Archives de catégorie : violences policières

Un dernier espoir pour la famille d’Ali Ziri

  A.B, 22/02/2017

LP/D.P.

On croyait l’affaire Ali Ziri terminée. Ce retraité algérien est mort le 11 juin 2009 à Argenteuil, deux jours après une arrestation houleuse par la police. Une première autopsie avait conclu à une « fragilité cardiaque » et confirmé la « forte alcoolémie » du sexagénaire. Une contre-expertise révéla finalement la présence de 27 « hématomes de 12 à 17 cm » sur le corps.

Après six années de procédure, la Cour de cassation a validé il y a un an le non-lieu prononcé par la cour d’appel de Rennes en décembre 2014 à l’encontre des policiers mis en cause. Mais l’affaire pourrait désormais rebondir devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). C’est en tout cas l’espoir de Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille, qui a saisi la juridiction à l’été 2016, considérant que « l’Etat français n’a pas instruit correctement le dossier ». « La CEDH a transmis la requête à l’Etat français qui vient de répondre ne pas être favorable à un règlement amiable de cette affaire, explique le conseil. Je dois désormais transmettre mes observations. On devrait être convoqué pour une audience. »

Et l’avocat d’énumérer, selon lui, les manquements dans l’instruction. « J’avais demandé que les juges entendent eux-mêmes les policiers, qu’une reconstitution en présence des experts et des policiers ait lieu et que la bande-vidéo de l’arrivée au commissariat soit visionnée. Rien n’a été fait. La France a déjà été condamnée pour mauvaise instruction dans une affaire similaire. » Stéphane Maugendre espère ainsi que la cour s’appuiera « sur l’avis du dernier expert ». « Il avait déclaré qu’Ali Ziri était décédé suite à un arrêt cardiaque dû à un phénomène d’asphyxie causé par la technique du pliage (NDLR : qui consiste à faire pression sur le haut des cuisses afin que la tête soit sur les genoux) pratiquée par les policiers, rappelle-t-il. La cour exige une instruction impeccable lorsqu’une personne décède alors qu’il est entre les mains de la police. »

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La justice referme le dossier Ali Ziri, un retraité mort en 2009 à la suite d’une garde à vue

index 18/02/2016

La Cour de cassation a refermé définitivement, mardi 16 février, l’enquête sur Ali Ziri, un retraité algérien de 69 ans, mort le 9 juin 2009 après un contrôle policier à Argenteuil (Val-d’Oise). La haute juridiction a rejeté le pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes qui avait confirmé, en 2014, le non-lieu prononcé par les juges d’instruction, a révélé Mediapart, mercredi 17 février.

Ali Ziri, un « chibani » arrivé en France dans les années 1950, avait été interpellé avec un ami, Arezki Kerfali, 60 ans, à bord d’un véhicule que ce dernier conduisait. Fortement alcoolisés, les deux hommes avaient été transportés au commissariat d’Argenteuil et placés en garde à vue. Tombé dans le coma, le retraité était mort deux jours plus tard à l’hôpital d’Argenteuil.

Une première autopsie avait conclu que des problèmes cardiaques et l’alcoolémie étaient les causes du décès. Mais une contre-expertise avait révélé la présence d’une vingtaine d’hématomes, dont certains larges de 17 centimètres. L’institut médico-légal concluait qu’Ali Ziri était « décédé d’un arrêt cardio-circulatoire […] par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements) ».

En cause, l’usage de la technique interdite du « pliage » pour maîtriser le retraité. Mais la Cour de cassation a estimé que « les manœuvres de contention pratiquée sur Ali Ziri avaient été rendues nécessaires par l’agitation et la rébellion des personnes interpellées », selon l’arrêt cité par Mediapart.

« Aucune faute, volontaire ou involontaire, ne peut être relevée »

La haute juridiction met fin à un long marathon judiciaire. Après trois ans d’une instruction sans aucun acte d’enquête produit, le juge avait décidé de ne pas poursuivre les policiers impliqués dans l’interpellation, expliquant n’avoir établi « aucun acte de violence volontaire qui aurait été la cause directe ou indirecte du décès ». La Cour de cassation avait relancé en février 2014 les espoirs des proches du vieil homme en annulant le non-lieu.

L’affaire avait été renvoyée devant la cour d’appel de Rennes, où le parquet général s’était prononcé pour une relance de l’enquête. Mais la chambre de l’instruction avait finalement confirmé le non-lieu, le 12 décembre 2014, estimant que « les policiers n’ont fait usage que de la force strictement nécessaire » : « Aucune faute, volontaire ou involontaire, ne peut être relevée à leur encontre. »

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Mort d’Ali Ziri: la justice referme définitivement le dossier

langfr-280px-Logo-crieur.svg Michel Deléan, 17/02/2016

La Cour de cassation vient de confirmer le non-lieu rendu dans l’enquête sur la mort d’Ali Ziri, 69 ans, après une interpellation musclée par la police à Argenteuil, en 2009. La famille va engager la responsabilité de l’État et saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

C’est une immense déception pour la famille d’Ali Ziri et ses défenseurs, qui se battent depuis plus de six ans pour faire reconnaître la responsabilité de la police dans la mort de ce retraité algérien de 69 ans. Mardi 16 février, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, rendu le 12 décembre 2014, qui confirmait le non-lieu des juges d’instruction après de nombreuses péripéties procédurales…

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Le documentaire sur l’affaire Ali Ziri sort en salle

logoParisien-292x75 Maïram Guissé, 06/10/2015

Argenteuil, février 2015. Luc Decaster, cinéaste, a réalisé le film « Qui a tué Ali Ziri ? ». Pour finaliser ce documentaire, il avait lancé en février dernier une collecte participative sur le site Kisskissbankbank. Au total, 17 000 € avaient été donnés. Argenteuil, février 2015. Luc Decaster, cinéaste, a réalisé le film « Qui a tué Ali Ziri ? ». Pour finaliser ce documentaire, il avait lancé en février dernier une collecte participative sur le site Kisskissbankbank. Au total, 17 000 € avaient été donnés. (LP/M.G.)

Deux corps se dessinent. L’un de face, l’autre de dos. Dessus des tâches : ce sont des hématomes. Entre les deux silhouettes se pose la question, en rouge et lettres capitales : « Qui a tué Ali Ziri ? » L’affiche du film de Luc Decaster, réalisateur habitant Argenteuil interpelle.

Ce mercredi, ce long-métrage, financé en partie par une collecte participative et tourné pendant cinq ans, sort en salles. D’abord à Paris, à l’espace Saint-Michel, puis en province*.

Tout au long de ce film de 90 minutes, produit par Zeugma films, le spectateur est plongé dans l’affaire Ziri. Du nom de ce retraité algérien, mort le 11 juin 2009, deux jours après son arrestation mouvementée dans le centre-ville d’Argenteuil. Après un malaise au commissariat, il est emmené à l’hôpital où il s’éteint. Le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri se crée. C’est là que commence le film de Luc Decaster.

Ici, à Argenteuil, l’affaire est connue. Elle est suivie depuis bientôt sept ans. Mais pour le réalisateur engagé, il fallait aller plus loin. « Je suis très content que ce film tourne dans des salles de province. Les gens vont pouvoir s’interroger sur ce qui s’est passé dans cette histoire, et dans d’autres… »

Caméra à l’épaule, le réalisateur capture des moments de vie. Les scènes se déroulent au marché, à la gare, dans les foyers Adoma où Ali Ziri vivait. Mais aussi au palais de justice, dans les locaux du collectif. Les visages sont souvent graves, en colère face aux décisions de justice accueillies sans filtre. Les réflexions se construisent tout au long du documentaire. « Je laisse la place à la parole », insiste-t-il.

Manifestation pour Ali Ziri organisée en 2009. (LP/D.P.)

Est-ce un film anti-police ? « Non. C’est un documentaire sur les violences policières. » Incontestablement, c’est le regard de Luc Decaster, « fils de résistants pour qui la liberté d’égalitéest importante », qui transparaît. Pas étonnant, donc, que ce long-métrage montre « la vie d’une banlieue ordinaire ». « On fait souvent l’apologie des grands. Moi, je voulais montrer que des gens humbles se mobilisent, tiennent parole… » Le « combat » dure depuis bientôt sept ans pour le collectif. Et, il n’est pas prêt de s’arrêter. L’avocat de la famille Ziri vient de saisir, pour la deuxième fois, la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Depuis le début de cette affaire, les policiers eux aussi soutiennent leur collègue. « On n’a pas changé. Les policiers d’Argenteuil n’y sont pour rien dans la mort d’Ali Ziri, insiste ce mardi, Ludovic Collignon, du syndicat Alliance. Ce qui s’est passé est dramatique. Je comprends la famille Ziri. » Aujourd’hui, les policiers veulent « tourner la page ». « Ça a été difficile pour les collègues de ce dossier. La justice a tranché. » Le non-lieu prononcé en 2012 a été confirmé par deux fois. Si l’occasion se présente, le syndicaliste « ira voir le film. Ça pourrait être intéressant, après, je ne suis pas sûr que ce soit objectif. »

L’équipe du film espère une diffusion qui soit la plus large possible. « Certains cinémas ont peur de perdre leur subvention municipale en le programmant », confie toutefois Luc Decaster. Le principal, pour lui, reste que ce film existe.

* Argenteuil, samedi, 20 h 30,16, rue Grégoire Colas. Le film sera aussi projeté à Toulouse, Nantes, Bordeaux, Rouen, Lille, Clermont-Ferrand, Montpellier…

Chronologie 
9 juin 2009 : Ali Ziri, 69 ans, est interpellé par la police après un contrôle routier à Argenteuil.
11 juin 2009 : L’homme décède à l’hôpital. Le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri se crée. La première autopsie conclut à une « fragilité cardiaque » et confirme la « forte alcoolémie » du sexagénaire. Une contre-expertise révèle finalement la présence de 27 « hématomes de 12 à 17 cm » sur le corps d’Ali Ziri.
Octobre 2012 : le juge d’instruction de Pontoise rend une ordonnance de non-lieu à l’encontre des policiers mis en cause.
Février 2013 : la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles confirme la décision de Pontoise. Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri, est mandaté pour se pourvoir en cassation.
Décembre 2014 : la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) confirme le non-lieu.
Octobre 2015 : Stéphane Maugendre a saisi pour la deuxième fois la Cour de cassation. « Si nous n’obtenons satisfaction, nous irons à la Cour européenne des droits de l’Homme », indique le conseil.

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Ali Ziri: « On ne peut pas enterrer la vérité »

«Qui a tué Ali Ziri», documentaire de Luc Decaster, sort en salle le 7 octobre 2015. Vous souvenez vous ? Le 11 juin 2009, Ali Ziri, retraité algérien de 69 ans, décédait par asphyxie après deux jours de coma, suite à son interpellation par la police à Argenteuil. Depuis, le parti socialiste est arrivé au pouvoir. Mais rien n’a changé. Les affaires de morts aux mains de la police se sont succédées en France, sombrant les unes après les autres dans l’oubli au fil de leur enterrement judiciaire et de l’indifférence politique. La prise de conscience connue aux Etats-Unis n’a pas eu lieu.

Bande-annonce de «Qui a tué Ali Ziri ?»

L’«affaire Ali Ziri» ne fait pas exception. Arrêté le 9 juin 2009 avec un ami lors d’un contrôle routier, Ali Ziri avait été transporté inconscient à l’hôpital une heure et demie après son arrivée au commissariat. Il y était décédé deux jours plus tard. Les deux hommes, de 69 ans et 61 ans, étaient fortement alcoolisés. Ali Ziri était revenu passer quelques jours en France pour effectuer des achats avant le mariage de son fils et les deux amis avaient descendu plusieurs verres dans l’après-midi. Alors qu’un premier cardiologue avait pointé une bien commode « cardiomyopathie méconnue », deux expertises ont ensuite mis en cause le pliage, une technique policière d’immobilisation. Cette dernière est normalement interdite depuis la mort en janvier 2003 d’un Éthiopien expulsé par la police aux frontières (PAF). En novembre 2011, Mediapart avait révélé des images montrant l’arrivée inerte d’Ali Ziri au commissariat ainsi que les nombreux hématomes relevés sur son corps.

L'extraction du véhicule de police d'Ali Ziri filmée par une caméra du commissariat.L’extraction du véhicule de police d’Ali Ziri filmée par une caméra du commissariat.

Les trois juges d’instruction qui se sont succédé sur ce dossier n’ont jamais auditionné les gardiens de la paix présents dans le fourgon. Ils n’ont pas entendu les témoins présents ce soir-là au commissariat. Ils n’ont réalisé aucune reconstitution. Ils n’ont pas non plus jugé utile de visionner la bande des caméras de la cour du commissariat. Malgré cette enquête indigente, la Cour d’appel de Rennes a confirmé le 12 décembre 2014 le non-lieu. Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri a fait appel devant la Cour de cassation. Caméra à l’épaule, le cinéaste d’Argenteuil était présent dès la première marche en juin 2009. L’image est imparfaite, souvent bougée ; les longs plan séquences sur des manifestations et les réunions des militants dans une lumière grise semblent parfois un poil… longs. Comme dans son précédent documentaire au titre prémonitoire «On est là !», Luc Decaster a choisi de ne donner aucune explication, aucun commentaire.

Schéma montrant le smultiples héméatomes relevés sur le corps d'Ali Ziri lors de la seconde autopsie.Schéma montrant le smultiples héméatomes relevés sur le corps d’Ali Ziri lors de la seconde autopsie.

Mais le film a le mérite de montrer la ténacité d’une mobilisation qui dure depuis six ans, celle du collectif « Vérité et justice pour Ali Ziri» né de l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). Luc Decaster filme la France que le parti socialiste voudrait oublier : une petite ville de banlieue, les chibani, les foyers Adoma. Dans le palais de justice, le sous-sol où se tiennent les réunions du collectif, sur le marché, à la gare d’Argenteuil, il capte les visages fermés, l’incrédulité face aux décisions de justice et les discussions sur la formulation du énième communiqué de presse.

Les séquences de confrontation avec des policiers sont sans doute les plus marquantes. Au passage d’un cortège dans une rue commerçante d’Argenteuil, quatre policiers de la brigade anti-criminalité (Bac) brandissent inutilement leurs tonfas et Taser. Leur agressivité est dérisoire face aux manifestants qui grondent mais finissent par les ignorer. C’est aussi ce nouveau commissaire, dont l’extrême politesse masque mal l’indifférence, qui fait repousser les manifestants sur le trottoir parce qu’ils gênent les voitures. S’ils pouvaient même disparaître de l’espace public, devenir invisibles ces quelques gêneurs qui résistent…

La plaque posée le 12 janvier 2012 en mémoire d’Ali Ziri ne tiendra ainsi que quelques jours jusqu’à ce que le préfet du Val-d’Oise, se faisant le relais servile d’un syndicat policier, ordonne son retrait au motif qu’elle constituait «une atteinte à la présomption d’innocence». Qu’indiquait cette plaque si scandaleuse aux yeux de l’Etat ?

 

En mars 2013 encore, lors d’une visite de l’ex ministre de l’intérieur Manuel Valls à Argentueil, le collectif Ali Ziri et sa propre fille qui souhaitaient le rencontrer seront écartés. Mais cinq ans après, ils sont toujours là. Il faut entendre la colère intacte d’Omar Slaouti, professeur de physique à Argenteuil, d’Arezki Semache, porte-parole de la famille, d’Arezki Kerfali, l’ami d’Ali Ziri. Et les paroles, lors d’un rassemblement fin 2011, de l’évêque Jacques Gaillot : «On ne peut pas enterrer la vérité».

Produit par Zeugma Films et monté par Claire Atherton , «Qui a tué Ali Ziri» a pu voir le jour grâce à un financement participatif. Vous pouvez continuer à soutenir le projet ici.

A voir à l’Espace Saint Michel à Paris, mercredi 7 octobre 2015 en soirée en présence de l’équipe du film et du collectif «Vérité et Justice pour Ali Ziri», de Monseigneur Gaillot, de Jessica Lefèvre, compagne d’Amadou Koumé, victime de violence policière.

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Lire nos articles :

Comment Ali Ziri est mort asphyxié, «plié» par les policiers, novembre 2011

L’Etat ordonne le retrait d’une plaque en mémoire d’Ali Ziri, janvier 2012

Mort d’Ali Ziri : l’avocat général demande un supplément d’enquête, novembre 2014

Mort d’Ali Ziri : la cour d’appel de Rennes confirme le non-lieu, décembre 2014

Lettre à Ali Ziri

Cher Monsieur Ali ZIRI,
Voici maintenant six années que nous marchons côte à côte, que nous nous battons, de concert, contre une certaine justice aveugle, contre une certaine police violente.
Voici maintenant six années que nous demandons ensemble qu’un juge d’instruction accomplisse son travail, que des policiers soient interrogés, que les experts soient enfin entendus, qu’une reconstitution soit ordonnée.
Voici maintenant six années que nous voulons, tous deux, que la parole de votre femme et vos enfants ait une place dans un dialogue judiciaire de sourd.
Combien d’années devrons-nous encore attendre ?
Combien de décisions devrons-nous combattre ?
Combien de revers devrons-nous renverser ?
Impossible à dire.
Impossible à prédire.
Ce que je sais, par contre, Cher Ali, Cher Ami, c’est que nous ne cèderons pas.
Stéphane MAUGENDRE, avocat

« Qui a tué Ali Ziri ? » Rencontre avec Maître Maugendre

Extrait du dossier de presse du film « Qui a tué Ali Ziri ? »

qui a tue Ali Ziri 1Monsieur Ziri est décédé il y a plus de 6 ans, à ce jour la responsabilité des policiers n’est toujours établie par la justice. Quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées au cours de cette affaire ?

Affiche_20Qui_20a_20tue_CC_81_20Ali_20Ziri_20BIGOn a eu beaucoup de mal à obtenir une enquête effective et donc à prouver les faits que nous avancions. Le juge d’instruction a refusé de nombreuses demandes d’acte d’enquête déposées par les parties civiles. Par exemple, rien qu’au début de l’enquête on a eu énormément de mal à avoir une expertise médicale digne de ce nom. Le premier expert médical désigné par la police n’a pas eu accès au procès-verbal de l’interpellation et ni aux auditions des policiers. Il lui manquait donc beaucoup d’informations cruciales et son analyse fut que l’asphyxie était liée à un défaut de soins. Donc au tout début, l’information s’ouvre contre la direction de l’hôpital !

En effet, la technique de défense des policiers dans l’affaire Ali Ziri, c’est de dire : « il était insultant, il a voulu se battre, il nous a craché dessus, il était ivre et l’hôpital n’a pas fait son boulot ».

Par la suite et toujours très difficilement puisque 4 juges d’instructions vont se succéder, deux autres expertises médicales sont faites et révèlent la présence de nombreux bleus sur le corps de Monsieur Ziri. L’une des expertise explique finalement que bleu le plus important est dû à un maintien, et une forte et longue pression sur la poitrine. Le décès s’ensuit par une absence d’oxygène qui a entraîné l’arrêt cardiaque.

Ceci dit le juge a estimé que les causes du décès étaient toujours très incertaines et que les expertises se contredisaient.

La vidéosurveillance du commissariat qui a filmé la scène d’arrivée de Monsieur Ziri dans ce lieu aurait pu lever cette incertitude. Mais on m’a refusé l’accès à cette vidéo et un non-lieu a été prononcé car le juge d’instruction estimait que les preuves n’étaient pas suffisantes.

Qu’est-ce que tout cela révèle sur le fonctionnement de la justice lorsqu’il s’agit de violences policières?

C’est toujours compliqué de mettre en cause des policiers : ils représentent l’autorité. En plus, il y a une autre difficulté inhérente à la fonction du juge d’instruction dont le travail est étroitement lié à la police. Si un juge d’instruction met en examen des policiers, par voie de conséquence très vite ça se sait et ça peut vite impacter son travail au quotidien. Après une mise en examen d’un policier le juge d’instruction peut être black listé. Et si tu es black listé par un certain nombre de commissariats, le métier de juge devient plus difficile… Alors il y a sûrement des juges d’instruction qui n’ont pas le courage de mettre en examen…

De plus, il y a un esprit de corps très fort dans la police. Souvent à part les témoins qui sont des amis de la victime ou les gens de la rue qui voient les choses, les autres témoins ce sont les collègues policiers. Et avec les collègues, c’est la loi du silence. Un flic qui balance, c’est un flic socialement mort, professionnellement.

Le vrai problème, c’est qu’il n’y ait pas de sanctions et de jugements dignes de ce nom à l’égard des policiers qui commettent des violences. Pour moi c’est un vrai problème, parce que ça ne fait que creuser l’écart entre la police et la population.

Si ces agissements étaient sanctionnés à la hauteur de ce que ça devrait être, c’est à dire exactement au « même tarif », entre guillemets, que pour celui qui cogne sur un flic, je pense qu’il y aurait moins de violences policières.

Je ne suis pas un spécialiste, mais on s’aperçoit que lorsqu’il y a des discours de couvertures totales par le ministère de l’intérieur, le nombre de violences policières augmente, du simple fait que les policiers sont couverts. En ce moment on sait que les syndicats sont sur les dents à cause des attentats de janvier, que les flics sont épuisés, qu’ils font un certain nombre de conneries et ils savent très bien qu’il n’y aura pas de sanctions.

Malgré toutes ces entraves, le combat judiciaire continue notamment sous l’impulsion du collectif ?

La plupart du temps, dans les affaires de violences policières ce sont des jeunes qui subissent les violences, c’est souvent plus compliqué d’avoir un suivi : les témoins partent à droite à gauche, vont et viennent. Pour l’affaire Ali Ziri, il y a un collectif de soutien très engagé. La solidarité des membres du collectif, ça aide et ça pousse aussi l’avocat. C’est plus compliqué quand tu as un interlocuteur absent, ou qui ne donne pas de nouvelles … Il faut aussi prendre en compte que souvent les gens veulent passer à autre chose. Dans le cas d’Ali Ziri, la détermination de la famille et du collectif a été très importante.

Par principe, je préfère ne pas aller en appel. Je pense que plein de choses peuvent être dites et faites dès la première instance. Je trouve dommage qu’on soit dans l’obligation d’aller en appel et de la même manière je trouverai dommage qu’on aille devant la Cour européenne des Droits de l’Homme dans le dossier Ziri. Mais c’est extrêmement important de savoir la vérité. Soit il y a eu violence policière, soit il n’y en a pas eu. C’est le sens de la Cour européenne des Droits de l’Homme. A partir du moment où quelqu’un décède ou est blessé alors qu’il est sous la sauvegarde de la police, il faut que toutes les investigations soient faites pour comprendre ce qu’il s’est passé. C’est de la responsabilité de l’Etat. La France a déjà été condamnée. Dans le dossier où la France a été condamnée, le juge d’instruction a fait un nombre d’actes lui-même, mais ici ça n’a pas été fait jusqu’au bout.

Argenteuil : six ans après sa mort, les proches d’Ali Ziri ne désarment pas

Propos Recueillis par Maïram Guissé, 11/06/2015

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Photo Jocelyne Moreira

Le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri reste mobilisé. Ce vendredi soir*, il organise un hommage à la mémoire du retraité algérien, sur la dalle d’Argenteuil. Une date symbolique, puisqu’il s’agit du sixième anniversaire de la mort d’Ali Ziri, 69 ans.

Le Chibani est décédé le 11 juin 2009, à l’hôpital d’Argenteuil, deux jours après son interpellation mouvementée par la police, à la suite d’un contrôle routier pour état d’ivresse, à Argenteuil. L’avocat de la famille, Stéphane Maugendre revient sur six années d’instruction judiciaire.

Où en est l’affaire aujourd’hui ?

STÉPHANE MAUGENDRE. Nous nous sommes pourvus en Cassation, pour la deuxième fois, après la décision de la chambre de l’instruction de Rennes (NDLR : Ille-et-Vilaine). Cette dernière a confirmé en décembre le non-lieu déjà rendu en octobre 2012 par le juge d’instruction du tribunal de Pontoise. L’arrêt de Rennes, que je trouve scandaleux, dit que la police a utilisé la force nécessaire.

Qu’attendez-vous de la Cour de cassation ?

Soit elle annule l’arrêt de Rennes, estimant que la décision n’a pas été bien motivée. Soit elle le confirme, estimant que tout a bien été traité. Dans ce cas, nous sommes prêts à saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. Dans cette affaire, il n’y a pas eu d’instruction véritable menée par un juge d’instruction. Nous ne lâcherons pas.

Que demandez-vous ?

Six ans après la mort d’Ali Ziri, les trois policiers en cause n’ont jamais été entendus par aucun juge d’instruction saisi de l’affaire. Or, une policière a indiqué avoir utilisé la technique du pliage sur le retraité. Nous avons également demandé l’audition des témoins, et qu’une reconstitution soit faite au regard des expertises. Tout cela nous a toujours été refusé, comme le visionnage de la vidéo de l’arrivée d’Ali Ziri au commissariat d’Argenteuil. Quand une personne meurt en étant sous l’autorité de fonctionnaires de police, toutes les portes doivent être ouvertes pour être refermées une à une, sans négliger aucune piste. Propos RecueillisParMaïram Guissé

* Vendredi, à 20 h 30, Esplanade de l’Europe à Argenteuil. Gratuit.

L’interpellation mouvementée du retraité au cœur des débats

L’innocence des trois policiers qui ont procédé à l’interpellation d’Ali Ziri, le 9 juin 2009, à Argenteuil, ne fait aucun doute pour le syndicat de police Alliance. « Depuis le début, on ne cesse de dire que les collègues n’ont pas causé la mort de M. Ziri, insiste Ludovic Collignon, secrétaire départemental du syndicat de police Alliance. La technique du pliage n’a jamais été utilisée contrairement à ce que l’on peut entendre. »

L’interpellation était mouvementée. Sur ce point, tous sont d’accord. « Il (NDLR : Ali Ziri) était assis derrière, côté passager. La policière lui a maintenu le haut du corps contre l’appui-tête pour éviter qu’il ne donne des coups au collègue qui était à l’arrière », détaille Ludovic Collignon. Le syndicat aurait aimé que les policiers — toujours en service — soient « entendus par les juges d’instruction, car ça n’a pas été le cas » et qu’une « reconstitution soit faite ». « Si ça permettait à la famille de M. Ziri d’avoir des explications et de faire son deuil… », réagit-il.

La mobilisation des proches et du collectif, le syndicat dit la « comprendre ». « Mais je ne comprends pas pourquoi personne ne se pose de questions en direction du corps médical. Quand M. Ziri est arrivé à l’hôpital d’Argenteuil, il était conscient. L’infirmière n’a pas jugé bon de prendre ces constantes. Dix minutes plus tard, le médecin l’a trouvé en arrêt respiratoire. Personne ne regarde de ce côté », martèle Ludovic Collignon.

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Un pourvoi en cassation est en cours

 M.G. ,  25/02/2015

L’affaire dure depuis plus de cinq ans. Aujourd’hui, Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri, ce retraité algérien mort en 2009, deux jours après son interpellation par la police, s’est pourvu en cassation.

L’affaire Ali Ziri bientôt portée sur grand écran

En décembre, la chambre de l’instruction de Rennes (Ille-et- Vilaine), où l’affaire a été dépaysée, a confirmé le non-lieu déjà rendu le 15 octobre 2012 par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Pontoise. Ce fut une surprise pour l’avocat. « La cour de Rennes a estimé que la police avait fait usage de la force de façon strictement nécessaire, détaille Stéphane Maugendre. Pourtant, l’avocat général était sur la même ligne que la mienne. Il demandait la même chose. Je souhaite que les policiers qui ont interpellé M. Ziri soient entendus par le juge d’instruction lui-même. Je demande une reconstitution en présence des experts et de l’ensemble des témoins. Je réclame le visionnage des caméras du commissariat d’Argenteuil qui ont filmé l’arrivée de M. Ziri », insiste-t-il. Si la Cour de cassation conclut à son tour à un non-lieu, alors Stéphane Maugendre portera l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. « Quand une personne meurt dans les mains de la police, l’instruction menée doit être irréprochable. Or ce n’est pas le cas. Je ne céderai pas », prévient-il.

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