Archives de catégorie : reconduite à la frontière et OQTF

A Roissy, en 1991, une expulsion avait déjà tourné au drame

newlogohumanitefr-20140407-434 Pierre Agudo, 02/10/1998

« LE Canard enchaîné » puis « le Monde » viennent de rappeler que la tragédie de la jeune Nigériane Sémira Adamu étouffée sous un coussin par des gendarmes belges, le 22 septembre, lors d’une tentative de rapatriement forcé, n’est pas la première. En effet « l’Humanité » et d’autres journaux révélaient le 26 août 1991 la mort d’un jeune Sri Lankais d’origine tamoul, Arumum Sivasampu Esan, survenue le 25 août 1991 à 7 h 30 à l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Notre quotidien rapportait à l’époque le communiqué du ministère de l’Intérieur qui imputait ce décès à une « crise cardiaque ». Il s’interrogeait également sur le caractère « musclé » de la tentative d’expulsion dont ce jeune homme avait été victime, la veille à Roissy, lors d’une reconduite à bord d’un DC10 où les policiers tentaient, pour la seconde fois, de le renvoyer pour Colombo via New Delhi.

Seize jours plus tôt, Arumum avait débarqué à Roissy en demandant l’asile pour essayer ensuite de rejoindre son épouse réfugiée en Allemagne. Sa demande ayant été rejetée par le ministère de l’Intérieur dirigé alors par Philippe Marchand, le jeune homme avait été placé en « zone internationale ». Il s’était tellement débattu lors de la première tentative d’embarquement que le commandant de bord avait ordonné son débarquement. Le 24 août, la police avait dépêché deux fonctionnaires pour l’escorter jusqu’à destination. Ils l’avaient installé au fond de l’avion. Selon le rapport du commissaire de la police de l’air et des frontières (PAF, devenue depuis la DICCILEC), on lui avait alors placé une bande Velpeau à hauteur de la bouche. Il était menotté aux poignets (les mains dans le dos), ainsi qu’aux chevilles. Toujours selon le rapport, l’homme se serait débattu. Il était alors attaché à son siège au moyen d’une couverture utilisée comme sangle, « fermement appliquée en haut du thorax ». A l’issue de vingt à trente minutes, durant lesquelles Arumum tenta vainement de lutter contre les policiers, il perdait connaissance et décédait le lendemain à l’hôpital.

A l’époque, Jacques Chirac parlait de « l’overdose des étrangers », évoquant « le bruit et l’odeur », et Edith Cresson, premier ministre, prônait l’utilisation des charters pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière. Il n’y avait pas eu d’information judiciaire. Il aura fallu une plainte déposée au nom de la veuve de la victime, du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (GISTI) et de l’association France Terre d’asile pour que la justice se mette en marche. Lentement. Ce n’est qu’en 1993 qu’Eric Brendel, le commissaire qui a conduit la tentative de rapatriement, a été mis en examen pour coups mortels, atteinte aux libertés par fonctionnaire public et détention arbitraire, tandis que son subalterne, l’officier de paix Paul Manier, était mis en examem pour le seul premier chef. Les deux fonctionnaires n’ont jamais été suspendus. La reconstitution du drame n’a eu lieu que le 28 avril, presque sept ans après, dans un avion au Bourget. Si les premières expertises insistaient sur la malformation cardiaque de la victime, la reconstitution indique que la compression cervicale « a pu survenir lors des manéuvres de maintien sur le siège effectuées en utilisant une couverture »… Hier, Philippe Marchand a indiqué qu’à l’époque « le ministère n’était pas dans le coup car le rapport parlait de crise cardiaque ».

Les pratiques en cours lors des expulsions ont donné lieu, depuis l’arrivée de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l’Intérieur, à des recommandations orales. Tout en permettant aux policiers d’immobiliser la personne expulsée en liant les poignets et les chevilles avec des menottes ou du papier collant, celles-ci leur interdisent de toucher à la bouche. Jean-Pierre Chevènement a également interdit l’administration de calmants. Enfin, depuis la mort de Sémira Adamu, le ministère de l’Intérieur français envisage d’édicter des règles écrites…

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La France aussi expulse durement les sans-papiers Bâillonnés, attachés…

200px-La_Vie propos recueillis par Corine Chabaud, octobre 1998

Elle avait 20 ans et voulait vivre en Belgique. Sémira Àdamu, Nigériane rebelle, est morte le 22 septembre, étouffée avec un coussin par deux gendarmes chargés de son rapatriement. Du coup, le ministre belge de l’intérieur a démissionné. En France, chaque année, 12 000 étrangers en situation irrégulière sont éloignés du territoire. Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Groupe d’information et des immigrés (Gisti), fait le point sur les méthodes françaises d’ex-pulsion de sans-papiers.

« La mort de la jeune Nigériane n est pas étonnante : nous sommes souvent saisis de plaintes pour violences subies dans les pays de l’espace Schengen. Même si ce n est pas systématique, la France use aussi de pratiques violentes. Dans les avions, les sans- papiers sont parfois ligotés. On leur lie les mains avec du Scotch ou des menottes. On leur attache les pieds, parfois fixés à la barre du siège avant. On leur met un bâillon, en principe une bande Velpeau qui les étrangle quand ils bougent trop. Parfois, des policiers escortent les récalcitrants avec des mitraillettes ou des chiens. La technique du coussin ou de la couverture sur la tête est aussi pratiquée. Nous n’avons pas de preuve mais on nous a signalé des cas de personnes endormies avec des piqûres ou des médicaments administres de farce »

« Notre législation est sévère : pour un refus d’embarquer; les personnes en situation irrégulière risquent trois ans de prison. Pour inciter au départ des sans-papiers, la France a réactualisé récemment un système d’aide au retour, qui reste in-efficace. Les expulsions ne sont pas toujours faites dans le respect de la dignité humaine et coûtent cher, car deux policiers raccompagnent la  personne dans son  pays ».

Quand des policiers français expulsent « à la belge »

arton7300 Jean-Marie Horeau, 30/09/1998

Un immigré est mort étouffé sur son siégé, à Roissy. Dans l’indifférence générale, la justice enquête activement depuis sept ans.

LA dernière histoire belge ne fait rire personne. La mort d’une jeune réfugiée nigériane, étouffée par les gendarmes chargés de la maintenir de force sur le siège d’un avion en partance pour Lagos, a provoqué un début de crise poli¬tique à Bruxelles. Le ministre de l’Intérieur a démissionné, tandis que 5 000 personnes ont manifesté le 26 septembre sur le parvis de la cathédrale où était célébré un office à la mémoire de la jeune Samira Adamu.

La presse française a abondamment relaté le drame et les circonstances atroces dans lesquelles la victime est morte, alors que la gendarmerie filmait placidement la scène afin de montrer aux futures escortes l’art et la manière de faire tenir tranquilles les expulsés récalcitrants. Efficacité garantie. Mais il ne faudrait pas que les exploits de la gendarmerie belge fassent oublier les talents de certains membres des forces de l’ordre françaises. Non seulement notre police est capable de faire aussi bien, mais elle agit dans la discrétion.

Commissaire diligent

Le 28 avril dernier, dans un avion stationné sur l’aéroport du Bourget, a eu lieu la reconstitution de la mort d’un sans-papiers. Sous la direction de Corinne Buytet, juge d’instruction à Nanterre, deux policiers, dont un commissaire, ont refait, devant les experts, les gestes qui avaient abouti à la mort d’Arumum Fiva, un Tamoul qui s’était vu refuser l’entrée en France au titre de réfugié. C’était le 24 août 1991, c’est-à-dire il y a plus de sept ans. L’instruction est toujours en cours, menée, on le voit, au pas de charge.

La méthode Velpeau

Ce jour-là, à l’aéroport de Roissy, Arumum est embarqué de force dans un vol UTA à destination de Colombo. Il est accompagné par deux fonctionnaires de la police de l’air et des frontières, dont un commissaire, Eric Brendel. Arrivé deux semaines plus tôt, le Tamoul n’a pas quitté la zone de l’aéroport. Sa demande de statut de réfugié, transmise par fax, a été rejetée — en moins de vingt-quatre heures – par le ministère de l’Intérieur. Pourtant, son épouse avait obtenu le statut de réfugiée en Allemagne, et il espérait la rejoindre.

Le 17 août, une première tentative d’expulsion échoue. Arumum se débat, hurle tant et si bien qu’il est débarqué. Le 24 août, nouvel embarquement. Cette fois, le jeune Tamoul est bien menotté. Et surtout le commissaire Brendel lui a confectionné un bâillon avec une bande Velpeau, qui sert habituellement à panser les blessures. Selon plusieurs témoins, cette bande est croisée sur la nuque et passée ensuite autour du cou. Une nouvelle fois, Arumum se débat et se met à hurler.

Les deux policiers, selon le récit du commissaire, utilisent alors une couverture « comme une sangle » et appuient « de toute leur force sur le haut de son corps pour s opposer à ses secousses ». La scène dure près d’une demi-heure.

Jusqu’à ce que le réfugié se calme tout à fait. « Constatant que son regard était vague, rapporte le commissaire, je pen¬sais qu’il ne s’agissait pas d’une simulation, mais d’une perte réelle de connaissance. » Une infirmière et un médecin, présents à bord, interviennent et pratiquent un massage -cardiaque. Il faudra des ciseaux pour couper la bande Velpeau, tellement celle-ci est serrée. Le commissaire Brendel affirme qu’il l’avait enlevée bien avant le malaise. Version contredite par plu¬sieurs témoins. Et, curieusement, on ne retrouvera jamais cette pièce à conviction…

Magistrats indolents

Évacué par le Samu, Arumum ne reprendra jamais connaissance. Il est mort, selon la toute dernière expertise, rendue en mai dernier, à cause du traitement qu’il a subi lorsqu’il s’étranglait en se débattant, et aussi en raison d’une faiblesse cardiaque.

A la suite d’une plainte de la famille, une instruction a été ouverte. Les deux policiers ont été mis en examen, mais n’ont pas été suspendus un seul jour, et ne sont toujours pas jugés. Le ministre de l’Intérieur (à l’époque Philippe Marchand) n’a pas démissionné. La presse, à la seule exception, sauf erreur, de « L’Express », n’a pas évoqué ce fait divers. Il n’y a eu aucune manifestation, aucune cérémonie, aucune protestation.
Ils sont vraiment fous, ces Belges…

Sans-papiers: l’angoisse et l’espoir

 Accueil Emilie Rive, 01/04/1998

Un nouveau départ de trois sans-papiers maliens est annoncé aujourd’hui pour Bamako, mais les douze qui comparaissaient hier après-midi à Bobigny ont été relâchés en attendant leur jugement, en mai et juin prochains. Le ministre de l’Intérieur veut entamer des poursuites contre les militants et les passagers qui ont empêché les « éloignements » du territoire.

CE matin, à 11 heures, Dialla Kanouté, Malle Cimaga et Moukantafé Kanté doivent être réembarqués à Roissy, à la suite du jugement rendu samedi par le tribunal correctionnel de Bobigny, où ils n’avaient pas d’avocat, même commis d’office. Depuis mercredi, ils sont incarcérés au sous-sol aveugle du commissariat de la ville, devenu centre de rétention, en face des détenus de droit commun, sans linge de rechange ni produits de toilette… Ce jour-là, les passagers avaient empêché l’expulsion de ces Maliens arrêtés lors de l’évacuation par les forces de police de l’église Saint-Jean-de-Montmartre. Parmi eux, un jeune homme de vingt-cinq ans, dont les parents sont morts et la seule famille, un cousin, réside à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Ce même tribunal a décidé, hier soir, le report de l’audience de douze autres Maliens, eux aussi arrêtés à Saint-Jean, installés de force dans l’A320 d’Air Afrique pour Bamako et réincarcérés à Bobigny après l’intervention des passagers outrés. Mais, pour la première fois, le report octroyé pour préparer la défense sur la forme et le fond est assorti d’une remise en liberté. Le procès aura lieu les 18 mai et 15 juin, après la date butoir d’application de la circulaire Chevènement sur la régularisation des sans-papiers (30 avril). Selon leur avocat, Me Stéphane Maugendre, des faits troublants ont été évoqués lors de l’audience. De tous les témoignages directs ou indirects, il ressort que ce sont bien les passagers qui ont protesté sur les conditions indignes dans lesquelles allait s’effectuer le voyage: assis à l’arrière de l’avion, cachés derrière un rideau, menottés, ceinturés par une ficelle de la poitrine aux chevilles, encadrés par 23 policiers qui entreprenaient de leur mettre des bâillons, les expulsés criaient de peur d’être étouffés. L’interrogatoire du procureur de la République a établi que tous avaient accepté de partir.

Or un rapport du commissaire de la 12e section des renseignements généraux de Paris insiste au contraire sur des incitations à la révolte, « des coups portés avec le corps », des insultes, des menaces. Tout comme il fait état d’un refus de quitter l’église, le 18 mars, malgré les sommations, quand tous les observateurs avaient noté le calme absolu dans lequel s’étaient déroulés les événements. En outre, ce commissaire stigmatise des actes de « rébellion généralisée » de « groupuscules d’extrême gauche » dans l’aérogare, alors que les quelques personnes présentes distribuaient des tracts aux voyageurs. La version du commissaire fait bonne mesure avec les contrôles d’identité systématiques des militants des associations, et aussi avec un volet du projet de loi Chevènement sur l’immigration, qui prévoit de restreindre les organisations autorisées à s’intéresser au problème…

Le soutien aux sans-papiers

Hier, à l’Assemblée nationale, le ministre s’en est pris à « l’incivisme fondamental » de « fauteurs de troubles », membres selon lui d’une « organisation trotskiste d’origine britannique ». Il a ajouté: « Ceux qui les soutiennent contribuent à bafouer les lois, à la perte de repères dont la République a besoin pour faire front contre l’extrême droite. » Selon lui, des délits ont été commis « pas seulement par les distributeurs de tracts, mais par un certain nombre de passagers… » Devant la contestation de certaines expulsions et des méthodes employées, le ministre est allé jusqu’à souhaiter l’inscription de ces personnes au fichier de l’espace de Schengen et l’interdiction de séjour dans les autres pays de l’espace…

La solidarité en tout cas avec les sans-papiers menacés d’expulsion ne se dément pas. Aujourd’hui, Albert Jacquard, généticien des populations et militant des causes humanitaires, sera, à midi quinze, à la cathédrale d’Evry pour apporter son soutien aux sans-papiers de l’Essonne. A l’église Saint-Paul de Nanterre, c’est Jacqueline Fraysse, député-maire communiste de la ville, qui a annoncé qu’elle procéderait à un nouveau parrainage de sans-papiers, le 8 avril prochain.

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Sans-papiers: l’urgence d’une solution humaine

 Accueil,  Emilie Rive, 31/03/1998

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Le mouvement de solidarité aux sans-papiers est revivifié par les interventions de passagers des vols d’Air Afrique, alors que se rapproche la date limite des régularisations. Le PCF demande une entrevue au ministre de l’Intérieur.

EN fin de journée hier, le tribunal correctionnel de Bobigny devait se prononcer sur le sort de 12 Maliens dont les passagers d’un vol d’Air Afrique pour Bamako avaient empêché l’expulsion samedi. Ils avaient été arrêtés lors de l’évacuation par les forces de police des églises Notre-Dame-de-la-Gare et Saint-Jean-de-Montmartre, à Paris, et conduits au centre de rétention de Vincennes. Me Maugendre, l’un de leurs avocats, demandait pour tous le report du jugement. Il remarquait que les dossiers instruits comportaient des questions « bizarres »: « On a fait dire aux gens qu’ils n’ont pas subi de violences policières. Comme si on se protégeait à l’avance contre toute poursuite. Il n’y a pas eu de procès-verbal d’interpellation sur le refus d’embarquement, alors que onze des sans-papiers avaient clairement exprimé leur opposition à la procédure » (le douzième, drogué, bâillonné et menotté, ne pouvait pas s’exprimer). « Il y a des dossiers qui seraient a priori régularisables selon la loi Chevènement, poursuivait l’avocat, leur titulaires ayant travaillé dix, douze ans en France, sans interdiction de territoire ni casier judiciaire pour d’autres faits. »Samedi, à Roissy, des associations de soutien aux sans-papiers distribuaient des tracts aux passagers des vols africains, les engageant à protester auprès des h »tesses et du commandant de bord. Didier raconte: « Les CRS se sont mis à trois, parfois à cinq, pour faire monter les douze sans-papiers un par un. Le bus des passagers est arrivé un quart d’heure seulement avant l’heure d’envol. Ils sont montés, puis descendus après avoir discuté avec le commandant de bord. Les sans-papiers ont été ensuite redescendus et les passagers sont partis avec plus de trois heures de retard. »Une avancée positiveDepuis hier, les sans-papiers des Hauts-de-Seine occupent l’église de Nanterre, comme leurs collègues du Havre, en Seine-Maritime, l’église Saint-Pierre, et ceux de Créteil, en Val-de-Marne, et d’Evry, dans l’Essonne, les deux cathédrales. Ces derniers ont obtenu, samedi, du directeur de cabinet du préfet de l’Essonne une rencontre, le 5 avril, avec les services de la réglementation afin de trouver une méthode de travail commune aux deux parties pour examiner les dossiers en litige. C’est la première ouverture de ce type depuis le début du conflit. La coordination voit là une avancée positive, mais reste vigilante.

Il faut dire que le temps presse. Le 30 avril est la date butoir de la circulaire Chevènement. Les 150.000 sans-papiers qui se sont fait connaître et dont la situation ne sera pas régularisée à cette date seront alors expulsables. La majeure partie des cas aujourd’hui réglés sont ceux des gens pouvant faire état d’attaches familiales en France. Sont donc plus particulièrement concernés les ressortissants algériens, marocains et chinois. En revanche, les communautés d’Afrique noire, et surtout les Maliens et les Sénégalais, souvent célibataires, ont essuyé le maximum de refus. Les préfectures, dans leur cas, font jouer les accords… franco-algériens! Ce qui prouve bien que l’examen des dossiers a été effectué sans aucun sérieux, comme si un quota de régularisations avait été fixé arbitrairement, quelles que soient les situations réelles. Les recours administratifs déposés ne sont pas suspensifs, alors que les procédures peuvent durer jusqu’à quatre mois. Il semble que, si les choix du ministère de l’Intérieur ne changent pas, ce seront plusieurs milliers de sans-papiers qui seront finalement refusés parce que la circulaire Chevènement, déjà très restrictive, n’est même pas appliquée correctement.

Pour sa part, le Parti communiste français s’est adressé par lettre à Jean-Pierre Chevènement, le 24 mars, à qui il demande une rencontre. Il regrette « l’application très restrictive des critères de la circulaire » et souligne que « la régularisation fait apparaître de très grandes lacunes », en s’indignant de « la recrudescence des controles au faciès, d’arrestations massives, de mises en centre de rétention et d’expulsions musclées du territoire ».

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Les lois Pasqua réformées sans « humanité ».

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Juristes et associations estiment que le projet Debré pénalise encore plus les étrangers.

«Un bout de gras donné à l’extrême droite et aux sans-papiers», «un projet qui ne tient pas compte des événements.» Les spécialistes, familiers des arcanes du droit des étrangers, qui ont analysé l’avant-projet de loi sur l’immigration du gouvernement (Libération du 9 octobre) sont sévères et parlent de durcissement et de répression. «Les dispositions les plus répressives sont à la fois innovantes et liberticides, et tout ce qui peut sembler libéral n’est en fait que l’application de textes actuellement en vigueur, ou de la jurisprudence appliquée depuis longtemps par les tribunaux administratifs», estime l’avocat Stéphane Maugendre. Défenseurs de nombreux étrangers, il regrette que ni les propositions des médiateurs, ni le travail de ceux qui ont réfléchi depuis des années sur l’immigration, n’ait jamais été pris en considération. «Le projet, dans sa forme actuelle, aggrave les conditions de traitement des étrangers à l’entrée et à la sortie», note de son côté Jean-Pierre Alaux pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés). Pour lui, l’avant-projet Debré «ne tient pas compte des événements récents et ne régularise qu’une petite frange des immigrés. Ainsi, les parents d’enfants nés en France, qui sont déjà inexpulsables, sont absents du projet». Les juristes notent aussi que le texte fait preuve d’une grande méfiance envers la justice, puisqu’il fait passer de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de présentation au juge d’un étranger placé en rétention administrative. La déception est d’autant plus forte que la disposition la plus libérale inscrite dans l’avant-dernière mouture, qui interdisait d’expulser les étrangers dont l’éloignement aurait des conséquences «d’une gravité exceptionnelle», a disparu de l’avant-projet définitif. Et que les déboutés du droit d’asile voient leurs possibilités de recours encore un peu plus limitées. D’autres critiques portent sur les pouvoirs ­jugés excessifs­ accordés aux maires pour contrôler la réalité des certificats d’hébergement. «Pour réprimer les étrangers, on porte atteinte à la liberté des Français», déplore-t-on au Gisti.

«On en profite pour resserrer les verrous», résume, au PS, Martine Aubry. Une intention dont se défendent, à droite, ceux qui ont travaillé au projet: bien que des concessions ont été faites en direction des plus répressifs sur la rétention administrative et les certificats d’hébergement, ils soutiennent, que la loi autorise un maximum de régularisation et tire, sans équivoque, les leçons de la crise estivale des sans-papiers. Mais sera-t-elle suffisante pour éviter d’autres Saint-Bernard?. – 24 membres d’un collectif de sans-papiers, dont une militante du MRAP et 2 sans-papiers ont été arrêtés et conduits dans les locaux de la police. Ils participaient à une manifestation qui n’avait pas été déclarée auprès de la préfecture.

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Mineurs sans papiers en rétention. Les avocats parlent de «séquestration arbitraire» à Bobigny.

logo-liberation-311x113, Béatrice Bantman

A la suite de la mise en rétention à Bobigny de plusieurs enfants de sans-papiers chinois (lire Libération du 3 octobre), le Syndicat des avocats de France rappelle que le placement et la reconduite à la frontière des enfants mineurs sont interdits et que ces pratiques sont assimilables à une séquestration arbitraire. Le syndicat condamne ces rétentions «qui mettent en danger la santé des enfants et ont pour but de prendre des familles et des enfants en otages pour inciter les étrangers à ne plus se présenter aux guichets de la préfecture». Depuis lundi, une dizaine d’arrestations se sont en effet produites à la préfecture de Bobigny, où les parents, abusés par des rumeurs, espéraient pouvoir faire régulariser leur situation. Sur les lieux, il leur a été précisé qu’aucune régularisation ne pourrait avoir lieu si les enfants n’étaient pas présents. Des enfants de 1 mois à 13 ans, dont une petite fille malade, ont passé la nuit en rétention, tandis qu’un enfant de 5 ans, en situation régulière, a été retenu avec sa tante qui n’avait pas de papiers. Lorsque la mère est allée le chercher, les policiers lui ont indiqué qu’il était trop tard et qu’elle ne pourrait récupérer son enfant que le lendemain, à l’audience du tribunal où devait comparaître sa tante. A la suite de l’audience, les familles ont été relâchées ou assignées à résidence .

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La machine à expulser à la barre : Un responsable de la préfecture de police comparaissait mercredi.

logo-liberation-311x113,Dominique Simonnot

Depuis longtemps, les avocats et les associations attendaient cette audience. Égrenant les mille ruses et subterfuges de la préfecture de police de Paris pour augmenter ses taux de reconduites à la frontière. C’est là-dessus que s’est penchée la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris mercredi. A la barre des prévenus, Daniel Monedière, chef du 8e bureau de la préfecture, celui qui est chargé de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Il était en effet cité par trois associations (la Cimade, le Mrap, le Gisti [1]) et deux syndicats (le SAF et le SM [2]), sous la grave accusation d’avoir commis le délit d’abus de pouvoir en détournant sciemment la loi. En cause, une note du 15 décembre 1994, rédigée par ses services et signée de son nom, donnant clairement des ordres afin de contourner les règles de la compétence territoriale des juges de Meaux, normalement chargés de statuer sur la rétention des étrangers détenus au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Tout était organisé pour que les avocats et les juges n’y voient que du feu: «Afin d’éviter que les avocats des étrangers ne demande au juge de se déclarer incompétent (…), affirme la note, il est devenu d’usage de faire transiter par le centre de rétention de Paris les étrangers en provenance du Mesnil-Amelot. De cette manière un ordre d’extraction est émis et les étrangers sont conduits à l’audience comme s’ils étaient détenus au dépôt (…)» Et, pour parachever la supercherie, la note précise qu’«il importe que les gendarmes du Mesnil-Amelot ne soient pas présent à l’audience». Le président Jean-Yves Montfort, ironique mais sévère, n’en est pas revenu et a cuisiné pendant deux heures le haut fonctionnaire. «C’est un drôle de jeu que joue la préfecture. C’est vous qui décidez de promener les étrangers pour choisir Paris ou ailleurs? Vous modifiez délibérément et artificiellement la compétence du juge et ça ne vous paraît pas choquant?» Au ravissement des avocats et des représentants d’associations présents, habitués de ces audiences confidentielles de rétention, le prévenu s’en sort mal. De ses explications embrouillées, on retiendra une réponse, significative. «A Meaux, c’était compliqué, nous n’avons pas de représentant de la préfecture sur place.» Mais ça choque le président: «Voulez-vous nous dire qu’à Paris vous obtenez de meilleurs résultats pour la préfecture. Mais c’est une mise en scène, une réalité que vous avez créée de toutes pièces!» Et Jean-Yves Monfort a poursuivi son interrogatoire, pourchassant le moindre détail. Monedière précise que les gendarmes du Mesnil-Amelot et ceux de Paris arborent des galons de couleurs différentes. D’où l’importance de garder les premiers cachés «sauf à tomber sur un juge daltonien!» s’amuse le président. Que ni les magistrats ni les avocats de Meaux n’avaient jamais été informés de ce tour de passe-passe. Que les étrangers en instance de reconduite sont trimbalés devant plus d’une dizaine de fonctionnaires ou magistrats entre leur interpellation et la passerelle de l’avion qui doit les ramener au pays. «Mais alors comment voulez-vous qu’ils sachent reconnaître le moment important pour eux?» demande encore Jean-Yves Monfort.

Puis, par la voix des avocats, les étrangers sont entrés dans le prétoire, comme une cohorte d’ombres. On évoque, par exemple, cette jeune Mauricienne enceinte, mariée à un Français et collée dans un avion. Cette Zaïroise sommée de choisir entre le départ avec sa fille ou son placement à la Ddass. Cet homme libéré de sa rétention par un juge, mais menotté dès la fin de l’audience et renfermé au dépôt du seul pouvoir discrétionnaire de la préfecture. Ou cet autre, également libéré, mais aussitôt ramené entre des policiers au centre de rétention de Paris et expédié dans son pays, sans autre forme de procès. Ou encore ce bébé français de 8 mois, placé en garde à vue avec sa mère étrangère dans les locaux de la police de l’aéroport, avant d’être déféré avec elle devant le tribunal pour refus d’embarquer dans l’avion. Jusqu’à ce qu’un juge les libère tous les deux. On revoit les photos du dépôt des étrangers situés dans les sous-sols du palais de justice de Paris, fermé après une longue lutte des associations et des avocats. On parle aussi du président Philippe Texier, et de sa stupéfaction en voyant comparaître devant lui, à trois jours d’intervalle, un Algérien qu’il avait libéré, et qui notera, furieux, dans son ordonnance: «Non content de violer une décision judiciaire, la préfecture a tenté de tromper la justice en présentant un dossier incomplet.» On évoque ces avocats, dont les clients sont convoqués à la préfecture «pour examen de dossier» et à qui des fonctionnaires jurent que leur présence est inutile, mais qui constatent quelques heures plus tard que leur client est au dépôt.

Bref, au-delà de la note, ce sont toutes les pratiques douteuses des fonctionnaires du 8e bureau qui défilent devant le président: «Car vous avez des gens à la préfecture qui estiment que plus important que les lois est de nettoyer la France de ses étrangers», affirme Henri Leclerc, le président de la Ligue des droits de l’homme, cité comme témoin. Plaidant chacun pour une organisation, les avocats ont témoigné de leur pratique de spécialistes du droit des étrangers. «La préfecture a manipulé les juges depuis des années et ne les considère que comme les auxiliaires d’une procédure administrative», affirme Me Simon Foreman. «Il semble qu’en France les droits de l’homme soient réservés aux seuls Français», a ajouté Me Stéphane Maugendre. «Dans la guerre contre l’immigration clandestine, tous les coups sont permis, et ça fait froid dans le dos parce qu’à la guerre tout est permis!» a frémi Me Gérard Tcholakian. Et il s’est tourné vers le président: «Votre responsabilité est immense, si vous ne condamnez pas, je crains que votre décision ne soit un blanc-seing à l’Administration.» Sur la même ligne, l’avocat du prévenu, Me Martin-Commene, et François Reygrobellet, le représentant du parquet, ont soutenu l’irrecevabilité des parties civiles. Le jugement sera rendu le 4 janvier.

(1) Service oecuménique d’entraide, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés.

(2) Syndicat des avocats de France et Syndicat de la Magistrature.

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Les étrangers, au « bon vouloir » de la préfecture de police de Paris

index Nathaniel Herzberg, 02/12/1995

LES DOIGTS accrochés à la barre, la tête légèrement rentrée dans Ies épaules, l’homme vacille. Ces question qui résonnent à ces oreilles, Il les a déjà entendues souvent. Posées par des avocats d’étrangers en situation Irrégulière tentant de défendre leurs clients, ou par des associations de défense des droits de l’homme, inquiètes des dérapages de l’administration… Mais cette fois, c’est Jean-Jacques Monfort, président de la 17ème chambre correctionnelle qui l’interroge. Et lui, Daniel Monedière, chef du 8ème bureau de la direction de la police générale, chargé de l’éloignement des irréguliers à la préfecture de police de Paris, est dans la position de l’accusé.

A l’écouter, il n’a pourtant pas pensé à mal en écrivant cette note, le 15 décembre 1994. Il entendait simplement «trouver une parade aux arguments des avocats ». Et voilà que ces mêmes avocats, ceux du Syndicat de la magistrature SM) et du Syndicat des avocats de France (SAF), auxquels se sont joints le Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti), la Cimade, le MRAP et l’association de défense du droit des étrangers (ADDE), l’accusent d’avoir détourné la loi et le poursuivent pour «abus d’autorité». Non, «honnêtement», il ne comprend pas.

Cette note? Trois paragraphes, envoyés au commandant du centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Mame). «Afin d’éviter que les avocats des étrangers concernés ne demandent au juge de se déclarer incompétent, il est devenu d’usage de faire transiter par le centre de rétention de Paris les étrangers en provenance du Mesnil-Amelot De cette manière, un ordre d’extraction du dépôt est émis et les étrangers sont conduits à l’audience comme s’ils étaient retenus au dépôt » Une simple question de géographie, assure-t-il. Bien sûr, il connaît le décret du 13 juillet 1994, selon lequel le juge délégué compétent pour prolonger la rétention administrative d’un étranger est celui du département ou se trouve le centre de rétention. Mais «les droits des retenus sont mieux défendus à Paris ».

Il s’explique : «A Meaux, il n’y a pas de magistrat, pas de greffier pour ces audiences. Et nous ne pouvons pas envoyer de fonctionnaire pour suivre les dossiers. » Le président Jean-Jacques Monfort s’interroge : «Ce fonctionnaire est-il indispensable pour défendre les droits des retenus ? ». « Cela permet un meilleur éclairage des situations, explique M, Monedière. D’ailleurs, depuis que j’ai pris mes fonctions en mai 93 et que j’envoie quelqu’un à I’audience, le nombre de libérations a considérablement chuté. » Le président Monfort s’agace : « Vous êtes en train de dire que vous modifiez, à votre guise, la compétence du Juge pour obtenir des décisions plus favorables. Ça ne vous semble pus choquant ? » « Non, monsieur le président! ». « Alors là, nous ne parlons pas la même langue, soupire le magistrat. Il y a des textes. Pourquoi la préfecture de police pourrait-elle choisir sa compétence selon son bon vouloir? » «C’est dans l’intérêt même de l’étranger », tente encore le prévenu. « J’ai l’impression que vous confondez les intérêts de l’étranger et ceux de la préfecture », assène le président.

« DU CHIFFRE »

La salle, largement acquise aux parties civiles, contient difficilement son plaisir. Des murmures montent, des rires fusent. Après plus d’une heure de vain dialogue, le président n’interroge plus Daniel Monedière, il le morigène : «Il faut que vous compreniez que les avocats sont des empêcheurs de tourner en rond. Ils sont là pour défendre leur client Ici, on s’y est fait. Il faut que l’administration s’y fasse. Lorsqu’il existe une règle, notre devoir c’est de l’appliquer, pas de la contourner. »

Les uns après les autres, les avocats des parties civiles dénoncent l’arbitraire administratif. « Cela fait quinze ans que le juge est chargé de contrôler la rétention, quinze ans que l’administration s’y oppose et considère les magistrats comme des auxiliaires d’une procédure administrative, martèle Me Simon Foreman, au nom du SM. « Le seul objectif, c’est de faire du chiffre, poursuit Me Danielle Matte-Popelier, avocat du SAF. Alors on se soucie fort peu de valeurs qui nous semblent essentielles, comme le respect des lois. » « Vous avez à dire le droit dans un cas particulier qui est le reflet de tout un comportement de l’administration, ajoute Me Tcholakian, pour le Gisti. On a déclaré la guerre à l’immigration clandestine. Mais à la guerre tout est permis. (…) Je ne crois pas que vous ayez à faire à Eichmann, à Bousquet, ou à Darquier de Pellepoix. Mais je crois que vous devez punir ce braconnage de manière particulièrement sévère, si¬non ce sera un blanc-seing donné à l’administration. »

Après avoir plaidé l’irrecevabilité, Me Martin-Comnene a demandé la relaxe de M. Monedière. Constatant que l’«abus d’autorité»- passible de cinq ans de prison et 500 000 francs d’amende – suppose qu’un fonctionnaire ait « tenté de faire échec à l’exécution de la loi », il a estimé que la contestation portait ici sur « un simple décret », argument développé, à l’identique, par le substitut du procureur, François Reygrobellet.

Jugement le 4 janvier.

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Le droit des étrangers défendu devant le tribunal correctionnel

InfoMatin, Christophe Dubois, 02/12/1995

Juristes et associations dénoncent des manœuvres illégales.

Lorsque le président Monfort relit la note rédigée et diffusée le 15 décembre 1994 par Daniel Monédière, ce dernier baisse la tête et n’est pas tranquille sur le banc des accusés.

Le chef du 8e bureau de police, spécialisé dans l’éloignement des étrangers à la préfecture de Paris, était poursuivi hier devant la 17e chambre correctionnelle pour abus d’autorité, délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende, suite à une plainte déposé par le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature.

Manœuvre: Ces deux organisations, soutenues par quatre associations partie civile (Mrap, Gisti, Cimade et l’Association de défense des droits des étrangers), entendent démontrer que le fonctionnaire a tenté une manœuvre pour «faire échec à l’exécution de la loi ». En l’occurrence, il avait écrit : «Afin d’éviter que les avocats des étrangers concernés ne demandent au juge de se déclarer incompétent en invoquant les dispositions de l’article 1er du décret du 13 juillet 1994, il est devenu l’usage de faire transiter par le centre de rétention de Paris les étrangers en provenance du Mesnil-Amelot.»

Mais, avant d’aborder le débat sur le fond, Me Martin Comnene, avocat de M. Monédière, a soulevé l’irrecevabilité et l’incompétence du tribunal. Des incidents de procédures que le président a joints au fond.

Rétention: Daniel Monédière, 46 ans, cheveux grisonnants, se tient droit à la barre, écoute attentivement le président qui lui demande de préciser ses fonctions : «Ma mission est de mettre en œuvre les mesures d’éloignement des étrangers», répond-il.

Le président demande au fonctionnaire de justifier la note incriminée : «Depuis le 30 décembre 1993, la garde à vue des retenus peut être prolongée de trois jours après les six premiers jours de rétention. Avant cela, on ne s’était jamais pose de questions.»

Un décret stipule en effet que le juge compétent est celui du lieu du centre de rétention. Daniel Monédière reconnaît à la barre que ça n’arrange pas les affaires de l’administration : «Nous n’avons pas les moyens d’aller défendre nos dossiers au tribunal de grande instance de Meaux » (ce¬lui dont dépend le centre de Mesnil-Amelot, NDLR).

Pour répondre à cette difficulté et améliorer le taux de reconduite à la frontière, le chef du 8è bureau avait donc trouvé ce qu’il appelle une «parade» : transférer les retenus au dépôt de Paris la veille de leur comparution devant un juge.

Le fonctionnaire tente de minimiser : «Cela ne concerne que treize retenus par mois sur un total de deux cents». « Donc, vous décidez de la compétence des juges? C’est choquant ! » intervient le président.

Compétence: Daniel Monédière s’enfonce dans sa logique: « au moment où l’on dépose la requête, le retenu est à Paris ». « Vous n’avez,pas à fixer la compétence des juges, renchérit le président. Nous n’avons pas le même langage.»