Archives de catégorie : Nationalité

La nationalité au mérite, mode d’emploi ?

DÉCRYPTAGE

Armando est menuisier, meilleur apprenti de France dans sa discipline. Nura est le père d’un champion d’échecs. Mohamed et Mohssen ont sauvé plusieurs personnes dans l’incendie d’un immeuble d’Aubervilliers. Leur point commun ? Ils étaient sans-papiers et ont reçu un titre de séjour pour leurs états de service, ou ceux de leurs proches. Existe-t-il une «régularisation au mérite» ?

Etat des usages en vigueur.

Qui est Armando Curri ?

Cet Albanais de 19 ans a reçu mercredi sa médaille de meilleur apprenti menuisier de France au Sénat, alors que cette cérémonie lui avait été refusée dans un premier temps, en raison de sa situation irrégulière. Mais devant la mobilisation de ses formateurs et l’écho médiatique suscité par l’affaire, le préfet de la Loire, où réside Armando, a abrogé l’obligation de quitter le territoire français qui le frappait depuis octobre pour lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de trois mois. Ce délai lui permettra de poursuivre ses démarches afin de régulariser sa situation. Il devrait bénéficier d’une disposition de la circulaire Valls de 2012, portant sur «l’admission au titre de motifs exceptionnels».

Quels sont ces motifs ?

Un étranger en situation irrégulière peut obtenir des papiers s’il justifie «d’un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique)». La circulaire n’a aucun pouvoir d’obligation pour les préfectures. Au final, ce type de régularisation est rarissime : 14 cas en 2013, autant en 2014.

Faut-il aller plus loin ?

Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés salue cette «tradition républicaine» et ce «pouvoir d’appréciation vers le haut des préfets». Mais il estime que l’exemple d’Armando «montre que plein de gens qui travaillent, paient des impôts, mériteraient tout autant d’être régularisés». Il regrette que pour la régularisation des sans-papiers, les autorités privilégient les circulaires à la loi, qui, elle, est contraignante.

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Devenir français, un parcours du combattant

Accueil Emilien Urbach, 20/01/2015

Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 11 % en 2014… après avoir été divisées par deux entre 2010 et 2012 ! Les associations dénoncent des critères injustes.
Hasard du calendrier, le ministère de l’Intérieur a publié, jeudi dernier, les chiffres de l’immigration pour l’année 2014. Notamment ceux des naturalisations, dont va bénéficier aujourd’hui Lassana Bathily, héros de la prise d’otages du 9 janvier. Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 10,9 % l’an dernier, avec 77 335 nouveaux Français. Un rebond salutaire mais très modeste lorsqu’on sait que ces mêmes naturalisations avaient été quasiment divisées par deux entre 2010 et 2012… « On ne peut que se satisfaire de ce qui arrive à Lassana Bathily, commente Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Mais on crée de la confusion en donnant ces chiffres au même moment. Il y a quelque chose de nauséabond à relier les récents événements aux débats sur l’immigration. L’accès à la nationalité reste un réel parcours du combattant. »

Est citoyen français celui qui naît sur le territoire national de parents français ou de parents étrangers, si l’un des deux est né en France. Dans le cas contraire, le jeune né sur le territoire doit faire une demande de nationalité entre 13 et 18 ans. Pour les étrangers qui ne sont pas nés en France, la nationalité s’acquière par naturalisation. Soit par le mariage soit par demande à la préfecture, en justifiant, dans les deux cas, de plusieurs critères de bonne « assimilation » à la société française. En janvier 2012, Claude Guéant fanfaronnait sur une baisse de 30 % des naturalisés. Il venait de durcir ces critères en instaurant un délit de séjour irrégulier et en ajoutant aux compétences linguistiques, que la loi exigeait déjà, l’obligation de connaître l’histoire, la culture et la société françaises, et d’adhérer aux valeurs de la République. Les préfets devenant seuls juges de la qualité de cette assimilation.

En octobre 2012, une circulaire édictée par le nouveau gouvernement était censée traduire une conception plus ouverte de la naturalisation. Mais le Gisti reste déçu. Le texte spécifie, notamment, que « le recours récurrent aux systèmes d’assistance, ou de longues ou fréquentes périodes d’inactivité » traduisent un défaut d’assimilation justifiant l’ajournement. De quoi continuer à rendre la naturalisation inaccessible aux étrangers peu qualifiés ou précaires. Et d’en faire une faveur accordée au mérite et non le droit d’appartenir à la communauté nationale pour quiconque y participe depuis plusieurs années.

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Droit du sol : ce que dit la loi

L'Obs - Actualité  Celine Rastello  23/10/2013

Que dit aujourd’hui la loi sur les modalités d’acquisition de la nationalité française, que l’UMP veut durcir pour les enfants nés en France de parents étrangers ?

Jean-François Copé assure « ne pas vouloir remettre en cause le droit du sol ». Pourtant, la proposition de loi que l’UMP compte présenter d’ici la fin de l’année prévoit bel et bien une réforme du droit du sol et, comme l’a annoncé son président, la fin de l’acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers.

« Quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière, on n’a pas vocation à y rester et il n’est pas possible d’obtenir la nationalité française. Les enfants nés de parents étrangers en situation régulière ne peuvent pas obtenir la nationalité française de manière automatique. Ils doivent en faire la demande », estime notamment Jean-François Copé. En s’attaquant ainsi au droit du sol, il remet en cause l’un des fondements du pacte républicain et de la législation française sur la nationalité. A quelles conditions un enfant né en France de parents étrangers peut-il demander la nationalité française ? « Le Nouvel Observateur » fait le point.

  • Pas de « droit du sol simple »

La loi Guigou du 16 mars 1998 relative à la nationalité a rétabli l’automaticité de l’obtention de la nationalité française aux enfants nés en France de parents étrangers. Elle ne précise pas si les parents doivent ou non être en situation régulière au moment de la demande de l’enfant. Avant cela, la loi Méhaignerie du 22 juillet 1993, qui avait réformé le code de la nationalité, avait supprimé cette automaticité : les jeunes nés en France de parents étrangers devaient explicitement faire une demande entre 16 et 21 ans.

Pour autant aujourd’hui, « il n’y a pas en France de droit du sol simple », insiste Marie Henocq, coordinatrice de la commission migrants pour la Cimade (association de solidarité avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile), puisqu' »un enfant naissant en France de parents étrangers n’est pas Français du seul et simple fait d’être né en France ». Le président du Gisti (Groupe d’informations et de soutien des immigrés), Stéphane Maugendre (avocat), confirme : « Le bon sens populaire voudrait que né en France, on est automatiquement Français. Ce n’est pas vrai ».

  • A 18 ans : Français « automatiquement » et de plein droit si…

Aujourd’hui, en vertu du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française automatiquement quand il atteint ses 18 ans, s’il réside en France à cette date et s’il y a vécu pendant au moins cinq ans (de façon continue ou discontinue) depuis l’âge de 11 ans.

« En pratique, une instruction détaillée et poussée est réalisée pour vérifier la réalité de la présence de l’enfant et ses conditions de séjour » commente l’avocat spécialisé dans la défense des droits des étrangers Bruno Vinay. « Un seul voyage dans le pays d’origine au-delà des vacances scolaires peut être de nature à compromettre cette présence. »

Sinon, la personne pourra faire une demande de naturalisation à l’âge de 18 ans.

« En théorie. Rarissime en pratique, dès lors que toute naturalisation suppose que soit satisfait le critère incontournable de l’autonomie financière au cours des trois dernières années ainsi qu’une intégration professionnelle » poursuit Bruno Vinay.

  • Avant 18 ans : Français sur demande si…

Tout enfant né en France de parents étrangers peut aussi acquérir la nationalité française avant sa majorité. Ses parents peuvent la demander quand l’enfant atteint 13 ans, s’il vit en France depuis ses 8 ans. A 16 ans, l’adolescent peut réclamer seul la nationalité française s’il a vécu en France (de façon continue ou discontinue) pendant au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans.

  • Le « double droit du sol »

Le droit du sol ne s’applique qu’aux enfants nés de deux parents étrangers. Selon le Code civil, si l’un des deux est Français, c’est le droit du sang qui s’applique, ou l’obtention de la nationalité via la filiation, qui domine en France. L’enfant obtient automatiquement la nationalité française à sa naissance, quel que soit son lieu de naissance, que ses parents soient mariés ou non, dès lors que le parent français apparaît sur l’acte de naissance.

« On ne peut parler d’automaticité que dans deux cas : quand un des parents est Français ou qu’il est né sur un territoire français, dans le cadre du ‘double droit du sol' » explique aussi Stéphane Maugendre. Tout enfant né en France d’au moins un parent étranger naît français si ce parent est lui-même né en France. Ce qui concerne notamment les enfants dont les parents sont nés en Algérie avant 1962. « C’est ce qu’on appelle le ‘double droit du sol‘ » précise Bruno Vinay. « Il signifie : ‘je suis né en France de parents nés sur un territoire qui était français à l’époque de leur naissance' ».

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« Il faut retirer aux préfets leur pouvoir de veto »

logoParisien-292x75 27/07/2012

En janvier, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’était réjoui de la baisse de 30% des naturalisations par décret, passées de 94573 à 66273 entre 2010 et 2011. Soucieux à l’inverse d’enrayer cette « chute », son successeur, Manuel Valls, a annoncé mardi au Sénat que les critères d’attribution de la nationalité française introduits par son prédécesseur seront revus afin de « faire de la nationalité un moteur de l’intégration et non le résultat d’une course d’obstacles aléatoire et discriminante ».

« Dont acte. A préciser », réagissent en substance associations de défense des droits des étrangers et avocats spécialisés, qui critiquent « le règne de l’arbitraire » en matière de naturalisation depuis 2010, année où leur gestion a été transférée aux préfectures. Plus que la suppression des controversés tests de culture générale introduits au 1er juillet, l’attente concerne les pratiques administratives. « Les critères ont été interprétés de façon de plus en plus stricte, avec des arguments parfois scandaleux et un contentieux devenu important », déplore Me Stéphane Maugendre, président du Gisti. « De simples instructions ne suffiront pas », jauge l’historien de l’immigration Patrick Weil, pour qui le cas de Fatima Bouazza, « quasiment née et éduquée en France, est exemplaire d’un véritable scandale ». « Il faut retirer aux préfets leur pouvoir de veto, plaide-t-il, et changer la loi pour permettre à des enfants arrivés en France très jeunes de devenir français par simple déclaration à leurs 18 ans. »

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Naturalisation : Thierry Mariani confond théorie et pratique

L'Obs - Actualité  Donald Hebert

Le ministre des Transports a profité de la convention UMP pour s’en prendre au projet du PS. Mardi 18 octobre, il a déclaré : « On nous dit : certains, ils sont là depuis 10 ans, ils doivent pouvoir voter. Mais si vous êtes là depuis 10 ans, ça veut dire que vous auriez pu devenir français au bout de 5 ans. »

Cette déclaration est étonnante à plusieurs titres. Tout d’abord, le projet socialiste propose le droit de vote des étrangers seulement aux élections locales. Et pas après 10 ans mais 5 ans de résidence. Ensuite, le vote de certains européens aux élections municipales est déjà en vigueur, de même que le vote aux élections prudhommales, accessibles à tous les étrangers.

Le ministre a fait fi des aléas administratifs. Il affirme que les étrangers peuvent obtenir la nationalité en cinq ans s’ils le souhaitent. Il est vrai qu’ils peuvent dans certains cas en faire la demande après cinq années. Mais « dans la pratique, il n’y a pas un seul étranger qui obtient la nationalité au bout de cinq ans, affirme Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Les demandes sont systématiquement ajournées pour deux ans au moins. »

Un problème bien connu des autorités : dans un rapport officiel de mars 2011, il est rappelé qu’en 2007, le délai moyen de traitement des demandes de naturalisation était « de 23 mois ». Soit une durée à sept ans au moins en moyenne, et souvent beaucoup plus. Depuis l’administration a fait l’effort de réduire les délais, qui sont à l’heure actuelle de 4 mois pour une décision défavorable. Mais ce délai correspond uniquement à la période entre le dépôt du dossier complet et la décision de l’administration. Combien dure la période de création des dossiers ? « Obtenir un rendez-vous peut prendre plus d’un an, explique le président du Gisti. Et entre temps, les règles changent. Du coup, le demandeur peut ne plus correspondre aux critères ».

Gepetto – Le Nouvel Observateur

Le principe des Pinocchios de l’Obs :

Un Pinocchio = Une simple erreur, une imprécision.

Deux Pinocchios = Une erreur manifeste ou un mensonge par omission

Trois Pinocchios = l’erreur grossière, le mensonge prémédité, avec intention de nuire.

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Refus de nationalité pour mauvais comportement envers sa femme

RMC.fr, Yann Abback, 10/06/2011

Un Algérien marié à une Française s’est vu refuser la nationalité française, pour non-respect de l’égalité entre homme et femme. « Surprenant », estime un avocat spécialisé.

Peut-on devenir Français quand on ne se comporte pas bien avec sa femme ? Pour le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, la réponse est non. Un Algérien marié à une Française depuis 4 ans et non polygame s’est vu refuser la nationalité française. Lors des entretiens en préfecture, sa femme révèle plusieurs choses : son mari lui interdit de travailler, de prendre la parole tant qu’il n’a pas donné son accord, il ne veut pas non plus qu’elle sorte seule. Pour le ministère de l’Intérieur, c’est un « défaut d’assimilation ». Un motif prévu par la loi pour refuser la nationalité française.

« Il n’y a pas que dans les couples mixtes que nous voyons ça ! »

Mais pour Maître Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), « Ce n’est pas ce qu’on appelle un manque d’assimilation. [Et ce refus de nationalité] est surprenant. Il n’y a pas que dans les couples mixtes que nous voyons des hommes interdire à leur femme de sortir de seule ou de travailler pour qu’elle s’occupe des enfants. Il y a encore des tables à la campagne où Madame ne peut rien dire tant que Monsieur n’a pas parlé. A ce moment-là on pourrait peut-être se dire qu’il faudrait enlever la nationalité française à tous les Français qu’on appelle « de souche » et qui interdisent à leur femme de sortir ». Et Me Maugendre de constater que le gouvernement rend de plus en plus ce genre de décisions…

La « préférence nationale » appliquée à l’apprentissage

Accueil Marie Barbier , 27/01/2011

Le site Internet Admission post-bac refuse l’inscription des étudiants qui n’ont pas la nationalité française.

Vous vous appelez Camille Durand, vous passez le bac en juin et devez, par conséquent, vous inscrire, pour la rentrée prochaine, dans une formation d’enseignement supérieur. Comme vos 750 000 homologues de terminale, vous saisissez donc votre souris pour vous rendre sur le site Admission post-bac (APB), procédure de pré-inscription mise en place depuis 2008 par le ministère de l’Enseignement supérieur.

Sous le logo de la République française, on vous demande de remplir votre identité, état civil et parcours scolaire. Enfin, les vœux. Après réflexion, ce sera un DUT informatique en apprentissage. Choix de la formation, détails, sélectionner. Écran blanc. Et un message : « Seuls les candidats de nationalité française peuvent s’inscrire dans une formation en apprentissage sur APB ». Car Camille Durand est de nationalité malienne. Mais Camille Durand peut devenir belge ou portugaise (magie de l’informatique), elle verra le même message apparaître. Si seule la fictive Camille Durand était concernée, l’affaire ne serait pas si grave. Mais des étudiants en chair et en os ont déjà fait cette désagréable expérience.

C’est ainsi que la semaine dernière, les professeurs du lycée Albert-Schweitzer au Raincy (Seine-Saint-Denis) ont vu arriver une élève portugaise dans l’impossibilité de s’inscrire. Ils ont d’abord cru à une fausse manipulation avant de lire l’incroyable message. Depuis, ils essayent en vain d’obtenir des éclaircissements du ministère et du rectorat. « C’est antidémocratique, discriminatoire et contraire au droit européen », énumère Emmanuel Mahé, enseignant d’histoire-géo qui n’hésite pas à parler de « préférence nationale ».

« C’est totalement illégal, confirme Stéphane Maugendre avocat et président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). C’est le refus d’un service à raison de la nationalité. » D’autant que les étudiants étrangers ont le droit de suivre des formations en apprentissage à condition qu’ils aient une carte de séjour adéquate. Quant aux ressortissants communautaires, ils bénéficient de la liberté de circulation et d’installation dans l’espace Schengen.

Alors que le serveur APB est ouvert depuis une semaine, l’affaire crée un vent de panique dans les IUT. Et pour cause : puisque le serveur refuse leur inscription, les élèves appellent directement les instituts dans le but de pouvoir y déposer directement leur dossier. Un directeur d’IUT souhaitant garder l’anonymat dénonce une « mise à mal de l’égalité républicaine » et menace, dans ces conditions, de n’inscrire « aucun étudiant étranger cette année ».

Quant au ministère de l’Éducation supérieur et de la Recherche, il n’a pas souhaité répondre à nos questions.

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Hortefeux planche sur la déchéance de nationalité

07/08/2010

Après les violences urbaines à Grenoble où des policiers avaient été pris pour cible, Nicolas Sarkozy avait affiché son intention de retirer la nationalité française «à toute personne d’origine étrangère» qui aurait «volontairement porté atteinte» à la vie d’un agent, policier, gendarme, ou tout autre «dépositaire de l’autorité publique».

Le projet pourrait se préciser. En déplacement à Perpignan, Brice Hortefeux a annoncé ce samedi qu’il ferait dès ce mois-ci des «propositions de mise en oeuvre juridique» de la déchéance de nationalité française, notamment pour les faits de meurtres de policiers ou de polygamie. Le ministre de l’Intérieur souhaiterait même aller plus loin en étendant les possibilités de déchéance de nationalité à l’excision, la traite d’êtres humains et la «délinquance grave». Cela étendrait considérablement les possibilités de déchéance de la nationalité française.

Besson : «Complexe sur le plan juridique»

Actuellement, la déchéance de nationalité est extrêmement rare et strictement encadré par la loi. L’article 25 du Code civil prévoit qu’individu peut être déchu de la nationalité dans le cas où il serait condamné pour un crime ou délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme.

Le ministre de l’Immigration s’est toutefois montré plus prudent sur le sujet. Dans un entretien au Figaro samedi, Eric Besson a estimé que la déchéance de nationalité en cas de polygamie était «complexe (…) sur un plan juridique». Il a par ailleurs annoncé qu’il présenterait un amendement en septembre pour que l’acquisition de la nationalité française «ne soit pas automatique pour les jeunes ancrés dans la délinquance», selon les vœux de Nicolas Sarkozy.

Le cas de Lies Hebbadj

En avril, Brice Hortefeux souhaitait étudier la possibilité de déchoir de sa nationalité française Lies Hebbadj, un homme soupçonné de polygamie. Hebbadj avait pris la défense de sa compagne, condamnée à une amende de 22 euros pour avoir conduit avec un niqab à Nantes. Il avait reconnu avoir des maîtresses mais avait assuré n’être marié civilement qu’à une seule de ses compagnes.  « Si un homme veut vivre avec plusieurs femmes, ou vice versa, sans être marié civilement, cela relève de leur vie privée, commente Stéphane Maugendre, avocat spécialisé dans le droit des étrangers, au Parisien. Ils ne peuvent pas pour autant être inquiétés par la justice. »

Être marié ou pacsé avec plusieurs personnes est actuellement passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

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Comment perdre sa nationalité

default Benjamin Seze, 29/04/2010

1766-ART_300200_-L1-1036-L2-1036-281_0C’est la question qui agite, depuis le 24 avril, la scène médiatique autour du cas personnel de Lies Hebbadj, dans la région de Nantes. Selon deux avocats spécialistes du droit de la nationalité, cette affaire traduit un contexte plus profond. Ils évoquent une tendance à la hausse, depuis quelques années, des procédures visant le retrait du décret de naturalisation.

« Cette affaire n’est pas tout à fait un pavé dans la mare », estime Maître Hakima Slimane. L’avocate parisienne, spécialiste en droit de la nationalité, commente l’évocation, le 24 avril, par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, de déchoir de sa nationalité française Lies Hebbadj, un Franco-algérien soupçonné de polygamie et de fraude aux aides sociales.

Selon elle, si les cas de déchéance de la nationalité française restent très rares, notamment du fait de leur encadrement strict par l’article 25-1 du code civil, l’utilisation de la procédure de retrait du décret de naturalisation, qui aboutit également à une perte de la nationalité française, l’est beaucoup moins.

« Je n’ai jamais eu autant d’affaires de ce type que depuis deux ans , affirme la juriste, qui exerce depuis 10 ans. Mais on en parle moins. Sans doute parceque ce sont des gens qui font un peu moins de bruit, qui sont un peu moins barbus et un peu moins voilés. »

 Cette procédure est utilisée lorsque la personne naturalisée est soupçonnée d’avoir menti ou fraudé sur les conditions d’obtention de la nationalité française. Notamment dans le cadre d’un mariage. « Pour que le conjoint étranger puisse acquérir la nationalité française, il faut que les époux justifient, durant les quatre ans suivant le mariage, d’une communauté de vie tant matérielle qu’affective, explique Maître Slimane. Aujourd’hui, un divorce ou la naissance d’un enfant adultérin dans les quelques mois ou années suivant l’acquisition de la nationalité française sont autant d’éléments de soupçon sur le bien-fondé du mariage et donc sur les conditions d’obtention de la nationalité. »

L’avocate évoque une affaire en cours: « J’ai un client dont la nationalité française est remise en cause par le procureur de la République, représentant du ministère de la Justice. Il a eu une aventure hors mariage avec une jeune femme en France. Un enfant est né de cette relation, peu de temps après sa naturalisation. Mon client est franco-algérien, donc, au vu du ministère, susceptible d’être musulman, donc soupçonné d’être bigame.»

 « On voit de plus en plus d’enquêtes de suspicion autour des mariages mixtes, confirme Maître Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis et président du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Des enquêtes parfois ouvertes, selon l’avocat, sur dénonciation du conjoint qui, « suite à un divorce, va écrire une lettre à la préfecture pour se venger. C’est difficile à chiffrer, mais c’est une tendance que l’on ressent effectivement depuis quelques années.»

 » La plupart du temps, on gagne, affirme Maître Hakima Slimane. Car il y a souvent prescription ». Dans de nombreuses affaires, selon l’avocate, le délai de deux ans pour agir suivant la découverte de l’élément suspicieux, comme par exemple l’enregistrement du jugement de divorce, est dépassé.  » Il n’y a donc aucune chance que ces dossiers aboutissent, mais le ministère tente quand même.»

Une tendance à ressortir les vieux dossiers qui traduit bien, selon elle, le climat de suspicion actuel.  » Il y a sans doute aussi la volonté d’un effet dissuasif. Ils savent qu’au sein des communautés étrangères la rumeur va très vite. C’est un moyen de faire pression. »

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Avocat