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Migrants : le «délit de solidarité» existe-t-il encore ?

Photo Laurent Carre pour Libération

Par Sylvain Mouillard  0

Depuis l’élection de Hollande, l’immunité pour les personnes qui viennent en aide aux migrants a été élargie. Mais le transport reste répréhensible.

On trouve des choses étonnantes dans les archives d’Internet. Notamment cette intervention de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, devant la commission des lois du Sénat, le 25 juillet 2012 : «Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable.» Valls propose alors de «mettre fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée, apportée [par des citoyens ou des associations] à des étrangers en situation irrégulière, sur la même base juridique utilisée pour les filières criminelles d’immigration». Soit, peu ou prou, ce qui est reproché à Cédric Herrou, un agriculteur de la vallée de la Roya, près de Nice, accusé d’avoir aidé des migrants (lire ci-contre). Rien n’aurait donc changé depuis la déclaration de Manuel Valls il y a presque cinq ans ? Pas tout à fait.

Une expression née sous Sarkozy

«C’est un slogan politique, résumant une situation politique et humanitaire, mais qui n’existe pas juridiquement à proprement parler», reconnaît l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). L’expression apparaît au grand jour dans le débat public lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, à mesure que les associations révèlent la recrudescence d’affaires où des militants et bénévoles sont inquiétés pour être venus en aide à des sans-papiers. En 2009, plusieurs milliers de personnes se proclament «délinquants solidaires» et interpellent le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson, pour obtenir la suppression du «délit de solidarité». Dans leur viseur, l’article 622-1 du Ceseda, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Celui-ci prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour «toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France».

La gauche y a-t-elle mis fin ?

Lors de la campagne présidentielle de 2012, les candidats sont interpellés sur le sujet par les associations. Arrivée au pouvoir, la gauche s’engage bien dans une réforme de la législation, mais ne supprime pas pour autant le «délit de solidarité». La loi du 31 décembre 2012 réécrit l’article 622-4 du Ceseda et élargit les clauses d’immunité. Par exemple, les proches du conjoint d’un étranger ne peuvent plus être poursuivis s’ils lui procurent une «aide au séjour irrégulier».

Mais c’est surtout l’alinéa 3 qui assouplit les règles. Ainsi, lorsque l’acte reproché «n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci», aucune poursuite ne peut être engagée. En théorie, ces conditions sont assez larges pour assurer la sérénité de militants associatifs… Sauf que cela ne concerne que l’aide au séjour, et non l’aide à l’entrée et à la circulation sur le territoire français. En bref, transporter gratuitement un exilé est toujours passible de poursuite.

Comment la situation a-t-elle évolué en pratique depuis 2012 ?

«Les poursuites ont diminué après la crise de 2009, mais on observe une recrudescence depuis 2014 et le début de la crise migratoire», remarque Marine De Haas, responsable des questions européennes à la Cimade. C’est notamment dans le Calaisis et les Alpes-Maritimes, où militants et citoyens viennent régulièrement en aide aux migrants. De Haas évoque aussi les poursuites engagées pour des «motifs connexes, comme des outrages à agents, souvent pas avérés», dont le seul but, dit-elle, est d’«intimider» les bénévoles venant en aide aux migrants. Elle réclame l’abrogation du délit de solidarité pour les «aidants qui le font gratuitement», ce qui n’empêcherait pas de continuer à lutter contre les filières de passeurs. «D’autant plus, remarque Stéphane Maugendre, que ces citoyens viennent souvent pallier une carence manifeste de la France et des Etats européens dans l’accueil.»

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Huit mois de prison avec sursis requis contre Cédric Herrou pour avoir aidé des migrants dans la vallée de la Roya

04/01/17

Huit mois de prison avec sursis ont été requis ce mercredi contre Cédric Herrou, un agriculteur de 37 ans qui comparaît à Nice pour avoir aidé des migrants dans la vallée de la Roya.

Il est poursuivi pour aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière.

Le jugement doit être rendu le 10 février.

Pour Stéphane Maugendre, avocat spécialisé en droit des étrangers, et ancien président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), « c’est un véritable procès politique ».

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Est-ce un délit d’aider des migrants ?

, , 04/01/2017

Un agriculteur de la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, comparait ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Nice pour avoir aidé des migrants venus d’Italie.
Est-ce un crime d’aider, d’offrir un toit à ces personnes ? C’est en substance la question que le tribunal devra trancher ce mercredi

Cet homme de 37 ans, qui élève des poules à Saint-Dalmas-de-Tende, est poursuivi pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière ». La justice lui reproche d’avoir hébergé chez lui, en transit, des personnes migrantes : des Érythréens, des Éthiopiens, Soudanais, ou tchadiens.

Est-ce illégal d’aider des migrants, de leur offrir un toit ?

C’est en substance la question que le tribunal doit trancher ce mercredi. Cédric Herrou, lui, pense qu’aider les autres est un devoir. Et après tout, dit-il, le procès offre l’occasion de le dire : « Mes actions, je les fais pour aider les gens et avoir la conscience tranquille. Je ne veux pas dans vingt ans avoir été complice par le silence ou l’inaction, et si je me mets en danger, tant pis. Je préfère être libre en prison plutôt qu’enfermé dans ma tête chez moi, devant ma télé ou mon ordinateur. » Cédric Herrou a donc choisi d’héberger, puis de transporter ces migrants: « C’est vrai que de chez moi je les ai emmenés où ils voulaient aller, parce que c’est des gens à qui je m’attache, ce sont des amis, des gens bien. Je les ai pris dans ma voiture, j’ai contourné des contrôles pour ne pas qu’ils se fassent attraper encore une fois et renvoyer à Vintimille ».

Pour le parquet, Cédric Herrou n’a pas agi à titre humanitaire mais par militantisme. Le procureur Jean-Michel Prêtre a requis à l’encontre de Cédric Herrou huit mois d’emprisonnement avec sursis mise à l’épreuve et la confiscation de son véhicule, ainsi qu’un usage limité de son permis de conduire aux besoins de sa profession. Pour le procureur Cédric Herrou fait usage de procès comme d’une « tribune politique ». « Nous sommes dans la situation d’un procès qui a été voulu, qui procède d’une stratégie générale de communication, de portage militant d’une cause et qui fait que la justice est saisie aujourd’hui de faits reconnus. Ce n’est pas à la justice de décider de changer la loi, ce n’est pas à la justice de donner une leçon de diplomatie à tel ou tel pays ».

Je le fais parce qu’il faut le faire

Devant le tribunal, Cédric Herroua revendiqué son action « Il y a des gens qui sont morts sur l’autoroute, il y a des familles qui souffrent, il y a un Etat qui a mis des frontières en place et qui n’en gère absolument pas les conséquences ». A la présidente qui s’étonne que les deux procédures dont il a fait l’objet n’aient pas mis un coup d’arrêt à ses actions, l’agriculteur répond « Même si vous me condamnez, le problème continuera ».

Quelque 300 personnes, dont de nombreux nombreux membres d’un collectif d’aide aux migrants Roya Citoyenne, s’étaient rassemblées devant le palais de justice pour le soutenir avant le début de l’audience.

Il y a quatre ans Manuel Valls alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé l’abrogation du délit dit de solidarité. Pourtant…

« Notre loi ne saurait punir ceux qui en toute bonne foi veulent tendre une main secourable », déclarait Manuel Valls en 2012, en annonçant la fin du délit de solidarité. Cette infraction, qui s’appelle en réalité « délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers », a été édulcorée plus qu’abrogée. Le texte reste très restrictif et donne lieu à des dérives selon le Gisti, le groupe d’information et de soutien des immigrés. L’aide ne peut en effet porter que sur des domaines précis, essentiellement humanitaires. Elle doit être accordée sans contrepartie, directe ou indirecte. Ce qui a permis par exemple de poursuivre des aidants, car la famille étrangère qu’ils avaient hébergée avait participé aux tâches ménagères.

Pour le Gisti, il s’agit au final de dissuader et de punir tout forme de soutien, même si les peines prononcées sont le plus souvent symboliques. Car avant un procès les aidants ont subi une interpellation, une garde a vue et même des perquisitions. Depuis deux ans, pas moins d’une quinzaine de dossiers ont été jugés.

La loi Valls a juste un peu atténué le problème explique Stéphane Maugendre, président du Gisti, le Groupe d’information et de soutien des immigrés, invité du journal de 13h

Vendredi, c’est un chercheur niçois qui attend son jugement. Le parquet a réclamé contre lui 6 mois de prison avec sursis.

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Relaxé.e.s pour avoir discrédité une décision de Justice.

Jugement de la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris.

 » Le 26 mars 2015, la 6 ème chambre  ( Pôle 3)  de la cour d’appel  de Paris,  statuant en  chambre du conseil, saisie d’un appel de  Mahamadou X contre un  jugement rendu le  27 mai 2014 par un juge des enfants de Paris disant n’y avoir lieu à assistance éducative à son égard, confirmait ledit jugement, et ce après avoir ordonné avant-dire droit le 19 décembre 2014 une expertise médicale comportant un examen physique externe et un examen dentaire et osseux par radiographie aux fins de l’estimation de l’âge physiologique de l’appelant.

Cette décision comportait, notamment, la motivation suivante :

« Au vu des pièces du dossier,..Mahamadou S. produit un extrait d’acte de naissance et une carte nationale d’identité. Ces deux documents, établis en pays étranger et rédigés dans les formes usitées dans ce pays, sont considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire.

Néanmoins, les éléments sociaux communiqués par l’appelant suscitent des interrogations alors notamment que ses déclarations concernant son propre parcours pour se rendre en France sont floues et que celles selon lesquelles il serait arrivé en France en janvier 2014, ayant quitté son oncle en 201S après être resté 4 années, celui-ci l’ayant recueilli à l’âge de 9 ans, sont contredites par la date de naissance qu’il allègue.

Par ailleurs, si Mahamadou S. ne s’est pas présenté à l’expertise d’âge physiologique ordonnée par le juge des enfants, sans qu’il puisse être déduit des pièces du dossier une volonté délibérée de sa part de s’y soustraire, la cour a ordonné une nouvelle expertise à laquelle Mahamadou S., assisté de son conseil, a expressément consenti, la nécessité de son accompagnement ayant été stipulée dans l’arrêt susvisé.

Il s’est pourtant rendu seul à l’examen en présentant un courrier de l’ADJIE sollicitant du médecin une attestation selon laquelle il se présente seul de sorte que l’expertise ne peut être réalisée, l’ADJlE précisant ne pas être en mesure de l’accompagner, sans plus de précisions. Mahamadou S., assisté d’un conseil dans le cadre de la procédure, n’a pas sollicité ce dernier pour l’y accompagner, de sorte que la mesure d’instruction n’est pas réalisée, sans qu’il puisse légitimement, dans ce contexte, se prétendre étranger à ce défaut d’exécution.

Enfin, son allure et son attitude, telles que constatées par la cour à l’audience, ne corroborent pas sa minorité.

En conséquence, des éléments extérieurs viennent contredire les documents d’état-civil produits, de sorte que la minorité de Mahamadou S. n’est pas établie. Dès lors, il n’y a pas lieu à assistance éducative à son égard. ».

L’arrêt mentionnait que le ministère public s’en était remis à l’appréciation de la cour.

Le 21 mai 2015, le Syndicat de la Magistrature diffusait par courriel un communiqué de presse intitulé « Mineurs étrangers isolés : les apparences pour preuve », co-signé par le Groupe d’information et de Soutien des Immigré-e-s ( GISTI), association ayant pour objet la défense et le soutien des étrangers, et la Ligue des droits de l’Homme, ainsi rédigé :

« MINEURS ISOLES ETRANGERS : LES APPARENCES POUR PREUVE

A un adolescent malien seul en France, porteur d’un acte de naissance et d’une carte d’identité établissant sa minorité, la cour d’appel de Pairs rétorque que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » (décision ci-jointe). Une affirmation lourde de conséquence puisque la cour laisse ce jeune à la rue en refusant sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n ‘a pas seulement renié toute humanité, elle a dû, aussi, tordre le droit C’est l’article 47 du Code civil qui a fait les frais de l’opération.

L’article prévoit que tout acte d’état civil étranger fait foi sauf si d’autres éléments établissent qu’il est irrégulier ou falsifié. En l’espèce, aucune preuve ni aucun indice d’irrégularité ou de falsification des actes d’état civil du mineur n’étaient joints au dossier : au contraire, le service chargé de traquer la fraude documentaire les avait jugés authentiques ! Peu importe : le récit qu’il a fait de sa vie leur ayant semblé peu cohérent, les magistrats ont imaginé de soumettre cet enfant à une expertise osseuse.

Non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée, ils ont prévu qu’il devrait être assisté de son avocat ou « d’un professionnel » d’une association d’aide aux mineurs. Peu importe, encore, que l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés qui est en fait un collectif d’associations) ait toujours refusé de cautionner ces examens osseux dont la fiabilité est déniée par les plus hautes autorités médicales. L’enfant s’étant rendu chez le médecin muni d’un courrier de l’ADJIE disant ne pouvoir être présente, les examens n’ont pas été réalisés. Les juges en ont pris prétexte pour le rendre responsable du « défaut d’exécution » de l’expertise.

Le raisonnement est doublement fallacieux. D’abord parce qu’il impose à un jeune en détresse, qui ne parle ni ne lit le français, de coopérer à la démonstration d’une minorité que les juges devait tenir pour acquise. Ensuite parce qu’il le rend comptable du refus légitime d’un collectif associations de s’associer à cet acharnement dans la suspicion. Et ce, pour conclure sans trembler que, quoi qu’en disent ses actes d’état civil, ce jeune aura l’âge qu’il a l’air d’avoir.

« La chronique quotidienne de l’enfance malheureuse rappelle aux pouvoirs publics l’urgente nécessité de renforcer la protection civile des mineurs » affirme le préambule de l’ordonnance de 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. Aujourd’hui, parce qu ‘ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité en utilisant les expédients de pseudo-expertises ou en tenant les apparences pour preuve.

Alors que la communauté scientifique s’accorde pour dénier toute force probante aux tests osseux et dentaires, que les documents d’identité font foi, l’administration et la justice persistent à recourir à cette technique inepte. Il est plus que temps d’y renoncer.

Paris, le 15 mai 2015

Ce document était accompagné d’une note libellée en ces termes:

« Le Sénat va examiner dans les prochaines semaines la proposition relative à la protection de l’enfant, dans le cadre de laquelle sont discutés des amendements relatifs aux lests osseux pratiqués sur les mineurs isolés étrangers, pour déterminer leur âge. Le Syndicat de la magistrature se mobilise fortement pour l’interdiction de cette pratique aussi inefficace qu’indigne.

Vous trouverez ci-joint le communiqué de presse que nous publions en commun avec le GISTI et la Ligue des Droits de l’Homme, en réaction à une décision de la Cour d’appel de Paris, malheureusement représentative d’une certaine jurisprudence, qui, loin des prescriptions du code civil, ordonne des tests osseux même lorsque les mineurs sont en possession de documents authentiques, sur la base de considérations fondées sur leur apparence, pour mieux les exclure de la prise en charge par l’ASE. ».

Le 4 juin 2015, Etienne Madranges, avocat général près la cour d’appel de Paris, représentant du ministère public lors de l’audience où l’affaire susvisée avait été évoquée, appelait par courriel intitulé « demande d’engager des poursuites contre le syndicat de la magistrature » l’attention de sa hiérarchie sur ce communiqué qui, selon lui, « met (tait) violemment en cause » l’arrêt précité, « rendu sur (ses) réquisitions conformes ». Il soutenait que ce document comportait des « affirmations…injurieuses, insultantes et outrageantes pour la cour, ses membres, son ministère public » et « tomb(ait) à l’évidence sous le coup des dispositions de l’article 434-25 du code pénal », estimait qu’ « une organisation professionnelle de magistrats n’a (vait) pas le droit de critiquer ouvertement dans de tels termes une décision souveraine…et encore moins de jeter le discrédit sur notre travail, difficile au quotidien » et demandait, partant, « officiellement, dé faire engager des poursuites contre le Syndicat de la magistrature ».

Après relance de l’intéressé le 25 juin 2015, ce courriel était transmis le 3 juillet 2015 pour compétence au procureur de la République de Paris, lequel faisait diligenter le 13 juillet 2015 une enquête par la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne.

Etienne Madranges, entendu le 3 août 2015, confirmait ses déclarations, précisant d’une part que tous les magistrats avaient été destinataires du message incriminé, également adressé aux services sociaux et aux avocats, d’autre part qu’il pensait que la présidente de la sixième chambre partageait son avis sur cette affaire, enfin qu’il « croyait se souvenir » qu’une réflexion était déjà engagée sur la légitimité des examens osseux tendant à déterminer l’âge d’un individu, notamment par des radios. Il se réservait le droit de se constituer ultérieurement partie civile si l’affaire était soumise à un tribunal.

Il était par la suite procédé à l’audition des dirigeants des associations co-signataires du communiqué de presse.

Stéphane Maugendre, président du GISTI depuis 2008, confirmait que le GISTI avait participé, de manière collective, à la rédaction du communiqué, qui avait été diffusé à tous ses contacts et publié sur son site. Il contestait à la fois avoir voulu jeter le discrédit sur l’arrêt évoqué et pouvoir être suspecté, ainsi que pouvait le laisser entendre une des questions posées lors de son audition, d’avoir taxé les magistrats concernés de racisme ou de partialité politique, le seul objectif des co-signataires étant de porter un regard critique sur la motivation de l’arrêt. Il rappelait, à cet effet, que son organisation luttait depuis des années, avec d’autres, dont les co-signataires du communiqué et la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, contre la détermination de l’âge sur la base d’un examen osseux, cette méthode étant notamment contestée par l’ensemble du monde médical.

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme de 2011 au 25 mai 2015, déclarait également que le texte litigieux, diffusé aux différents contacts de cette association ainsi que sur son site et sa page Facebook, était une oeuvre collective, le sujet abordé étant à ses yeux suffisamment préoccupant et important pour justifier une expression commune et l’instauration d’un débat public. Il se disait inquiet de la procédure diligentée, dénonçant « une volonté d’intimidation » et une démarche présentant «quelque chose de dérisoire et de pathétique », qui n’empêcherait en rien la Ligue de continuer à user de sa liberté d’expression et défendre les droits et la dignité de la personne.

Françoise Martres, présidente du Syndicat de la Magistrature lors de la rédaction et de la diffusion du communiqué de presse, expliquait, documents à l’appui, que celui-ci était contemporain au débat au Parlement sur la proposition de loi sur la protection de l’enfance et à des discussions de son organisation avec les cabinets de Mmes Taubira et Rossignol en vue d’introduire un amendement visant à l’inscription dans la loi de l’interdiction des tests osseux aux fins de déterminer l’âge d’une personne. Elle précisait que l’arrêt du 26 mars 2015 avait été mis en exergue car il illustrait précisément les dérives dénoncées par le Syndicat de la Magistrature et nombre d’associations et de professionnels. Elle contestait,enfin, fermement, que le communiqué attaqué puisse être analysé autrement que comme un commentaire d’une décision, certes formulé sur un ton pouvant paraître un peu vif, mais n’excédant en rien la liberté d’expression reconnue en matière syndicale et ne constituant nullement une attaque personnelle contre les magistrats ayant rendu l’arrêt ou ayant participé à l’audience.

Le 26 novembre, la présidente de la sixième chambre ( pôle 3) de la cour d’appel indiquait aux enquêteurs que ni elle, ni ses assesseurs ne souhaitaient être entendus.

A l’issue de l’enquête, Stéphane Maugendre, Pierre Tartakowski et Françoise Martres étaient cités devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit de discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle prévu et réprimé par les articles 434-25 alinéa 1, 434-25 alinéa 3 et 434-44 du code pénal et l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, et ce à raison plus particulièrement des propos ci-avant surlignés en gras dans le communiqué incriminé.

Lors de l’audience, le ministère public requérait la condamnation des prévenus, soulignant notamment la violence des termes utilisés dans le communiqué, l’atteinte portée à l’institution judiciaire et le fait que ni le caractère polémique du sujet abordé ni la liberté de ton reconnue en matière syndicale ne pouvaient justifier une telle attaque à l’encontre déjugés ne faisant qu’appliquer la loi, et l’appliquer au surplus correctement, le pourvoi formé contre l’arrêt critiqué ayant été rejeté par la Cour de cassation le 11 mai 2016.

Françoise Martres maintenait ses déclarations antérieures, soulignant l’attachement du Syndicat de la Magistrature à la défense des droits des enfants, dont les mineurs isolés, et au combat mené contre le recours aux expertises osseuses et un courant jurisprudentiel qui lui paraissait engendrer des conséquences inhumaines. Elle contestait, par ailleurs, l’idée même qu’un syndicat puisse être soumis à un devoir de réserve, sa liberté d’expression devant demeurer entière.

Stéphane Maugendre, après avoir rappelé les circonstances particulières ayant conduit à la création du GISTI et la nécessité de protéger les mineurs isolés contre certaines dérives, se disait, au nom de cette association, à la fois indigné non seulement par le recours aux expertises osseuses mais aussi par le durcissement jurisprudentiel consistant à exiger des personnes déclarant être mineures, y compris en cas de production de papiers authentifiés par le bureau des fraudes, des documents d’identité comportant des photographies, et convaincu, partant, de la nécessité d’appeler l’attention sur ce point.

Pierre Tartakowsky revendiquait l’attachement qü’il qualifiait de « viscéral » de la Ligue des droits de l’Homme à la liberté de critique, rappelant que la Ligue n’avait « pas été créée ( en 1898) pour critiquer la justice mais était née d’une décision de justice » et qu’il aurait été « honteux » de ne pas signer le texte incriminé, parfaitement conforme aux valeurs, à la mission et à l’histoire de cette association. Il maintenait qu’à son sens, le recours aux expertises osseuses était une erreur qu’il était légitime de dénoncer « haut et fort, surtout quand la nécessité fait droit », à une «époque particulièrement dure pour les faibles, les démunis, les peuples., accidentés de l’histoire ».

Les différents témoins cités par la défense insistaient tous sur la légitimité des critiques exprimées dans le communiqué de presse et faisaient part de leur perplexité quant aux poursuites diligentées à l’encontre des prévenus.

Pierre Joxe, avocat, ancien ministre, magistrat honoraire, mettait notamment l’accent sur la nécessité d’accueillir dans de bonnes conditions les mineurs isolés, tant dans l’intérêt des jeunes concernés que de la société. Il confirmait, par ailleurs, les grandes incertitudes pesant sur la fiabilité des examens osseux et dentaires, et se disait « sidéré » à la fois par l’arrêt rendu par la cour d’appel le 26 mars 2015 et les poursuites diligentées à l’encontre des prévenus.

Nicole Obrego, magistrate retraitée, rappelait son combat pour la reconnaissance du droit des magistrats à se syndiquer et soulignait qu’un syndicat de magistrats avait vocation non seulement à défendre des intérêts corporatistes mais également à s’intéresser aux sujets de société et à veiller à la protection des droits des plus faibles.

Jean-François Martini, chargé d’études au GISTI, évoquait les difficultés croissantes des mineurs isolés, et ce en raison tant de la tendance au durcissement de la jurisprudence que de la saturation des capacités d’accueil des départements, ceux-ci étant par ailleurs de plus en plus réticents à accueillir les personnes concernées, notamment pour des motifs financiers, et multipliant les obstacles, alors que selon lui, il était, en toute hypothèse, préférable d’« avoir un jeune majeur placé qu’un mineur dans la rue ».

Pierre Lyon-Caen, ancien avocat général à la Cour de cassation, membre du syndicat de la magistrature, ancien membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, s’interrogeait sur les possibles répercussions de la présente procédure sur le syndicalisme judiciaire et l’exercice du droit de critique, conçu jusqu’alors de manière très extensive, notamment par les juridictions administratives. Il déclarait, par ailleurs, trouver la démarche formalisée par le communiqué de presse parfaitement légitime, eu égard à l’unanimité de toutes les instances compétentes, nationales ou internationales – dont I’ Académie nationale de médecine, le Haut Conseil de la médecine et le Comité des droits de l’enfant-pour condamner le recours aux expertises osseuses. Enfin il contestait que les termes employés dans le communiqué, pour vigoureux qu’ils soient, puissent excéder les limites de la liberté d’expression, rappelant que la Cour de cassation elle-même n’hésitait pas à utiliser l’expression « violation de la loi » sans émouvoir quiconque.

Bertrand Chevallier, pédiatre endocrinologue, soulignait les limites des tests osseux, précisant que ce type d’examen, initialement conçu pour évaluer l’opportunité de soumettre à un traitement médical des enfants présentant des anomalies de croissance, n’avait nulle vocation à déterminer à lui seul l’âge chronologique d’une persomie, seule une approche pluridisciplinaire, non nécessairement fondée sur un examen clinique, prenant en compte les origines géographiques des personnes concernées et incluant un questiomiaire sur les habitudes alimentaires et les maladies antérieures paraissant désonnais adaptée.

Les conseils des prévenus plaidaient tous en faveur de la relaxe de leurs clients.

Plaidant pour Pierre Tartakowski, M°Leclerc insistait tout d’abord sur la différence qu’il convenait d’établir entre la critique, légitime, d’une décision de justice rendue, soulignait-il, au nom du peuple, et donc nécessairement soumise au débat public, et le discrédit tel que défini par l’article 434-25 du code pénal, soumis à de strictes conditions non remplies en l’espèce. Il contestait, par ailleurs, que le communiqué litigieux puisse être analysé comme excédant les limites de la liberté d’expression, rappelant à cet égard l’impératif de tenir compte tant du contexte de sa publication que du droit à l’hyperbole et à l’exagération reconnu, notamment, par la Cour européenne des droits de l’homme. Enfin, il soulignait que les poursuites engagées en l’espèce étaient les premières auxquelles la Ligue des droits de l’Homme était confrontée en 118 ans d’existence.

Maître Bouix, conseil de Stéphane Maugendre, mettait l’accent sur* le caractère inédit de l’arrêt critiqué dans le communiqué et ses graves conséquences pour les personnes demandant à bénéficier du statut de mineur isolé. Elle estimait, partant, que cet arrêt, qui s’inscrivait au surplus dans un débat d’intérêt général lors de son prononcé, pouvait légitimement être à la fois relayé et critiqué.

Maître Cessieux, pour Françoise Martres, rappelait que sa cliente, à l’époque responsable du Syndicat de la Magistrature, jouissait de par ce statut d’une très large liberté de parole. Il contestait, par ailleurs, que le communiqué de presse puisse être perçu autrement que comme une démonstration technique des carences dont souffrait, selon ses auteurs, l’arrêt critiqué et s’étonnait du traitement réservé à sa cliente, notamment au regard de l’inertie dont avait fait preuve, selon lui, le ministère public vis-à-vis de déclarations ou de communiqués autrement plus violents, tel celui publié le 26 avril 2012 par le bureau national de SYNERGIE-OFFICIER S, cet organisme se disant « écoeuré par la décision ahurissante d’un juge d’instruction… », parlant d’un tribunal « connu pour receler les pires idéologues de la culture de l’excuse », d’une incrimination étant « avant tout une décision partisane (pour ne pas dire politique…) déguisée en acte juridictionnel », d’une « décision «judiciaire » qui révulse nos concitoyens » ou « d’un nouvel appel à la haine venant de magistrats qui, une fois de plus, ont choisi d’affirmer que pour eux, l’ennemi à combattre par tous les moyens ( y compris les plus vils…) est bel et bien le « flic » et non pas le criminel ».

SUR CE:

L’article 434-25 du code pénal, introduit dans le code pénal ( article 226 de l’ancien code pénal) par l’article 17 de l’ordonnance n° 58-1298 du 23 décembre 1958, dispose :

« Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision.

Lorsque l’infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables,

L’action publique se prescrit par trois mois révolus, à compter du jour où l’infraction définie au présent article a été commise, si dans cet intervalle il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite. ».

Il résulte de ces dispositions que le délit de discrédit suppose, pour être constitué, que son auteur ait voulu, par ses propos, non seulement déconsidérer tel ou tel acte ou décision à caractère juridictionnel, mais également, au travers de cette appréciation, atteindre, plus globalement, dans son autorité ou son indépendance, la justice considérée comme une institution fondamentale de l’Etat, Il ne saurait, ainsi, être confondu avec d’autres infractions, tels l’outrage ou la diffamation envers un magistrat.

Il se déduit par ailleurs de la nature même de cette infraction, expression d’une restriction à la liberté d’expression, et soumise au demeurant, en ses règles d’imputation et de prescription, aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que toute condamnation de ce chef doit nécessairement s’inscrire dans les conditions et limites posées par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( CEDH) , lequel édicte :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2.L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. » .

Dans ce cadre, s’il est constant qu’il convient de tenir compte, dans l’analyse des propos incriminés, de la nécessité de protéger l’autorité de la justice, institution essentielle à toute société démocratique, et de sanctionner, partant, toute attaque gravement préjudiciable à son encontre dépourvue de fondement sérieux, il est tout aussi essentiel de préseiver le droit pour chaque citoyen, sous réserve qu’il dispose d’une base factuelle suffisante et n’use pas de propos outranciers, de s’exprimer, y compris de manière critique, sur des sujets d’intérêt général liés au fonctionnement de la justice.

Ce droit est, enfin, d’autant plus largement entendu, en la forme comme au fond, que les auteurs des propos sont des acteurs considérés comme essentiels à la vie démocratique, qu’il s’agisse, sans que cette liste soit exhaustive, des journalistes, des élus, des avocats, de certaines associations ou de militants politiques ou syndicaux.

Au cas particulier, il ressort du communiqué de presse litigieux, que celui-ci, par-delà les seuls propos ^expressément mentionnés dans les citations délivrées aux prévenus, s’attache pour l’essentiel à développer les raisons ayant conduit ses signataires à le titrer « Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve », cet intitulé se voulant et étant, évidemment, critique, la méthodologie et le raisonnement évoqués par cette formule se situant aux antipodes de l’orthodoxie juridique en matière de droit de la preuve; qu’il rappelle, à cet effet, les différentes étapes du raisonnement adopté par la cour d’appel, pointant notamment la supposée méconnaissance des dispositions de l’article 47 du code civil; qu’il s’étonne, ainsi, de ce que malgré l’authentification des actes d’état-civil du mineur concerné par le bureau de la fraude documentaire, les magistrats aient jugé nécessaire de soumettre le requérant à une expertise osseuse; qu’il s’émeut, par ailleurs, de ce que les mêmes magistrats aient rendu ledit mineur responsable du défaut d’exécution de 1′ expertise alors que celui-ci n’était lié qu’au refus, justifié pour ses auteurs, d’un collectif d’associations de prêter leur concours à la mise en oeuvre de procédures à la fois infondées, sans aucune fiabilité scientifique et humiliantes.

Pour autant, le document incriminé ne peut être assimilé à un « commentaire technique » au sens de l’alinéa 2 de l’article 434-25, dans la mesure où, nonobstant les différents points de droit qui y sont incontestablement développés, les auteurs étendent leur réflexion à des considérations d’ordre moral ou sociétal qui excèdent les limites d’une analyse technique, notamment en déclarant « la cour n’a pas seulement renié toute humanité », « non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée » ou « aujourd’hui, parce qu’ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité… », et déplorent de manière plus générale, que tant l’administration que la justice, ces deux entités étant visées dans leur globalité, excipent de critères purement physiques et donc contestables et utilisent « les expédients de pseudo-expertises » pour refuser la protection pourtant due aux enfants et adolescents en danger.

De même, il ne saurait être soutenu que le communiqué de presse puisse relever de la catégorie des « actes… écrits…de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision » également visée à l’alinéa 2 de l’article 434-25 précité, le fait qu’un pourvoi en cassation soit en cours lors de sa publication ne pouvant suffire à lui conférer cette qualité, le communiqué ne pouvant bien évidemment pas être assimilé à un acte de procédure et ne faisant par ailleurs aucune allusion au dit pourvoi.

Ces différents constats ne peuvent, toutefois, suffire à considérer que l’infraction prévue à l’article 434-25 est constituée, les propos litigieux devant, comme il l’a été indiqué supra, être analysés au regard de l’article 10 de la CEDH.

A cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que la question abordée présente, à l’évidence, un caractère d’intérêt général ; que l’accueil des mineurs étrangers fait en effet partie intégrante du débat sur les flux migratoires, dont il paraît superflu de souligner la place centrale qu’il occupe au plan politique comme sociétal ; que la détermination de la majorité ou de la minorité d’un migrant est, en cas d’incertitude sur ce point, nécessairement tributaire de l’analyse effectuée, in fine, par les magistrats ; qu’il est, par conséquent, parfaitement légitime de s’interroger sur l’évolution de la jurisprudence en la matière, et ce d’autant plus pour les associations dirigées par les prévenus, qui ont constamment marqué leur engagement, sous toutes ses formes, en faveur d’une protection accrue des mineurs isolés et peuvent, ainsi, exprimer leurs préoccupations au regard d’une évolution jurisprudentielle leur paraissant à la fois erronée au plan du droit et de nature à amoindrir sensiblement les droits des intéressés.

Il   est, par ailleurs, constant, au regard notamment des éléments versés au débat et des témoignages, en particulier celui de Bertrand Chevallier, que les prévenus disposaient d’une base factuelle suffisante pour critiquer la méthode et l’analyse retenues dans l’arrêt litigieux ; qu’il est en effet avéré que le recours à des examens physiques, et tout particulièrement, aux expertises osseuses et dentaires, pour déterminer l’âge d’un mineur, fait largement débat et est même déconseillé par des autorités scientifiques aussi incontestables que l’Académie nationale de médecine ou le Haut Conseil de Santé publique ; que le fait, par ailleurs, d’estimer insuffisants en termes probatoires des documents pourtant authentifiés par le Bureau de la fraude documentaire, organisme spécialisé travaillant en liaison avec les consulats et ambassades des pays d’origine des migrants, pouvait également prêter à discussion, même si, par la suite, la Cour de cassation a estimé, par arrêt publié au bulletin- ce qui atteste l’importance du point soulevé- ne pas devoir accueillir le moyen soulevé sur ce point, au motif que la cour d’appel « afvait) souverainement estimé que l’acte de naissance..était dépourvu de la force probante reconnue par l’article 47 du code civil, en raison de l’incohérence de ses énonciations avec les déclarations de l’intéressé » ; que, de même, pouvait être matière à réflexion le fait que la cour d’appel, alors même que l’ADJIE refuse, au tenue d’une décision de principe antérieure à l’arrêt avant-dire droit, d’accompagner les jeunes étrangers isolés chez les praticiens chargés d’effectuer les examens osseux, confie pourtant cette mission à l’ADJIE et impute, par ailleurs, le défaut d’exécution de la mesure ordonnée au requérant.

Enfin, si le ton et le vocabulaire employés dans le communiqué de presse peuvent, de fait, paraître véhéments – « invraisemblable », « renié toute humanité », « tordre le droit », « les juges en ont pris prétexte », « acharnement dans la suspicion »…-, il convient de rappeler, tout d’abord, que les limites de la critique admissible sont, en l’espèce, d’autant plus larges que les auteurs des propos sont, à des titres divers, via les organismes qu’ils représentent, des militants reconnus et engagés contribuant à la diffusion d’informations et d’opinions susceptibles d’enrichir le débat sur le sujet d’intérêt général abordé ; qu’ainsi la Ligue des droits de l’Homme compte en son sein un groupe spécialement dédié à la situation des mineurs étrangers isolés, celle-ci lui paraissant « particulièrement préoccupante au regard du respect des droits de l’homme »] ; que le Gisti est un acteur de premier plan de la lutte pour les droits des étrangers, étant à l’origine, de par ses actions en justice, de nombreuses décisions de principe et oeuvrant au surplus au quotidien pour assister les personnes concernées ; que le Syndicat de la Magistrature a vocation, en tant que syndicat de magistrats, à défendre non seulement les droits individuels et collectifs de ces professionnels, mais également l’institution judiciaire, cette défense ne pouvant toutefois signifier, sauf à lui faire perdre toute substance et tout intérêt, une approbation inconditionnelle de l’ensemble des actes et décisions de nature juridictionnelle ou la soumission dudit syndicat à un devoir de réserve similaire à celui exigé des magistrats pris individuellement; que, par ailleurs, le communiqué de presse critiqué a été publié dans un contexte où le sujet évoqué présentait une actualité toute particulière, eu égard aux débats parlementaires en cours ; que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que pour tranchés et virulents que soient les propos querellés, leurs auteurs n’ont pas excédé les limites de la liberté d’expression particulièrement étendue dont ils pouvaient exciper, au regard à la fois de leur qualité, du sujet abordé et de la base factuelle dont ils disposaient.

Pierre Tartakowsky, Stéphane Maugendre et Françoise Martres seront, par conséquent, renvoyés des fins de la poursuite.

PCM

contradictoirement

RELAXE »

Le délit d’indignation à la barre

newlogohumanitefr-20140407-434 Marie Barbier, 13/10/2016

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photo Joël Saget/AFP
Le Syndicat de la magistrature, le Gisti et la Ligue des droits de l’homme comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir « discrédité » une décision de justice.

Il est des procès qui, à l’heure où le garde des Sceaux lui-même parle de « clochardisation » de la justice devant la misère de ses moyens, posent sérieusement question. Ainsi en est-il de l’audience qui s’est tenue hier devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le Syndicat de la magistrature (SM), le Gisti et la Ligue des droits de l’homme (LDH) comparaissaient pour avoir « cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle » et ainsi avoir « porté atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance ». Des faits punis de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

À l’origine de l’affaire, une décision de justice étonnante. En mars 2015, la cour d’appel de Paris a refusé une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien sous prétexte que sa minorité « n’était pas établie ». Son extrait d’acte de naissance comme sa carte d’identité, certifiés authentiques, l’attestaient pourtant. Les magistrats avaient réclamé des tests osseux. Mais le jeune s’étant présenté sans son avocat, l’examen n’avait pu être effectué. La cour d’appel avait alors prétexté de « son allure et de son attitude » pour justifier sa majorité… Stupéfaites par cet argumentaire, les trois associations avaient rédigé un communiqué de presse où elles dénonçaient un « raisonnement doublement fallacieux » et écrivaient : « Pour rendre cette décision invraisemblable, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi tordre le droit. » Le sang de l’avocat général du parquet de Paris a tellement tourné quand il a lu ceci qu’il a tenté de se constituer partie civile contre les organisations, avant de se désister, n’en ayant pas le droit, mais les poursuites ont subsisté. Puisque la justice a décidé de consacrer une journée d’audience entière à ces poursuites « dérisoires et pathétiques », comme les a qualifiées Pierre Tartakowsky, ancien président de la LDH, les prévenus ont décidé d’utiliser cette tribune pour parler des mineurs isolés étrangers, des très contestés tests osseux et de la liberté syndicale. Une journée passionnante en somme, aux frais de la justice…

« Dans une société démocratique, la justice ne peut pas être préservée des critiques, commence Françoise Martres, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature et poursuivie à ce titre. Je ne crois pas que l’obligation de réserve s’applique à un syndicat, la liberté syndicale serait réduite, ça n’est pas admissible. »

Pseudo-décisions scientifiques

Pour les trois organisations poursuivies, le sujet de fond est bien la prise en charge des mineurs isolés étrangers, ces « jeunes à la rue, souvent analphabètes et en situation de survie », rappelle Jean-François Martini, du Gisti, cité comme témoin. « Sur la base de pseudo-décisions scientifiques, ils sont déclarés majeurs et condamnés en comparution immédiate à rembourser les frais de leur prise en charge », poursuit Françoise Martres. Le pédiatre Vincent Chevalier explique la création de ces tests osseux « il y a 70 ans » par deux médecins américains, sur un panel « d’enfants caucasiens ». Leur marge d’erreur s’étale jusqu’à deux ans et demi et l’Académie de médecine elle-même juge qu’ils ne peuvent être utilisés pour définir l’âge chronologique. « Il ne s’agit pas simplement d’une radio du poignet, dénonce l’avocat du SM, Maxime Cessieux. On met un enfant nu, on lui pèse les bourses et on lui ausculte les dents. »

« Ce n’est pas la question des tests osseux dont vous êtes saisis, mais celle du délit de discrédit, tente le procureur de la République, Jean Quintard. La violence des propos constitue la frontière entre la critique et le discrédit. » Il réclame 2 000 euros d’amende pour chacun des trois prévenus. Il n’en fallait pas plus pour déclencher toute la colère contenue et la verve de l’avocat de la LDH, Me Henri Leclerc, qui, du haut de ses 82 ans, a livré une réjouissante plaidoirie dont il a le secret. « La LDH existe depuis 118 ans, c’est la première fois qu’elle est poursuivie. Pour avoir utilisé le mot “invraisemblable”. » « Comment dire notre rage en des termes mesurés ? s’interroge le ténor du barreau. C’est cette décision de justice qui jette le discrédit sur la justice. » Et de rappeler que l’article instituant le délit de discrédit, promulgué par de Gaulle en 1958, n’est pas utilisé depuis : les revues de droit, les médias et mêmes les syndicats de police critiquent régulièrement les décisions de justice. « Vos choix de poursuites sont arbitraires », lance-t-il au procureur avant de demander une « relaxe avec éclat ». Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

⇒ Voir l’article

Au tribunal de Paris, la critique de la justice en procès

index Jules Metge,

Le parquet a requis, mercredi 12 octobre, 2 000 euros d’amende contre des responsables du Syndicat de la magistrature, du Gisti et de la Ligue des droits de l’homme, accusés d’avoir discrédité une décision concernant un migrant.

Critiquer ou discréditer ? Telle était la question posée mercredi 12 octobre au tribunal correctionnel de Paris. Le parquet poursuivait la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et le Syndicat de la magistrature pour « discrédit jeté sur une décision de justice ». A l’origine des poursuites, un communiqué commun aux trois organisations visant un arrêt de la cour d’appel de Paris de mars 2015. Celle-ci avait refusé à un jeune Malien l’assistance à mineur isolé, au motif que « son apparence et son attitude ne [corroboraient] pas sa minorité ».

Malgré des papiers d’identité authentifiés par le service de la fraude documentaire, la cour d’appel avait en outre justifié sa décision par l’absence de tests osseux, une mesure très controversée censée déterminer l’âge d’un individu. Dans leur communiqué, les trois associations dénonçaient une « invraisemblable décision », affirmant que « la cour n’(avait) pas seulement renié toute humanité, elle (avait) dû, aussi, tordre le droit ».

A la barre, Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature lors des faits, admet des termes « vifs », mais conçoit le texte dans son ensemble comme « un commentaire argumenté de l’arrêt », qui ne peut se confondre avec une volonté de discréditer la justice.

« En disant “inadmissible”, je discrédite ? »

Les trois prévenus viennent ainsi tour à tour défendre le droit de débattre, comme Pierre Tartakowsky, « viscéralement attaché à la critique ». Evoquant l’affaire Dreyfus, l’ancien président de la LDH rappelle que « la Ligue n’a pas été créée pour la critique de la justice, mais pour une critique ». Dans le communiqué, la critique était seulement dirigée contre un « durcissement de la jurisprudence », affirme Stéphane Maugendre, ancien président du Gisti.

Comment dès lors différencier le discrédit de la critique ? Selon le procureur Jean Quintard, quand les propos « outranciers » s’écartent du « commentaire technique ». Henri Leclerc, avocat de la LDH, s’insurge : « Si la violence des propos caractérise le discrédit, alors on entre dans l’arbitraire. » « En disant “inadmissible”, je discrédite ? », interroge-t-il.

Pour la défense, la liberté de critiquer les décisions de justice n’est pas le seul enjeu du procès. Pierre Joxe, ancien ministre de l’intérieur, un responsable associatif et un pédiatre se succèdent pour démontrer l’inefficacité des examens osseux dans l’évaluation de l’âge des jeunes demandeurs d’assistance. Le procès s’offre pour les associations comme une tribune permettant de revenir sur le traitement des mineurs étrangers isolés. Evaluation de l’âge par tests osseux, recours des personnes dont la minorité est niée, le système d’accès à l’assistance pour mineurs et ses failles sont expliqués.

« Suspicion érigée en principe »

Jean-François Martini, chargé d’études au Gisti, s’inquiète que l’argument de l’âge apparent soit utilisé pour réguler l’afflux des demandes. Il dénonce une « suspicion érigée en principe », selon lequel des documents authentifiés ne permettent plus de prouver la minorité. « L’intérêt général, c’est qu’un mineur ne soit pas livré à lui-même », ajoute Pierre Joxe, aujourd’hui avocat spécialisé dans la justice des mineurs, qui plaide pour un modèle inspiré par l’étranger : « Au Québec, s’occuper d’un mineur isolé qui “déraille”, c’est s’occuper du Québec. »

« Ce n’est pas le sujet », estime le procureur. Pour les avocats des associations, le traitement des mineurs isolés est bien au cœur du débat, puisqu’il s’agit de dire si la critique du communiqué contre l’arrêt de la cour d’appel était fondée.

Le parquet a requis 2 000 euros d’amende contre les responsables des trois associations. Le jugement sera rendu le 23 novembre.

⇒ Voir l’article

Discrédit sur une décision de justice : 2.000 euros requis

AFP, Sylvain Peuchemaurd, 12/10/2016

Le parquet a requis mercredi 2.000 euros d’amende contre des responsables du Syndicat de la magistrature, de l’association de soutien aux immigrés Gisti et de la Ligue des droits de l’homme (LDH), accusés d’avoir discrédité une décision de justice.

Dans un communiqué commun, les trois organisations avaient dénoncé une décision rendue fin mars 2015 par la cour d’appel de Paris, qui refusait une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n'(était) pas établie ».

Selon l’arrêt, l’extrait d’acte de naissance et la carte d’identité attestant sa minorité étaient « considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire », mais des interrogations subsistaient aux yeux des magistrats.

La cour avait demandé en vain des tests osseux, très critiqués par les associations. Les juges estimaient que des « éléments extérieurs » comme « son allure et son attitude » venaient contredire les documents du jeune homme.

Dans un communiqué, les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi, tordre le droit », dénonçaient la LDH, le SM et le Gisti.

Leurs responsables respectifs sont jugés pour « discrédit » jeté sur une décision de justice. Une qualification pénale rarement utilisée, en tout cas pour la première fois à l’égard du Syndicat de la magistrature.

« C’est une critique argumentée », a déclaré à la barre l’ancienne responsable du SM, Françoise Martres, « les termes sont vifs parce que c’est un communiqué de presse ».

L’objet de ce texte n’était « évidemment pas » de jeter le discrédit mais « nous avons voulu alerter l’opinion sur les conséquences de certaines décisions », a-t-elle poursuivi.

Dans la presse, ce communiqué « n’a été repris que le jour où nous avons été convoqués par la police », a expliqué Stéphane Maugendre, du Gisti.

Parmi les témoins de la défense, l’ancien ministre (PS) Pierre Joxe, qui s’est dit « complètement sidéré » par la décision visée dans le communiqué.

Les prévenus ont invoqué la liberté d’expression syndicale, et vilipendé le recours aux tests osseux – consistant en un examen radiographique – dont la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) recommande l’interdiction. Tests dont un pédiatre, appelé à témoigner par la défense, a souligné le manque de fiabilité.

Pour le procureur Jean Quintard, les termes du communiqué sont « très forts », « voire injurieux ». Ce n’est « pas le principe de la critique qui est en cause » ici, mais sa « violence ».

Pour la défense de Pierre Tartakowsky, ancien président de la LDH, Me Henri Leclerc a distingué la critique et le discrédit.

« Notre rage, devons-nous l’exprimer en termes mesurés ? », s’est-il interrogé. Les décisions de justice critiquées sont légion, dans les revues juridiques « la violence est inouïe », dans la presse, elle est « absolue ».

Ce procès « n’aurait jamais dû avoir lieu », a estimé l’avocat, « le tribunal est saisi d’une grave atteinte à la liberté d’expression ».

La liberté d’expression syndicale « doit être protégée, même dans ses excès », a plaidé le conseil de Mme Martres, Me Maxime Cessieux, « nous n’avons rien à craindre et tout à gagner du syndicalisme judiciaire ».

Le jugement sera rendu le 23 novembre.

Nicolas Sarkozy souhaite suspendre le regroupement familial: « Cela ne résoudra aucun problème »

RMC, 24/08/2016.

REACTIONS – A droite, la question du regroupement familial est au cœur des propositions des différents candidats à la primaire. La plupart veulent durcir les conditions de ce regroupement familial. Nicolas Sarkozy, de son côté, souhaite le suspendre.

Le dispositif de regroupement familial a été instauré en France par Valéry Giscard d’Estaing en 1976 et permet à plusieurs milliers de personnes de s’installer en France. Mais depuis quelques années, il est régulièrement remis en cause. Ces dernières semaines, alors que la primaire approche, cette question du regroupement familial est de nouveau au cœur des débats à droite. Si la plupart des candidats veulent en durcir les conditions, Nicolas Sarkozy va plus loin.

Dans son livre-programme Tout pour la France, sorti ce mercredi, l’ancien chef de l’Etat entré en campagne pour regagner l’Eysée estime que ce regroupement familial était une « erreur ». « Ce regroupement n’a cessé, écrit Nicolas Sarkozy, d’être l’objet de fraudes de procédures. L’attrait de prestations familiales à bon compte a exercé une pression phénoménale ». Il entend donc le suspendre.

« On ne peut pas interdire aux gens de vivre en famille »

Pour Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis et spécialiste du droit des étrangers, la proposition de Nicolas Sarkozy n’a pas de sens. « Je suis étonné qu’un juriste, avocat comme M. Sarkozy puisse solliciter une telle interdiction de regroupement familial puisque cela entraînera une condamnation de la France, estime sur RMC celui qui traite chaque année de nombreux cas de demande de regroupement. En effet, selon l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, on ne peut pas interdire aux gens de vivre en famille ».

« Les personnes qui se trouvent sur le territoire français et qui veulent voir venir leurs épouses ou leurs enfants, c’est pour vivre en France, s’intégrer en France, souligne-t-il encore. Lorsqu’on vit loin de sa famille, on ne s’intègre pas dans son pays ». De même Patrick Weil, historien et spécialiste de l’immigration, considère qu’avec cette proposition Nicolas Sarkozy fait fausse route.

« C’est infaisable »

« Le regroupement familial est au niveau le plus bas depuis qu’il existe. L’an dernier, selon les chiffres, cela concernait 23.000 personnes sur 210.000 immigrés alors même qu’il y en avait 80.000 dans les années 70, rappelle-t-il dans Bourdin Direct. Sous M. Sarkozy il y en avait 14.000 donc c’est vrai que la tendance est à la hausse sous la gauche. Mais le nombre est si petit que cela concerne principalement les gens qui ont des ressources déjà très élevées. Ça n’est pas du tout, aujourd’hui, le problème de la France. Aujourd’hui, le problème c’est qu’il y a des enfants français, nés de parents français, venus soit d’Outre-mer, soit d’anciens territoires de l’Empire français, qui ne trouvent pas d’emploi. Et le regroupement familial est tout à fait mineur par rapport à ce sujet ».

« Suspendre ou supprimer le regroupement familial ne résoudra aucun problème, ajoute-t-il. Et de toute façon il n’y arrivera pas car dans la Constitution, comme dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, le droit à une vie familiale est garanti. Je pense donc que M. Sarkozy veut attirer certains électeurs et qu’il va les mécontenter car il propose des choses infaisables, qui vont créer de la tension dans le pays, qui vont être nuisible économiquement et du point de vue de notre unité ».
Qu’est-ce que le regroupement familial?

Environ 23.000 personnes s’installent chaque année en France dans le cadre du regroupement familial, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur (octobre 2015). Cela représente une infime partie de l’immigration dans notre pays puisque on estime que chaque année plus de 210.000 étrangers arrivent en France de manière légale.

Au fil des ans et des crises économiques, la procédure de regroupement familial s’est durcie. Les critères sont de plus en plus sélectifs et nombreux. La personne qui souhaite faire venir sa famille doit être installée en France depuis plus de 18 mois, elle doit avoir un salaire régulier, équivalent au SMIC si elle veut pouvoir accueillir une ou deux personnes. Elle doit aussi justifier d’un logement suffisamment spacieux et salubre pour accueillir sa famille. A noter que le maire de la commune a également un droit de regard sur la demande.

Roms : l’État s’arrange avec la loi pour expulser plus et plus vite

newlogohumanitefr-20140407-434 Loan NGuyen, 26/07/2016

David Maugendre
David Maugendre

Pour chasser ces citoyens roumains à moindres frais, le procureur de la République de Montpellier et la préfecture de l’Hérault ont monté un système de connivence, à base de PV illégaux, qui leur permet de multiplier et d’accélérer les procédures de renvoi.

À l’heure où les immigrés sont pointés du doigt comme un danger, l’État semble prêt à tout pour prouver son inflexibilité vis-à-vis des étrangers. Quitte à flirter avec l’illégalité. L’Humanité a eu accès à des procès-verbaux de police, que nous reproduisons en partie ici, qui attestent un véritable système de collusion entre le procureur de la République de Montpellier et le préfet de l’Hérault pour expulser des Roms en masse, au mépris de la séparation des pouvoirs et du respect de la loi. La manœuvre est simple : le procureur de la République établit des réquisitions soi-disant aux fins de rechercher les auteurs de « vols » ou de « recels » pour justifier l’envoi de forces de police dans des camps de Roms, qui procèdent alors à des contrôles d’identité et des vérifications de situation administrative sur place, systématiquement sans avocat.

Au terme de ces auditions groupées, les policiers confisquent les pièces d’identité et convoquent les Roms à venir les chercher quelques jours après au commissariat. Les procès-verbaux d’audition sont communiqués directement au service des étrangers de la préfecture de l’Hérault. Au moment où ils viennent récupérer leurs pièces d’identité, on leur délivre alors une obligation de quitter le territoire français (OQTF)… En vérité, il n’a jamais été question de rechercher les auteurs de « vols » ou de « recels ». Mais de se servir de ce prétexte pour débusquer des étrangers en situation soi-disant irrégulière.

Tout au long de cette chaîne bien huilée, de nombreuses violations du droit apparaissent. À cet égard, les procès-verbaux d’audition, qui remontent jusqu’à 2012, sont éloquents. « L’opération policière autorisée par le procureur de la République est un contrôle d’identité, qui doit répondre à des règles très précises. À partir du moment où la police commence à poser des questions, ce n’est plus un contrôle mais une audition, donc la police agit hors du cadre des réquisitions », précise Me élise de Foucauld, qui défend une dizaine de citoyens roumains. Audition qui doit normalement se tenir dans un commissariat avec, si la personne le souhaite, la présence d’un interprète et d’un avocat. « Là, c’est comme si la police procédait à une garde à vue sur le bord de l’autoroute, s’insurge-t-elle. On ne leur notifie pas le droit à un avocat alors que certaines questions font cinq lignes, sont purement juridiques, et ont des enjeux d’auto-incrimination. Même avec un interprète, ils ne sont pas en mesure de comprendre. »

Depuis quand la PAF recherche les voleurs et les receleurs ?

Deuxième point d’importance : la réquisition du procureur est de pure forme. Celle-ci est établie sur la base d’une recherche d’auteurs de « vols » ou de « recels » alors que la façon dont est mené le contrôle montre que l’intention n’a jamais été là. Les PV sont prérédigés avec des questions uniquement orientées sur la situation administrative des personnes. Et les policiers qui sont mobilisés ne sont pas des officiers de police judiciaire mais de la police aux frontières (PAF). « Depuis quand le boulot de la PAF est de rechercher les voleurs et les receleurs ? Certaines OQTF sont même datées du jour du contrôle. Ça veut dire que même elles ont été prérédigées ! » dénonce l’avocate, pour qui « les procédures qui découlent de ces opérations sont illégales sur tous les plans ».

Malgré ces entorses multiples au droit, l’espoir de faire annuler ces expulsions reste mince. « À ce stade, aucun juge ne peut vérifier la légalité de ces contrôles », reconnaît Me élise de Foucauld. Du fait de ces agissements hors cadre, le juge judiciaire ne peut exercer son droit de regard sur la procédure que le parquet a initiée. Raison pour laquelle l’avocate a décidé d’assigner le procureur de la République de Montpellier devant le tribunal de grande instance pour « violation du principe de séparation des pouvoirs, détournement de pouvoir et détournement de procédure ». Une démarche encore inédite.

Du côté de la préfecture, qui bénéficie de cette manœuvre puisque ces auditions groupées lui permettent d’établir des OQTF massives à moindres frais, on ne semble pas non plus craindre de voir ces décisions retoquées en justice. « Le préfet se cache derrière la séparation des pouvoirs pour dire que le juge administratif, saisi lorsque l’on conteste une expulsion, n’a pas à se prononcer sur la légalité d’une procédure judiciaire. Il y a un vide juridique dans lequel ils se sont engouffrés, ils y sont à l’abri et peuvent y faire tout ce qu’ils veulent », affirme Me Foucauld. À l’exception d’une décision du Conseil constitutionnel de 2013 qui juge que l’administration ne peut pas se fonder sur des éléments de preuve récoltés de manière illégale, la jurisprudence a toujours été favorable à cette dernière. De fait, sur la dizaine d’OQTF contestées devant le tribunal administratif, la justice a déjà confirmé la moitié d’entre elles.

Cette manière de tordre et d’enfreindre les procédures interroge d’autant plus que la finalité de la manœuvre semble pour le moins vaine, voire contre-productive. Non seulement les personnes concernées font état de leur volonté de revenir en France. Mais, de plus, ces expulsions ont un impact négatif sur le processus d’insertion des migrants, à l’heure où l’État ne cesse de les exhorter à « mieux s’intégrer ».

« Je crois qu’il y a un manque de conscience réel des conséquences sur les parcours d’intégration des Roms », estime un travailleur social de l’association Area, qui accompagne les habitants de deux bidonvilles de Montpellier, en partie financée par la Fondation Abbé-Pierre, mais également par… la préfecture de l’Hérault elle-même. « Tous les deux-trois mois, la police descend dans les bidonvilles, confisque les pièces d’identité des Roms et les convoque au commissariat pour leur délivrer des OQTF. Quand on discute avec les agents de la PAF, ils admettent que ça ne sert à rien, mais ça leur fait du chiffre à bon compte », poursuit-il. Le problème, c’est que ces expulsions suspendent les ouvertures de droits de ces personnes. À leur retour en France, il faut repartir de zéro pour qu’elles se réinscrivent à Pôle emploi, à la CAF, à la Sécu… « Ça devient difficile de motiver les gens, ils ne se sentent pas les bienvenus », insiste notre travailleur social.

« Une OQTF, c’est dix heures de travail social », résume, pour sa part, Catherine Vassaux, directrice de l’association Area, qui se dit dans une démarche de dialogue et de « recherche de solutions » avec les représentants locaux de l’État. Un sentiment de gâchis d’autant plus fort que la préfecture de l’Hérault – via la direction départementale de la cohésion sociale – investit de manière substantielle dans les dispositifs d’insertion. Et qu’une partie de ces citoyens roumains expulsés, qui travaillent ou sont inscrits à Pôle emploi, rentrent dans les critères d’un séjour régulier.

Contrairement à beaucoup de croyances, les Roms qui vivent dans les bidonvilles ne sont pas nomades par choix. Dans le campement Pablo-Picasso de Montpellier, qui abrite une trentaine de personnes, nombreux sont ceux qui souhaitent travailler et voir leurs enfants scolarisés. « Même si j’ai travaillé, que j’ai des fiches de paie, que je me suis inscrit dans une formation, quand les policiers sont venus pour nous parler d’OQTF, ils n’en avaient rien à foutre », résume Ionut, tout juste majeur, en France depuis l’âge de 12 ans.

Un jeune Roumain déterminé : « J’ai envie de me battre pour y arriver »

Le jeune Roumain semble tellement intégré qu’il a pris jusqu’à l’accent du Sud et les expressions d’argot des jeunes Français. Il a travaillé dans la restauration, dans la maçonnerie, a cumulé les missions d’intérim. Il espère pouvoir commencer son CAP des métiers de l’hygiène en septembre, mais la menace d’expulsion qui plane au-dessus de sa tête pourrait compliquer un peu les choses. Qu’à cela ne tienne, Ionut a la rage de réussir. « J’ai envie de me battre pour y arriver. Si j’avais pu trouver du travail en Roumanie, je ne serais pas venu ici », rappelle-t-il.Une détermination qui n’est pas forcément représentative du sentiment général dans le campement. « Quand on veut faire quelque chose, on nous bloque, on détruit tout ce qu’on a fait », explique en roumain Elisabeta (1), qui espérait voir ses enfants de 10, 7 et 3 ans faire leur rentrée à l’école en septembre. En France depuis dix ans, cette maman de 28 ans semble lasse et résignée face au sort qui lui est fait. Pour autant, elle reviendra en France si elle est expulsée. « Je ne veux pas que mes enfants restent dans la même situation que moi, je veux qu’ils étudient, qu’ils trouvent un travail, qu’ils puissent être libres de devenir ce qu’ils veulent. »

Si ces pratiques sont avérées à Montpellier depuis 2012, il semble probable qu’elles soient utilisées au-delà de l’Hérault. « Dans certains bidonvilles de France, la PAF débarque en minibus et fait venir les Roms un à un pendant cinq minutes pour faire les auditions et remplir le même genre de PV préremplis et cela satisfait les tribunaux », rapporte Manon Fillonneau, déléguée générale du collectif Romeurope, qui fédère une quarantaine d’associations et ONG de défense des droits des Roms.

Si, faute d’accéder aux PV en question, les associations qui suivent ces citoyens roumains ignorent sur quelles réquisitions se fonde l’administration, il paraît clair que ces procédures d’audition sont irrégulières. Pour Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Bobigny (Seine-Saint-Denis) spécialisé en droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti), ce genre de manœuvre relevant de la confusion des pouvoirs est classique. « Partout en France, les procureurs de la République et les préfets se rencontrent, notamment sur la question de l’immigration clandestine. Si une complicité s’installe, des systèmes comme ceux-ci peuvent se mettre en place », analyse le juriste. « On a beau s’élever contre ce genre de pratiques, le parquet nous dit qu’il est indépendant et qu’il fait ce qu’il veut », peste-t-il. Malgré nos appels répétés, le procureur de la République de Montpellier n’a pas souhaité répondre à nos questions. Tout comme le directeur de la police aux frontières de l’Hérault, Laurent Siam, qui a refusé de communiquer sur le sujet. La préfecture de l’Hérault a, pour sa part, déclaré : « Dans la mesure où l’affaire est portée devant les tribunaux, nous nous en remettons à la décision de justice et ne pouvons nous exprimer sur des cas individuels et tant que la décision n’a pas été rendue. »

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Discours de fin de présidence du Gisti

© Stéphane Maugendre
© Stéphane Maugendre

« Chèr.e.s Ami.e.s,

..

Oui, il faut mettre les 2 points, c’est l’écriture épicène !

C’est dur de devenir président du Gisti.

Pendant 12 ans tu te fais les permanences rue de Montreuil ou rue des petites écuries, sous l’œil de Madeleine (Terrasson), d’André (Legouy) ou de Patrick (Mony).

On t’oblige à écrire des articles pour Plein Droit, à relire des brochures ou à rédiger des recours dans une langue que tu ne comprends pas : « Le Droit ».

Après, encore pendant 12  années, tu te fais taper sur les doigts par les deux présidentes successives Danièle (Lochak) et Nathalie (Ferré) parceque tu n’épicènes pas assez tes textes.

Et enfin, tu y arrives.

PRESIDENT DU GISTI.

Putain que j’étais fier.

Fier pour mes parents qui m’ont politisé,

Fier pour les membres de mon cabinet qui n’ont jamais fait la gueule ou reproché quoi que cela soit.

Fier pour Sophie, Adèle et Jules qui ont dû supporter mes angoisses, absences, fatigues….

17 mai 2008/28 mai 2016, en 8 années que d’évènements.

2008, c’est :

– L’incendie du centre de rétention de Vincennes,

– Le début du débat sur l’appel d’offre sur les centres de rétention pour écarter la Cimade,

– Le début d’une nouvelle chasse aux soutiens aux sans-papiers,

La directive de la honte,

2009, c’est :

– Le bras de fer entre le Gisti et Besson sur le délit de solidarité,

Le bras de fer judiciaire avec Besson sur les centres de rétention et l’éviction de la Cimade,

– L’appel à la délation des passeurs par les sans-papiers,

Le premier démantèlement d’une jungle à Calais suivi d’un charter franco-britanique et la mobilisation Adde, Ldh, Saf et Gisti,

– Le début du débat sur l’identité nationale,

C’est aussi l’année de la mort d’Ali ZIRI.

 2010, c’est :

Les 123 Kurdes Corses, qui nous font souvenir les Kurdes de Fréjus de 2001, prétextes pour le projet de la réforme Besson,

– La conductrice voilée de Nantes et les délires politico-juridique sur la déchéance de nationalité et la polygamie de fait,

– La circulaire et les charters de Roms d’Hortefeux,

2011, c’est :

– Les délires de Guéant sur les étrangers incivils ou délinquants,

– Les premiers contrôles massifs à la frontière franco-italienne,

– L’ Arrêt El Dridi,

– Et le fameux communiqué du Gisti « Le Gisti va déposer plainte contre l’OTAN, l’Union européenne et les pays de la coalition en opération en Libye« 

2012, c’est :

– Les quotas et discours sur la civilisation de Guéant,

– La plainte « left to die boat »

La première QPC du Gisti,

– Le nouveau gouvernement avec l’arrivée du Maire d’Evry et l’immigration qui reste à l’intérieur,

– L’ Arrêt de la Cour de Cassation sur la garde-à-vue des étrangers en situation irrégulière et le débat sur la retenue judiciaire,

– La circulaire de régularisation par le travail de Valls,

– Et le premier non lieu dans l’affaire Ali ZIRI.

2013, c’est :

– La Loi Valls avec la création de la garde-à-vue déguisée en retenue judiciaire des étrangers en situation irrégulière et le mensonge de la fin du délit de solidarité,

– La circulaire Roms,

– La chronique « Au PS, un zeste de xénophobie ? » , publié dans Libé, qui ne nous a pas fait que des amis,

– La chronique  » Défendre et juger sur le tarmac « , là encore publié dans Libé,

L’affaire Léonarda,

Non-lieu ab initio dans l’affaire « left to die boat« ,

– Le procès de l’hôtel Paris Opéra,

– Et le deuxième non-lieu dans l’affaire Ali ZIRI,

2014, c’est :

La campagne « rendez-nous la carte de résident »,

– L’annulation du non-lieu ab initio dans l’affaire « left to die boat« ,

– Les deux projets de Loi sur l’Asile et le CESEDA,

– Et l’annulation du non-lieu mais aussi le troisième non-lieu dans l’affaire Ali ZIRI,

2015, c’est :

– Les jungles du Calaisis et de Paris et l’évacuation de la Chapelle,

– La deuxième QPC sur l’ITF,

– Les interprètes afghans,

– L’accueil des réfugiés et l’appel des 800,

– Le film sur Ali ZIRI,

– Le procès de Claire MARSOL à Grasse,

– Le communiqué communiqué de presse  « Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve » et ma première convocation par  la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne,

– C’est la réunion du bureau le 14 novembre à deux pas du Bataclan et l’état d’urgence qui a suivi.

2016, c’est :

Les bulldozers de Calais,

– Le procès de Rob Lawrie à Boulogne-sur-mer,

– Et enfin ma convocation par-devant le Tribunal pour le 12 octobre 2016.