Archives de catégorie : droit des victimes

Pour la première fois, un viol reconnu comme «lesbophobe» aux assises

par LIBERATION et AFP, publié le 28 mai 2021 à 21h45

Un homme de 25 ans a été condamné ce vendredi en appel par la cour d’assises de Paris à 14 ans de réclusion criminelle pour «viol en raison de l’orientation sexuelle» sur une personne lesbienne, à l’issue d’un procès qui fera date.

C’est une «première historique» selon l’avocat de la victime et les militantes lesbiennes : ce vendredi, la cour d’assises de Paris a condamné un homme à 14 ans de réclusion criminelle pour «viol en raison de l’orientation sexuelle» sur une femme homosexuelle.

En mars 2020, l’agresseur de Jeanne (1) avait été condamné à 15 ans par la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis. Sauf que la circonstance aggravante de l’homophobie n’avait pas été retenue. Cette fois, les jurés et les juges ont estimé qu’il s’agissait d’un viol lesbophobe, notamment car l’accusé, âgé de 25 ans, «connaissait dès le début de leur rencontre l’orientation sexuelle» de sa victime. La peine prononcée en appel est légèrement plus faible du fait des aveux de l’accusé sur le viol et les violences : Jeanne, dont l’ensemble du corps présentait de «très nombreuses plaies et ecchymoses», avait notamment eu un tympan perforé.

Au petit matin du 8 octobre 2017, il l’avait violée, violentée et humiliée pendant plus d’une heure dans le huis-clos de son appartement de Saint-Ouen (Saine-Saint-Denis), où la femme de 34 ans avait refusé d’avoir une relation sexuelle après une rencontre et un flirt dans les rues de Paris.

«Il voulait me nier en tant que lesbienne»

La cour s’est également appuyée sur le témoignage de la jeune femme, qui avait relaté à de multiples reprises la phrase lancée en guise d’avertissement par son agresseur : «Tu kiffes les meufs ? Eh bien je vais te faire kiffer.»

La reconnaissance du caractère lesbophobe de cette agression «était le plus important pour moi, a réagi Jeanne à l’issue du procès. Le viol était nourri par ça, il voulait me nier en tant que lesbienne, me punir. Au premier procès, j’avais été niée une deuxième fois par la justice, la société, dans mon identité, c’était ça le plus dur.»

Ce dernier a toutefois persisté à affirmer «ne pas avoir de problème» avec son homosexualité. «T’as compris ? Tu feras moins ta conne maintenant ?» aurait-il pourtant lancé à Jeanne après l’avoir violée. «Il était hors du temps, gavé de cocaïne et d’alcool, il ne savait pas ce qu’il faisait», a dit son avocat, Paul de Bomy, à l’issue du verdict.

«Viol punitif»

«Emu et fier», l’avocat de Jeanne, Stéphane Maugendre, a de son côté estimé que cette condamnation, «une première historique», était aussi «l’aboutissement du procès d’Aix-en-Provence» de 1978. Lors de ce procès, les trois agresseurs d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, un couple de lesbiennes, avaient été condamnés au terme d’un combat mené par leur avocate, Gisèle Halimi, qui avait abouti à une redéfinition légale du viol.

«Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont extrêmement exposées aux violences et agressions sexuelles» en raison de «la haine et du mépris liés à l’orientation sexuelle, mais aussi de la perception misogyne selon laquelle les femmes sont des objets, et surtout des objets sexuels», a réagi Silvia Casalino, codirectrice de l’EuroCentralAsian Lesbian* Community. «Il s’ajoute aussi la conviction que les femmes qui n’ont pas de relations sexuelles avec des hommes sont malades, anormales et doivent être corrigées», ajoute la militante.

A ses yeux, la décision de la cour d’appel, qui pourrait constituer une première en Europe, selon les informations de son réseau militant, «est très importante et envoie un signal clair aux Etats européens qui sont aujourd’hui en train de discuter l’introduction de mesures pour prévenir les crimes de haine contre les personnes LGBTI».

«4 % des femmes hétérosexuelles disent avoir été victimes de viol, contre 10 % des femmes lesbiennes. On ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre», avait insisté l’avocate générale lors du premier procès, en 2020 à Bobigny. «Le viol punitif est quelque chose de courant, mais il y a très peu de dépôts de plaintes, affirme Lucile Jomat, présidente de SOS Homophobie. J’espère que la justice continuera comme ça, pour celles qui ont le courage de porter plainte.»

(1) Le prénom a été modifié à la demande de la victime.

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Le procès du serial violeur dit «l’électricien» s’ouvre ce jeudi

logoParisien-292x75 Pascale Egré, 30/03/2016

LP/Arnaud Dumontier
LP/Arnaud Dumontier

Il ciblait des petites filles, innocentes et polies, qu’il arrivait à convaincre de le suivre sous prétexte de l’aider à enlever la vis d’un compteur ou à changer une ampoule. Là, dans les étages des escaliers d’immeubles des beaux quartiers de Paris, l’homme leur faisait subir ses attouchements, parfois jusqu’au viol.

A ses proies terrorisées, il laissait parfois une pièce de 10 francs ou giflait celles dont les pleurs l’agaçaient. Dès les premières plaintes à l’encontre de ce pédophile au mode opératoire singulier, en 1990, les policiers de la Brigade des mineurs de Paris lui ont donné un surnom : « l’électricien ». Sa traque, acharnée, n’aboutira que vingt-deux ans plus tard, notamment grâce aux progrès de la science en matière d’ADN.

Confondu en 2012, après avoir été repéré dans une affaire de violences entre voisins, Giovanni Costa, âgé de 77 ans, prendra place ce jeudi dans le box de la cour d’assises de Paris. Son procès est prévu jusqu’au 11 avril. L’enquête, minutieuse, a recensé plus d’une trentaine de victimes, âgées de 6 à 13 ans, entre 1990 et 2003. In fine, du fait de la prescription, huit viols, une tentative de viol et une quinzaine d’agressions sexuelles sur mineurs ont été retenus à son encontre. « Je ne suis pas un violeur », n’a cessé d’affirmer lors de ses interrogatoires cet Italien né en Sicile et au parcours d’errance.

Véhément, grossier, il n’a admis avoir usé de la « technique de l’électricien » que pour commettre des cambriolages. A l’expert psychiatre, il s’est dit la cible d’un « complot ». Son comportement, craint une source judiciaire, risque de peser sur le cours du procès. Sa défense sera assurée par Mes Clémence Cottineau et Merabi Murgulia, deux secrétaires de la conférence.

« Une reconnaissance de sa parole d’enfant »

Durant l’instruction, seules quelques-unes des victimes, toutes retrouvées et réinterrogées par la justice après l’arrestation du suspect en 2012, s’étaient constituées parties civiles. Ainsi de Marie*, âgée de 9 ans au moment des faits, qui y avait tenu « pour celles qui n’en n’avaient pas la force ou le courage », explique son avocate Me Beryl Brown. Au prix d’un travail de thérapie face à la résurgence d’un lourd traumatisme, d’autres, comme Chloée*, y sont désormais décidées. « Elle est terrorisée mais déterminée. Elle espère une reconnaissance de sa parole d’enfant, et de pouvoir faire enfin le deuil de cette histoire », explique son avocat Me Stéphane Maugendre. Ces femmes, pour la plupart trentenaires, devenues parfois mères de famille, ont construit leurs vies malgré les répercussions de ce drame de l’enfance.

Me Maugendre salue « un dossier emblématique » en ce qu’il mêle débats sur la prescription en matière de viols sur mineurs, avancées de la science criminelle, détermination des enquêteurs. A ses yeux, ce procès constitue « un signal à tous les agresseurs d’enfants » : « Il leur dit qu’ils ne seront plus jamais dans l’impunité. »

* les prénoms ont été modifiés

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Migrants abandonnés en mer. Qui est responsable ?

frnce inter Lorélie Carrive, 10/08/2015

© MaxPPP/ZumaPress.com/Ropi – 2015

Une ONG française a obtienu l’ouverture d’une enquête sur un bateau français de l’OTAN qui aurait laissé mourir des migrants au large de la Libye en 2011.

La semaine dernière encore, 200 personnes sont mortes noyées au large de la Libye. Des ONG et associations se battent pour que soit reconnue la responsabilité des États dans ces drames de l’immigration.

C’est le cas du GISTI. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés demande à ce que la lumière soit faite sur la mort, il y a quatre ans, de 63 migrants.

Si le Gisti a choisi ce naufrage en particulier, c’est parce qu’il y a eu des témoins, affirme l’association, qui n’ont rien fait. Le  zodiac qui transportait des migrants va rester à la dérive, sans recevoir aucun secours. Seuls neuf des 72 passagers ont survécu. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé recevable une plainte contre X

Les explications de Lorélie Carrive

 Selon un dernier bilan du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), quelque 224.000 migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis le début de l’année – 98.000 en Italie et 124.000 en Grèce – et plus de 2.100 autres ont trouvé la mort en tentant la traversée.

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Dix ans après l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra, autopsie d’un procès malmené

Ce film sur Ali Ziri, mort après un contrôle de police, n’attend que vous pour exister

rue89-logo  Camille Polloni, 16/02/2015

L’appel aux dons a tourné par e-mail, via Twitter et sur quelques sites militants, comme Paris-luttes.info. Depuis mercredi dernier, il a aussi sa page sur KissKissBankBank, pour deux mois. Discrètement, sans faire trop de bruit, un documentaire essaie de voir le jour : « Qui a tué Ali Ziri ? », de Luc Decaster.

Affaire en cours

En décembre dernier, après de multiples rebondissements – une « guerre d’usure », pour reprendre l’expression de Mediapart –, la cour d’appel de Rennes a confirmé le non-lieu sur la mort d’Ali Ziri. Alors que la famille et même l’avocat général demandaient la réouverture de l’instruction, il n’y aura ni reconstitution, ni accès à la vidéosurveillance du commissariat, ni audition des policiers présents ce jour-là. L’avocat de la famille, Stéphane Maugendre, s’est de nouveau pourvu en cassation.

Sur les 15 000 euros demandés, le projet a récolté 2 520 euros en cinq jours. Ce film de 90 minutes revient sur une histoire déjà presque oubliée, celle d’un retraité algérien de 69 ans tombé dans le coma lors de son interpellation par la police après un contrôle routier, et mort deux jours plus tard à l’hôpital d’Argenteuil (Val-d’Oise). C’était en 2009. L’état d’alcoolémie d’Ali Ziri et des problèmes cardiaques ont été invoqués pour expliquer son décès.

Mais depuis six ans, ses proches et le collectif constitué en sa mémoire espèrent faire reconnaître qu’Ali Ziri a été victime de violences policières – comme l’indiquent les hématomes qui couvraient son corps – et d’un « pliage » illégal dans le fourgon de police.

« Dès la première manifestation »

Le réalisateur Luc Decaster est un témoin privilégié de la mobilisation pour Ali Ziri et de ces péripéties judiciaires. Habitant d’Argenteuil et membre du collectif, il a filmé « dès la première manifestation » , raconte son producteur, Michel David. En assumant un regard de l’intérieur, sans prétendre rester neutre.

Dans la fiche de présentation du film, décrit comme « étouffé » de la même manière que son sujet, Luc Decaster « s’attache à représenter ce qu’une telle affaire suscite à l’intérieur d’une ville de banlieue ordinaire ». Il montre « les nombreuses actions dans la rue, les réunions internes du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri, ainsi que les longues discussions avec les avocats, dans les halls des palais de justice ».

Le montage est déjà fait. La collecte vise à terminer la post-production, l’étalonnage et le mixage, pour pouvoir distribuer le documentaire en salle.

La boîte de production de Michel David, Zeugma Films, a pourtant l’habitude de trouver des financements (même si c’est rarement facile). Elle a déjà travaillé avec Luc Decaster, réalisateur de trois films militants auparavant, qui lui ont attiré de bonnes critiques.

« On ne pensait pas que ça bloquerait »

A lire l’appel aux dons, qui parle de « censure financière », on se dit que le sujet du film a hérissé le poil des mécènes potentiels. Il y a peut-être de ça, mais Michel David se montre quand même assez mesuré, en évoquant un concours de circonstances « politique » et « administratif ».

« La difficulté inhérente à ce film, et ça, personne n’y peut rien, c’est que le tournage s’est déroulé sur plusieurs années. Luc tournait tout seul, de manière militante, il ne se payait pas.

Nous n’avions pas demandé d’avances sur recettes avant de réaliser, mais nous pensions le faire au moment du montage. C’est l’une des possibilités et on ne pensait pas que ça bloquerait. Seulement, le CNC [Centre national du cinéma et de l’image animée, ndlr] a changé ses règles il y a deux ans environ. Pour pouvoir postuler à ces aides, il faut désormais obtenir un agrément, en montrant que des salaires ont été payés, que des frais ont été engagés. »

Faute de financement du CNC, poursuit Michel David, l’équipe s’est donc tournée vers la région Ile-de-France pour obtenir une aide à la post-production.

« Ils n’ont pas accepté le film. On ne connaît jamais les raisons des refus. »

Le financement participatif, un palliatif

Le « crowdfunding », ou financement participatif, est donc apparu comme une réponse à la disette, surtout que le producteur en avait eu un premier aperçu réussi le mois dernier. Un premier appel au don de 50 000 euros sur KissKissBankBank, pour un film sur le conflit israélo-palestinien réalisé par Marcel Ophüls et Eyal Sivan, a rempli sa mission à 111%.

Michel David s’est dit qu’un film sur Ali Ziri « trouverait un public dans les réseaux très militants, qui comprendraient l’intérêt de cette histoire de violences policières, et voudraient qu’il sorte en salles ».

De fait, le démarrage est plutôt bon, mais le producteur ne veut pas s’emballer :

« L’expérience précédente nous a prouvé qu’au milieu de la collecte, il y a un creux. Il faut relancer les appels aux dons tous les cinq ou six jours.

Depuis un an et demi ou deux ans, je me retrouve avec de moins en moins d’investissement public, notamment d’Arte, même si j’ai de très bonnes relations avec eux. »

Luc Decaster, lui, salue son « producteur courageux », qui l’a soutenu et rémunérera lui-même la monteuse, mais trouve « anormal » de devoir faire appel au public :

« Ce n’est pas un modèle. Nous serons de plus en plus amenés à fonctionner de cette manière, je ne suis pas le seul. »

Ali Ziri non plus n’est pas le seul, mais il trouvera peut-être des spectateurs déterminés à faire exister au moins l’une de ces histoires d’hommes morts aux mains de la police, qui font beaucoup moins parler d’elles en France qu’aux Etats-Unis.

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Aller plus loin

Pour Ali Ziri, ils ne lâchent rien

newlogohumanitefr-20140407-434 Ixchel Delaporte, 15/12/2014

La cour d’appel de Rennes a confirmé, vendredi, le non-lieu dans l’affaire du retraité algérien, mort après son interpellation policière.

«Ali Ziri aurait pu être mon père », lâche Omar Slaouti, professeur de physique et membre du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri. Ce retraité algérien de soixante-neuf ans faisait de fréquents allers -retours entre son village natal d’Ouled Rached et sa chambre de 7,50 mètres carrés du foyer ex-Sonacotra d’Argenteuil (Val-d’Oise). Le 9 juin, Ali Ziri et son ami Arezki Kerfali sont arrêtés, avenue Jeanne-d’Arc à Argenteuil, par trois jeunes policiers. Ali, assis côté passager, proteste. Le ton monte. Les deux hommes, un peu éméchés, se retrouvent face contre terre, menottés puis embarqués dans la voiture de police en direction du commissariat. À l’arrière, un des policiers exerce sur Ali Ziri une méthode de contention non autorisée par les règles d’intervention de la police. À l’arrivée, il est violemment extrait du fourgon. Son crâne percute le sol. Il pèse « lourd », dira un policier. Gardé à vue pendant quelques heures, il est finalement transporté à l’hôpital, où il décède deux jours plus tard.

Les carences de l’instruction

Que s’est-il passé entre le contrôle de police, l’arrivée au commissariat et le transfert à l’hôpital ? Comment est-il mort ? Qui a tué Ali Ziri ? Un flot de questions lancinantes qui hantent, depuis cinq ans, ceux qui se battent pied à pied pour éclaircir les circonstances de cette mort. Vendredi dernier, une fois de plus, le parquet de Rennes a prononcé un non-lieu, malgré les carences manifestes de l’instruction. « C’est une lecture partiale du dossier que nous regrettons. Quand un décès survient dans les mains de la police, il faut une transparence maximale. Or, ici, l’instruction n’a ni procédé à l’audition des policiers en cause, ni reconstitué les faits. Nous allons à nouveau nous pourvoir en cassation et s’il le faut nous mènerons l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme », assure Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille.

D’usage disproportionné de la force, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et, sur ce point, le collectif n’a jamais lâché. Alors que police et gendarmerie ont refusé le dépôt de plainte de la famille, les militants parviennent, en juillet 2009, à faire ouvrir, par le procureur du tribunal de grande instance de Pontoise, une information judiciaire pour homicide involontaire contre X. Deux semaines plus tard, l’affaire est classée sans suite. La famille se constitue partie civile et réclame une nouvelle autopsie. La première concluait à une mort naturelle. Les deuxième et troisième, pratiquées par l’Institut médico-légal de Paris en 2010, relèveront vingt-sept hématomes, confirmant qu’« Ali Ziri est mort suite à un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique, généré par suffocation et appui postérieur dorsal ». Deux ans après, une plaque à la mémoire du retraité est posée sur les lieux de l’arrestation. Aussitôt retirée sous la pression des syndicats de police et du ministère de l’Intérieur. La même année, l’ex-CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) considère que les policiers ont fait « un usage disproportionné de la force » avec « un traitement inhumain et dégradant ». Qu’importe. En janvier 2012, le procureur de Pontoise requiert un non-lieu, confirmé en octobre 2012 par la cour d’appel de Versailles.

Malgré ces revers judiciaires, c’est sans relâche que chaque année, depuis cinq ans, le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri rend hommage à cet immigré algérien, arrivé en France en 1959, pour travailler comme manutentionnaire. « C’était un chibani parmi tant d’autres, qui tapait le domino au café le week-end. Il ne sortait jamais sans sa cravate. Toujours bien habillé et serviable. Au foyer, il faisait écrivain public car il savait lire et écrire », raconte Arezki Semache, une des chevilles ouvrières du collectif. « Entre son arrestation et son décès, il y a plein de points d’interrogation et un immense sentiment d’injustice », poursuit Omar Slaouti.

Une forte mobilisation citoyenne

Pour les chibanis d’Argenteuil, la mort d’Ali Ziri demeure insoutenable. « La police voulait le passeport d’Ali. Il était hors de question de le donner pour étouffer l’affaire. C’est une question de dignité », s’emporte Arezki 
Semache, originaire du village kabyle d’Ouled Rached. Dès le 15 juin, une première réunion d’urgence rassemble des militants associatifs, des résidents du foyer de travailleurs et des proches. Le collectif prend forme. « Je suis issu d’un père immigré qui ne m’a pas vu grandir parce qu’il a travaillé en France toute sa vie pour me nourrir. Je ne pouvais pas me taire. » Le 24 juin, une manifestation rassemble mille deux cents personnes à Argenteuil pour rendre hommage au retraité et réclamer justice. « C’était une marche silencieuse et digne. Ça a été un choc pour la ville », souligne Luc Decaster, cinéaste, membre du collectif, qui a filmé la mobilisation citoyenne (1). C’est cette manifestation-là qui a fait descendre dans la rue Élise Languin, professeur d’histoire à la retraite. « Je faisais du soutien scolaire à l’ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France) d’Argenteuil. Mais je n’avais jamais entendu parler d’Ali Ziri. Quand j’ai vu passer toutes ces personnes, j’ai rejoint le collectif. Je n’arrive toujours pas à imaginer que deux retraités de soixante et un et soixante-neuf ans aient pu subir un tel déchaînement de violence. Comment les jeunes policiers, qui avaient moins de vingt-cinq ans au moment des faits, ont-ils pu se sentir menacés ? C’est insensé. »

(1) Luc Decaster a réalisé un film, 
Qui a tué Ali Ziri ?, dont la sortie est prévue 
en 2015

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Mort de migrants en Méditerranée : la cour d’appel de Paris ordonne une enquête

La cour d’appel de Paris a ordonné une enquête sur la mort en Méditerranée de 63 migrants qui fuyaient la Libye en guerre en 2011, un drame dans lequel l’armée française est mise en cause, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour rallier l’Europe, avaient déposé en juin 2013 à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour « non-assistance à personne en danger ».

Soutenus par quatre ONG (Migreurop, FIDH, LDH et Gisti), ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, une juge d’instruction avait rendu en décembre une ordonnance de non-lieu ab initio – c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations. Elle avait estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue, en se fondant notamment sur les résultats de démarches entreprises auprès du ministère de la Défense par le parquet après une première plainte classée en novembre 2012.

Saisie d’un appel des plaignants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a infirmé mardi cette ordonnance, contre l’avis du parquet général. Elle a jugé « prématuré » d’affirmer qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre un quelconque militaire français et renvoyé l’enquête à la juge d’instruction, selon la source proche du dossier.

« C’est une très grande satisfaction, a réagi Me Stéphane Maugendre, avocat des rescapés et du Gisti. Nous voulons comprendre pourquoi le canot a été notamment survolé par un avion militaire et des hélicoptères, mais pas secouru ».

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes. À court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

Les naufragés étaient également parvenus à l’aide d’un téléphone satellitaire à avertir le responsable d’une association italienne qui avait à son tour alerté les garde-côtes italiens, lesquels avaient relayé l’appel de détresse à l’ensemble des navires circulant dans la zone, mais également au quartier général de l’Otan à Naples (Italie), selon la plainte.

Dans son arrêt, la cour d’appel demande des vérifications pour déterminer notamment la position du navire d’où opérait l’avion qui aurait photographié les migrants, vérifier s’il a réceptionné l’appel de détresse relayé par le centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome, et comprendre, le cas échéant, pourquoi il n’a pas porté secours aux naufragés, selon la source proche du dossier.

« Cette décision sonne comme un avertissement adressé à l’Union européenne et à ses États membres qui s’emploient à dresser toutes sortes d’obstacles (…) au franchissement des frontières par des migrants jugés indésirables aussi longtemps qu’ils n’ont pas été « choisis » », ont estimé dans un communiqué les quatre associations.

« L’accumulation de dispositifs aussi coûteux que sophistiqués ne dissuade pas les candidats au départ mais les contraint seulement à recourir à des voies de plus en plus dangereuses pour gagner l’Europe », ajoutent-elles.

Mort de migrants en Méditerranée : la cour d’appel de Paris ordonne une enquête

Embarcation de migrants en Méditerranée. (Photo d'archives DR)

Embarcation de migrants en Méditerranée. (Photo d’archives DR)

 

La cour d’appel de Paris a ordonné une enquête sur la mort en Méditerranée de 63 migrants qui fuyaient la Libye en guerre en 2011, un drame dans lequel l’armée française est mise en cause, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour rallier l’Europe, avaient déposé en juin 2013 à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour « non-assistance à personne en danger ».

Soutenus par quatre ONG (Migreurop, FIDH, LDH et Gisti), ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, une juge d’instruction avait rendu en décembre une ordonnance de non-lieu ab initio – c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations. Elle avait estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue, en se fondant notamment sur les résultats de démarches entreprises auprès du ministère de la Défense par le parquet après une première plainte classée en novembre 2012.

Saisie d’un appel des plaignants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a infirmé mardi cette ordonnance, contre l’avis du parquet général. Elle a jugé « prématuré » d’affirmer qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre un quelconque militaire français et renvoyé l’enquête à la juge d’instruction, selon la source proche du dossier.

« C’est une très grande satisfaction, a réagi Me Stéphane Maugendre, avocat des rescapés et du Gisti. Nous voulons comprendre pourquoi le canot a été notamment survolé par un avion militaire et des hélicoptères, mais pas secouru ».

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes. À court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

Les naufragés étaient également parvenus à l’aide d’un téléphone satellitaire à avertir le responsable d’une association italienne qui avait à son tour alerté les garde-côtes italiens, lesquels avaient relayé l’appel de détresse à l’ensemble des navires circulant dans la zone, mais également au quartier général de l’Otan à Naples (Italie), selon la plainte.

Dans son arrêt, la cour d’appel demande des vérifications pour déterminer notamment la position du navire d’où opérait l’avion qui aurait photographié les migrants, vérifier s’il a réceptionné l’appel de détresse relayé par le centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome, et comprendre, le cas échéant, pourquoi il n’a pas porté secours aux naufragés, selon la source proche du dossier.

« Cette décision sonne comme un avertissement adressé à l’Union européenne et à ses États membres qui s’emploient à dresser toutes sortes d’obstacles (…) au franchissement des frontières par des migrants jugés indésirables aussi longtemps qu’ils n’ont pas été « choisis » », ont estimé dans un communiqué les quatre associations.

« L’accumulation de dispositifs aussi coûteux que sophistiqués ne dissuade pas les candidats au départ mais les contraint seulement à recourir à des voies de plus en plus dangereuses pour gagner l’Europe », ajoutent-elles.

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