la sixième chambre ( pôle 3) de la cour d’appel indiquait aux enquêteurs que ni elle, ni ses assesseurs ne souhaitaient être entendus.

A l’issue de l’enquête, Stéphane Maugendre, Pierre Tartakowski et Françoise Martres étaient cités devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit de discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle prévu et réprimé par les articles 434-25 alinéa 1, 434-25 alinéa 3 et 434-44 du code pénal et l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, et ce à raison plus particulièrement des propos ci-avant surlignés en gras dans le communiqué incriminé.

Lors de l’audience, le ministère public requérait la condamnation des prévenus, soulignant notamment la violence des termes utilisés dans le communiqué, l’atteinte portée à l’institution judiciaire et le fait que ni le caractère polémique du sujet abordé ni la liberté de ton reconnue en matière syndicale ne pouvaient justifier une telle attaque à l’encontre déjugés ne faisant qu’appliquer la loi, et l’appliquer au surplus correctement, le pourvoi formé contre l’arrêt critiqué ayant été rejeté par la Cour de cassation le 11 mai 2016.

Françoise Martres maintenait ses déclarations antérieures, soulignant l’attachement du Syndicat de la Magistrature à la défense des droits des enfants, dont les mineurs isolés, et au combat mené contre le recours aux expertises osseuses et un courant jurisprudentiel qui lui paraissait engendrer des conséquences inhumaines. Elle contestait, par ailleurs, l’idée même qu’un syndicat puisse être soumis à un devoir de réserve, sa liberté d’expression devant demeurer entière.

Stéphane Maugendre, après avoir rappelé les circonstances particulières ayant conduit à la création du GISTI et la nécessité de protéger les mineurs isolés contre certaines dérives, se disait, au nom de cette association, à la fois indigné non seulement par le recours aux expertises osseuses mais aussi par le durcissement jurisprudentiel consistant à exiger des personnes déclarant être mineures, y compris en cas de production de papiers authentifiés par le bureau des fraudes, des documents d’identité comportant des photographies, et convaincu, partant, de la nécessité d’appeler l’attention sur ce point.

Pierre Tartakowsky revendiquait l’attachement qü’il qualifiait de « viscéral » de la Ligue des droits de l’Homme à la liberté de critique, rappelant que la Ligue n’avait « pas été créée ( en 1898) pour critiquer la justice mais était née d’une décision de justice » et qu’il aurait été « honteux » de ne pas signer le texte incriminé, parfaitement conforme aux valeurs, à la mission et à l’histoire de cette association. Il maintenait qu’à son sens, le recours aux expertises osseuses était une erreur qu’il était légitime de dénoncer « haut et fort, surtout quand la nécessité fait droit », à une «époque particulièrement dure pour les faibles, les démunis, les peuples., accidentés de l’histoire ».

Les différents témoins cités par la défense insistaient tous sur la légitimité des critiques exprimées dans le communiqué de presse et faisaient part de leur perplexité quant aux poursuites diligentées à l’encontre des prévenus.

Pierre Joxe, avocat, ancien ministre, magistrat honoraire, mettait notamment l’accent sur la nécessité d’accueillir dans de bonnes conditions les mineurs isolés, tant dans l’intérêt des jeunes concernés que de la société. Il confirmait, par ailleurs, les grandes incertitudes pesant sur la fiabilité des examens osseux et dentaires, et se disait « sidéré » à la fois par l’arrêt rendu par la cour d’appel le 26 mars 2015 et les poursuites diligentées à l’encontre des prévenus.

Nicole Obrego, magistrate retraitée, rappelait son combat pour la reconnaissance du droit des magistrats à se syndiquer et soulignait qu’un syndicat de magistrats avait vocation non seulement à défendre des intérêts corporatistes mais également à s’intéresser aux sujets de société et à veiller à la protection des droits des plus faibles.

Jean-François Martini, chargé d’études au GISTI, évoquait les difficultés croissantes des mineurs isolés, et ce en raison tant de la tendance au durcissement de la jurisprudence que de la saturation des capacités d’accueil des départements, ceux-ci étant par ailleurs de plus en plus réticents à accueillir les personnes concernées, notamment pour des motifs financiers, et multipliant les obstacles, alors que selon lui, il était, en toute hypothèse, préférable d’« avoir un jeune majeur placé qu’un mineur dans la rue ».

Pierre Lyon-Caen, ancien avocat général à la Cour de cassation, membre du syndicat de la magistrature, ancien membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, s’interrogeait sur les possibles répercussions de la présente procédure sur le syndicalisme judiciaire et l’exercice du droit de critique, conçu jusqu’alors de manière très extensive, notamment par les juridictions administratives. Il déclarait, par ailleurs, trouver la démarche formalisée par le communiqué de presse parfaitement légitime, eu égard à l’unanimité de toutes les instances compétentes, nationales ou internationales – dont I’ Académie nationale de médecine, le Haut Conseil de la médecine et le Comité des droits de l’enfant-pour condamner le recours aux expertises osseuses. Enfin il contestait que les termes employés dans le communiqué, pour vigoureux qu’ils soient, puissent excéder les limites de la liberté d’expression, rappelant que la Cour de cassation elle-même n’hésitait pas à utiliser l’expression « violation de la loi » sans émouvoir quiconque.

Bertrand Chevallier, pédiatre endocrinologue, soulignait les limites des tests osseux, précisant que ce type d’examen, initialement conçu pour évaluer l’opportunité de soumettre à un traitement médical des enfants présentant des anomalies de croissance, n’avait nulle vocation à déterminer à lui seul l’âge chronologique d’une persomie, seule une approche pluridisciplinaire, non nécessairement fondée sur un examen clinique, prenant en compte les origines géographiques des personnes concernées et incluant un questiomiaire sur les habitudes alimentaires et les maladies antérieures paraissant désonnais adaptée.

Les conseils des prévenus plaidaient tous en faveur de la relaxe de leurs clients.

Plaidant pour Pierre Tartakowski, M°Leclerc insistait tout d’abord sur la différence qu’il convenait d’établir entre la critique, légitime, d’une décision de justice rendue, soulignait-il, au nom du peuple, et donc nécessairement soumise au débat public, et le discrédit tel que défini par l’article 434-25 du code pénal, soumis à de strictes conditions non remplies en l’espèce. Il contestait, par ailleurs, que le communiqué litigieux puisse être analysé comme excédant les limites de la liberté d’expression, rappelant à cet égard l’impératif de tenir compte tant du contexte de sa publication que du droit à l’hyperbole et à l’exagération reconnu, notamment, par la Cour européenne des droits de l’homme. Enfin, il soulignait que les poursuites engagées en l’espèce étaient les premières auxquelles la Ligue des droits de l’Homme était confrontée en 118 ans d’existence.

Maître Bouix, conseil de Stéphane Maugendre, mettait l’accent sur* le caractère inédit de l’arrêt critiqué dans le communiqué et ses graves conséquences pour les personnes demandant à bénéficier du statut de mineur isolé. Elle estimait, partant, que cet arrêt, qui s’inscrivait au surplus dans un débat d’intérêt général lors de son prononcé, pouvait légitimement être à la fois relayé et critiqué.

Maître Cessieux, pour Françoise Martres, rappelait que sa cliente, à l’époque responsable du Syndicat de la Magistrature, jouissait de par ce statut d’une très large liberté de parole. Il contestait, par ailleurs, que le communiqué de presse puisse être perçu autrement que comme une démonstration technique des carences dont souffrait, selon ses auteurs, l’arrêt critiqué et s’étonnait du traitement réservé à sa cliente, notamment au regard de l’inertie dont avait fait preuve, selon lui, le ministère public vis-à-vis de déclarations ou de communiqués autrement plus violents, tel celui publié le 26 avril 2012 par le bureau national de SYNERGIE-OFFICIER S, cet organisme se disant « écoeuré par la décision ahurissante d’un juge d’instruction… », parlant d’un tribunal « connu pour receler les pires idéologues de la culture de l’excuse », d’une incrimination étant « avant tout une décision partisane (pour ne pas dire politique…) déguisée en acte juridictionnel », d’une « décision «judiciaire » qui révulse nos concitoyens » ou « d’un nouvel appel à la haine venant de magistrats qui, une fois de plus, ont choisi d’affirmer que pour eux, l’ennemi à combattre par tous les moyens ( y compris les plus vils…) est bel et bien le « flic » et non pas le criminel ».

SUR CE:

L’article 434-25 du code pénal, introduit dans le code pénal ( article 226 de l’ancien code pénal) par l’article 17 de l’ordonnance n° 58-1298 du 23 décembre 1958, dispose :

« Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision.

Lorsque l’infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables,

L’action publique se prescrit par trois mois révolus, à compter du jour où l’infraction définie au présent article a été commise, si dans cet intervalle il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite. ».

Il résulte de ces dispositions que le délit de discrédit suppose, pour être constitué, que son auteur ait voulu, par ses propos, non seulement déconsidérer tel ou tel acte ou décision à caractère juridictionnel, mais également, au travers de cette appréciation, atteindre, plus globalement, dans son autorité ou son indépendance, la justice considérée comme une institution fondamentale de l’Etat, Il ne saurait, ainsi, être confondu avec d’autres infractions, tels l’outrage ou la diffamation envers un magistrat.

Il se déduit par ailleurs de la nature même de cette infraction, expression d’une restriction à la liberté d’expression, et soumise au demeurant, en ses règles d’imputation et de prescription, aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que toute condamnation de ce chef doit nécessairement s’inscrire dans les conditions et limites posées par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( CEDH) , lequel édicte :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2.L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. » .

Dans ce cadre, s’il est constant qu’il convient de tenir compte, dans l’analyse des propos incriminés, de la nécessité de protéger l’autorité de la justice, institution essentielle à toute société démocratique, et de sanctionner, partant, toute attaque gravement préjudiciable à son encontre dépourvue de fondement sérieux, il est tout aussi essentiel de préseiver le droit pour chaque citoyen, sous réserve qu’il dispose d’une base factuelle suffisante et n’use pas de propos outranciers, de s’exprimer, y compris de manière critique, sur des sujets d’intérêt général liés au fonctionnement de la justice.

Ce droit est, enfin, d’autant plus largement entendu, en la forme comme au fond, que les auteurs des propos sont des acteurs considérés comme essentiels à la vie démocratique, qu’il s’agisse, sans que cette liste soit exhaustive, des journalistes, des élus, des avocats, de certaines associations ou de militants politiques ou syndicaux.

Au cas particulier, il ressort du communiqué de presse litigieux, que celui-ci, par-delà les seuls propos ^expressément mentionnés dans les citations délivrées aux prévenus, s’attache pour l’essentiel à développer les raisons ayant conduit ses signataires à le titrer « Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve », cet intitulé se voulant et étant, évidemment, critique, la méthodologie et le raisonnement évoqués par cette formule se situant aux antipodes de l’orthodoxie juridique en matière de droit de la preuve; qu’il rappelle, à cet effet, les différentes étapes du raisonnement adopté par la cour d’appel, pointant notamment la supposée méconnaissance des dispositions de l’article 47 du code civil; qu’il s’étonne, ainsi, de ce que malgré l’authentification des actes d’état-civil du mineur concerné par le bureau de la fraude documentaire, les magistrats aient jugé nécessaire de soumettre le requérant à une expertise osseuse; qu’il s’émeut, par ailleurs, de ce que les mêmes magistrats aient rendu ledit mineur responsable du défaut d’exécution de 1′ expertise alors que celui-ci n’était lié qu’au refus, justifié pour ses auteurs, d’un collectif d’associations de prêter leur concours à la mise en oeuvre de procédures à la fois infondées, sans aucune fiabilité scientifique et humiliantes.

Pour autant, le document incriminé ne peut être assimilé à un « commentaire technique » au sens de l’alinéa 2 de l’article 434-25, dans la mesure où, nonobstant les différents points de droit qui y sont incontestablement développés, les auteurs étendent leur réflexion à des considérations d’ordre moral ou sociétal qui excèdent les limites d’une analyse technique, notamment en déclarant « la cour n’a pas seulement renié toute humanité », « non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée » ou « aujourd’hui, parce qu’ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité… », et déplorent de manière plus générale, que tant l’administration que la justice, ces deux entités étant visées dans leur globalité, excipent de critères purement physiques et donc contestables et utilisent « les expédients de pseudo-expertises » pour refuser la protection pourtant due aux enfants et adolescents en danger.

De même, il ne saurait être soutenu que le communiqué de presse puisse relever de la catégorie des « actes… écrits…de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision » également visée à l’alinéa 2 de l’article 434-25 précité, le fait qu’un pourvoi en cassation soit en cours lors de sa publication ne pouvant suffire à lui conférer cette qualité, le communiqué ne pouvant bien évidemment pas être assimilé à un acte de procédure et ne faisant par ailleurs aucune allusion au dit pourvoi.

Ces différents constats ne peuvent, toutefois, suffire à considérer que l’infraction prévue à l’article 434-25 est constituée, les propos litigieux devant, comme il l’a été indiqué supra, être analysés au regard de l’article 10 de la CEDH.

A cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que la question abordée présente, à l’évidence, un caractère d’intérêt général ; que l’accueil des mineurs étrangers fait en effet partie intégrante du débat sur les flux migratoires, dont il paraît superflu de souligner la place centrale qu’il occupe au plan politique comme sociétal ; que la détermination de la majorité ou de la minorité d’un migrant est, en cas d’incertitude sur ce point, nécessairement tributaire de l’analyse effectuée, in fine, par les magistrats ; qu’il est, par conséquent, parfaitement légitime de s’interroger sur l’évolution de la jurisprudence en la matière, et ce d’autant plus pour les associations dirigées par les prévenus, qui ont constamment marqué leur engagement, sous toutes ses formes, en faveur d’une protection accrue des mineurs isolés et peuvent, ainsi, exprimer leurs préoccupations au regard d’une évolution jurisprudentielle leur paraissant à la fois erronée au plan du droit et de nature à amoindrir sensiblement les droits des intéressés.

Il   est, par ailleurs, constant, au regard notamment des éléments versés au débat et des témoignages, en particulier celui de Bertrand Chevallier, que les prévenus disposaient d’une base factuelle suffisante pour critiquer la méthode et l’analyse retenues dans l’arrêt litigieux ; qu’il est en effet avéré que le recours à des examens physiques, et tout particulièrement, aux expertises osseuses et dentaires, pour déterminer l’âge d’un mineur, fait largement débat et est même déconseillé par des autorités scientifiques aussi incontestables que l’Académie nationale de médecine ou le Haut Conseil de Santé publique ; que le fait, par ailleurs, d’estimer insuffisants en termes probatoires des documents pourtant authentifiés par le Bureau de la fraude documentaire, organisme spécialisé travaillant en liaison avec les consulats et ambassades des pays d’origine des migrants, pouvait également prêter à discussion, même si, par la suite, la Cour de cassation a estimé, par arrêt publié au bulletin- ce qui atteste l’importance du point soulevé- ne pas devoir accueillir le moyen soulevé sur ce point, au motif que la cour d’appel « afvait) souverainement estimé que l’acte de naissance..était dépourvu de la force probante reconnue par l’article 47 du code civil, en raison de l’incohérence de ses énonciations avec les déclarations de l’intéressé » ; que, de même, pouvait être matière à réflexion le fait que la cour d’appel, alors même que l’ADJIE refuse, au tenue d’une décision de principe antérieure à l’arrêt avant-dire droit, d’accompagner les jeunes étrangers isolés chez les praticiens chargés d’effectuer les examens osseux, confie pourtant cette mission à l’ADJIE et impute, par ailleurs, le défaut d’exécution de la mesure ordonnée au requérant.

Enfin, si le ton et le vocabulaire employés dans le communiqué de presse peuvent, de fait, paraître véhéments – « invraisemblable », « renié toute humanité », « tordre le droit », « les juges en ont pris prétexte », « acharnement dans la suspicion »…-, il convient de rappeler, tout d’abord, que les limites de la critique admissible sont, en l’espèce, d’autant plus larges que les auteurs des propos sont, à des titres divers, via les organismes qu’ils représentent, des militants reconnus et engagés contribuant à la diffusion d’informations et d’opinions susceptibles d’enrichir le débat sur le sujet d’intérêt général abordé ; qu’ainsi la Ligue des droits de l’Homme compte en son sein un groupe spécialement dédié à la situation des mineurs étrangers isolés, celle-ci lui paraissant « particulièrement préoccupante au regard du respect des droits de l’homme »] ; que le Gisti est un acteur de premier plan de la lutte pour les droits des étrangers, étant à l’origine, de par ses actions en justice, de nombreuses décisions de principe et oeuvrant au surplus au quotidien pour assister les personnes concernées ; que le Syndicat de la Magistrature a vocation, en tant que syndicat de magistrats, à défendre non seulement les droits individuels et collectifs de ces professionnels, mais également l’institution judiciaire, cette défense ne pouvant toutefois signifier, sauf à lui faire perdre toute substance et tout intérêt, une approbation inconditionnelle de l’ensemble des actes et décisions de nature juridictionnelle ou la soumission dudit syndicat à un devoir de réserve similaire à celui exigé des magistrats pris individuellement; que, par ailleurs, le communiqué de presse critiqué a été publié dans un contexte où le sujet évoqué présentait une actualité toute particulière, eu égard aux débats parlementaires en cours ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que pour tranchés et virulents que soient les propos querellés, leurs auteurs n’ont pas excédé les limites de la liberté d’expression particulièrement étendue dont ils pouvaient exciper, au regard à la fois de leur qualité, du sujet abordé et de la base factuelle dont ils disposaient.

Pierre Tartakowsky, Stéphane Maugendre et Françoise Martres seront, par conséquent, renvoyés des fins de la poursuite.

PCM

contradictoirement

RELAXE »

Discours de fin de présidence du Gisti

© Stéphane Maugendre
© Stéphane Maugendre

« Chèr.e.s Ami.e.s,

..

Oui, il faut mettre les 2 points, c’est l’écriture épicène !

C’est dur de devenir président du Gisti.

Pendant 12 ans tu te fais les permanences rue de Montreuil ou rue des petites écuries, sous l’œil de Madeleine (Terrasson), d’André (Legouy) ou de Patrick (Mony).

On t’oblige à écrire des articles pour Plein Droit, à relire des brochures ou à rédiger des recours dans une langue que tu ne comprends pas : « Le Droit ».

Après, encore pendant 12  années, tu te fais taper sur les doigts par les deux présidentes successives Danièle (Lochak) et Nathalie (Ferré) parceque tu n’épicènes pas assez tes textes.

Et enfin, tu y arrives.

PRESIDENT DU GISTI.

Putain que j’étais fier.

Fier pour mes parents qui m’ont politisé,

Fier pour les membres de mon cabinet qui n’ont jamais fait la gueule ou reproché quoi que cela soit.

Fier pour Sophie, Adèle et Jules qui ont dû supporter mes angoisses, absences, fatigues….

17 mai 2008/28 mai 2016, en 8 années que d’évènements.

2008, c’est :

– L’incendie du centre de rétention de Vincennes,

– Le début du débat sur l’appel d’offre sur les centres de rétention pour écarter la Cimade,

– Le début d’une nouvelle chasse aux soutiens aux sans-papiers,

La directive de la honte,

2009, c’est :

– Le bras de fer entre le Gisti et Besson sur le délit de solidarité,

Le bras de fer judiciaire avec Besson sur les centres de rétention et l’éviction de la Cimade,

– L’appel à la délation des passeurs par les sans-papiers,

Le premier démantèlement d’une jungle à Calais suivi d’un charter franco-britanique et la mobilisation Adde, Ldh, Saf et Gisti,

– Le début du débat sur l’identité nationale,

C’est aussi l’année de la mort d’Ali ZIRI.

 2010, c’est :

Les 123 Kurdes Corses, qui nous font souvenir les Kurdes de Fréjus de 2001, prétextes pour le projet de la réforme Besson,

– La conductrice voilée de Nantes et les délires politico-juridique sur la déchéance de nationalité et la polygamie de fait,

– La circulaire et les charters de Roms d’Hortefeux,

2011, c’est :

– Les délires de Guéant sur les étrangers incivils ou délinquants,

– Les premiers contrôles massifs à la frontière franco-italienne,

– L’ Arrêt El Dridi,

– Et le fameux communiqué du Gisti « Le Gisti va déposer plainte contre l’OTAN, l’Union européenne et les pays de la coalition en opération en Libye« 

2012, c’est :

– Les quotas et discours sur la civilisation de Guéant,

– La plainte « left to die boat »

La première QPC du Gisti,

– Le nouveau gouvernement avec l’arrivée du Maire d’Evry et l’immigration qui reste à l’intérieur,

– L’ Arrêt de la Cour de Cassation sur la garde-à-vue des étrangers en situation irrégulière et le débat sur la retenue judiciaire,

– La circulaire de régularisation par le travail de Valls,

– Et le premier non lieu dans l’affaire Ali ZIRI.

2013, c’est :

– La Loi Valls avec la création de la garde-à-vue déguisée en retenue judiciaire des étrangers en situation irrégulière et le mensonge de la fin du délit de solidarité,

– La circulaire Roms,

– La chronique « Au PS, un zeste de xénophobie ? » , publié dans Libé, qui ne nous a pas fait que des amis,

– La chronique  » Défendre et juger sur le tarmac « , là encore publié dans Libé,

L’affaire Léonarda,

Non-lieu ab initio dans l’affaire « left to die boat« ,

– Le procès de l’hôtel Paris Opéra,

– Et le deuxième non-lieu dans l’affaire Ali ZIRI,

2014, c’est :

La campagne « rendez-nous la carte de résident »,

– L’annulation du non-lieu ab initio dans l’affaire « left to die boat« ,

– Les deux projets de Loi sur l’Asile et le CESEDA,

– Et l’annulation du non-lieu mais aussi le troisième non-lieu dans l’affaire Ali ZIRI,

2015, c’est :

– Les jungles du Calaisis et de Paris et l’évacuation de la Chapelle,

– La deuxième QPC sur l’ITF,

– Les interprètes afghans,

– L’accueil des réfugiés et l’appel des 800,

– Le film sur Ali ZIRI,

– Le procès de Claire MARSOL à Grasse,

– Le communiqué communiqué de presse  « Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve » et ma première convocation par  la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne,

– C’est la réunion du bureau le 14 novembre à deux pas du Bataclan et l’état d’urgence qui a suivi.

2016, c’est :

Les bulldozers de Calais,

– Le procès de Rob Lawrie à Boulogne-sur-mer,

– Et enfin ma convocation par-devant le Tribunal pour le 12 octobre 2016.

Le procès du serial violeur dit «l’électricien» s’ouvre ce jeudi

logoParisien-292x75 Pascale Egré, 30/03/2016

LP/Arnaud Dumontier
LP/Arnaud Dumontier

Il ciblait des petites filles, innocentes et polies, qu’il arrivait à convaincre de le suivre sous prétexte de l’aider à enlever la vis d’un compteur ou à changer une ampoule. Là, dans les étages des escaliers d’immeubles des beaux quartiers de Paris, l’homme leur faisait subir ses attouchements, parfois jusqu’au viol.

A ses proies terrorisées, il laissait parfois une pièce de 10 francs ou giflait celles dont les pleurs l’agaçaient. Dès les premières plaintes à l’encontre de ce pédophile au mode opératoire singulier, en 1990, les policiers de la Brigade des mineurs de Paris lui ont donné un surnom : « l’électricien ». Sa traque, acharnée, n’aboutira que vingt-deux ans plus tard, notamment grâce aux progrès de la science en matière d’ADN.

Confondu en 2012, après avoir été repéré dans une affaire de violences entre voisins, Giovanni Costa, âgé de 77 ans, prendra place ce jeudi dans le box de la cour d’assises de Paris. Son procès est prévu jusqu’au 11 avril. L’enquête, minutieuse, a recensé plus d’une trentaine de victimes, âgées de 6 à 13 ans, entre 1990 et 2003. In fine, du fait de la prescription, huit viols, une tentative de viol et une quinzaine d’agressions sexuelles sur mineurs ont été retenus à son encontre. « Je ne suis pas un violeur », n’a cessé d’affirmer lors de ses interrogatoires cet Italien né en Sicile et au parcours d’errance.

Véhément, grossier, il n’a admis avoir usé de la « technique de l’électricien » que pour commettre des cambriolages. A l’expert psychiatre, il s’est dit la cible d’un « complot ». Son comportement, craint une source judiciaire, risque de peser sur le cours du procès. Sa défense sera assurée par Mes Clémence Cottineau et Merabi Murgulia, deux secrétaires de la conférence.

« Une reconnaissance de sa parole d’enfant »

Durant l’instruction, seules quelques-unes des victimes, toutes retrouvées et réinterrogées par la justice après l’arrestation du suspect en 2012, s’étaient constituées parties civiles. Ainsi de Marie*, âgée de 9 ans au moment des faits, qui y avait tenu « pour celles qui n’en n’avaient pas la force ou le courage », explique son avocate Me Beryl Brown. Au prix d’un travail de thérapie face à la résurgence d’un lourd traumatisme, d’autres, comme Chloée*, y sont désormais décidées. « Elle est terrorisée mais déterminée. Elle espère une reconnaissance de sa parole d’enfant, et de pouvoir faire enfin le deuil de cette histoire », explique son avocat Me Stéphane Maugendre. Ces femmes, pour la plupart trentenaires, devenues parfois mères de famille, ont construit leurs vies malgré les répercussions de ce drame de l’enfance.

Me Maugendre salue « un dossier emblématique » en ce qu’il mêle débats sur la prescription en matière de viols sur mineurs, avancées de la science criminelle, détermination des enquêteurs. A ses yeux, ce procès constitue « un signal à tous les agresseurs d’enfants » : « Il leur dit qu’ils ne seront plus jamais dans l’impunité. »

* les prénoms ont été modifiés

⇒ Voir l’article

Procès pour viol collectif à Sevran : la victime seule face à 14 accusés

logoParisien-292x75 Carole Sterlé, 30/03/2016

(LP/C.S.)
(LP/C.S.)

Ils sont quatorze accusés face à une adolescente. « Ma cliente appréhende énormément ce procès, elle est traumatisée, elle craint que les accusés ne reconnaissent pas leur responsabilité, mais elle va aller jusqu’au bout, pour elle, et pour celles qui n’osent pas parler », assure Me Elodie Bruyaf.

Sa cliente : une jeune bachelière aujourd’hui âgée de 18 ans qui était présente à la cour d’assises de Bobigny ce mercredi matin, au procès de ses violeurs présumés. Une audience prévue jusqu’au 8 avril qui se tiendra à huis clos puisque les accusés étaient eux aussi mineurs pour la plupart en 2013. Treize garçons, de 16 à 19 ans à l’époque, encourent vingt ans de réclusion pour viol en réunion. Le quatorzième est poursuivi pour menaces de mort, accusé d’avoir promis à la victime sur Twitter de lui crever les yeux si elle ne retirait pas sa plainte.

Un piège similaire lui avait été tendu par le passé

Le 7 décembre 2013, l’adolescente de 16 ans se rendait à Sevran pour rejoindre un « ami ». En l’attendant au pied des immeubles du quartier Rougemont, elle s’est fait voler son portable par des jeunes. D’autres l’ont convaincue qu’ils pouvaient l’aider à le récupérer. Elle connaissait l’un d’eux. Confiante, elle les a suivis. Jusqu’à ce que la porte d’un squat se referme derrière elle. Quatre, puis une dizaine de garçons l’ont violée à tour de rôle dans ce squat surnommé Tom-tom par les utilisateurs, puis dans un ou deux escaliers de la cité.

Dans son récit, elle a fourni des descriptions précises à la brigade des mineurs de Seine-Saint-Denis, décrit la violence de certains, rapporté les rires des autres et cité cette phrase entendue : « On sait que tu n’es pas d’accord mais tu es chez nous et tu le feras quand même. » Elle n’a pas caché non plus aux enquêteurs qu’elle était déjà « tombée dans un piège » similaire auparavant, en acceptant une fellation en échange de son téléphone déjà volé une première fois.

Des suspects ont été confondus par leur ADN dans les semaines qui ont suivi. Une seconde vague d’arrestations a eu lieu en février 2014. Certains ont admis des « rapports sexuels consentis » avec « une fille facile », d’autres ont nié. Seize adolescents ont été arrêtés, dix incarcérés jusqu’au procès. Les deux plus jeunes, qui avaient moins de 16 ans, ont été jugés et condamnés en décembre par le tribunal pour enfants à six et quatre ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve.

« On est dans un contexte de perte de repères totale, de part et d’autre », commente une avocate de la défense. La prise de conscience sera l’un des enjeux des débats. « La question qui se pose dans ce genre de dossier, précisément lorsqu’il s’agit de mineurs, c’est la perception ou non du consentement de la victime, dans le cadre d’un effet de groupe et d’une déshumanisation du sexe », estime Stéphane Maugendre, avocat d’un accusé.

⇒ Voir l’article

Viol collectif dans une cité de Sevran : 13 jeunes jugés à Bobigny

logo metro 29/03/2016

000_Par7383171-(1)A compter de mercredi 30 mars, treize jeunes, âgés de 19 à 22 ans, vont comparaître devant les assises des mineurs de Saint-Denis pour le viol collectif d’une jeune fille survenu le 7 décembre 2013. L’enquête a révélé que ces jeunes, tous mineurs au moment des faits, avaient tendu un véritable piège à l’adolescente.

13 jeunes jugés pour un viol collectif dans une cage d’escalier

europe1_beta 28/03/2016

La jeune fille avait été piégée en décembre 2013 par une dizaine de jeunes, alors âgés de 16 à 19 ans, d’une cité de Sevran.

Ils avaient tendu un « piège » à une jeune fille de 16 ans en l’attirant dans une cage d’escalier avant de la violer à tour de rôle : 13 jeunes de 19 à 22 ans seront jugés à partir de mercredi par la cour d’assises des mineurs de Seine-Saint-Denis.

Viol collectif. Le 7 décembre 2013, la jeune fille attend son ex-petit ami en bas d’un HLM de la cité Rougemont à Sevran quand elle se fait voler son portable par deux individus cagoulés. Peu après, trois jeunes de la cité qu’elle connaît viennent la trouver pour lui dire qu’ils peuvent l’aider à le récupérer. Sans se douter de ce qui l’attend, la jeune fille, originaire d’un autre département francilien, les suit jusque dans un appartement qui se révèle être un squat. Là, dans une chambre obscure, se trouvent quatre adolescents, vautrés sur un canapé. L’un bloque la porte avec un meuble. Violée une première fois, elle est ensuite conduite dans une cage d’escalier d’un autre bâtiment de cette cité sensible où une dizaine de jeunes attendent leur tour pour la forcer à pratiquer une fellation ou à se soumettre à un rapport sexuel.

Seize mises en examen. Accompagnée de sa mère, la jeune fille avait porté plainte le lendemain. Elle admettait avoir, deux ans auparavant, consenti à faire des fellations à certains de ses agresseurs pour récupérer son portable volé. Elle se reprochait sa « naïveté » et s’en voulait d’être tombée deux fois dans le même piège. Rapidement identifiés par la victime et par leur ADN, seize adolescents de la cité, âgés de 14 à 19 ans, avaient été mis en examen fin janvier 2014.

Piégée. Pendant l’enquête, les suspects avaient allégué que la victime, décrite comme une « fille facile », était consentante, mais l’analyse du contenu des appels échangés entre les membres de la bande avait permis d’établir qu’un piège lui avait bien été tendu. Ainsi, l’information selon laquelle une fille « tournait » dans la cité avait rapidement circulé.

Menaces sur Twitter. Sur les 16 mis en examen, deux qui avaient moins de 16 ans au moment des faits ont été condamnés en juillet à six ans de prison (dont deux et quatre ans de sursis) par le tribunal pour enfants de Bobigny. Un autre sera jugé séparément pour avoir menacé la jeune fille sur Twitter de lui « crever les yeux » si elle ne retirait pas sa plainte. Quant aux 13 restants, onze seront jugés pour « viol en réunion » et deux pour « complicité » lors de ce procès qui doit durer jusqu’au 8 avril. Neuf d’entre eux sont en détention provisoire.

⇒ Voir l’article

Treize jeunes jugés à Bobigny pour un viol collectif dans une cage d’escalier en 2013

Paris Normandie.fr, 28/03/2016

image_content_general_20332863_20160328191921Ils avaient tendu un « piège » à une jeune fille de 16 ans en l’attirant dans une cage d’escalier avant de la violer à tour de rôle : 13 jeunes de 19 à 22 ans seront jugés à partir de demain par la cour d’assises des mineurs de Seine-Saint-Denis, à Bobigny.

Le 7 décembre 2013, la jeune fille attend son ex-petit ami en bas d’un HLM de la cité Rougemont à Sevran quand elle se fait voler son portable par deux individus cagoulés.

Peu après, trois jeunes de la cité qu’elle connaît viennent la trouver pour lui dire qu’ils peuvent l’aider à le récupérer. Sans se douter de ce qui l’attend, la jeune fille, originaire d’un autre département francilien, les suit jusque dans un appartement qui se révèle être un squat. Là, dans une chambre obscure, se trouvent quatre adolescents, vautrés sur un canapé. L’un bloque la porte avec un meuble. Violée une première fois, elle est ensuite conduite dans une cage d’escalier d’un autre bâtiment de cette cité sensible où une dizaine de jeunes attendent leur tour pour la forcer à pratiquer une fellation ou à se soumettre à un rapport sexuel.

Accompagnée de sa mère, la jeune fille avait porté plainte le lendemain.

« Une jeune fille complètement détruite »

Elle admettait avoir, deux ans auparavant, consenti à faire des fellations à certains de ses agresseurs pour récupérer son portable volé. Elle se reprochait sa « naïveté » et s’en voulait d’être tombée deux fois dans le même piège.

Rapidement identifiés par la victime et par leur ADN, seize adolescents de la cité, âgés de 14 à 19 ans, avaient été mis en examen fin janvier 2014.

Pendant l’enquête, les suspects avaient allégué que la victime, décrite comme une « fille facile », était consentante, mais l’analyse du contenu des appels échangés entre les membres de la bande avait permis d’établir qu’un piège lui avait bien été tendu. Ainsi, l’information selon laquelle une fille « tournait » dans la cité avait rapidement circulé.

« C’est une jeune fille complètement détruite, qui espère que ses agresseurs reconnaîtront qu’elle n’était pas consentante », a indiqué Me Élodie Bruyaf pour la partie civile.

Ce procès « va être une très grosse épreuve mais elle a accepté de parler pour les autres qui n’osent pas parler », a-t-elle ajouté. Ce procès « va être une très grosse épreuve mais elle a accepté de parler pour les autres qui n’osent pas parler », a-t-elle ajouté.

« La question qui se pose dans ce genre de dossiers où l’on a affaire à des mineurs, c’est la perception ou non du consentement de la victime. Pas forcément les premiers auteurs, mais les autres peuvent être induits en erreur par l’attitude de sidération de la victime », a réagi de son côté Stéphane Maugendre, l’un des avocats des accusés. Le procès doit durer jusqu’au 8 avril.

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Avocat