Archives de catégorie : Avocat

La nationalité au mérite, mode d’emploi ?

DÉCRYPTAGE

Armando est menuisier, meilleur apprenti de France dans sa discipline. Nura est le père d’un champion d’échecs. Mohamed et Mohssen ont sauvé plusieurs personnes dans l’incendie d’un immeuble d’Aubervilliers. Leur point commun ? Ils étaient sans-papiers et ont reçu un titre de séjour pour leurs états de service, ou ceux de leurs proches. Existe-t-il une «régularisation au mérite» ?

Etat des usages en vigueur.

Qui est Armando Curri ?

Cet Albanais de 19 ans a reçu mercredi sa médaille de meilleur apprenti menuisier de France au Sénat, alors que cette cérémonie lui avait été refusée dans un premier temps, en raison de sa situation irrégulière. Mais devant la mobilisation de ses formateurs et l’écho médiatique suscité par l’affaire, le préfet de la Loire, où réside Armando, a abrogé l’obligation de quitter le territoire français qui le frappait depuis octobre pour lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de trois mois. Ce délai lui permettra de poursuivre ses démarches afin de régulariser sa situation. Il devrait bénéficier d’une disposition de la circulaire Valls de 2012, portant sur «l’admission au titre de motifs exceptionnels».

Quels sont ces motifs ?

Un étranger en situation irrégulière peut obtenir des papiers s’il justifie «d’un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique)». La circulaire n’a aucun pouvoir d’obligation pour les préfectures. Au final, ce type de régularisation est rarissime : 14 cas en 2013, autant en 2014.

Faut-il aller plus loin ?

Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés salue cette «tradition républicaine» et ce «pouvoir d’appréciation vers le haut des préfets». Mais il estime que l’exemple d’Armando «montre que plein de gens qui travaillent, paient des impôts, mériteraient tout autant d’être régularisés». Il regrette que pour la régularisation des sans-papiers, les autorités privilégient les circulaires à la loi, qui, elle, est contraignante.

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La régularisation «au mérite» existe-t-elle ?

  Sylvain Mouillard

Armando est menuisier, meilleur apprenti de France dans sa discipline. Linda, elle, a été couronnée dans la catégorie «pressing». Nura est le père d’un champion d’échecs. Mohamed et Mohssen ont sauvé plusieurs personnes dans l’incendie d’un immeuble d’Aubervilliers. Leur point commun ? Ils étaient sans-papiers et ont reçu un titre de séjour pour leurs états de service, ou ceux de leurs proches. Dans un autre registre, Lassana Bathily, qui a caché plusieurs personnes dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes lors de la prise d’otages meurtrière d’Amedy Coulibaly, a obtenu la nationalité française. Est-ce à dire qu’il existe une «régularisation au mérite» ? Le point sur la situation.

Qui est Armando Curri ?
Ce jeune Albanais de 19 ans a reçu ce mercredi matin sa médaille de meilleur apprenti menuisier de France sous les ors du Sénat, alors que cette cérémonie lui avait été dans un premier temps refusée en raison de sa situation irrégulière. Mais devant la mobilisation de ses formateurs et l’écho médiatique suscité par cette affaire, le préfet de la Loire, où réside Armando, a abrogé mardi l’Obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui le frappait depuis octobre pour lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de trois mois. Ce délai lui permettra de poursuivre ses démarches pour régulariser sa situation. Dans un communiqué, le préfet souligne les «capacités d’intégration dont ce jeune homme a fait preuve à travers l’exemplarité de son parcours dans le domaine de l’apprentissage au plus haut niveau».

Arrivé en France à l’âge de 16 ans, le jeune Albanais bénéficiait du statut de «mineur étranger isolé». D’abord pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) du département de la Loire, il s’est retrouvé dépourvu à sa majorité, quand les autorités ont refusé de lui accorder un titre de séjour. «Il l’avait sollicité au titre de la « vie privée et familiale ». Or, il n’a pas d’attaches en France, sa famille est restée en Albanie», se justifie aujourd’hui la préfecture de la Loire.

Pour la sénatrice Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen, CRC), la circulaire Valls du 28 novembre 2012 offrait un cadre pour délivrer une carte de séjour temporaire au jeune homme, qui satisfaisait aux deux critères requis : être pris en charge par l’ASE entre l’âge de 16 et de 18 ans et être engagé «dans une formation professionnelle qualifiante». «Malheureusement, des jeunes présents en France depuis deux ans ou plus à la scolarité assidue, et qui sont déboutés, il y en a beaucoup. Tout cela reste à la discrétion des préfectures», appuie Cécile Cukierman. Finalement, Armando devrait s’en sortir grâce à une autre disposition de la circulaire : «l’admission au titre de motifs exceptionnels».

Quels sont ces motifs exceptionnels ?

«Sauf menace à l’ordre public», un étranger en situation irrégulière pourra obtenir des papiers s’il justifie «d’un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique)». Des conditions parfaitement remplies par Armando, Linda, Mohamed et les autres. Mais comme on peut le lire sur le site du ministère de l’Intérieur, il s’agit de «régularisations au cas par cas».

Autre limite de cette disposition : tirée d’une circulaire, elle n’a aucun pouvoir d’obligation pour les préfectures. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le Conseil d’Etat le 4 février : «Il est loisible au ministre de l’Intérieur, chargé de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière d’immigration et d’asile […] d’énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l’exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d’appréciation.»

Au final, les régularisations pour «talent exceptionnel» ou «service rendu à la collectivité» sont rarissimes. Les derniers chiffres de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) font état de 14 cas en 2013, et d’une estimation identique pour 2014.

La situation est-elle satisfaisante ?

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), est mesuré : «Il est de tradition républicaine de remercier les gens qui rendent des services à la nation. Ce pouvoir d’appréciation vers le haut des préfets, c’est plutôt bien.» Il estime néanmoins que l’exemple d’Armando «montre que plein de gens, qui travaillent, paient des impôts, mériteraient tout autant d’être régularisés». «Le problème, c’est que le pouvoir d’appréciation vers le bas des préfets n’est pas contrôlé», ajoute-t-il.

Il regrette que pour un dossier aussi important que la régularisation des sans-papiers, les autorités privilégient les circulaires à la loi, qui, elle, est contraignante : «On crée des zones de non-droit. C’est un choix politique délibéré, et on voit que la gauche reste dans le droit fil de ce que faisait Sarkozy.»

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Un pourvoi en cassation est en cours

 M.G. ,  25/02/2015

L’affaire dure depuis plus de cinq ans. Aujourd’hui, Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri, ce retraité algérien mort en 2009, deux jours après son interpellation par la police, s’est pourvu en cassation.

L’affaire Ali Ziri bientôt portée sur grand écran

En décembre, la chambre de l’instruction de Rennes (Ille-et- Vilaine), où l’affaire a été dépaysée, a confirmé le non-lieu déjà rendu le 15 octobre 2012 par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Pontoise. Ce fut une surprise pour l’avocat. « La cour de Rennes a estimé que la police avait fait usage de la force de façon strictement nécessaire, détaille Stéphane Maugendre. Pourtant, l’avocat général était sur la même ligne que la mienne. Il demandait la même chose. Je souhaite que les policiers qui ont interpellé M. Ziri soient entendus par le juge d’instruction lui-même. Je demande une reconstitution en présence des experts et de l’ensemble des témoins. Je réclame le visionnage des caméras du commissariat d’Argenteuil qui ont filmé l’arrivée de M. Ziri », insiste-t-il. Si la Cour de cassation conclut à son tour à un non-lieu, alors Stéphane Maugendre portera l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. « Quand une personne meurt dans les mains de la police, l’instruction menée doit être irréprochable. Or ce n’est pas le cas. Je ne céderai pas », prévient-il.

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L’affaire Ali Ziri bientôt portée sur grand écran

 Maïram Guissé, 25/02/2015

Luc Decaster, cinéaste indépendant, achève un documentaire lié à la mort, En 2009, d’un retraité lors d’une garde à vue. Il cherche 15 000€ pour boucler son projet.

« Qui a tué Ali Ziri ? » Voilà la question qui anime le documentaire du cinéaste Luc Decaster. Il est sur le point d’achever ce film de quatre-vingt-dix minutes, que nous n’avons pas encore pu voir.

Toutefois, l’histoire, chacun la connaît à Argenteuil. C’est celle d’Ali Ziri, un retraité algérien mort le 11 juin 2009, deux jours après une interpellation mouvementée par la police. Le chibani se trouvait en voiture avec un ami, Arezki Kerfali, lorsque les policiers procèdent au contrôle du véhicule qui ne roule pas droit. Les deux hommes, visiblement éméchés, auraient tenté de résister, contraignant les policiers à faire usage de la force pour les maîtriser. Ils sont placés en garde à vue, mais Ali Ziri fait un malaise. Il est conduit à l’hôpital d’Argenteuil, où il meurt.

La première autopsie conclut à une fragilité cardiaque et confirme la forte alcoolémie du sexagénaire. Une contre-expertise révèle la présence d’hématomes de 12 à 17 cm sur son corps. Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille, dénonce l’utilisation par les agents « de la technique du pliage », interdite depuis 2003, qui consiste à maintenir de force l’individu interpellé de façon que sa tête touche ses genoux. Très vite après le drame, le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri s’est créé. Il regrette alors une enquête qui piétine. L’affaire dure désormais depuis plus de cinq ans.

C’est précisément cette mobilisation après les faits que Luc Decaster a filmée. Le cinéaste d’Argenteuil a participé aux premières manifestations du collectif, sa caméra à l’épaule. « Au début, je ne pensais pas faire un film. Cela s’est imposé à moi deux ans après le début de l’affaire, raconte-t-il. Le côté enquête policière ne m’intéresse pas vraiment. Je filme le quotidien, ce qui se dit dans le hall du palais de justice, entre les gens du groupe. » Réalisateur engagé depuis vingt ans, il travaille principalement sur des sujets sociaux dans lesquels il se sent impliqué, comme « Rêve d’usine » (2003), « Dieu ne nous a pas fait naître avec des papiers » (2010)…

Avec le film « Qui a tué Ali Ziri ? », Luc Decaster s’insurge contre les violences policières et leur impunité. Les plans sont longs et sans commentaire. « Je ne veux pas imposer une vision, un discours au spectateur, ce sera à lui de se faire sa propre opinion. L’idée est que le public s’interroge davantage en sortant », sourit-il. Contempler, prendre le temps de la réflexion, c’est ce que propose Luc Decaster à travers ce film tourné sur cinq longues années. Le marché Héloïse, les foyers Adoma où sont installés les chibanis… Luc Decaster filme aussi le quotidien à Argenteuil.

Aujourd’hui, il reste quarante cinq jours avant l’accouchement de ce film. Et chacun est invité à y participer. Pour que ce long-métrage soit visible sur grand écran, il manque encore 10 000 € à ce jour. Avec son producteur Zeugma Films, il lance une collecte sur la plate-forme Kisskissbankbank*. 5 000 € ont déjà été promis. « La somme récoltée servira à l’étalonnage, au mixage et à la distribution, précise-t-il. Ce sont des étapes coûteuses mais nécessaires pour venir à bout de notre projet », précise Luc Decaster.

Comme pour ses précédents films, il aurait aimé que les institutions nationales et régionales soutiennent ce projet. En vain. « C’est un film qui dérange, lâche cet ancien professeur d’histoire, accompagné par Elise, une bénévole. On a besoin du public pour que l’histoire d’Ali Ziri et ce film ne soient pas étouffés. »

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Ce film sur Ali Ziri, mort après un contrôle de police, n’attend que vous pour exister

rue89-logo  Camille Polloni, 16/02/2015

L’appel aux dons a tourné par e-mail, via Twitter et sur quelques sites militants, comme Paris-luttes.info. Depuis mercredi dernier, il a aussi sa page sur KissKissBankBank, pour deux mois. Discrètement, sans faire trop de bruit, un documentaire essaie de voir le jour : « Qui a tué Ali Ziri ? », de Luc Decaster.

Affaire en cours

En décembre dernier, après de multiples rebondissements – une « guerre d’usure », pour reprendre l’expression de Mediapart –, la cour d’appel de Rennes a confirmé le non-lieu sur la mort d’Ali Ziri. Alors que la famille et même l’avocat général demandaient la réouverture de l’instruction, il n’y aura ni reconstitution, ni accès à la vidéosurveillance du commissariat, ni audition des policiers présents ce jour-là. L’avocat de la famille, Stéphane Maugendre, s’est de nouveau pourvu en cassation.

Sur les 15 000 euros demandés, le projet a récolté 2 520 euros en cinq jours. Ce film de 90 minutes revient sur une histoire déjà presque oubliée, celle d’un retraité algérien de 69 ans tombé dans le coma lors de son interpellation par la police après un contrôle routier, et mort deux jours plus tard à l’hôpital d’Argenteuil (Val-d’Oise). C’était en 2009. L’état d’alcoolémie d’Ali Ziri et des problèmes cardiaques ont été invoqués pour expliquer son décès.

Mais depuis six ans, ses proches et le collectif constitué en sa mémoire espèrent faire reconnaître qu’Ali Ziri a été victime de violences policières – comme l’indiquent les hématomes qui couvraient son corps – et d’un « pliage » illégal dans le fourgon de police.

« Dès la première manifestation »

Le réalisateur Luc Decaster est un témoin privilégié de la mobilisation pour Ali Ziri et de ces péripéties judiciaires. Habitant d’Argenteuil et membre du collectif, il a filmé « dès la première manifestation » , raconte son producteur, Michel David. En assumant un regard de l’intérieur, sans prétendre rester neutre.

Dans la fiche de présentation du film, décrit comme « étouffé » de la même manière que son sujet, Luc Decaster « s’attache à représenter ce qu’une telle affaire suscite à l’intérieur d’une ville de banlieue ordinaire ». Il montre « les nombreuses actions dans la rue, les réunions internes du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri, ainsi que les longues discussions avec les avocats, dans les halls des palais de justice ».

Le montage est déjà fait. La collecte vise à terminer la post-production, l’étalonnage et le mixage, pour pouvoir distribuer le documentaire en salle.

La boîte de production de Michel David, Zeugma Films, a pourtant l’habitude de trouver des financements (même si c’est rarement facile). Elle a déjà travaillé avec Luc Decaster, réalisateur de trois films militants auparavant, qui lui ont attiré de bonnes critiques.

« On ne pensait pas que ça bloquerait »

A lire l’appel aux dons, qui parle de « censure financière », on se dit que le sujet du film a hérissé le poil des mécènes potentiels. Il y a peut-être de ça, mais Michel David se montre quand même assez mesuré, en évoquant un concours de circonstances « politique » et « administratif ».

« La difficulté inhérente à ce film, et ça, personne n’y peut rien, c’est que le tournage s’est déroulé sur plusieurs années. Luc tournait tout seul, de manière militante, il ne se payait pas.

Nous n’avions pas demandé d’avances sur recettes avant de réaliser, mais nous pensions le faire au moment du montage. C’est l’une des possibilités et on ne pensait pas que ça bloquerait. Seulement, le CNC [Centre national du cinéma et de l’image animée, ndlr] a changé ses règles il y a deux ans environ. Pour pouvoir postuler à ces aides, il faut désormais obtenir un agrément, en montrant que des salaires ont été payés, que des frais ont été engagés. »

Faute de financement du CNC, poursuit Michel David, l’équipe s’est donc tournée vers la région Ile-de-France pour obtenir une aide à la post-production.

« Ils n’ont pas accepté le film. On ne connaît jamais les raisons des refus. »

Le financement participatif, un palliatif

Le « crowdfunding », ou financement participatif, est donc apparu comme une réponse à la disette, surtout que le producteur en avait eu un premier aperçu réussi le mois dernier. Un premier appel au don de 50 000 euros sur KissKissBankBank, pour un film sur le conflit israélo-palestinien réalisé par Marcel Ophüls et Eyal Sivan, a rempli sa mission à 111%.

Michel David s’est dit qu’un film sur Ali Ziri « trouverait un public dans les réseaux très militants, qui comprendraient l’intérêt de cette histoire de violences policières, et voudraient qu’il sorte en salles ».

De fait, le démarrage est plutôt bon, mais le producteur ne veut pas s’emballer :

« L’expérience précédente nous a prouvé qu’au milieu de la collecte, il y a un creux. Il faut relancer les appels aux dons tous les cinq ou six jours.

Depuis un an et demi ou deux ans, je me retrouve avec de moins en moins d’investissement public, notamment d’Arte, même si j’ai de très bonnes relations avec eux. »

Luc Decaster, lui, salue son « producteur courageux », qui l’a soutenu et rémunérera lui-même la monteuse, mais trouve « anormal » de devoir faire appel au public :

« Ce n’est pas un modèle. Nous serons de plus en plus amenés à fonctionner de cette manière, je ne suis pas le seul. »

Ali Ziri non plus n’est pas le seul, mais il trouvera peut-être des spectateurs déterminés à faire exister au moins l’une de ces histoires d’hommes morts aux mains de la police, qui font beaucoup moins parler d’elles en France qu’aux Etats-Unis.

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Aller plus loin

Stéphane Tiki : comment un sans-papiers peut accéder à la tête des jeunes UMP

Anne-Charlotte Dusseaulx, 11/02/2015

DECRYPTAGE – Etudiant à La Sorbonne, « auto-entrepreneur », en cours de naturalisation, à la tête des jeunes UMP… Retour sur le parcours de Stéphane Tiki, président des Jeunes populaires dont Le Canard Enchainé a révélé qu’il serait en fait sans-papiers.

Stéphane Tiki s’est « mis en congé » de la présidence des Jeunes populaires. Né au Cameroun, il avait été désigné à ce poste mi-décembre. Celui qui est militant UMP depuis la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 est arrivé en France il y a dix ans. Le Canard Enchaîné a révélé mercredi qu’il serait sans-papiers. Selon Le Monde, Stéphane Tiki n’aurait en fait plus de titre de séjour en règle. Ce dernier affirme toutefois avoir fait une demande de naturalisation. Retour sur le parcours de ce jeune homme de 27 ans, très impliqué dans l’UMP parisienne et qui envisageait de se présenter à des élections locales.

Peut-on être sans-papiers et étudier à La Sorbonne?

Sur son site Internet, Stéphane Tiki explique avoir eu son baccalauréat « au lycée français du Cameroun » et affirme avoir étudié par la suite à La Sorbonne, en filière économie/gestion. « Il s’est fait connaître en dirigeant la section UMP de la Sorbonne », écrivait Metronews en décembre dernier. Peu après son arrivée en France, le militant avait obtenu un visa d’étudiant, précise Le Monde.

Plusieurs types de visa étudiant existent. Celui intitulé « visa long séjour pour études » est accordé « aux étudiants étrangers désirant poursuivre leur scolarité dans un établissement d’enseignement supérieur public ou privé pour une durée supérieure à six mois ». « Il permet à son détenteur de solliciter dans les deux mois suivant son arrivée en France, un titre de séjour d’un an renouvelable à la préfecture de son lieu de domicile », peut-on lire sur le site du ministère des Affaires étrangères.

« Il a visiblement eu au moins un titre de séjour en qualité d’étudiant », d’un an renouvelable, explique au JDD.fr Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Ce dernier ajoute que « dans l’esprit de la loi », un tel étudiant « a vocation à retourner dans son pays d’origine ».

Peut-il demander la nationalité française?

En réponse aux révélations du Canard Enchaîné, Stéphane Tiki affirme sur sa page Facebook avoir fait une demande de naturalisation « qui est en cours ».  Or, pour pouvoir faire une demande de naturalisation, un titre de séjour est nécessaire, selon la notice d’information sur la demande d’acquisition de la nationalité française publiée sur le site de l’administration française. Parmi les documents à fournir : « une photocopie recto-verso de votre titre de séjour en cours de validité ».

Sur Twitter, l’avocat-blogueur Maître Eolas s’est également interrogé mardi sur cette demande de naturalisation :

« Nul ne peut être naturalisé s’il n’est pas en situation régulière », précise Stéphane Maugendre du Gisti. « Je pense sincèrement qu’il a fait sa demande de naturalisation alors qu’il avait un titre de séjour », poursuit-il. De toute façon, « cela n’aurait pas pu être autrement », car dans le cas contraire, son dossier n’aurait pas été accepté. Entre temps, son titre de séjour n’a peut-être pas été renouvelé.

Mais la demande de naturalisation ne permet pas, elle, « de séjourner régulièrement » dans l’Hexagone. « Elle ne se substitue pas à un titre de séjour ». Stéphane Maugendre veut toutefois rester prudent : « On peut supputer des choses, mais nous n’avons pas le dossier entre les mains. » « Quand a-t-il fait cette demande? Cela ne se traite pas en un an, mais en deux, trois, voire quatre ans parfois », s’interroge également cet avocat spécialiste du droit des étrangers.

Selon Europe 1, la dernière demande de naturalisation de Stéphane Tiki remonte à 2009 et elle a été rejetée. « Depuis, plus rien. Aucune trace au sein de l’administration d’une nouvelle demande de sa part », précise la radio.

Un sans-papiers peut-il être auto-entrepreneur?

« Aujourd’hui, je suis auto-entrepreneur. C’est important d’être autonome. D’ailleurs, je ne serai pas rémunéré pour présider les Jeunes populaires », expliquait Stéphane Tiki en décembre dernier à Metronews. Dans sa bio Twitter, il se définit également comme « auto entrepreneur ».

Pour autant, est-il possible d’avoir officiellement ce statut tout en étant sans papiers ? Selon le site de l’Agence pour la création d’entreprises (ACPE), « une personne de nationalité étrangère qui réside régulièrement en France peut devenir auto entrepreneur ». Mais, « à condition de détenir un titre de séjour permettant l’exercice d’une activité non salariée en France, ou de relever de l’un des cas de dispense (ressortissants européens par exemple) ».

Président des Jeunes populaires, peut-il se présenter à des élections?

En tant qu’étranger, Stéphane Tiki pouvait être président du mouvement des Jeunes Populaires. Par contre, le fait d’être sans papier – outre le décalage avec la ligne très ferme de l’UMP sur les questions d’immigration et de clandestinité – lui interdit de se présenter à des élections. Or, c’était apparemment l’un de ses objectifs. Le Canard Enchaîné affirme mercredi qu’il avait annoncé à son mouvement « sa volonté d’être candidat, en décembre, aux élections régionales ».

En novembre dernier, dans un reportage de France 3 Ile-de-France, Stéphane Tiki déclarait : « Ce ne sont pas les élections qui manquent. On a les régionales l’année prochaine, les municipales en 2020, donc on verra. Pour l’instant, je vais continuer à soutenir mon président », Nicolas Sarkozy. S’il veut participer, il faudra donc que sa demande de naturalisation ait été acceptée.

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Devenir français, un parcours du combattant

Accueil Emilien Urbach, 20/01/2015

Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 11 % en 2014… après avoir été divisées par deux entre 2010 et 2012 ! Les associations dénoncent des critères injustes.
Hasard du calendrier, le ministère de l’Intérieur a publié, jeudi dernier, les chiffres de l’immigration pour l’année 2014. Notamment ceux des naturalisations, dont va bénéficier aujourd’hui Lassana Bathily, héros de la prise d’otages du 9 janvier. Les acquisitions de nationalité ont augmenté de 10,9 % l’an dernier, avec 77 335 nouveaux Français. Un rebond salutaire mais très modeste lorsqu’on sait que ces mêmes naturalisations avaient été quasiment divisées par deux entre 2010 et 2012… « On ne peut que se satisfaire de ce qui arrive à Lassana Bathily, commente Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Mais on crée de la confusion en donnant ces chiffres au même moment. Il y a quelque chose de nauséabond à relier les récents événements aux débats sur l’immigration. L’accès à la nationalité reste un réel parcours du combattant. »

Est citoyen français celui qui naît sur le territoire national de parents français ou de parents étrangers, si l’un des deux est né en France. Dans le cas contraire, le jeune né sur le territoire doit faire une demande de nationalité entre 13 et 18 ans. Pour les étrangers qui ne sont pas nés en France, la nationalité s’acquière par naturalisation. Soit par le mariage soit par demande à la préfecture, en justifiant, dans les deux cas, de plusieurs critères de bonne « assimilation » à la société française. En janvier 2012, Claude Guéant fanfaronnait sur une baisse de 30 % des naturalisés. Il venait de durcir ces critères en instaurant un délit de séjour irrégulier et en ajoutant aux compétences linguistiques, que la loi exigeait déjà, l’obligation de connaître l’histoire, la culture et la société françaises, et d’adhérer aux valeurs de la République. Les préfets devenant seuls juges de la qualité de cette assimilation.

En octobre 2012, une circulaire édictée par le nouveau gouvernement était censée traduire une conception plus ouverte de la naturalisation. Mais le Gisti reste déçu. Le texte spécifie, notamment, que « le recours récurrent aux systèmes d’assistance, ou de longues ou fréquentes périodes d’inactivité » traduisent un défaut d’assimilation justifiant l’ajournement. De quoi continuer à rendre la naturalisation inaccessible aux étrangers peu qualifiés ou précaires. Et d’en faire une faveur accordée au mérite et non le droit d’appartenir à la communauté nationale pour quiconque y participe depuis plusieurs années.

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Mort d’Ali Ziri : le crime restera-t-il impuni ?

Louise FESSARD, 3/01/2015

La justice française mène une guerre d’usure dans l’enquête sur la mort d’Ali Ziri, 69 ans, décédé par asphyxie le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil. La cour d’appel de Rennes vient de confirmer ce 12 décembre 2014 le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction.

La justice française semble déployer une énorme énergie à empêcher toute enquête sérieuse sur la mort d’Ali Ziri, 69 ans. Ce retraité algérien était décédé par asphyxie le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes vient de confirmer le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction. « La chambre de l’instruction a considéré, contre l’avis du parquet général de Rennes, qu’il n’y avait pas lieu à procéder aux actes complémentaires d’instruction (notamment une reconstitution) demandés par l’un des avocats des parties civiles », indique le procureur général dans un communiqué daté du 12 décembre 2014. Ces demandes étaient pourtant élémentaires : la famille voulait une reconstitution, ainsi que l’accès aux bandes de vidéosurveillance montrant l’arrivée d’Ali Ziri au commissariat.

Les proches d’Ali Ziri avaient attaqué le premier non-lieu du juge d’instruction devant la cour d’appel de Versailles, qui l’avait confirmé. Puis ils avaient porté l’affaire devant la Cour de cassation qui, le 18 février 2014, leur avait pour la première fois donné raison. La chambre criminelle de la Cour de cassation avait estimé que les juges auraient dû « rechercher si les contraintes exercées » sur le retraité algérien « n’avaient pas été excessives au regard du comportement de l’intéressé » et « si l’assistance fournie (par les policiers, ndlr) avait été appropriée ». Elle avait dépaysé l’affaire devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes. Laquelle vient donc de confirmer à nouveau le non-lieu, contrairement aux réquisitions de l’avocat général (équivalent du procureur) qui, lors de l’audience du 19 novembre, avait demandé un supplément d’enquête. Pas découragé par cette guerre d’usure, Me Stéphane Maugendre indique vouloir à nouveau se pourvoir en cassation.

Arrêté le 9 juin 2009 avec un ami lors d’un contrôle routier, Ali Ziri avait été transporté inconscient à l’hôpital une heure et demie après son arrivée au commissariat. Il y était décédé deux jours plus tard. Les deux hommes, de 69 ans et 61 ans, étaient fortement alcoolisés. Ali Ziri était revenu passer quelques jours en France pour effectuer des achats avant le mariage de son fils et les deux amis avaient descendu plusieurs verres dans l’après-midi.

Alors qu’un premier cardiologue avait pointé une bien commode « cardiomyopathie méconnue », deux expertises ont ensuite mis en cause la technique dite du pliage. Cette dernière est formellement interdite depuis la mort en janvier 2003 d’un Éthiopien expulsé par la police aux frontières (PAF). Ce jeune homme de 23 ans était décédé d’avoir passé vingt minutes maintenu de force le torse plié, la tête touchant les cuisses, et menotté dans un siège d’avion à la ceinture serrée.

Les policiers d’Argenteuil, trois jeunes gardiens de la paix, ont reconnu l’avoir utilisée pour maintenir le vieil homme durant le trajet vers le commissariat. Ils n’ont pourtant jamais été inquiétés sur ce point, et ce n’est pas la cour d’appel de Rennes qui leur cherchera noise. « Les derniers experts ont émis l’hypothèse que la méthode de contention utilisée par les policiers pour immobiliser Ali Ziri dans le véhicule de police, consistant à maintenir son buste penché sur ses genoux, était également intervenue dans le processus causal de la mort. La chambre de l’instruction a cependant considéré qu’en l’état des « conclusions et hypothèses divergentes (…), il n’est pas possible de retenir une cause certaine de la mort d’Ali Ziri » », balaie le communiqué du procureur général du 12 décembre 2014.

 Dans son rapport de juillet 2009, l’ancienne directrice de l’institut médico-légal de Paris indiquait pourtant noir sur blanc qu’Ali Ziri était décédé « d’un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements) ». L’autopsie avait en effet montré une vingtaine d’hématomes sur le corps d’Ali Ziri, pouvant « correspondre à des lésions de maintien », ainsi que des signes d’asphyxie mécanique des poumons. Une troisième expertise du 15 avril 2011, demandée par le juge d’instruction, confirme que l’arrêt cardiaque constaté aux urgences est« secondaire à un trouble hypoxique en rapport avec les manœuvres d’immobilisation et les vomissements itératifs ».

Mais là encore, le communiqué du procureur général de Rennes explique que « la chambre de l’instruction a, en premier lieu, relevé que les expertises avaient établi que les hématomes constatés sur le corps d’Ali Ziri n’étaient pas à l’origine du décès, qui résulte de la conjugaison d’une pluralité de causes, parmi lesquelles une pathologie cardiaque préexistante et un état d’alcoolisation important. Ni la méthode utilisée par la police nationale pour extraire Ali Ziri du véhicule à l’arrivée au commissariat, ni son dépôt allongé à même le sol, menotté dans le dos, dans une salle d’audition, critiqués par la commission nationale de déontologie et de sécurité, ne sont la cause de son décès ».

Au vu du comportement des deux hommes accusés d’agir « dangereusement en crachant sur le conducteur ou en tentant de donner des coups de tête », la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes considère que « les gestes d’immobilisation effectués durant quelques minutes par les policiers, dont l’attitude professionnelle, exempte de toute critique, est attestée par les témoins qui ont assisté à l’interpellation, ne constituaient pas une contrainte excessive. Les policiers n’ont ainsi fait usage que de la force strictement nécessaire pour les maîtriser et aucune faute, volontaire ou involontaire, ne peut être relevée à leur encontre ». Selon Le Monde, le ministère de l’intérieur avait tout de même prononcé cinq avertissements fin 2012 à l’égard des policiers.

L’ex-CNDS est la seule à avoir visionné les bandes de vidéosurveillance du commissariat, dont est extraite la capture d’écran ci-dessus. Elle décrivait la scène : « Ali Ziri est littéralement expulsé du véhicule (…), il est dans un premier temps jeté au sol puis saisi par les quatre membres, la tête pendante, sans réaction apparente, et emmené dans cette position jusqu’à l’intérieur du commissariat. » Pour Me Stéphane Maugendre, les images de l’extraction d’Ali Ziri montrent donc clairement qu’il « est arrivé quasiment inconscient au commissariat ».

À l’intérieur du commissariat, les deux hommes, toujours menottés et qui commencent à vomir par saccades, sont placés en position couchée (sur le ventre, sur le dos ou en position latérale de sécurité, selon des témoignages policiers divergents). Entre-temps, les policiers interpellateurs rédigent deux plaintes contre Arezki Kerfali et Ali Ziri (toujours à même le sol), respectivement pour outrage, et pour outrage et rébellion. Dans son avis de mai 2010, feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait dénoncé comme « inhumain et dégradant » le fait de les avoir laissés, lui et son ami interpellé en même temps,« allongés sur le sol du commissariat, mains menottées dans le dos, dans leur vomi, à la vue de tous les fonctionnaires de police présents qui ont constaté leur situation de détresse, pendant environ une heure ». Mais pour la cour d’appel de Rennes, jusqu’ici tout va toujours bien.

Inutile également, aux yeux des magistrats rennais, d’entendre les témoins de l’interpellation qui auraient tous « souligné un comportement exemplaire des trois policiers interpellateurs face à deux hommes, certes âgés, mais insultants et agressifs » selon le communiqué du procureur général. Le 9 juin 2009, au commissariat, un jeune homme en garde à vue dit pourtant avoir été témoin d’une scène choquante. « L’un des policiers est venu vers cet homme (Arezki Kerfali – ndlr) et il a posé son pied sur la tête du monsieur et lui a dit une phrase du genre « Tu vas essayer », il a fait bouger la tête en appuyant avec son pied comme on pourrait le faire avec une serpillière, explique-t-il, entendu par l’IGPN le 11 décembre 2009. C’est comme s’il voulait lui faire essuyer son vomi avec sa tête. » Aucun des policiers n’a été questionné sur cette grave allégation.

Résumons : malgré les multiples demandes de la famille, les trois juges d’instruction qui se sont succédé sur ce dossier n’ont jamais auditionné les policiers concernés. Ils n’ont pas entendu les témoins présents ce soir-là au commissariat. Ils n’ont réalisé aucune reconstitution. Ils n’ont pas non plus jugé utile de visionner la bande des caméras de la cour du commissariat. C’est donc la façon normale, selon les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, dont une interpellation puis une enquête sur les violences policières doivent être menées en France. Qu’en pense Christiane Taubira, qui s’était indignée sur Twitter de la décision du grand jury étasunien de ne pas poursuivre le policier qui a tué de six balles Michael Brown à Ferguson ?

Non-lieu dans l’affaire Ali Ziri : injuste. L’impunité policière est notre pire fléau

Avatar de Amal Bentousi

LE PLUS. Ali Ziri était un retraité algérien de 69 ans, décédé le 11 juin 2009 à l’hôpital, après une interpellation mouvementée lors d’un contrôle routier. Vendredi 12 décembre, la cour d’appel de Rennes a confirmé le non-lieu. Amal Bentousi, fondatrice du collectif Urgence notre police assassine, s’insurge face ce qu’elle estime être de l’injustice.

Des participants manifestent, le 24 mars 2012 à Paris, pour dénoncer l’impunité policière. (AFP PHOTO/J. SAGET)

Pour beaucoup, l’annonce, vendredi 12 décembre, du non-lieu dans l’affaire d’Ali Ziri, 69 ans, mort des suites d’une interpellation policière n’était qu’un article de plus, sans importance, sans incidence.

Pour moi, pour nous, familles de victimes décédées dans des circonstances similaires, cette nouvelle sonne comme un coup de marteau dans la tête, et glace le sang. Ce non-lieu arrive dans un contexte d’indignation générale face à l’impunité policière aux États-Unis.

Une colère obscure gronde

Après une lettre ouverte à Bernard Cazeneuve l’interpellant sur la situation depuis son arrivée. Après une lettre collective de familles de victimes à Christiane Taubira, et des actions sous ses fenêtres pour lui rappeler qu’il n’y a pas qu’aux États-Unis que la police tue et la Justice acquitte, et qu’il y a matière à réformer pour réparer un système qui offre un permis de tuer à des agents de l’État.

Comment recevoir cette nouvelle ? Je ne sais pas, je ne sais plus.

 Aujourd’hui, je sais que tout comme à chaque fois qu’un violeur s’en sort, toutes les victimes de viol revivent leur agression et sont un peu plus ébranlées et découragées, nous, familles de victimes de crimes policiers, nous vivons chaque non-lieu comme une insulte, une gifle de la république, en même temps que nous revivons la mort de nos proches. Et en nous gronde un sentiment d’injustice, une colère obscure, avec des questionnements qui torturent.

De belles paroles qui sonnent faux

L’affaire Ali Ziri, c’est l’affaire d’un vieil homme qui ne posait aucun danger, et qui est mort des suites de son interpellation, vraisemblablement à cause de l’utilisation d’une technique d’immobilisation interdite en France, car avérée mortifère. Les éléments sont là, et accessibles à tous.

D’autres éléments, notamment vidéo, étaient accessibles. Les avocats, et même certains magistrats les ont demandés. La Justice a décidé de ne pas les prendre en compte. Inutile. « Non-lieu » déclare-t-elle. « Non événement », entendons-nous.

Nos vies n’ont-elles donc pas plus de valeur que ça ? L’État de droit n’existe-t-il donc pas, en France ?

Oui, ces questionnements torturent. La France, pays des droits de l’Homme… de belles paroles qui sonnent faux.

À force de mensonges et de protection sans faille d’assassins, de voyous en col blanc, de politiques corrompus, notre république perd toute crédibilité – aux yeux du monde comme aux yeux de son propre peuple. Car sous l’étendard des droits de l’Homme, elle donne des leçons qu’elle ne s’applique pas, et nous en sommes les premières victimes.

Inconsciente république

La France a tué une partie de moi, une partie de nous. Mais je sais que nous ne sommes pas seuls à sentir le chaos se former dans nos têtes.

 Je sais que ceux qui se rassembleront samedi 20 décembre à Stalingrad à Paris se demandent aussi comment ceux qui manifestaient contre les violences policières ont été condamnés à huit mois de prison, alors les policiers qui ont tué Rémi Fraisse, Ali Ziri, Lamine Dieng, Zyed Benna et Bouna Traore pour ne citer qu’eux, continuent de travailler sous la protection de l’État.

 Inconsciente république, qui oublie que l’on récolte ce que l’on sème, et ne connaît pas encore le prix des conséquences à payer.

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Un discours de Hollande…en attendant des actes

Accueil Émilien Urbach, 15/12/2014

34234.HRLe président inaugure aujourd’hui le musée de l’Histoire de l’immigration. La politique migratoire du gouvernement Valls, qui ne rompt pas avec le sarkozysme, est critiquée à gauche.

Plus de deux ans après son élection, le chef de l’État prononcera, dans la journée, son premier discours sur l’immigration. Taclant Nicolas Sarkozy, il inaugurera par ailleurs la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Ce musée voulu par Jacques Chirac, en 2003, avait ouvert ses portes au public en octobre 2007. Nicolas Sarkozy avait refusé de se rendre à l’événement après que huit des douze membres du comité scientifique du musée eurent démissionné pour marquer leur indignation face à la création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Ce choix symbolique de François Hollande provoquera sans doute de la discorde à droite, mais ne suffira certainement pas à calmer la déception de la gauche qui, en matière d’immigration, espérait une rupture nette avec les années Sarkozy-Besson-Guéant.

« Le fantasme de l’invasion »

Si la réforme de l’asile qui sera adoptée mardi par les députés comporte, malgré le manque de moyens, de vraies avancées, le projet de loi sur l’immigration, présenté en juillet en Conseil des ministres et qui devrait bientôt être débattu à l’Assemblée, lui, ne rompt pas avec les logiques sarkozystes. Les associations de défense des étrangers sont extrêmement critiques sur ce dossier. « La gauche de 2014 n’a pas l’intelligence et le courage de celle des années 1980 qui avait accordé aux immigrés la carte de résident valable dix ans, dénonce le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Stéphane Maugendre. Les politiques migratoires actuelles sont basées sur le fantasme de l’invasion. On est dans la continuité des gouvernements précédents. » L’avocat pointe les aspects indignes d’une réelle politique de gauche. Comme, par exemple, la durée de rétention administrative maintenue à quarante-cinq jours ; la création de salles d’audience, dans les zones d’attente, instituant une justice spécifique aux étrangers ; ou encore le pourcentage d’expulsions sans l’intervention d’un juge, qui était de 54 %, en 2013. Viennent s’y ajouter les discours stigmatisants de Manuel Valls à l’encontre des Roms, la construction par Bernard Cazeneuve, à Calais, d’une barrière, qualifiée de « mur de la honte » par les associations, ou encore la promotion de l’opération « Triton », menée par Frontex, l’agence européenne de contrôle aux frontières, qui vient par ailleurs, de nommer son nouveau directeur exécutif. L’heureux élu n’étant autre que Fabrice Leggeri, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière au ministère de l’Intérieur… français ! Il reste que l’inauguration du musée constitue, selon l’historien Benjamin Stora, « un geste symbolique fort ».

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Avocat