L’affaire Ali Ziri bientôt portée sur grand écran

 Maïram Guissé, 25/02/2015

Luc Decaster, cinéaste indépendant, achève un documentaire lié à la mort, En 2009, d’un retraité lors d’une garde à vue. Il cherche 15 000€ pour boucler son projet.

« Qui a tué Ali Ziri ? » Voilà la question qui anime le documentaire du cinéaste Luc Decaster. Il est sur le point d’achever ce film de quatre-vingt-dix minutes, que nous n’avons pas encore pu voir.

Toutefois, l’histoire, chacun la connaît à Argenteuil. C’est celle d’Ali Ziri, un retraité algérien mort le 11 juin 2009, deux jours après une interpellation mouvementée par la police. Le chibani se trouvait en voiture avec un ami, Arezki Kerfali, lorsque les policiers procèdent au contrôle du véhicule qui ne roule pas droit. Les deux hommes, visiblement éméchés, auraient tenté de résister, contraignant les policiers à faire usage de la force pour les maîtriser. Ils sont placés en garde à vue, mais Ali Ziri fait un malaise. Il est conduit à l’hôpital d’Argenteuil, où il meurt.

La première autopsie conclut à une fragilité cardiaque et confirme la forte alcoolémie du sexagénaire. Une contre-expertise révèle la présence d’hématomes de 12 à 17 cm sur son corps. Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille, dénonce l’utilisation par les agents « de la technique du pliage », interdite depuis 2003, qui consiste à maintenir de force l’individu interpellé de façon que sa tête touche ses genoux. Très vite après le drame, le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri s’est créé. Il regrette alors une enquête qui piétine. L’affaire dure désormais depuis plus de cinq ans.

C’est précisément cette mobilisation après les faits que Luc Decaster a filmée. Le cinéaste d’Argenteuil a participé aux premières manifestations du collectif, sa caméra à l’épaule. « Au début, je ne pensais pas faire un film. Cela s’est imposé à moi deux ans après le début de l’affaire, raconte-t-il. Le côté enquête policière ne m’intéresse pas vraiment. Je filme le quotidien, ce qui se dit dans le hall du palais de justice, entre les gens du groupe. » Réalisateur engagé depuis vingt ans, il travaille principalement sur des sujets sociaux dans lesquels il se sent impliqué, comme « Rêve d’usine » (2003), « Dieu ne nous a pas fait naître avec des papiers » (2010)…

Avec le film « Qui a tué Ali Ziri ? », Luc Decaster s’insurge contre les violences policières et leur impunité. Les plans sont longs et sans commentaire. « Je ne veux pas imposer une vision, un discours au spectateur, ce sera à lui de se faire sa propre opinion. L’idée est que le public s’interroge davantage en sortant », sourit-il. Contempler, prendre le temps de la réflexion, c’est ce que propose Luc Decaster à travers ce film tourné sur cinq longues années. Le marché Héloïse, les foyers Adoma où sont installés les chibanis… Luc Decaster filme aussi le quotidien à Argenteuil.

Aujourd’hui, il reste quarante cinq jours avant l’accouchement de ce film. Et chacun est invité à y participer. Pour que ce long-métrage soit visible sur grand écran, il manque encore 10 000 € à ce jour. Avec son producteur Zeugma Films, il lance une collecte sur la plate-forme Kisskissbankbank*. 5 000 € ont déjà été promis. « La somme récoltée servira à l’étalonnage, au mixage et à la distribution, précise-t-il. Ce sont des étapes coûteuses mais nécessaires pour venir à bout de notre projet », précise Luc Decaster.

Comme pour ses précédents films, il aurait aimé que les institutions nationales et régionales soutiennent ce projet. En vain. « C’est un film qui dérange, lâche cet ancien professeur d’histoire, accompagné par Elise, une bénévole. On a besoin du public pour que l’histoire d’Ali Ziri et ce film ne soient pas étouffés. »

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