Circulaire Valls sur les sans papiers: « un choix politique a minima »

200px-La_Vie propos recueillis par Corine Chabaud, 04/12/12

Le 3 décembre, la circulaire de Manuel Valls qui définit de nouveaux critères de régularisation des sans-papiers est entrée en application. Si le Ministre de l’Intérieur en est satisfait, les associations se montrent plutôt critiques et dénoncent « un manque de courage du gouvernement ». Interview de l’avocat Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Que penser de cette circulaire ?

Elle est le fruit d’une décision ministérielle. Donc elle n’est pas opposable à l’administration, contrairement à une loi. Cela signifie qu’il reste une grande place pour l’arbitraire dans les décisions des préfets, même si ceux-ci a priori obéissent au ministre. Il y a beaucoup de verbiage dans ce texte, beaucoup de « pourront », de « peut-être », qui montrent la latitude d’appréciation laissée aux préfets. Et beaucoup de critères sont tirés de la jurisprudence. Bref, il n’y a rien de révolutionnaire.

Lors de sa présentation, Manuel Valls a annoncé qu’il n’y aurait pas plus de régularisations qu’avant, soit environ 30 000 par an. Cela signifie aussi que l’on ne régularisera les gens visés par la circulaire que dans cette limite numérique. On travaillera à chiffres constants, quitte à négliger certains critères nouveaux.

Enfin, la circulaire survient alors qu’une réforme parlementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) est en cours, de même qu’une autre réforme sur la garde à vue des étrangers. Ces réformes donneront lieu à une mission parlementaire lors du premier trimestre 2013 et un projet de loi sera débattu au Parlement au deuxième trimestre 2013. Cela veut dire que l’on ne veut pas faire des critères sur la régularisation des sans-papiers des critères légaux. Le gouvernement prétend qu’ils sont justes mais exigeants. Son discours est un peu dans la ligne d’un Brice Hortefeux : « sévères mains humains ». C’est un choix politique a minima.

Il y a bien des avancées concrètes ?

La régularisation des parents d’enfants scolarisés, alors que les deux parents étaient jusque là en situation irrégulière, est positive. Au lieu de dix ans, il faudra à présent justifier de cinq ans de présence sur le territoire pour prétendre à une régularisation, mais les enfants devront être scolarisés depuis au moins trois ans. L’ouverture du regroupement familial pour un conjoint d’étranger sur place représente aussi une évolution importante. Avant, le conjoint qui était en France était forcé de repartir pour attendre un visa et une régularisation dans son pays par le biais du regroupement familial. Désormais, il pourra rester en France et sera régularisé ici, à condition qu’il vive en France depuis déjà cinq ans et que la durée de vie commune du couple soit d’au moins un an et demi.

Pour le salarié, il n’a plus à justifier de douze mois de travail chez le même employeur. Il doit prouver une ancienneté de 8 à 30 mois mais peut avoir changé d’employeur. Les jeunes adultes arrivés avant 16 ans, et non plus 13 ans, pourront recevoir des papiers. Pour les lycéens de 18 ans, les critères sont flous, hélas : ils bénéficieront d’un titre de séjour s’ils peuvent prouver deux ans de scolarisation « assidue et sérieuse ». Là aussi, il seront soumis à l’arbitraire et au cas par cas.

Pouvait-on s’attendre à une régularisation massive ?

Non. D’une part parce que la proposition ne figurait pas dans le programme socialiste. (Après 1981, 131000 étrangers avaient été régularisés, et 80000 en 1997 sous Lionel Jospin, ndlr). D’autre part parce que ce qui avait été annoncé, le droit de vote des étrangers aux élections locales, a fait l’objet d’une reculade, comme cela avait déjà été le cas en 1981. Au Gisti, nous estimons que la politique d’immigration telle qu’elle est envisagée depuis trente ans, en termes de peur d’une invasion, relève du fantasme.

Rien n’empêche les populations des pays pauvres de rejoindre les pays riches. D’ailleurs, ne voit-on pas des nationaux de l’Hexagone migrer eux-mêmes vers des pays dont la situation économique est meilleure ? La fermeture des frontières est un concept difficile à comprendre. Quand on voit des pays s’ouvrir à la démocratie, comme lors des printemps arabes, on pourrait imaginer une politique d’accueil plus généreuse, ne serait-ce que pour éviter que ces pays retombent dans des régimes totalitaires. Or on laisse des hommes et des femmes se noyer en Méditerranée ou rejoindre Lampedusa dans des conditions périlleuses. C’est incompréhensible.

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