A la suite de la mise en rétention à Bobigny de plusieurs enfants de sans-papiers chinois (lire Libération du 3 octobre), le Syndicat des avocats de France rappelle que le placement et la reconduite à la frontière des enfants mineurs sont interdits et que ces pratiques sont assimilables à une séquestration arbitraire. Le syndicat condamne ces rétentions «qui mettent en danger la santé des enfants et ont pour but de prendre des familles et des enfants en otages pour inciter les étrangers à ne plus se présenter aux guichets de la préfecture». Depuis lundi, une dizaine d’arrestations se sont en effet produites à la préfecture de Bobigny, où les parents, abusés par des rumeurs, espéraient pouvoir faire régulariser leur situation. Sur les lieux, il leur a été précisé qu’aucune régularisation ne pourrait avoir lieu si les enfants n’étaient pas présents. Des enfants de 1 mois à 13 ans, dont une petite fille malade, ont passé la nuit en rétention, tandis qu’un enfant de 5 ans, en situation régulière, a été retenu avec sa tante qui n’avait pas de papiers. Lorsque la mère est allée le chercher, les policiers lui ont indiqué qu’il était trop tard et qu’elle ne pourrait récupérer son enfant que le lendemain, à l’audience du tribunal où devait comparaître sa tante. A la suite de l’audience, les familles ont été relâchées ou assignées à résidence .
Archives de catégorie : Sans-papiers
Communiqué du SAF, 04/10/1996
Le Syndicat des Avocats de France (section Bobigny) est particulièrement indigné par les méthodes employés par la Préfecture de la Seine-Saint-Denis. En effet, après le communiqué du ministère de l’Intérieur en date du 26 juin 1996 et les annonces gouvernementales faisant suite à la publication de la circulaire du 9 juin 1996 (Journal officiel du 4 août 1996, relative à la mise en œuvre des circulaires sur les parents d’enfant français), nombre d’étrangers, parents d’enfants nés en France, se sont présentés auprès de la Préfecture de Bobigny.
C’est ainsi que le 30 septembre 1996 ont été remis à un couple et deux femmes de nationalité chinoise les notes manuscrites suivantes : « Du lundi au vendredi de 9 heures à Il heures 30 prendre rendez-vous pour réexamen de situation. » Le lendemain, ces quatre personnes se sont présentées auprès de la Préfecture avec leurs enfants. C’est alors que le couple LIM et leur enfant (17 mois), Mademoiselle LUO et son enfant (6 mois) et Madame HUANG, mère d’un enfant (4 ans), ont été placés en rétention administrative. Le 2 octobre 1996, le juge délégué du tribunal de Bobigny ordonnait leur assignation à résidence. La veille, soit le 1er octobre 1996, vers 22 heures, 5 couples de nationalités chinoises commençaient leur attente devant la Préfecture de Bobigny. Le matin du 2 octobre, ils étaient reçus par les services compétents et il leur aurait été indiqué qu’ils ne seraient régularisés qu’en présence de leurs enfants.
Se sont alors présentés :
Monsieur et Madame LIM avec leurs deux enfants (13 ans et 2 ans 1/2) ; Monsieur et Madame SAN avec leurs 2 enfants ; Monsieur et Madame REN avec leurs deus filles née en France, Maijolaine (5 ans) et Elodie (1 mois) ; Monsieur et Madame SHI avec leur fille Geneviève (6 mois) née en France.
Ils ont tous été interpellés et placés en rétention administrative. Le jeune Steve (5 ans), neveu d’un des couples interpellés, a lui aussi été placé en rétention, et sa mère (en situation régulière) n’a pu le récupérer auprès des services de police. Ceux-ci lui au rait indiqué que cela était trop tard et qu’elle pourrait reprendre son enfant que le lendemain matin. Ce matin là, Steve et Marjolaine présentaient des signes de maladie, mais aucun médecin n ‘était requis par les services de police. Selon nos informations, à midi, aucun des enfants n’avaient pu boire d’eau depuis le matin. En début d’après-midi, lors de l’audience du juge délégué au tribunal de Grande Instance de Bobigny, le jeune Steve a été remis à sa mère. Il s’est évanoui dans les bras de sa mère. Le juge délégué a libéré l’ensemble de ces personnes en les assignants à résidence.
La section de Bobigny du S.A.F. rappelle que l’Ordonnance du 2 novembre 1945 interdit le placement en rétention et la reconduite à la frontière des enfants mineurs et que de telles pratiques sont assimilables à de la séquestration arbitraire réprimée par le Code pénal. Outre les pièges mis en place pour interpeller des étrangers qui se sont présentés spontanément pour que soit réexaminée leur situation (réexamen considéré comme un droit par le Conseil d’État dans son avis du mois d’août dernier), le S.AF. de Bobigny condamne très fermement ces pratiques qui :
- ont pour but de prendre des familles et des enfants en otage pour inciter les étrangers à ne plus se présenter auprès des guichets de la Préfecture ;
- mettent en danger la santé des enfants ;
- sont indignes d’institutions chargées de faire respecter non seulement les lois de la République mais aussi et surtout les principes de notre démocratie.
Stéphane Maugendre Président de la Section de Bobigny du S.A.F.
contact Stéphane Maugendre :
Tél : 01 48 94 34 21 – Fax :01 48 94 00 07
Ferdinand, sans papiers, arrêté mais libre.Les juges de Pontoise ont déclaré nul le contrôle qui avait fait «tomber» un Haïtien.
, 0
Qu’est ce qu’un contrôle d’identité? Dans quelles conditions est-ilvalable? La question était posée vendredi devant le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise) où comparaissait un jeune Haïtien sans papiers, arrêté et emprisonné sur dénonciation de son propriétaire.
Ferdinand Jérôme, 32 ans, est un réfugié sans statut, venu d’Haïti il y a neuf ans. Des enfants nés en France, un travail de carreleur, un appartement dont la famille paie régulièrement le loyer. Pourtant, le 4 septembre, son propriétaire, qui a reçu pour la location de l’appartement une caution de 13 000 francs en liquide, dénonce la famille Jérôme à la police et l’accuse de lui devoir plusieurs mois de loyer. En arrivant sur les lieux, les policiers tombent sur Ferdinand et sa femme Kethlie. Débouté du droit d’asile, interdit de séjour à la suite de quatre refus de l’OFPRA, Ferdinand est immédiatement arrêté et emprisonné Sur le rôle à l’entrée du tribunal de Pontoise, Ferdinand est devenu «X, se disant Jérôme Ferdinand». Dans le box, c’est un homme aux yeux tristes, les mains menottées dans le dos, perdu au milieu des droits communs qui sont le lot habituel des audiences de comparution immédiate. Une vingtaine de Chinois et quelques Africains sont venus soutenir Ferdinand. Tous sont, comme lui, membres du troisième collectif de sans-papiers qui a vu le jour cet été et regroupe des immigrés de 24 nationalités. Des anonymes venus d’Asie et d’ailleurs, vivant en France depuis des années. Et qui sont là dans la salle du tribunal. Comme Aminata, dont la fille de 17 ans n’a toujours pas de papiers; ou Zong, en France depuis onze ans et que ses patrons ne paient pas toujours parce qu’ils savent qu’elle n’a pas de papiers. Et Chen, Ya, Zhao qui ont demandé l’asile politique il y a longtemps.
Devant le tribunal, Ferdinand Jérôme n’a pas à expliquer ses démêlés avec l’administration, les promesses d’embauche qui n’aboutissent jamais faute de papiers et sa vie de clandestin malgré lui. Son avocat, Me Stéphane Maugendre, estime, en effet, que le contrôle d’identité qui a eu lieu sur dénonciation dans l’appartement du couple n’est pas réglementaire. «Ce contrôle n’était pas justifié. L’ordre public n’était pas menacé et le litige, d’ailleurs imaginaire, qui opposait les Jérôme à leur propriétaire est une procédure civile et non pénale, comme le prévoit la loi», argumente l’avocat. Il aura gain de cause: Ferdinand Jérôme sera libéré le soir même. «Le contrôle d’identité est indéniablement nul», estime le procureur, qui ajoute: «Vous êtes libre, mais vous en situation irrégulière, vous êtes interdit de séjour. Vous ne pouvez pas vous imposer en France. Je n’enverrai pas les policiers vous cueillir à la sortie de prison. Mais, demain, le trouble à l’ordre public recommencera. Et vous serez à nouveau emprisonné. Il faudra partir.» L’avocat ne plaidera donc pas. Il ne dira pas que Ferdinand Jérôme a toujours travaillé, qu’il a des fiches de paie, qu’il acquitte son loyer et ses impôts. Que ses enfants ne connaissent que la France et ne parlent que le français. Il n’expliquera pas que la famille fait partie de ces immigrés dont le gouvernement dit qu’ils ont vocation à s’intégrer mais dont il n’arrive pas à régulariser sa situation. L’avocat gardera sa plaidoirie pour la prochaine fois et dira simplement que, cet après-midi-là, les juges ont pris le temps d’écouter et que le tribunal n’a pas voulu jouer son rôle de purge.
École piégée pour les enfants d’étrangers
Nathalie Gathie, 29/09/1994
Quand les parents sont demandeurs d’asile ou en situation irrégulière, l’inscription scolaire des enfants devient un exercice des plus dangereux.
LILIA 8 ANS. Et déjà l’intuition de ne pas être une fillette ordinaire. Son cartable est vide et ses cahiers vierges. Lili n’est jamais en retard, elle n’a pas d’emploi du temps. Pas plus que de devoirs ou de leçons à réciter à sa mère, Zaïroise en situation irrégulière. Lili a peur de «ne rien savoir quand elle sera «grande». Jour après jour, elle ânonne sa crainte de «devenir plus bête que les autres». Les autres, tous ceux qui vont à l’école quand Lili se morfond. «A la rentrée, la mairie d’un arrondissement parisien me demandait trop de documents, j’ai préféré fuir. Je ne peux pas être repérée, sinon on m’expulsera. Aujourd’hui, on veut tellement se débarrasser des étrangers qu’on utilise les enfants. Tout est bon pour nous dégoûter», explique Miyama, la mère de Lili.
Comme d’autres, inquantifiables, Lili est exclue du système scolaire parce que des mairies, parisiennes ou franciliennes, refusent d’inscrire dans leurs écoles des enfants -français ou étrangers- sous prétexte de lutter contre l’immigration clandestine. En exigeant de leurs parents étrangers qu’ils présentent un titre de séjour en cours de validité lors de l’inscription de leur progéniture, les mairies contreviennent aux règles du droit français et international. La Constitution et la Convention des droits de l’enfant garantissent noir sur blanc le droit à l’éducation pour tous. Une circulaire de l’Éducation nationale, datée de 1984, rappelle que «les titres de séjour des parents ou des responsables du mineur n’ont pas à être demandés».
Autant de textes sur lesquels plusieurs mairies s’asseyent allègrement. Si la plupart d’entre elles finis¬sent par inscrire, ce n’est qu’à l’issue de multiples tentatives de découragement. « Elles savent que l’opinion est globalement de leur côté. Et, si on les traîne en justice pour voie de faits ou discrimination raciale, elles n’auront pas plus de 10.000F d’amende. Dérisoire», explique Me Stéphane Maugendre (avocat). Habitué de ces dossiers, il a obtenu la condamnation de Pierre Bernard, maire divers droite de Montfermeil, qui, dès 1986, refusait l’inscription de 44 enfants.
La sanction a été peu dissuasive. En atteste l’obstination de Gérard Probert, maire divers droite de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis: depuis bientôt deux ans, il contrarie l’inscription de deux fillettes dont la mère, domiciliée dans sa commune, est dé¬boutée du droit d’asile. Aujourd’hui, les enfants étudient dans une institution privée trop onéreuse au regard des ressources familiales. Quant à Gérard Probert, il campe sur ses positions. «Le droit à l’éducation existe, mais celui de respecter l’école de la République aussi: il faut vivre à Clichy pour comprendre que les étrangers ne le respectent pas. On a déjà 42% d’immigrés ici, et les clandestins ne font qu’appauvrir la ville. On ne peut pas toujours dire que la France est une terre d’asile.» Quid du droit des enfants «Mais les clandestins sont contre le droit», rétorque le premier magistrat de Clichy.
Récemment, le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) dénonçait l’«apartheid scolaire». Et ajoutait, documents à l’appui, que les mairies des IXe, XIIe, XIVe, XVe, XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe et XXe réclament toutes des titres de séjour. Roger Chinaud, maire UDF du XVIIIe, procède ainsi «par souci de recoupement. Je ne fais pas le travail de la police: chacun son métier». Les mairies récusent donc toute arrière-pensée. Elles vérifient. Pour rien?
Il y a quelques mois, Pablo et Maria, couple de Colombiens déboutés de droit d’asile, s’installent dans le XVIlle. Hébergés par des amis, ils ont un domicile fixe et décident, en décembre 1993, de scolariser leurs deux enfants, dont une fillette de nationalité française. La mairie réclame illico un titre de séjour dont les parents ne disposent pas. En février 1994, la Cimade intervient. Mais le dossier «est à l’étude ». Il le demeure, puisque ni l’un ni l’autre des enfants ne sont aujourd’hui en classe. En revanche, le couple, qui, avant ces demandes d’inscription, n’avait jamais été inquiété par les services de police incapables de les localiser, a été convoqué par le commissariat du XVIIIe. Et s’est vu confisquer ses passeports.
Le père de Lili a vécu sensiblement la même «coïncidence ». A cette différence près qu’il est aujourd’hui incarcéré. Car les ennuis de la fillette et de sa mère ne datent pas de cette rentrée scolaire. Ils remontent à l’époque où la famille décide de s’installer à Levallois-Perret. «En septembre 93, j’ai voulu inscrire la petite. Il ont refusé deux fois, mais l’inspection académique est intervenue», explique Miyama, la mère de Lili. Très vite, elle et son époux déchantent. « On était filés et des inspecteurs de police sont venus chez nous >, se souvient-elle. Au même moment, des employés municipaux contactent le Mrap pour l’informer qu’un courrier dénonçant la présence des parents de Lili sur la commune vient d’être adressé à la préfecture à la demande de Patrick Balkany, maire RPR de Levallois. Le 16 juin dernier, le père de Lili est interpellé. Et écope, en comparution immédiate au tribunal de Nanterre, d’une peine de cinq mois de prison ferme assortie d’une interdiction temporaire du territoire de cinq ans.
Isabelle Balkany, conseillère municipale, chargée de la communication, le reconnaît volontiers » On a écrit au préfet pour savoir quoi faire. Ce type est fêlé d’avoir voulu inscrire son enfant, c’est comme les femmes qui viennent accoucher ici pour que les gosses aient la nationalité française ou les mariages blancs on marche sur la tète ». Les lois concernant l’éducation? «Une ville ne dépend pas d’une circulaire de l’Education nationale, tranche Isabelle Balkany La législation s’est durcie pour les étrangers parceque c’est la volonté du peuple. Et puis un enfant suit ses parents, les mômes de clandestins doivent repartir aussi.»
Lili vit aujourd’hui à Paris Elle attend la libération de son père. Et rêve d’aller en classe .
Les futurs mariés étrangers en butte aux chicanes de la Mairie de Paris
Demande de carte de séjour, d’une autorisation spéciale du préfet, demande d’une enquête auprès du procureur de la République, retardent les noces et ont un effet dissuasif.
C’est une véritable bataille juridique qu’un couple de Nigérians a livrée au maire de Paris en l’assignant en référé hier matin au Palais de justice de Paris. La raison? Le maire du 16e arrondissement n’a pas voulu les marier, le 23 octobre dernier. Après une année de vie commune, Salomon, 33 ans, qui vit légalement en France depuis plusieurs années et sa compagne, Loveline, enceinte de sept mois et en situation irrégulière, décident de se marier. Le couple dépose te 10 octobre dernier un dossier à la mairie d’arrondissement du domicile de Salomon et les bans sont publiés. Date prévue pour le mariage, le 23 octobre. Ce jour-là, témoins sous te bras, le couple se présente pour convoler en justes noces. Refus catégorique de l’officier d’état civil, qui ne nie pas leur droit au mariage mais explique qu’il n’a pas reçu les résultats d’une enquête demandée au procureur de la République. L’officier d’état civil se demande si 1e maire de Paris peut procéder au mariage du couple « sans exiger le visa sur le passeport ».
Cette interrogation est pour le moins surprenante car une circulaire du ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation d’août 1982 abroge l’autorisation de mariage à laquelle étaient astreints les étrangers résidents temporaires et affirme que l’officier d’état civil peut « célébrer leur mariage sans formalité administrative particulière et sans avoir à vérifier la régularité du séjour». En juillet dernier à l’Assemblée nationale, le Garde des Sceaux lui aussi rappelé que «les règles relatives au mariage sont indépendantes de celles concernant le séjour des étrangers en France. L’instauration d’un contrôle de la régularité de ce séjour serait contraire aux dispositions des conventions internationales ratifiées par la France, notamment aux articles 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme qui consacrent le caractère fondamental de la liberté du mariage et l’interdiction d’y porter atteinte en se fondant sur l’origine nationale des intéressés».
Le « blocage provisoire » du mariage de Salomon et Loveline par la mairie du 16e est surprenant mais s’appuie sur l’article 343 de « l’instruction générale relative à l’état civil du 21 septembre 1955 ». Cette disposition permet en effet à l’officier d’état civil qui « éprouve certains doutes» sur un mariage, d’en aviser te procureur de la République, argument soutenu par maître Socquet, défenseur de la mairie de Paris. Des «doutes», qui, selon Me Stéphane Maugendre (avocat) le défenseur du couple nigérian, sont clairement définis: âge, consentement, législation nationale, etc.
A l’heure où plusieurs filières de mariages blancs ont été démantelées et où plusieurs maires tentent de contenir te nombre d’étrangers dans leurs communes, cet article permet selon maître Maugendre, « d’empêcher de nombreux mariages car beau¬coup d’étrangers ne se sentent pas d’engager des procédures pour obtenir un droit des plus légitimes, se marier ». Mais il y a plus grave, dans un DEA (diplôme de troisième cycle) de politique criminelle et droits de l’homme datant de 1989-90, intitulé «Le mariage des étrangers», deux étudiants de Nanterre, qui ont mené une enquête dans toutes les mairies d’arrondissement de Paris, observent que 85 % d’entre elles « violent non seulement la loi française mais aussi la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des menés fondamentales en exigeant une carte de séjour, de surcroît, près de la moitié de ces mairies exigent la production d’un titre qui n’existe plus depuis 1981» (l’autorisation spéciale délivrée par le préfet).
Selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), ces cas se reproduiront régulièrement et « sans fin, tant que la Court européenne de justice ne jugera pas le fond et ne montrera pas que la France est dans une situation difficile, parce! que les maires continueront à faire de l’obstruction au mariage des étrangers».
Fort de leur bon droit, et après examen de l’enquête, Salomon et Loveline se marieront dans quelques jours à la mairie du 16e.
Refus de mariage : le maire au tribunal
Pas de mariage à la mairie du XVIe pour un étudiant en sociologie, Salomon, trente-trois ans, qui devait épouser Loveline, trente ans, Nigérians tous les deux. Mais elle, est en situation irrégulière. Un refus qui vaut à M. Chirac et au maire du XVIe d’être convoqués vendredi au tribunal des référés.
Domiciliés dans le XVIe arrondissement, ils se présentent tout naturellement à leur mairie d’arrondissement pour remplir les formalités d’usage, c’est-à-dire établir un dossier complet comprenant extraits d’actes de naissance, certificats prénuptiaux, attestations de domiciles, etc. Le jour-même, on leur remet un document adressé par la mairie au procureur de la République, demandant si le maire peut procéder au mariage «sans exiger qu’il y ait le visa sur le passeport de le jaune femme», enceinte de sept mois.
« Une procédure classique », souligne Pierre Christian Taittinger, et ce depuis que nous avons reçu il y a quelques années, une circulaire du ministère de la Justice nous demandant d’avertir le parquet à chaque fois que la situation de l’un des futurs mariés nous paraissait ambiguë…»
Une initiative aberrante selon l’avocat du couple, Me Stéphane Maugendre, « car, explique-t-il, les maires ont le devoir en France de marier les couples, et ce, quelle que soit leur situation. »
Mais le jour du mariage, alors que les bans ont été régulièrement affichés aux portes de la mairie, et que dans un courrier adressé au couple, le secrétaire général de la mairie a confirmé fa date du mariage pour le 23 octobre, les jeunes gens et leurs témoins se voient interdire l’accès de la salle. Un agent à. l’entrée leur explique qu’ils ne sont pas inscrits sur la liste.
Malaise… La raison invoquée par les fonctionnaires de la municipalité : le procureur de la République leur au¬rait renvoyé le dossier de Salomon et Loveline, leur demandant de «surseoir à la décision ». Plus prosaïque¬ment, cela veut dire que la justice demande à la mairie de suspendre pour « le temps de l’enquête », le mariage.
« Les fonctionnaires, souligne le maire, ont suivi scrupuleusement les ordres du procureur, qui demandait que le mariage n’ait pas lieu à la date prévue ! »
Dommage que ceux-ci n’aient pas demandé l’avis de leur maire avant de prendre cette initiative, car, comme le souligne l’avocat du couple «un procureur ne peut s’opposer à un mariage que lorsqu’il y a défaut de consentement, c’est-à-dire que l’un des futurs mariés ne souhait pas aller devant monsieur le maire. Il peut aussi le faire annuler s’il ne s’est pas déroulé selon les termes de la loi… »-. Mais, à qui la faute ? Au procureur qui pour une raison « inconnue H a fait suspendre le mariage ? Aux fonctionnaires de la mairie trop zélés, qui n’ont pas pris la peine d’avertir leur maire de la situation; car lui, ne pouvait ignorer qu’il avait l’obligation de marier les jeunes gens… Rendez-vous au tribunal des référés vendredi.
Le jardinier de Montreuil est un extra-territorial
Halim Jebbar, 28 ans, en France depuis l’âge de 13 ans, est menacé d’interdiction de séjour. Pour le tribunal administratif, il est en situation irrégulière depuis 1989, date où ses parents, membres d’une mission diplomatique, ont quitté le pays. Il n’avait qu’un statut d’« extra-territorial ».
« Je suis un modèle d’intégration », plaisante Halim Jebbar… Mais un modèle « hors la loi » depuis le 25 août, jour où, sous le coup d’un arrêté de reconduction à la frontière de la préfecture de Seine-Saint-Denis, il aurait dû embarquer à destination du Maroc. A 28 ans, et après moult tentatives de régulariser sa situation, ce jardinier à la mairie de Montreuil risque, aujourd’hui, la prison et trois ans d’interdiction de séjour sur le territoire français.
Pendant les douze ans où il est resté sous la tutelle de sa famille, pas de problèmes. Halim est arrivé en France en 1976 à l’âge de 13 ans, suivant son père, fonctionnaire au consulat du Maroc. La famille réside à Montreuil, les enfants sont scolarisés. Après le bac en 1986, il reçoit sa première carte de séjour étudiant. Quand les parents retournent au pays en 1988, Halim, lui, reste à Montreuil ; il est en deuxième année de BTS. Mais il manque le diplôme et, l’année suivante, il se réinscrit, par correspondance, à l’examen. Et son parcours du combattant commence. Quand il vient faire renouveler sa carte étudiant, début 1989, les services de la préfecture font valoir qu’il n’y a pas eu «suivi de cours» (1), et lui refusent la carte. Il engage alors un premier recours pour faire valoir son statut de résident. Et apprendra ainsi qu’il est toujours un «extra-territorial», fils d’un membre du personnel d’une mission diplomatique. Selon le tribunal, Halim, pendant la période passée sous le toit de son père, ne peut pas être « considéré comme étant en situation régulière… ». Nuance perverse de la législation sur le séjour des étrangers. Il existe en effet une clause qui exclut, du champ d’application de ses dispositions, les membres de la famille d’un agent consulaire, sans proposer toutefois d’autres aménagements.
Le 19 août dernier, Halim Jebbar revient à l’assaut, en demandant cette fois une carte de résident, qui, —conformément à la loi du 2 novembre 1945— peut être octroyée «de plein droit à tout étranger vivant sur le territoire depuis plus de quinze ans ». Et là, du coup, cette simple formalité vire au cauchemar. Il donne identité et adresse au fonctionnaire qui lui demande d’attendre dans le couloir. Quelques minutes après, sans autre explication, il est emmené sous bonne garde au centre de rétention de Bobigny et ne doit son sursis qu’à l’absence de vol vers le Maroc ce jour-là.
Un nouveau recours, déposé devant le tribunal administratif de Paris, est rejeté. L’arrêté de reconduction est confirmé. Motif: «L’étranger auquel (…) le renouvellement d’un titre de séjour temporaire a été refusé s’est maintenu sur le territoire au-delà d’un mois à compter de la date de notification du refus… » Et pour cause, puis¬que depuis deux ans, Halim est formellement en situation irrégulière. Mercredi, à la Maison des associations de Montreuil, un comité de soutien s’est formé rassemblant ses amis d’enfance, les principaux mouvements de défense des droits de l’homme ainsi que diverses organisations de gauche et la municipalité de Montreuil elle-même. Le maire, Jean- Pierre Brard, communiste, a adressé une lettre de protestation au ministre de l’Intérieur, suivi aussitôt par le MRAP qui, par la voix de son secrétaire national, Norbert Haddad, rappelle que Halim, « connu et apprécié dans sa ville, est régulièrement affilié à la sécurité sociale, paye ses impôts, a un logement à son nom et participe activement à la vie associative de sa commune». «Ce jeune homme, précise le communiqué, ne connaît que la France et n’a plus aucun lien avec le Maroc. A l’évidence, exiger un départ immédiat pour ce pays équivaudrait (…) à un bannissement. » Le défenseur de Halim, Me Stéphane Maugendre (avocat), ne se prive pas, quant à lui, de dénoncer la préfecture de Seine-Saint-Denis comme « l’une des plus répressives » en matière d’immigration, « Le tribunal, explique-t-il, n ’a pas jugé sur le fond et s’en est tenu au séjour délictueux de Halim depuis le non-renouvellement de sa carte en 1989 et son rejet de statut de résident.» Rappelant que le recours possible devant le Conseil d’État n’est pas suspensif de la mesure de reconduction, il en appelle, lui aussi, au ministre de l’Intérieur pour qu’il « prenne la mesure humanitaire et dérogatoire qui s’impose en l’espèce ».
Le conseiller technique du ministère, Michel Debacq, en charge du dossier, n’avait toujours pas fait connaître, hier, la décision. La préfecture, quant à elle, répète inlassablement que Halim Jebbar « n ’existe que depuis 1986 et est en situation irrégulière depuis 1989».
(1) Cette décision s’appuie sur une circulaire d’août 1985, selon laquelle « l’étudiant peut se voir réclamer une attestation de participation aux examens ».
Pierre Bernard dans le box des accusés
Mariages sous surveillance
La lettre du SAF, avril 1991
La liberté de se marier est-elle encore un droit fondamental, s’agissant des étrangers ? Un petit tour des mairies de France ne laisse pas d’inquiéter.
Hier, des maires refusaient l’inscription d’enfants d’étrangers dans les maternelles. Aujourd’hui c’est à la liberté pour les étrangers de se marier et de vivre en famille qu’il est atteint.
ROUBAIX, 17 février 1990. Mademoiselle N.G. attend en vain son mari, de nationalité marocaine, sur les marches de la mairie.
SAINT-ETIENNE, février 1991. La mairie refuse de publier les bans, empêchant ainsi le mariage de Monsieur A.B., algérien.
ANGLIERS (Vienne), 16 février 1990. Le maire, “sensibilisé sur les problèmes actuels et pensant qu’il peut s’agir d’une “affaire bizarre”, d’autant plus qu’une rumeur court dans le bourg d’Angliers, parlant d’un “mariage blanc” pour lequel la jeune fille aurait perçu une somme d’argent”, se fait remplacer, pour la célébration du mariage, par deux gendarmes qui arrêtent Monsieur S., égyptien.
Même si le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Poitiers, par Ordonnance en date du 8 mars 1991 frappée d’appel, “ordonne à l’Officier d’État civil de la Commune d’Angliers de procéder à la mairie au mariage de Mademoiselle L. et Monsieur S. dès qu’il en sera requis par ceux-ci”, Monsieur S. n’est toujours pas marié et a été condamné par le Tribunal Correctionnel à 3 mois fermes et 3 années d’interdiction du territoire français.
LE PRE SAINT-GERVAIS (Seine-Saint-Denis), 29 septembre 1990. Mademoiselle M., après avoir déposé toutes les pièces nécessaires pour se marier auprès du Service de l’État Civil de la mairie, se retrouve devant la 12ème Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
Sur les conseils du tribunal, qui a ajourné le prononcé de la peine, Mademoiselle M. se présente à la préfecture de la Seine-Saint-Denis pour régler sa situation.
Monsieur le Préfet la place alors en rétention administrative, puis la relâche 24 heures plus tard.
En effet, Mademoiselle M., enceinte de 7 mois et prise d’un malaise, est conduite à l’hôpital.
Le 24 octobre, Monsieur le Maire, sommé par voie d’huissier de procéder à la célébration du mariage, répond “qu’il n’y a pas d’opposition de la part de la mairie, mais que le dossier a été transmis à Monsieur le Procureur de la République de Bobigny qui doit donner l’autorisation de célébrer le mariage”.
Le 9 novembre, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny, saisi d’un référé voie de fait, ordonne la communication de l’affaire au Ministère Public.
Le 10 novembre, Monsieur le Maire, ayant reçu l’autorisation de Monsieur le Procureur de la République, marie Mademoiselle M. et Monsieur M.
VAL DE MARNE, 16 novembre 1991. Mademoiselle D. et Monsieur G., roumain, déposent un dossier complet à la mairie.
Le même jour, le service de l’État Civil de la mairie transmet pour avis le dossier à Monsieur le Procureur du Tribunal de Grande Instance de Créteil dans les termes suivants : “Le futur époux a demandé le bénéfice du droit d’asile le 4 mai dernier et ne peut fournir ni certificat de coutume ni certificat de célibat. Le mariage peut-il avoir lieu au vu de l’acte de naissance roumain, document unique dont nous avons pris photocopie et rendu l’original à l’intéressé, sans attendre le verdict de l’O.F.P.R.A., en lui faisant souscrire une déclaration sur l’honneur de célibat et le certificat prévu au n° 542 de l’I.G.E.C. (Instruction Générale de l’Etat Civil)?”.
Le 20 décembre 1990, les demandeurs n’ayant aucune réponse de la mairie, leur Conseil remet en mains propres à Monsieur le Substitut :
– un original d’une attestation sur l’honneur de Monsieur G., certifiant qu’il n’est pas marié,
– un original d’un certificat de naissance ainsi que sa traduction originale par un expert judiciaire près la Cour d’Appel de Paris,
– la copie d’un bulletin d’identité roumain portant la mention “célibataire”, dont l’original a été présenté à Monsieur le Substitut, ainsi que sa traduction originale par un expert près la Cour d’Appel de Paris.
Le 10 janvier de la nouvelle année, Monsieur le Substitut avise Monsieur le Maire d’attendre le 18 janvier 1991, date de l’entretien de Monsieur G. avec l’OFPRA, ainsi que la réponse de celle-ci quant à son statut de réfugié politique, et “il conviendra alors :
– soit de lui demander un acte de naissance, un certificat de célibat et un certificat de coutume délivrés par l’O.F.P.R.A. si le statut de réfugié politique lui est accordé,
– soit de produire un acte de naissance de moins de 6 mois, légalisé par le Consulat et accompagné des certificats visés ci-dessus”.
Le nez du Procureur
Le 18 janvier 1991, Monsieur le Maire est sommé par voie d’huissier de procéder au mariage des requérants.
Interpellé, Monsieur le Maire a répondu : “Nous vous remettons la lettre du Maire expliquant la situation au Procureur de la République et vous soumettons la réponse de Monsieur le Procureur de la République confirmant qu’il manque le certificat de coutume et le certificat de célibat. Dès que nous serons en possession des documents rien ne s’oppose à la célébration de ce mariage”.
Or, Monsieur le Procureur n’avait pas à donner l’instruction à Monsieur le maire de demander à Monsieur G. un extrait d’acte de naissance délivré depuis moins de six mois (n° 352 de l’I.G.E.C.), ni un extrait d’acte de naissance légalisé par le Consul (articles 9 à 11 de la convention Franco-Roumaine du 5 novembre 1975 relative à l’entraide judiciaire) ni la production de certificats de coutume et de célibat (n° 538 et 541 de l’I.G.E.C.).
Ainsi, la décision de Monsieur le Maire de soumettre la célébration d’un mariage à la décision de l’O.F.P.R.A., notamment pour connaître de la production par les demandeurs de documents qui ne sont nullement exigés par les textes et donc de refuser de les marier, constituait une voie de fait.
Par conséquent, une assignation en référé a été délivrée au maire, qui, quelques heures après, contactait le couple pour fixer le jour et l’heure du mariage Ces affaires scandaleuses permettent de rappeler que la compétence du Procureur de la République en matière de mariage est strictement limitée par les dispositions du Code Civil tant avant (articles 145 et 169), que pendant (article 75) et après le mariage (articles 184, 185, 190).
Et l’I.G.E.C. précise que “les autorisations de mariage exigées pour certains étrangers par l’article 13 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, ont été supprimées par l’article 9 de la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981. En conséquence, l’inobservation par un futur époux de nationalité étrangère des dispositions concernant le séjour en France des étrangers ne saurait, à elle seule, empêcher la célébration du mariage. L’Officier de l’État Civil qui procède à un tel mariage ne saurait de ce seul fait encourir de responsabilité”.
D’ailleurs, la Commission Européenne des Droits de l’Homme affirme, dans des avis concernant les mariages des détenus, que les articles 12 et 14 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme garantissent un droit fondamental à contracter mariage et que le rôle des législations nationales est de régir l’exercice de ce droit sans porter atteinte à sa substance ou de manière substantielle à l’exercice de ce droit (Voir “la Convention Européenne des Droits de l’Homme” : Gérard Cohen-Jonathan, édition Economica).
Or, de plus en plus souvent, soit des maires transmettent le dossier de mariage au Parquet pour autorisation, soit le Parquet demande la transmission de ce dossier pour autorisation préalable à mariage, notamment à des fins de lutte contre l’immigration clandestine.
La violation d’un droit fondamental est entrée dans nos mairies avec la complicité instigatrice de certains Parquets.
Stéphane MAUGENDRE, Barreau de Bobigny.
Le Mariage ne connait pas de frontière
Hebdo 93, Christophe Morgan, 16/11/1990
La mairie du Pré-Saint-Gervais est revenue sur sa décision et a finalement célébré les noces d’Hélène Mendy, une jeune Sénégalaise en situation irrégulière. Une affaire qui met à jour une pratique illégale qui consiste à demander au parquet des autorisations préalables de mariage.
Marcel Debarge, maire PS du Pré-Saint-Gervais était assigné à comparaître, vendredi 9 novembre, devant le tribunal de Bobigny pour « refus de mariage ». Au centre de cette polémique, une jeune Sénégalaise de vingt-sept ans, Hélène Mendy, enceinte de sept mois, qui souhaitait épouser Horacio Mendes, un réfugié politique guinéen. Une union qui leur avait été refusée dans un premier temps, la jeune femme se trouvant en situation irrégulière.
Pour Maître Maugendre, avocat d’Hélène Mendy, et pour Maître Babaci, qui représente le GISTI (groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), il s’agit là de « pratiques scandaleuses. Sous prétexte de lutte contre l’immigration clandestine, le droit au mariage est bafoué ».
En effet, selon les avocats « aucun texte ne permet à un maire de vérifier la régularité d’un candidat étranger au mariage ».
C’est dans ce contexte explosif qu’aurait du s’ouvrir un procès placé sous le signe d’une bataille juridique. En fait, la confrontation a été repoussée au 3 décembre. Entre temps, le couple apprenait de la mairie du Pré-Saint- Gervais que le mariage serait finalement célébré le lendemain, soit samedi 10 novembre. Les avocats ont donc remballé leurs dossiers, non sans une certaine amertume. « Nous sommes très déçus, confiait Maître Maugendre. Au fond, tout est fait pour écarter le débat. Chacun se renvoit les responsabilités ».
De fait à la mairie du Pré-Sain-Gervais, on assure qu’il n’y a pas eu refus de mariage. « Nous avons suivi une consigne du procureur qui nous demandait de signaler toute anomalie dans les papiers des étrangers », explique t-on. D’après le code civil pourtant, l’officier d’état- civil n’a pas à apprécier les conditions de domicile des candidats au mariage, encore moins à entreprendre des investigations. « Il n’a pas à savoir si les personnes sont en situation irrégulière », explique par exemple un responsable d’état-civil d’une ville du département. De leurs côtés, les avocats soulignent que « l’autorisation préalable au mariage des étrangers est abrogée depuis 1981 ». Ainsi dans cette affaire, il pourrait bien y avoir eu excès de zèle, pour ne pas dire plus, de la part de la mairie du Pré-Saint-Gervais. La pratique qui consiste à demander des autorisations de mariage préalables au parquet est pourtant courante. Coffi Bayard, un jeune Antillais, en a été l’une des nombreuses victimes. Son cas remonte à 1987 : « Je voulais épouser une Ivoirienne. raconte t-il. J’ai donc déposé un dossier à la mairie du XVIIIe à Paris. On m’a remis une lettre cachetée, que je n ’avais pas le droit de lire, à charge pour moi de l’amener au parquet. Là, une dame a pris un stylo, et a écrit « refus ». Cela n’a pas pris plus de deux minutes, et depuis, je ne me suis toujours pas marié ». D’après un responsable d’état-civil, il est vrai toutefois que le nombre de tentatives de mariages blancs tendent à se multiplier ces dernières années en Seine-Saint-Denis. En cas de doute légitime ou de conviction personnelle de l’agent, la mairie est alors tenue d’en informer le parquet. Il n’est pas si rare par exemple de voir un très jeune homme souhaitant épouser une très vieille dame. Si la tentative avorte dans une mairie, le couple cherche alors fortune dans une autre ville. Rien à voir néanmoins avec les cas de situation irrégulière. D’autant moins que l’union devant la loi ne règle pas automatiquement la situation des étrangers. Pour ce faire, il faut répondre à un certain nombre d’obligations qui passent par la justification d’un logement et d’un emploi.
Les avocats espéraient sans doute faire de ce procès un cas exemplaire. Aujourd’hui, la bombe semble bien être désamorcée. Mais la publicité dont a bénéficié cette affaire a au moins eu un aspect positif: cela a en effet permis de rappeler la loi de 1981, trop souvent bafouée. Hélène Mendy, quant à elle, a été autorisée à rester en France jusqu’en avril. A cette date, elle sera mère d’une petite fille. A la question, « Comment l’appellerez-vous ? », elle répond avec un grand sourire « Espérance. »