Archives de catégorie : droit des étrangers

Pour France Terre d’asile, le retour de Léonarda seule est « possible »

index  Elise Vincent,

© AFP/ARMEND NIMANI

Il est « possible » techniquement de faire revenir Leonarda seule, estime Pierre Henry, le directeur général de France Terre d’asile, l’une des principales associations à s’occuper des demandeurs d’asile en France, mais « c’est une erreur de s’adresser à elle de cette manière ».

Selon M. Henry, « depuis le début, tout le monde a perdu le sens des responsabilités. Cette gamine a été ‘parentifiée’, ses parents se réfugient derrière elle, le président de la République n’a pas à s’adresser à elle directement, c’est une erreur. Il aurait dû s’adresser à ses parents ».

Le responsable associatif estime en effet que si les parents de Leonarda en sont d’accord, il est parfaitement envisageable qu’elle revienne en France sans eux. L’adolescente, âgée de 15 ans, peut être « confiée à l’aide sociale à l’enfance, être placée dans une famille d’accueil ou en internat. A partir du moment où il y a l’accord parental, même si elle n’est pas citoyenne européenne, cela peut être très bien organisé. C’est juridiquement, en quelque sorte, comme si on envoyait son enfant dans un collège à l’étranger à des fins de séjour linguistique », décrypte-t-il.

Ce cas de figure reste toutefois « exceptionnel », estime M. Henry. « Et à partir du moment où les autorités françaises sont contre le principe de faire revenir toute la famille, il faudrait au moins, dans l’idéal, insiste-t-il, pouvoir organiser un droit de visite de la famille. »

UNE DÉCISION « RENDUE UNIQUEMENT EN FONCTION DES SONDAGES »

Pour Stéphane Maugendre, avocat membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés, la solution proposée par François Hollande de faire revenir seule Leonarda est également « possible, mais aberrante ».

« Si le président décide d’accorder à cette jeune fille un visa pour qu’elle vienne faire ses études en France, c’est possible, estime-t-il. La problème, c’est que l’on est en train de créer une sorte de mineur isolé, c’est une solution complètement aberrante, rendue uniquement en fonction des sondages d’opinion. »

Si Leonarda revient en France, elle dépendra de l’aide sociale à l’enfance (ASE), à moins que quelqu’un ou un proche dise qu’il peut s’occuper d’elle, détaille l’avocat militant, qui se dit stupéfait par le renversement d’analyse de l’administration sur la situation de la famille de Leonarda.

« Lors de l’expulsion, on a estimé que l’intérêt supérieur de l’enfant était d’être avec ses parents, notamment avec sa mère. On a donc monté tout un stratagème coûteux pour venir la chercher lors de sa sortie scolaire, et aujourd’hui, finalement, on estime que l’intérêt de Léonarda pourrait d’être seule en France. L’interprétation varie selon l’entrée ou la sortie, c’est aberrant ! »

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Léonarda : la police bien dans les clous ?

  Fabrice Tassel et Laure Bretton

«S’il y a eu faute, l’arrêté de reconduite à la frontière sera annulé. Cette famille reviendra pour que sa situation soit réexaminée en fonction de notre droit, de nos principes et de nos valeurs», a expliqué mercredi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ajoutant que les arrêtés de reconduite «n’autorisent pas que les enfants soient interpellés dans l’enceinte scolaire». Cet après-midi, l’enquête de l’Inspection générale de l’administration devrait dire s’il y a eu «faute» (et laquelle) lors de l’interpellation, le 9 octobre, de Léonarda.

L’environnement scolaire, matérialisé par le bus duquel l’adolescente est descendue à la demande de la police de l’air et des frontières (PAF), est un élément central, puisqu’il a largement contribué à déclencher la polémique, des élus socialistes y voyant une résurgence de l’époque sarkozyste. En octobre 2005, après l’arrestation de plusieurs enfants de sans-papiers au sein de leur établissement, le ministre de l’Intérieur de l’époque avait émis une circulaire demandant aux préfets «d’éviter des démarches dans l’enceinte scolaire ou dans ses abords» et de suspendre, le temps de l’année scolaire, l’expulsion de familles de sans-papiers ayant un enfant scolarisé. Il semble toutefois que ce texte soit devenu caduc depuis un décret de 2008.

Coup de fil. Faut-il alors remplir un vide juridique pour endiguer la pression, comme Sarkozy en 2005 ? L’exécutif réfléchirait à la façon de sanctuariser à nouveau les enceintes scolaires, peut-être en amendant la circulaire d’août 2012 sur les Roms. Tout en s’indignant de l’interpellation de la jeune Kosovare, l’avocat pour le Groupement d’information et de soutien des immigrés, Stéphane Maugendre, explique «les policiers ne peuvent pas pénétrer dans un établissement scolaire, sauf s’ils sont requis». Le coup de fil passé par la PAF à l’enseignante qui encadrait la sortie scolaire pour lui demander d’arrêter le bus pourrait valoir sésame. «A priori, le droit a été respecté, mais sans s’encombrer de grands principes sur le respect de l’école, de la vie familiale…» conclut Stéphane Maugendre.

Démêlés. Mais d’autres éléments vont entrer en ligne de compte pour un éventuel retour de la famille, comme la personnalité de Resat Dibrani, 47 ans, le père de Léonarda. Sa situation irrégulière sur le territoire a été aggravée par des démêlés qu’il a eus avec la justice : une main courante déposée (puis retirée) à la gendarmerie de Levier (Doubs), où vivait la famille, par sa femme, Gemilia, pour des violences sur deux de leurs filles, Léonarda et Maria. L’homme, mais aussi sa femme, ont aussi fait l’objet d’un rappel à la loi pour quelques larcins.

Les violences sur les enfants ont pesé sur la décision d’expulser les Dibrani. En droit, seule l’expulsion du père aurait été possible. Mais lors des expulsions de familles, les autorités prennent l’intérêt de l’enfant, celui de vivre avec ses parents, en compte. Le 8 octobre, alors que Resat venait d’être expulsé, Gemilia a affirmé qu’elle souhaitait rester en France pour l’éducation de ses enfants, avant d’hésiter à vivre loin de son mari. Le Réseau Education sans frontières et le comité de soutien aux Dibrani se sont affrontés sur le sujet, même si leur marge de manœuvre était étroite compte tenu de la situation administrative de la famille. Le préfet a tranché en faveur «du droit», évoqué par Jean-Marc Ayrault. Celui-ci fera-t-il primer «les valeurs», et lesquelles ?

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Expulsion de Leonarda – Valls : un Sarkozy bis ?

images 2 Quentin Raverdy, 16/10/2013

L’expulsion d’une mineure sans papiers rappelle les méthodes de l’ex-président, alors que la gauche n’avait cessé de les fustiger. Décryptage.

L’expulsion d’une jeune collégienne mineure et de sa famille en situation irrégulière dans le Doubs a suscité une très vive polémique au sein de la classe politique et des associations de défense des sans-papiers. Pour la gauche, Leonarda est clairement un symbole : celle d’une trahison des promesses et des valeurs. Car l’affaire fait furieusement penser aux années Sarkozy. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, il avait en effet relancé l’expulsion des familles dont les enfants allaient à l’école de la République, souhaitant ainsi éviter que cette scolarisation devienne « une nouvelle filière » d’immigration illégale.

« L’intérêt de l’enfant »

Rappel des faits : en partance pour un voyage scolaire, Leonarda Dibrani, collégienne kosovare de 15 ans, a vu son bus arrêté sur demande des agents de police avant d’être conviée à descendre afin de rejoindre sa mère et ses cinq frères et sœurs, en partance pour le Kosovo. Les Dibrani faisaient l’objet d’une obligation de reconduite à la frontière (le père, placé en centre de détention depuis septembre à la suite d’un contrôle a, lui, été expulsé le 8 octobre). Face au tollé médiatique, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est défendu en rappelant que « cette reconduite à la frontière s’était déroulée dans le respect du droit, dans le respect des personnes ».

Pourtant, l’article L511-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (2006) dispose que « l’étranger mineur de moins de dix-huit ans (ils sont six enfants de 5 à 17 ans dans la famille Dibrani) ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou de mesure de reconduite à la frontière ». Les affaires d’élèves expulsés du précédent quinquennat concernaient donc des lycéens majeurs. Seulement que faire d’un mineur dont la famille est expulsée ? Police et administration font en général prévaloir « l’intérêt de l’enfant » qui est de rester auprès de ses parents.

« L’intérêt de l’enfant, n’est-il pas plutôt de rester dans son école où il est intégré et où il a des amis plutôt que dans un pays qu’il ne connaît pas ? » s’interroge donc Me Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti, une association d’aide au séjour des immigrés. Et de dénoncer « le bon vouloir des préfectures au sujet de la loi ».
Deux mois

Pourtant, en novembre 2012, la circulaire Valls venait préciser les règles de la régularisation, laissée naguère, au grand dam de la gauche, à la seule appréciation de préfets. Est dorénavant régularisable une famille sans papiers présente depuis cinq ans en France et ayant un enfant scolarisé dans le système éducatif français depuis au moins trois ans. C’est bien le cas des six enfants Dibrani, mais les parents déboutés de leur demande d’asile n’étaient en France que depuis quatre ans et dix mois. Deux petits mois ont manqué et, selon Me Maugendre, montrent bien que l’on est revenu « aux heures les plus noires des années Sarkozy ».

La circulaire Valls annonçait une « politique d’immigration lucide et équilibrée ». Leonarda vient de spectaculairement bouleverser la donne.

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Ce que l’on sait de l’expulsion de Leonarda, 15 ans

images Céline Rastelo, 16/10/2013

Sa famille faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, la collégienne kosovare a été remise à la police lors d’une sortie scolaire. Ce qui a déclenché la polémique.
AFP/ Armend Nimani
AFP/ Armend Nimani

La polémique née de l’expulsion de Leonarda, collégienne rom kosovare de 15 ans remise à la police lors d’une sortie scolaire, est montée très vite, très haut. Si, selon le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, elle s’est déroulée « dans le respect du droit et des personnes », une enquête administrative a été ouverte pour faire la lumière sur les conditions de l’expulsion et, selon les services de Matignon, afin de « vérifier si l’ensemble des règles ont été respectées ». En cas de « faute », a affirmé Jean-Marc Ayrault mercredi 16 octobre, l’arrêté d’expulsion sera purement annulé. Alors que le Défenseur des droits a lui aussi ouvert une enquête, le Premier ministre a également rappelé que les arrêtés de reconduite à la frontière « n’autorisent pas que les enfants soient interpellés dans l’enceinte scolaire » ou lors de déplacements organisés par l’école.

C’est pourtant dans le cadre d’une sortie scolaire que Leonarda a été remise à la police mercredi dernier. Quand les forces de l’ordre se présentent au centre d’hébergement où elle est logée avec sa mère et ses frères et soeurs, la collégienne de 3e DP3 (option découverte professionnelle) du collège André Malraux de Pontarlier n’est pas là. Elle a dormi chez une copine pour pouvoir prendre le bus qui doit emmener sa classe visiter l’usine Peugeot de Sochaux. Selon les explications d’Anne Giacoma, professeure d’histoire-géographie-éducation civique au collège Malraux dans un billet publié par RESF (Réseau éducation sans frontières) sur « Mediapart« , le maire de Levier, en contact avec les policiers, les informe de la sortie. Puis appelle l’adolescente sur son portable, avant de demander à parler à un de ses professeurs. « Il me demandait expressément de faire arrêter le bus », relate Anne Giacoma. Elle refuse. Mais le maire lui passe un agent de la Police aux frontières (PAF) qui lui dit qu’ils n’ont « pas le choix » et doivent « impérativement faire stopper le bus (…) car il voulait récupérer une de nos élèves en situation irrégulière ».

« J’avais honte, parce que la police est venue devant mes camarades »

La PAF (Police de l’air et des frontières) dispose de billets d’avion pour un départ le jour-même à 13h au départ de Lyon. Leonarda est donc débarquée du bus scolaire et récupérée par la police. « L’éloignement s’est réalisé sans coercition, dans le plus grand calme », insiste la préfecture, précisant que l’adolescente a « attendu les forces de l’ordre à l’écart du bus avec son professeur, le plus discrètement possible ». « J’avais honte, parce que la police est venue devant mes camarades. Ils me disaient ‘Pourquoi la police ? Qu’est-ce que tu as fait ? Tu as volé ?' », témoigne l’adolescente à « France Inter » et « BFM TV ». La professeure, particulièrement choquée, indique alors à la police que « la façon de procéder à l’interpellation d’une jeune fille dans le cadre des activités scolaires est totalement inhumaine et qu’ils auraient pu procéder différemment ». Dans le même billet, les professeurs du collège dénoncent la façon dont « les efforts d’intégration fournis par ces enfants à l’école sont réduits à néant par des politiques aveugles et inhumaines ».

« Plus aucune interpellation ne devrait être effectuée dans les écoles et préfectures », préconisait le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Thomas Hammarberg en novembre 2008. « Les expulsions d’enfants scolarisés sont tout simplement intolérables, que ce soit celle de Leonarda qui fait la une aujourd’hui ou les dizaines d’autres non médiatisées » dénonce auprès du « Plus » Richard Moyon, membre de RESF. L’avocat spécialisé en droit des étrangers et président du Gisti (Groupe d’information et soutien des immigrés) Stéphane Maugendre, est quant à lui « scandalisé » : « On renoue avec des pratiques sarkozystes absolument scandaleuses. L’école n’est plus du tout sanctuarisée. »

Une première obligation de quitter le territoire en septembre 2011

La famille de l’adolescente « avait été déboutée de tous ses recours et avait donc épuisé les voies pour pouvoir bénéficier d’un droit de séjour sur le territoire national », assure aussi préfecture. Selon les informations qu’elle a diffusées dans un communiqué, peu après son entrée irrégulière en France le 26 janvier 2009, la famille Dibrani dépose une demande d’asile. Sept mois plus tard, le 20 août, cette première demande est rejetée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Et l’est à nouveau en appel, un an et demi plus tard, le 31 janvier 2011, par la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). En mars 2011, la famille dépose un réexamen de son dossier d’asile. A nouveau rejeté. Avant que la préfecture ne prononce, le 29 septembre 2011, un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ce que le tribunal administratif a confirmé le 26 janvier 2012, avant que la cour administrative d’appel de Nancy ne fasse de même le 21 février 2013.

Ces recours n’ayant pas abouti, les parents de Leonarda sollicitent ensuite une régularisation au titre de la circulaire Valls du 28 novembre 2012 relative à « l’admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière ». Nouvel échec. La famille, assure la préfecture, « ne remplissait pas les critères de résidence prévus par cette circulaire ». Si elle remplit le critère de trois ans de scolarisation des enfants (la famille est en France depuis quatre ans), elle ne remplit pas celui prévoyant cinq ans de présence sur le territoire. La préfecture argue aussi du fait qu’elle présentait « d’insuffisantes perspectives d’intégration sociale et économique. » Un nouveau refus de séjour avec obligation de quitter le territoire leur est notifié en juin. Début septembre, le père de famille fait l’objet d’un contrôle d’identité en gare de Mulhouse. En situation irrégulière, il est conduit en CRA (centre de rétention administrative). Les enfants ne pouvant plus être conduits en rétention avec leurs parents depuis la circulaire Valls du 6 juillet 2012, les enfants Dibrani et leur mère sont assignés à résidence à Levier, dans le Doubs, dans un centre d’hébergement. Le père de famille est expulsé mardi 8 octobre. Sa femme et ses enfants le lendemain. Selon le Premier ministre, les premiers résultats de l’enquête administrative devraient être connus « dans les 48 heures ».

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Expulsion de Leonarda – Valls : un Sarkozy bis ?

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L’expulsion d’une mineure sans papiers rappelle les méthodes de l’ex-président, alors que la gauche n’avait cessé de les fustiger. Décryptage.

L’expulsion d’une jeune collégienne mineure et de sa famille en situation irrégulière dans le Doubs a suscité une très vive polémique au sein de la classe politique et des associations de défense des sans-papiers. Pour la gauche, Leonarda est clairement un symbole : celle d’une trahison des promesses et des valeurs. Car l’affaire fait furieusement penser aux années Sarkozy. Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, il avait en effet relancé l’expulsion des familles dont les enfants allaient à l’école de la République, souhaitant ainsi éviter que cette scolarisation devienne « une nouvelle filière » d’immigration illégale.

« L’intérêt de l’enfant »

Rappel des faits : en partance pour un voyage scolaire, Leonarda Dibrani, collégienne kosovare de 15 ans, a vu son bus arrêté sur demande des agents de police avant d’être conviée à descendre afin de rejoindre sa mère et ses cinq frères et soeurs, en partance pour le Kosovo. Les Dibrani faisaient l’objet d’une obligation de reconduite à la frontière (le père, placé en centre de détention depuis septembre à la suite d’un contrôle a, lui, été expulsé le 8 octobre). Face au tollé médiatique, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls s’est défendu en rappelant que « cette reconduite à la frontière s’était déroulée dans le respect du droit, dans le respect des personnes ».

Pourtant, l’article L511-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (2006) dispose que « l’étranger mineur de moins de dix-huit ans (ils sont six enfants de 5 à 17 ans dans la famille Dibrani) ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou de mesure de reconduite à la frontière ». Les affaires d’élèves expulsés du précédent quinquennat concernaient donc des lycéens majeurs. Seulement que faire d’un mineur dont la famille est expulsée ? Police et administration font en général prévaloir « l’intérêt de l’enfant » qui est de rester auprès de ses parents.

« L’intérêt de l’enfant, n’est-il pas plutôt de rester dans son école où il est intégré et où il a des amis plutôt que dans un pays qu’il ne connaît pas ? » s’interroge donc Me Stéphane Maugendre, avocat et président du Gisti, une association d’aide au séjour des immigrés. Et de dénoncer « le bon vouloir des préfectures au sujet de la loi ».

Deux mois

Pourtant, en novembre 2012, la circulaire Valls venait préciser les règles de la régularisation, laissée naguère, au grand dam de la gauche, à la seule appréciation de préfets. Est dorénavant régularisable une famille sans papiers présente depuis cinq ans en France et ayant un enfant scolarisé dans le système éducatif français depuis au moins trois ans. C’est bien le cas des six enfants Dibrani, mais les parents déboutés de leur demande d’asile n’étaient en France que depuis quatre ans et dix mois. Deux petits mois ont manqué et, selon Me Maugendre, montrent bien que l’on est revenu « aux heures les plus noires des années Sarkozy ».

La circulaire Valls annonçait une « politique d’immigration lucide et équilibrée ». Leonarda vient de spectaculairement bouleverser la donne.

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Première audience du tribunal pour les étrangers à Roissy

indexFranck Johannès

C’est la justice aux champs. L’ annexe du tribunal de grande instance de Meaux, en Seine-et-Marne, s’est posée au bord d’un immense champ de maïs, discrètement survolé par les avions qui se posent à l’aéroport de Roissy, tout proche. Le tribunal est bordé à sa droite par une compagnie de CRS et par le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot ; l’ensemble forme un même bâtiment ocre et terre de Sienne, un peu sévère mais flambant neuf.

C’est très commode ; les sans-papiers sont maintenus dans le centre de rétention, un magistrat statue sur leur sort à deux pas de là, et ils sont renvoyés dans leur pays grâce à l’aéroport voisin. Ils peuvent même regarder les avions par la fenêtre. Le tribunal, en son annexe, a tenu sa première audience, lundi 14 octobre, devant un public homogène de journalistes et de militants venus dénoncer cette « justice d’exception ». Les magistrats, sans surprise, ont balayé leurs arguments.

Boubacar F., un Sénégalais de 30 ans, a été le premier à essuyer les plâtres du nouveau tribunal. Il tourne en rond depuis vingt-cinq jours en rétention, et la préfecture réclame un nouveau délai de vingt jours pour permettre aux autorités sénégalaises d’établir qu’il est bien un de leur ressortissant. Le jeune homme n’a commis aucun délit, il est seulement sans-papiers. Depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 28 avril 2011, le défaut de titre de séjour n’est plus un délit, le jeune homme est donc retenu, pas détenu. Il peut téléphoner, recevoir des visites, mais pas sortir. Avant son expulsion.

Me Patrick Berdugo, son avocat, s’est jeté à l’eau le premier, pour dénoncer « des irrégularités de procédure» et «la violation des principes généraux ». « Les personnes retenues ont été placées ensemble en cellule, s’est indigné l’avocat, ce qui les prive par définition de la liberté d’aller et venir au sein du centre de rétention. Il n ‘est pas possible de s’entretenir confidentiellement avec eux, et les gens qui l’ont demandé n’ont pas pu obtenir l’assistance de la Cimade. » La Cimade, association œcuménique d’entraide, est la seule à assister les étrangers en rétention dans ce centre.

Sur le plan des principes, Me Berdugo soupçonne que « l’indépendance et l’impartialité de la juridiction» soient mises à mal. « La justice ne doit pas seulement être impartiale, mais doit en donner l’image. Or vous siégez dans une ancienne caserne, qui jouxte la police de l’air aux frontières, partie prenante de ce procès, puisqu’elle gère à la fois le centre de rétention et la salle d’audience, il y a un dangereux mélange des genres à craindre, et un risque de pressions extérieures. » Petite moue du juge des libertés et de la détention, qui constitue la juridiction à lui tout seul et supporté plutôt moins bien la pression des avocats.

La Cour de cassation a jugé en 2011 qu’une salle d’audience ne pouvait pas être placée dans un centre de rétention mais devait être «autonome». Pour l’avocat, une même enceinte englobe le centre de rétention et l’annexe, il s’agit en fait du même bâtiment Enfin, il estime que les droits de la défense ne sont pas respectés, que les avocats n’ont pas le temps de regarder les dossiers, il n’y a pas de bibliothèque, et « ce qui était acquis hier au tribunal de Meaux ne l’est plus id, et cette audience nous jette dans un néant judiciaire ».

A sa suite, Me Bruno Vinay, pour l’association ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), a indiqué qu’il n’y avait aucun moyen de s’entretenir avec les familles des retenus, «sauf sur le parking » et il a marqué un point : «Les retenus sont conduits à l’audience par un couloir interne, pas parla rue, qui passe par le centre de rétention, la compagnie de CRS puis le tribunal, ce qui en dit long Sur l’autonomie de cette salle d’audience. » «La justice des étrangers est déjà une justice d’exception, a renchéri Mylène Stambouli, pour la Cimade et la Ligue des droits de l’homme, les délais sont extrêmement brefs, les appels non suspensifs, le juge unique. Pourquoi ne pas ouvrir des salles d’audience dans les maisons d’arrêt ou les commissariats ? » Me Stéphane Maugendre, le président du groupe de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti) et avocat du Syndicat de la magistrature, a enfin rappelé que la publicité des débats, gage de l’indépendance de la justice, n’était pas possible si loin de tout.

Il exagère : on peut trouver un sandwich à un peu moins d’un kilomètre ; il ne faut que trois petits quarts d’heure en RER depuis Paris pour rallier le terminal 1 de Roissy, et dès qu’on a repéré le bus 701 à la gare routière, il vous pose dix minutes plus tard à un arrêt qui n’est pas signalé- mais on n’est plus qu’à dix minutes de marche de l’annexe du tribunal. L’aller-retour coûte 24euros. Mais pour les voitures, le parking est gratuit, a rappelé sévèrement le président.

Ils étaient deux juges à se partager l’audience lundi, dont Hervé Allain, qui s’était visiblement levé du pied gauche. Lorsque l’un des retenus lui explique qu’il n’a pas pu joindre la Cimade le matin, il lui répond : « La Cimade touche 800 000 euros par an pour être présente. Je vous rassure, en un peu plus d’un an et demi de fonction, je les ai vus une fois. » Consternation dans la salle, où le dévouement de l’association est notoire. Le juge s’est même donné la peine dans son ordonnance d’expliquer que le trajet du palais de justice de Paris au Mesnil-Amelot se faisait en cinquante-huit minutes – il dispose assurément de transports hors du commun – et que les salles d’audience comptaient 37 places chacune (en réalité douze pouf l’une, treize pour l’autre).

Sur le fond, les magistrats sont tombés d’accord pour estimer que l’annexe comprend des salles d’audience «autonomes, quaucun barbelé ne ceint »,« qu’elles sont aussi séparées des centres de rétention et autres locaux dépendant du ministre de l’intérieur et ne sont pas reliées, de quelque façon que ce soit, aux bâtiments composant les centres de rétention », bien que les retenus aient pu passer par l’intérieur. Tous les étrangers de la matinée ont écopé de vingt jours de rétention supplémentaires.

 ⇒ Voir extrait de l’article

Le tribunal et le centre de rétention du Mesnil-Amelot

Blog de Franck Johannès

C’est la justice aux champs. L’annexe du tribunal de grande instance de Meaux, en Seine-et-Marne, s’est posée au bord d’un immense champ de maïs, discrètement survolé par les avions qui se posent à l’aéroport de Roissy, tout proche. Le tribunal est bordé à sa droite par une compagnie de CRS et par le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot; l’ensemble forme un même bâtiment ocre et terre de Sienne, un peu sévère mais flambant neuf.

C’est très commode; les sans-papiers sont maintenus dans le centre de rétention, un magistrat statue sur leur sort à deux pas de là, ils sont renvoyés dans leur pays grâce à l’aéroport voisin, ils peuvent même regarder les avions par la fenêtre. Le tribunal, en son annexe, a tenu sa première audience, lundi 14 octobre, devant un public homogène de journalistes et de militants venus dénoncer cette «justice d’exception». Les magistrats, sans surprise, ont balayé leurs arguments.

Boubacar F., un Sénégalais de 30 ans, a été le premier à essuyer les plâtres du nouveau tribunal. Il tourne en rond depuis vingt-cinq jours en rétention, et la préfecture réclame un nouveau délai de vingt jours pour permettre aux autorités sénégalaises d’établir qu’il est bien un de leur ressortissant. Le jeune homme n’a commis aucun délit, il est seulement sans-papiers. Depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 28 avril 2011, le défaut de titre de séjour n’est plus un délit, le jeune homme est donc retenu, pas détenu. Il peut téléphoner, recevoir des visites, mais pas sortir. Avant son expulsion.

Patrick Berdugo, son avocat, s’est jeté à l’eau le premier, pour dénoncer «des irrégularités de procédure» et «la violation des principes généraux». «Les personnes retenues ont été placées ensemble en cellule, s’est indigné l’avocat, ce qui les prive par définition de la liberté d’aller et venir au sein du centre de rétention. Il n’est pas possible de s’entretenir confidentiellement avec eux, et les gens qui l’ont demandé non pas pu obtenir l’assistance de la Cimade». La Cimade, association œcuménique d’entraide, est la seule à pouvoir assister les étrangers en rétention.

Sur le plan des principes, Me Berdugo soupçonne que «l’indépendance et l’impartialité de la juridiction» sont mises à mal. «La justice ne doit pas seulement être impartiale, mais doit en donner l’image. Or vous siégez dans une ancienne caserne, qui jouxte la police de l’air aux frontières, partie prenante de ce procès, puisqu’elle gère à la fois le centre de rétention et la salle d’audience, il y a un dangereux mélange des genres à craindre, et un risque de pressions extérieures.» Petite moue du juge des libertés et de la détention, qui constitue la juridiction à lui tout seul et supporte plutôt moins bien la pression des avocats.

Entretiens sur le parking

La Cour de cassation a jugé en 2011 qu’une salle d’audience ne pouvait pas être placée dans un centre de rétention mais devait être «autonome». Pour l’avocat, une même enceinte englobe le centre de rétention et l’annexe, il s’agit en fait du même bâtiment. Enfin il estime que les droits de la défense ne sont pas respectés, que les avocats n’ont pas le temps de regarder les dossiers, pas de bibliothèque, et «ce qui était acquis hier au tribunal de Meaux ne l’est plus ici, et cette audience nous jette dans un néant judiciaire».

A sa suite, Me Bruno Vinay, pour l’association ADDE (avocats pour la défense des droits des étrangers) a indiqué qu’il n’y avait aucun moyen de s’entretenir avec les familles des retenus, «sauf sur le parking» et il a marqué un point: «les retenus sont conduits à l’audience par un couloir interne, pas par la rue, qui passe par le centre de rétention, la compagnie de CRS puis le tribunal, ce qui en dit long sur l’autonomie de cette salle d’audience».

«La justice des étrangers est déjà une justice d’exception, a renchéri Mylène Stambouli, pour la Cimade et la Ligue des droits de l’homme, les délais sont extrêmement brefs, les appels non suspensifs, le juge unique. Pourquoi ne pas ouvrir des salles d’audience dans les maisons d’arrêt ou les commissariats?» Me Stéphane Maugendre, le président du groupe de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti) et avocat du Syndicat de la magistrature a enfin rappelé que la publicité des débats, gage de l’indépendance de la justice, n’était pas possible si loin de tout.

Il exagère: on peut trouver un sandwich à un peu moins d’un kilomètre; il ne faut que trois petits quarts d’heure en RER depuis Paris pour rallier le terminal 1 de Roissy, et dès qu’on a repéré le bus 701 à la gare routière, il vous pose dix minutes plus tard à un arrêt qui n’est pas signalé – mais on n’est plus qu’à dix minutes de marche de l’annexe du tribunal. L’aller-retour coûte 24 euros. Mais pour les voitures, le parking est gratuit, a rappelé sévèrement le président.

Transports hors du commun

Ils étaient deux juges à se partager l’audience lundi, dont Hervé Allain, qui s’était visiblement levé du pied gauche. L’un des retenus lui a expliqué qu’il n’avait pas pu joindre la Cimade le matin, il lui a répondu, «la Cimade touche 800000 euros par an pour être présente. Je vous rassure, en un peu plus d’un an et demi de fonction, je les ai vus une fois.» Consternation dans la salle, où le dévouement de l’association est notoire. Le juge s’est même donné la peine dans son ordonnance d’expliquer que le trajet du palais de justice de Paris au Mesnil-Amelot se faisait en cinquante-huit minutes – il dispose assurément de transports hors du commun- et que les salles d’audience comptaient 37 places chacune (en réalité douze pour l’une, treize pour l’autre).

Sur le fond, les magistrats sont tombés d’accord pour estimer que l’annexe comprend des salles d’audience «autonomes, qu’aucun barbelé ne ceint», «qu’elles sont aussi séparées des centres de rétention et autres locaux dépendant du ministre de l’intérieur et ne sont pas reliées, de quelque façon que ce soit, aux bâtiments composant les centres de rétention», bien que les retenus aient pu passer par l’intérieur. Tous les étrangers de la matinée ont écopé de vingt jours de rétention supplémentaires.

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Sans-papiers jugés près de Roissy : « Qui ira jusque-là ? »

images  Celine Rastello Celine Rastello 14/10/2013

Plusieurs associations contestent la légalité de l’annexe du Tribunal de grande instance de Meaux ouvert près de Roissy. Le président du Gisti Stéphane Maugendre y était.

Les premiers sans-papiers du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) ont commencé à comparaître lundi 14 octobre au matin dans une des deux salles d’audience de l’annexe du TGI (Tribunal de grande instance) de Meaux. Des salles très controversées car situées hors de tout tribunal, à côté de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, d’où ces mêmes sans-papiers sont censés être expulsés. Si selon les pouvoirs publics cette annexe évite notamment à la Police aux frontières (PAF) et aux étrangers en situation irrégulière de fastidieux transferts jusqu’au TGI de Meaux, à 30 km de là, plusieurs associations et syndicats (la Cimade, la Ligue des droits de l’homme, l’ADDE -Avocats pour la défense des droits des étrangers-, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, le Gisti -Groupe d’information et soutien des immigrés-) dénoncent une « justice d’exception » et contestent la légalité du tribunal.

L’avocat spécialisé en droit des étrangers et président du Gisti Stéphane Maugendre était présent lundi matin à la première audience. « Le Nouvel Observateur » l’a questionné.

Comment cette première audience s’est-elle déroulée ?

– C’était un peu désorganisé (retard, petits couacs de démarrage) mais c’est normal, comme n’importe quelle justice qui démarre. Un premier avocat, Patrick Berdugo, avocat du retenu, a soulevé de nombreux arguments de droit concernant le lieu même de la salle d’audience. Il a repris en droit toutes nos dénonciations politiques, puisqu’on est passés d’un combat politique -qui était jusqu’à présent la non-ouverture des salles d’audience-, à un combat judiciaire. Quatre autres avocats -Bruno Vinay, Mylène Stambouli, Catherine Herrero et moi-même- sont ensuite également intervenus volontairement pour un certain nombre d’associations. Si on est rejetés, on fera appel, et après on ira devant la Cour de cassation, devant la Cour européenne des droits de l’homme.

En quoi consiste précisément votre demande par rapport à ces salles d’audience ?

-Nous demandons leur fermeture. Il ne s’agit pas d’une annexe d’un tribunal de grande instance. Si tel était le cas, on pourrait y juger des affaires de loyers, des affaires commerciales… Cette salle est dédiée à une procédure très particulière : la reconduite à la frontière. Soit le maintien, ou non, en rétention administrative, soit en privation de liberté, des étrangers dans l’attente d’une reconduite à la frontière. Les personnes sont entourées de barbelés. Il n’y a qu’à voir les lieux constitués d’un seul et même terrain avec trois constructions identiques -même architecte, même apparence, mêmes couleurs- les unes à côté des autres : le double centre de rétention – deux fois 120 places -, le cantonnement de CRS où vit la compagnie, et l’annexe du TGI. Difficile de faire la différence, si ce n’est la pancarte indiquant « annexe du TGI de Meaux, ministère de la Justice ».

Qui peut être jugé dans cette annexe ?

– Des étrangers qui la plupart du temps ont été interpellés en situation irrégulière, qui se sont vus notifier une obligation à quitter le territoire français (OQTF) sans délai, et qui sont placés en centre de rétention sur décision du préfet.

En quoi l’ouverture de ces salles d’audience pose-t-elle le plus problème ?

– Pour deux raisons. Tout d’abord la publicité des débats. Dans le palais de justice installé dans la ville, les audiences sont publiques, mais il y a du public. Parce que le palais est justement au sein de la ville, facile d’accès, et que ceux qui le souhaitent -citoyens, collégiens, touristes, médias…- peuvent y entrer, assister à un procès, voir comment la justice fonctionne… Cette même publicité existe formellement pour l’annexe du TGI de Meaux. Mais on met entre 1h30 et 2 heures pour s’y rendre ! Y verra-t-on un seul collégien ? Qui viendra jusque-là ? La famille du retenu, éventuellement. C’est normal, mais on rend aussi la justice au nom du peuple français, pour le peuple et devant le peuple. La publicité est extrêmement importante, car elle vient également renforcer l’indépendance du magistrat et le contrôle de la justice. Deuxième raison : pour le caractère confiné de la justice qui va y être rendue. Les magistrats y seront la plupart du temps seuls. Au bout d’un moment, on verra toujours les mêmes magistrats, policiers, représentants de la préfecture, avocats, greffiers… Les magistrats ne pourront pas, par exemple, demander un conseil à un collègue. Pareil pour les avocats. Ce confinement va peser. Par ailleurs, il y a eu trois salles d’audience de ce type ouvertes avant celles-ci : à Coquelles (Pas-de-Calais), Cornebarrieu (Haute-Garonne) et près de Marseille. Si la première est toujours ouverte, les deux autres ont été fermées suite à des décisions de la Cour de cassation qui ont considéré qu’elles ne remplissaient pas les standards du conseil constitutionnel…

Que faites-vous des arguments des défenseurs, comme la présidente par intérim du TGI de Meaux selon laquelle les étrangers attendront moins « dans des conditions difficiles », ou certains policiers, qui y voient un avantage organisationnel, notamment au niveau des escortes et transferts ?

– La question de la dignité a en effet été soulevée. On a dit : « C’est indigne de transporter ainsi ces femmes, ces enfants, ces hommes avec leurs bagages, de les traîner d’un endroit à un autre dans des conditions déplorables, qu’ils se retrouvent dans une salle d’attente absolument honteuse, etc… » Mais il suffit de rendre ces lieux dignes ! Pourquoi ne pas avoir mis l’argent qui a financé cette salle dans une annexe devant le TGI de Meaux, où il y a pourtant la place de construire une salle d’audience digne et, surtout, une salle d’attente à la hauteur ? Quand aux policiers, il leur revient d’escorter les personnes qui sont privées de liberté, c’est leur boulot. Si on prend en compte cet argument organisationnel, on crée des tribunaux dans les commissariats, dans les prisons,…

Vous espérez donc que le gouvernement revienne sur sa décision ?

– Les ministres de l’Intérieur et de la Justice du précédent gouvernement l’ont rêvé, les mêmes ministres de l’Intérieur et de la Justice d’aujourd’hui l’ont réalisé. Le ministère de l’Intérieur cherche à abaisser ses coûts, mais il faut savoir qu’il y a un transfert de charges et que ce qui coûte moins cher à l’Intérieur coûte plus cher à la Justice. Le centre de rétention du Mesnil-Amelot a aussi vocation à devenir un centre national de rétention, et ils veulent rationaliser au maximum en se disant « on va parquer tous les étrangers près du tarmac. C’est quand même plus facile. On peut ‘raccourcir’ les délais. » Ils veulent « industrialiser » les choses. Mais oui, nous aimerions que le gouvernement revienne là-dessus. C’est ce que nous demandons.

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A Roissy, les sans-papiers jugés au pied des pistes

14/10/2013

Une annexe du tribunal de Meaux sera étrennée ce lundi à deux pas de l’aéroport, accolée au centre de rétention. Les associations dénoncent une justice « low cost », rendue loin des regards.

A partir de ce lundi 14 octobre, la justice sera rendue aux étrangers du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot à quelques mètres de là, dans une annexe de tribunal très contestée à deux pas de l’aéroport de Roissy d’où ils pourront être expulsés.

Voisine du plus grand CRA de France, l’annexe est censée éviter à la Police aux frontières (PAF) et aux sans-papiers de fastidieux transferts jusqu’au tribunal de grande instance de Meaux, à 30 kilomètresde là. Ils y patientaient parfois la journée, à une vingtaine dans une pièce, avant de voir le Juge des libertés et de la détention (JLD).

« Les étrangers auront moins à attendre dans des conditions difficiles », a plaidé la présidente par intérim du TGI de Meaux, Marie-Christine Hébert-Pageot, lors d’une visite à la presse.

La justice rendue « au pied des pistes »

A partir de lundi, deux juges des libertés et de la détention (JLD) seront détachés au Mesnil-Amelot, où ils devraient statuer sur le cas d’environ 3.000 étrangers par an jugés pour délit de séjour irrégulier et menacés donc d’expulsion.

Les retenus devraient arriver par petits groupes depuis le CRA pour comparaître dans deux salles d’audience aux vitres de verre dépoli, de la taille d’une salle de classe chacune.

Bien que l’étranger en rétention administrative ne soit ni pénalement condamné, ni détenu, une grille noire d’un mètre de hauteur le sépare dans la salle d’audience de la douzaine de sièges prévus pour sa famille et le public.

Un symbole pour les opposants au projet – associations comme le Gisti, la Cimade ou la Ligue des droits de l’homme, syndicats de magistrats ou encore Conseil national des barreaux – qui dénoncent une « justice d’exception », rendue « au pied des pistes ».

Cette justice d’exception réservée aux étrangers – rendue à l’écart des palais de justice et du public, à la demande et sous le seul regard de l’administration précisément chargée de mettre en œuvre la politique d’éloignement – heurte plusieurs principes fondamentaux destinés à garantir l’indépendance et l’impartialité de la justice », écrit notamment le Gisti.

« Au choc d’un enfermement souvent incompréhensible, s’ajoute pour les étranger-e-s l’isolement d’une justice rendue loin des tribunaux et sous le seul regard de l’administration et des forces de l’ordre », ajoute la Cimade.

Ces associations pourraient profiter des audiences lundi pour contester à la barre la légalité du tribunal.

L’indépendance des juges menacée ?

« Nous sommes loin d’être démunis d’arguments juridiques », souligne le président du Gisti, l’avocat Stéphane Maugendre. Objectif : obtenir, si besoin en appel ou devant de plus hautes juridictions, la fermeture de la salle d’audience, en faisant « constater que les conditions a minima de publicité des débats et d’indépendance des magistrats ne sont pas remplies ».

Sur ces deux points, l’institution judiciaire avance ses arguments.

L’indépendance du juge est-elle menacée lorsqu’il siège si près de la police, dans la même enceinte qu’un cantonnement de CRS ? « C’est faire peu de cas de la conscience professionnelle » du juge, fait valoir la présidente par intérim du TGI de Meaux.

Et « pour garantir la publicité des débats », dans ce lieu mal desservi par les transports en commun, la Cour d’appel de Paris a souligné, dans un message aux associations dont l’AFP a eu copie, que l’annexe pourra rester ouverte tard le soir, jusqu’au prononcé de la dernière décision.

Au-delà du Mesnil-Amelot, les opposants remettent en cause l’ensemble du projet de « délocalisation » de la justice des étrangers autour de Roissy. Lancé il y a plus de 10 ans par les majorités précédentes, il divise au sein même de la gauche.

La ministre de la Justice Christiane Taubira n’a pas caché ses réticences pour un projet qu’elle porte toutefois avec son collègue de l’Intérieur, déclarant que « le lieu où l’on rend la justice n’est pas anodin ». Plusieurs parlementaires, dont des députés PS, ont appelé ces dernières semaines à renoncer à utiliser ces annexes bien que l’Etat ait déjà investi 2,7 millions d’euros pour les construire.

En plus des salles d’audience du CRA, le gouvernement a hérité d’une seconde annexe, quasiment prête à ouvrir, au cœur de la zone aéroportuaire. Ce bâtiment, censé ouvrir à la fin de l’année, est destiné aux étrangers qui débarquent d’un vol international et ne sont pas admis à entrer sur le territoire français. 6.000 d’entre eux sont convoyés chaque année de la zone d’attente pour personnes en instance (Zapi) de Roissy à Bobigny pour y comparaître.

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Des sans-papiers jugés à deux pas des pistes d’aéroport de Roissy

index avec AFP ,

Ce n’est plus au tribunal de Meaux, mais dans son annexe ouverte lundi 14 octobre au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, à deux pas de l’aéroport de Roissy, que des sans-papiers vont désormais comparaître.

Destinée aux étrangers qui débarquent d’un vol international et ne sont pas admis sur le territoire français, cette salle d’audience devrait recevoir près de 6 000 personnes chaque année. Mais son ouverture est dénoncée aussi bien par des associations de défense des droits des migrants comme la Cimade et le Gisti, ou encore la Ligue des droits de l’homme, que par les syndicats de magistrats, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux.

Lire l’article : « A Roissy, le tribunal pour migrants divise »

UN JUGEMENT « LOIN DE LA CITÉ »

« On va juger loin de tout, loin de la cité, dans un coin où la publicité des débats n’existe pas de fait », dénonce l’avocat et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Stéphane Maugendre.

Selon ses partisans, le nouvel emplacement, entre champs et tarmac, a pour intérêt d’éviter le transfert des étrangers jusqu’au tribunal de grande instance de Meaux, à 30 kilomètres de là.

Les étrangers comparaissent derrière une grille noire d’un mètre de hauteur, séparés de la douzaine de sièges prévus pour leur famille et le public. Le juge des libertés et de la détention (JLD) est chargé de se prononcer sur leur maintien en rétention. Deux dossiers ont déjà été examinés depuis lundi matin.

Pour les associations, l’indépendance de la justice est menacée en siégeant si près de la police, dans la même enceinte qu’un cantonnement de CRS. « Comment avoir confiance en l’impartialité d’une justice implantée dans le lieu même où l’on enferme ? », s’interrogeaient récemment ces dernières dans une tribune parue dans « Libération ». Elles vont même jusqu’à contester la légalité de ce tribunal lancé par les majorités précédentes.

RÉTICENCES DANS LA MAJORITÉ

Le gouvernement, qui va bientôt hériter d’une seconde annexe de ce type au cœur de la zone aéroportuaire, est divisé à ce sujet. La ministre de la justice, Christiane Taubira, a fait part de ses réticences, et plusieurs parlementaires, dont des députés PS, ont appelé ces dernières semaines à renoncer à utiliser ces annexes, bien que l’Etat ait déjà investi 2,7 millions d’euros pour les construire.

L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) a déploré dans un communiqué que Manuel Valls et Christiane Taubira « n’aient pas pris en compte la forte mobilisation suscitée par les projets d’ouverture de cette annexe et de celle programmée dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ».

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Avocat