Archives de catégorie : Avocat

300 personnes en plus chaque jour à la préfecture

logoParisien-292x75 10/12/2012

Avec la circulaire Valls du 28 novembre dernier qui rend envisageable une régularisation à partir de cinq années de présence en France, les représentants de l’Etat dans la Seine-Saint-Denis ont senti le vent venir. Dans un département où le service des étrangers reçoit déjà 1500 visiteurs par jour, il y avait fort à parier que les nouveaux demandeurs pourraient être nombreux.

« Depuis le lundi 3 décembre, date de mise en application de la circulaire, près de 300 personnes se sont présentées chaque jour, à ce titre, dont les trois quarts à Bobigny », indique la préfecture. Les autres sont accueillis à la sous-préfecture du Raincy. Ces 300 personnes supplémentaires viennent grossir les rangs déjà nombreux de ceux venus pour un titre de séjour, une demande d’asile ou de naturalisation. Avec un seul et même accès : la porte 1 du bâtiment René-Cassin de Bobigny, le sésame pour décrocher une date de rendez-vous.
Vendredi, à 8h30, par un froid glacial, la queue s’étirait sur des dizaines de mètres. « On est dans le froid mais c’est quand même mieux qu’avant », souffle Kamel, Algérien en France depuis onze ans et qui garde un mauvais souvenir de cette file d’attente qui s’étirait jusqu’au métro, de l’autre côté du parvis. « On dormait même sur place pour espérer avoir un numéro », se souvient Claudine, 50 ans. Pour être sûrs d’avoir un rendez-vous, certains viennent toujours dès 5 heures et quelques-uns tentent toujours de monnayer la place 20 €… « C’est inutile de venir avant l’ouverture des services, on s’engage à recevoir les demandeurs qui se présentent jusqu’à 16 heures », assure-t-on à la préfecture, en guise de conseil*.
Pour renforcer l’accueil du fait de la circulaire, dix agents ont été appelés en renfort. « Les retours que nous avons témoignent d’une ambiance survoltée, indique Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés). Le 5 décembre, on a reproché à une avocate d’accompagner un client, on a aussi appris qu’à l’entrée on posait des questions pour évaluer le niveau de français des gens… On sent poindre un traitement aléatoire selon les préfectures, mais à partir du moment où il s’agit d’une circulaire et non d’une loi, ça permet des situations pareilles. »
La préfecture assure qu’« aucun refus de délivrance ne sera opposé » à un demandeur parce qu’il ne s’exprime pas en français. Mais elle rappelle que celui-ci « peut reporter le dépôt de son dossier afin de satisfaire par une courte formation à une maîtrise simple et orale du français ».
« Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas prendre rendez-vous par Internet comme à Paris », se demande Jeanne, étudiante chinoise de 23 ans, Bondynoise depuis peu venue faire enregistrer sa nouvelle adresse. En 2010 déjà, les associations signataires du livre noir sur les conditions d’accueil le réclamaient. La préfecture s’engage à rendre cela possible au cours du premier trimestre 2013, dans le cadre de la refonte du site Internet, pour les titres de séjour et les naturalisations.

* Eviter les créneaux les plus chargés (le lundi ou la première partie de matinée), se munir d’une pièce d’identité et d’un justificatif probant de domicile dans le 93, apporter un dossier complet et classé avec tous les justificatifs.

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Circulaire Valls sur les sans papiers: « un choix politique a minima »

200px-La_Vie propos recueillis par Corine Chabaud, 04/12/12

Le 3 décembre, la circulaire de Manuel Valls qui définit de nouveaux critères de régularisation des sans-papiers est entrée en application. Si le Ministre de l’Intérieur en est satisfait, les associations se montrent plutôt critiques et dénoncent « un manque de courage du gouvernement ». Interview de l’avocat Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Que penser de cette circulaire ?

Elle est le fruit d’une décision ministérielle. Donc elle n’est pas opposable à l’administration, contrairement à une loi. Cela signifie qu’il reste une grande place pour l’arbitraire dans les décisions des préfets, même si ceux-ci a priori obéissent au ministre. Il y a beaucoup de verbiage dans ce texte, beaucoup de « pourront », de « peut-être », qui montrent la latitude d’appréciation laissée aux préfets. Et beaucoup de critères sont tirés de la jurisprudence. Bref, il n’y a rien de révolutionnaire.

Lors de sa présentation, Manuel Valls a annoncé qu’il n’y aurait pas plus de régularisations qu’avant, soit environ 30 000 par an. Cela signifie aussi que l’on ne régularisera les gens visés par la circulaire que dans cette limite numérique. On travaillera à chiffres constants, quitte à négliger certains critères nouveaux.

Enfin, la circulaire survient alors qu’une réforme parlementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) est en cours, de même qu’une autre réforme sur la garde à vue des étrangers. Ces réformes donneront lieu à une mission parlementaire lors du premier trimestre 2013 et un projet de loi sera débattu au Parlement au deuxième trimestre 2013. Cela veut dire que l’on ne veut pas faire des critères sur la régularisation des sans-papiers des critères légaux. Le gouvernement prétend qu’ils sont justes mais exigeants. Son discours est un peu dans la ligne d’un Brice Hortefeux : « sévères mains humains ». C’est un choix politique a minima.

Il y a bien des avancées concrètes ?

La régularisation des parents d’enfants scolarisés, alors que les deux parents étaient jusque là en situation irrégulière, est positive. Au lieu de dix ans, il faudra à présent justifier de cinq ans de présence sur le territoire pour prétendre à une régularisation, mais les enfants devront être scolarisés depuis au moins trois ans. L’ouverture du regroupement familial pour un conjoint d’étranger sur place représente aussi une évolution importante. Avant, le conjoint qui était en France était forcé de repartir pour attendre un visa et une régularisation dans son pays par le biais du regroupement familial. Désormais, il pourra rester en France et sera régularisé ici, à condition qu’il vive en France depuis déjà cinq ans et que la durée de vie commune du couple soit d’au moins un an et demi.

Pour le salarié, il n’a plus à justifier de douze mois de travail chez le même employeur. Il doit prouver une ancienneté de 8 à 30 mois mais peut avoir changé d’employeur. Les jeunes adultes arrivés avant 16 ans, et non plus 13 ans, pourront recevoir des papiers. Pour les lycéens de 18 ans, les critères sont flous, hélas : ils bénéficieront d’un titre de séjour s’ils peuvent prouver deux ans de scolarisation « assidue et sérieuse ». Là aussi, il seront soumis à l’arbitraire et au cas par cas.

Pouvait-on s’attendre à une régularisation massive ?

Non. D’une part parce que la proposition ne figurait pas dans le programme socialiste. (Après 1981, 131000 étrangers avaient été régularisés, et 80000 en 1997 sous Lionel Jospin, ndlr). D’autre part parce que ce qui avait été annoncé, le droit de vote des étrangers aux élections locales, a fait l’objet d’une reculade, comme cela avait déjà été le cas en 1981. Au Gisti, nous estimons que la politique d’immigration telle qu’elle est envisagée depuis trente ans, en termes de peur d’une invasion, relève du fantasme.

Rien n’empêche les populations des pays pauvres de rejoindre les pays riches. D’ailleurs, ne voit-on pas des nationaux de l’Hexagone migrer eux-mêmes vers des pays dont la situation économique est meilleure ? La fermeture des frontières est un concept difficile à comprendre. Quand on voit des pays s’ouvrir à la démocratie, comme lors des printemps arabes, on pourrait imaginer une politique d’accueil plus généreuse, ne serait-ce que pour éviter que ces pays retombent dans des régimes totalitaires. Or on laisse des hommes et des femmes se noyer en Méditerranée ou rejoindre Lampedusa dans des conditions périlleuses. C’est incompréhensible.

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Une circulaire bien timorée pour les sans-papiers

newlogohumanitefr-20140407-434Mehdi Fikri, 29/11/2012

Manuel Valls a présenté hier un texte qui définit (enfin) des critères de régularisation précis. Problème : ceux-ci restent dans la droite ligne de la politique menée sous Nicolas Sarkozy. Un débat est annoncé au Parlement début 2013.

Pendant la campagne présidentielle, la question de l’immigration avait paralysé le Parti socialiste, qui n’osait prêter le flanc aux critiques de la droite. Hier, Manuel Valls a rendu publique une circulaire sur les sans-papiers, globalement timorée et dans le prolongement de la politique de Claude Guéant. Il aura fallu six mois pour achever les négociations sur ce texte, entamées sous le gouvernement précédent. « Et franchement ce n’est pas la révolution », résume Stéphane Maugendre, du Gisti.

L’œil de valls louche aussi sur les compteurs

On nous avait promis l’abandon de la politique du chiffre ? En fait, Manuel Valls garde l’œil sur les compteurs : il n’y aura pas plus de 30 000 régularisations par an et, en 2012, le record d’expulsions de 2011 (33 000 reconduites à la frontière) sera battu.

Pour Brigitte Wieser, membre du Réseau Éducation sans frontières (RESF), ces objectifs chiffrés visent à donner des gages à la frange la plus droitière de la majorité. « On se demande comment ils se limiteront à 30 000 régularisations. Car la circulaire devrait créer un appel d’air et mécaniquement augmenter le nombre de ces régularisations », souligne-t-elle. « Une circulaire n’est pas du droit, rappelle Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti. Des sans-papiers peuvent parfaitement rassembler les critères, arriver dans une préfecture et se voir signifier une obligation à quitter le territoire. »

Sur le papier, toutefois, la circulaire desserre un peu l’étau. Au lieu de dix ans, il faudra à présent justifier de cinq ans de présence sur le territoire. Pour les familles avec enfants, il faudra en plus avoir scolarisé les enfants pendant au moins trois ans. Pour les travailleurs, il faudra également fournir douze fiches de paie sur les deux dernières années. « Pourquoi des critères cumulatifs ? » s’interroge Brigitte Wieser de RESF. « La question des trois ans de scolarité élimine les enfants en bas âge qui ne sont pas encore scolarisés », déplore-t-elle. Et la protection des familles ainsi que la mise en place de mesures concrètes pour empêcher leur démembrement ne sont toujours pas à l’ordre du jour.

Raymond Chauveau, coordinateur CGT du mouvement des travailleurs sans papiers, déplore de son côté la persistance de cette barre des cinq ans. « Autrement dit, pendant cinq ans, les travailleurs pourront être exploités au noir », souligne-t-il. Enfin, de leur côté, les jeunes majeurs devront justifier d’au moins deux ans de présence au jour de leurs dix-huit ans et d’un parcours scolaire « assidu et sérieux ».

De la garde à vue à la rétention administrative

Reste la question de l’application concrète de ce texte. « Systématiquement, les critères de régularisation ne sont pas inscrits dans la loi. De cette manière, les institutions conservent une part d’arbitraire », pointe Stéphane Maugendre, du Gisti. Deux réformes sont actuellement en cours. La première remplacera la garde à vue des sans-papiers par une rétention administrative de seize heures. Près de 60 000 immigrés, qui passaient chaque année par la case prison, sont concernés par ce nouveau dispositif, dénoncé par les associations comme un régime d’exception, là où la garde à vue donnait droit à un médecin, un interprète et un avocat. Un second texte de loi, examiné au Parlement début 2013, devrait créer un titre de séjour de trois ans (au lieu de celui d’un an trois fois renouvelable).

Roms délogés 

Un campement a été évacué hier matin à Saint-Martin-le-Vinoux, dans la banlieue de Grenoble. À la suite d’un entretien avec des travailleurs sociaux, 85 personnes, des familles avec enfants, ont été relogées dans un centre d’hébergement d’urgence à Grenoble et dans une quinzaine d’Algeco installés à Fontaine. « La scolarisation des enfants fera l’objet d’une attention particulière en liaison avec 
les maires », souligne la préfecture qui précise 
que l’évacuation a été menée en collaboration avec le centre d’action sociale de Grenoble 
et les associations.

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Sans-papiers : Valls recadre l’attribution des titres de séjour

france-24-logo[1]  Guillaume Guguen, 28/11/2012

La circulaire sur les étrangers en situation irrégulière présentée mercredi par le ministre de l’Intérieur assouplit les conditions de régularisation mais n’entraînera pas de hausse des titres de séjour. Au grand dam des associations.

Il aura fallu des semaines de consultations avec la société civile et un arbitrage entre le gouvernement et l’Élysée avant que le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, ne présente, mercredi 28 novembre, au Conseil des ministres la très attendue circulaire sur la régularisation des sans-papiers. Projet destiné à mettre fin aux attributions arbitraires de titres de séjour dans les préfectures, le texte s’attache à clarifier les « critères » de régularisation pour les étrangers en situation irrégulière (voir encadré).

À en croire la place Beauvau, la nouvelle disposition ne prévoit pas, d’ »augmenter le nombre de régularisations », aujourd’hui estimées à 30 000 par an. Comme François Hollande l’avait indiqué durant sa campagne, et Manuel Valls l’avait ensuite martelé, la nouvelle circulaire n’entraînera pas de hausse massive des régularisations comme en 1981 (131 000 étrangers régularisés) ou même en 1997 (80 000). Sur ce point, le ministre de l’Intérieur « ne fait pas mieux que ses prédécesseurs Guéant, Hortefeux ou encore Besson », se désole Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), interrogé par France 24.

Avant sa présentation, Manuel Valls s’était donc employé à déminer le terrain en évoquant, à l’AFP, une circulaire « exigeante » mais « juste » car, expliquait-il, « les critères permettent un même traitement sur tout le territoire ». « Les conditions retenues pour la régularisation des familles ne sont pas exigeantes, elles sont sévères, tranche à France 24 Pierre Henry, directeur de l’association France Terre d’asile. Et elles vont laisser un certain nombre de personnes sur le bas-côté. »

« Moins généreux que Nicolas Sarkozy »

Principale cause des réserves formulées par les organisations de défense des « sans-papiers » : le volet « famille », qui prévoit d’attribuer un titre de séjour aux parents présents depuis au moins cinq ans sur le territoire français et ayant un enfant scolarisé depuis au moins trois ans. Durée de scolarisation que les associations souhaitent voir réduite à deux années. « Les conditions exigées par Manuel Valls sont moins généreuses que celles retenues en 2006 par Nicolas Sarkozy », précise Pierre Henry.

Cette année-là, celui qui n’était pas encore président de la République avait ouvert la régularisation aux parents présents depuis deux ans avec un enfant scolarisé pendant un an. Mais, assaillies par les requêtes (près de 33 000 demandes au niveau national), les préfectures avaient cessé, après 7 000 régularisations, de prendre en compte tout dossier déposé.

Autre motif de déception : l’attribution de papiers aux jeunes de 18 ans en mesure de prouver deux ans de scolarisation « assidue et sérieuse » en France. Une disposition qui enterre la perspective réclamée par le Réseau éducation sans frontières (RESF) d’une régularisation de tous les lycéens clandestins. « La circulaire reflète le manque de courage d’un gouvernement coincé entre les fortes attentes de son électorat et d’une partie de ses élus, d’un côté, et la peur d’être traité de laxiste par la droite, de l’autre », a estimé à l’AFP le porte-parole de l’association, Richard Moyon.

« Usine à gaz »

En dépit de ces points d’achoppement, l’ensemble des associations a salué l’instauration de critères allant dans le sens d’une homogénéisation des procédures de régularisation sur l’ensemble du territoire français. « Le fait que soient énoncées des règles de droit en la matière est une bonne chose », se félicite Pierre Henry pour qui la politique de concertation menée par le gouvernement socialiste constitue une « rupture franche avec ce qui se faisait avant, c’est-à-dire rien, fermeture totale. »

Mais le directeur de France Terre d’asile de nuancer : « Le véritable rendez-vous est dans six mois, lorsqu’on pourra voir si la circulaire est bien appliquée dans les préfectures, dont on sait que certaines souffrent d’un manque d’effectifs ». Même son de cloche à la CGT. « Au final, « c’est moins confus qu’avant, mais c’est encore trop compliqué. On se méfie terriblement de l’effectivité de la circulaire. Comment sera-t-elle appliquée en préfecture ? » s’interroge Francine Blanche, secrétaire confédérale du syndicat.

Plus sévère, le Gisti, par la voix de son président, dénonce des lourdeurs administratives « qui font penser à une usine à gaz ». « Il semble bien difficile pour un clandestin de faire la preuve de ses cinq années de présence en France. Ces critères demeurent subjectifs et rouvrent la voie à l’arbitraire », regrette Stéphane Maugendre.

Outre le contenu de la nouvelle disposition, la méthode elle-même fait l’objet de critiques. « On fait le droit des étrangers par des circulaires, ce n’est pas du droit, ce ne sont que des instructions, tempête le président du Gisti. Dans le droit, une circulaire n’est pas imposable à l’administration, son application n’est pas contrôlée par un juge administratif. En clair, personne ne viendra taper sur les doigts d’un préfet qui ne la fera pas appliquer. »

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Les principaux critères de la circulaire Valls
Pour prétendre à une régularisation, les étrangers en situation irrégulière devront remplir un certain nombre de critères.
 
 Pour les parents : Cinq ans de présence en France et un enfant scolarisé depuis au moins trois ans, y compris en école maternelle
-Actuellement : À part une parenthèse de deux mois en 2006, durant laquelle des parents ayant résidé deux ans en France et avec au moins un an de scolarisation d'un enfant pouvaient demander la régularisation, il n'y avait pas ces dernières années de règles claires sur le sujet.
Pour le conjoint d’un étranger en situation régulière : Cinq ans de présence en France ; 18 mois de vie commune ; conditions de ressources suffisantes
-Actuellement : Une circulaire de 2005 imposait cinq ans de vie commune.
 
 Pour un salarié : Cinq ans de présence en France ; ancienneté dans le travail de 8 mois sur les deux dernières années ou 30 mois sur les cinq dernières années ; contrat de travail ou promesse d'embauche.
-Actuellement : plusieurs circulaires avaient été rédigées entre 2008 et 2010 sur le sujet, suite à une importante mobilisation de "travailleurs sans-papiers". Elles ouvraient la porte à une régularisation après cinq ans de présence et au moins 12 mois chez le même employeur. Elles étaient très inégalement appliquées.
Pour un jeune de 18 ans : Être arrivé en France avant ses 16 ans sauf si tous les proches sont en situation régulière ; parcours scolaire "assidu et sérieux" ; attaches sur le sol français.
AFP

Recul sur le droit de vote des étrangers : « C’est tellement classique… »

images  2161324402810 Celine Rastello, 14/11/2012

4756870« J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans » : le cinquantième engagement du programme de François Hollande a pourtant du plomb dans l’aile. Mardi 13 novembre, le président a affirmé qu’il n’envisageait pas « aujourd’hui » de référendum sur cette question, et qu’il ne comptait pas soumettre de texte au Parlement réuni en Congrès, tant qu’il n’était pas assuré de disposer de la majorité des trois cinquièmes nécessaire à toute réforme de la Constitution.

« Le président considère qu’il y a d’autres priorités »

De là à considérer que la mesure est abandonnée, il n’y a qu’un pas que franchit Pierre Henry, le directeur général de l’association France Terre d’Asile. « Le plus probable est que cette question ne voie pas le jour lors de ce quinquennat », soupire-t-il. « Nous sommes dans une période complexe et difficile, et le président considère qu’il y a d’autres priorités, avant tout économiques. Mais en tant que responsable d’une organisation impliquée dans ces questions depuis longtemps, je ne peux pas l’entendre. Cette bataille doit être menée. »

Son confrère président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et avocat spécialisé en droit des étrangers, Stéphane Maugendre, n’a été ni déçu ni surpris par la position gouvernementale : « C’est tellement classique… Nous n’avions aucune illusion, donc pas de désillusion », lâche-t-il. Lui non plus ne croit pas que « ce sera voté sous le quinquennat », quand bien même la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, assure qu’il n’y a « absolument pas d’abandon de cet engagement » et que l’exécutif « met tout en œuvre » pour trouver « des alliés » au Parlement.

« Cette bataille doit être menée »

François Hollande a expliqué qu’il ne voulait pas « présenter un texte avec le risque de diviser les Français pour au bout du compte ne pas le faire passer. » Car si 62% des Français seraient favorables à un référendum (selon un sondage LH2 d’octobre), 55% se prononcent contre le droit de vote des étrangers aux élections locales, selon une étude LH2-« Le Nouvel Observateur » publiée mardi. Mais l’argument du risque de division ne tient pas, selon les deux défenseurs des étrangers. « Nous pouvons trouver dix sondages qui disent l’inverse ! », proteste Pierre Henry. « En ne faisant rien, on continue à diviser », poursuit Stéphane Maugendre, « les personnes concernées par l’obtention du droit de vote aux élections locales sont là depuis longtemps, ont des attaches familiales et sociales fortes. On divise les Français qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’ont pas, des enfants et leurs parents par exemple, au risque de renforcer, chez certains, le sentiment de n’être pas véritablement français. »

« Solution de repli : la naturalisation »

Quand le droit de vote aux élections locales a été accordé aux Européens vivant en France, « ça n’a pas bouleversé la donne » rappelle encore Stéphane Maugendre. Lui qui est partisan d’un droit de vote « beaucoup plus large », possibilité d’éligibilité comprise, il pense qu’il faudrait prendre le temps de « l’expliquer aux Français : la réforme d’un scrutin « peut être psychologiquement difficile à intégrer ». Ne pouvant que prendre acte de la position de François Hollande, Pierre Henry propose comme « solution de repli » que « soient assouplis les critères d’accès à la naturalisation », seule autre entrée rendant possible l’accès des étrangers au droit de vote. « On ne peut pas reculer sur tous les fronts, ce n’est pas possible ». Il espère un assouplissement de la circulaire d’accès à la nationalité française, une réflexion sur la déconcentration des procédures de naturalisation dans les préfectures, et un débat au Parlement.

« Il le faudrait », commente encore Stéphane Maugendre, « pas très optimiste. » « Les promesses concernant les droits des étrangers ne sont jamais tenues », poursuit le président du Gisti, rappelant que mis à part cette proposition, « rien d’autre, dans le programme d’Hollande, ne concernait les étrangers. » Ça ne l’empêchera pas, toutefois de « continuer à se battre. » Et Pierre Henry de conclure : « les questions migratoires sont insuffisamment portées politiquement au sein de cette majorité. Je le regrette, mais je le constate. »

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Vote des étrangers : les assos déçues

logo-liberation-311x113 Didier Arnaud, 14/11/2012

«On ressent une trahison, on se fait tromper pour la seconde fois.» Pour Mohamed Mechmache, de l’association ACLefeu, la déception est grande. Le droit de vote des étrangers remis aux calendes grecques, c’était déjà une déception sous la présidence de François Mitterrand. Rebelote. Pour ce familier des quartiers, ce serait un «bon vecteur en termes d’intégration». Las. Pour lui, dire que cette décision «couperait la France en deux», c’est un «manque de respect». «[Hollande] ne veut pas décevoir une tranche de Français, mais [il] en déçoit une autre.» Il termine en parlant d’une «marche arrière», comme pour le récépissé contre les contrôles au faciès. «Dans les quartiers, au moment de voter la prochaine fois, les gens s’en souviendront», conclut Mechmache.

Pour Stéphane Maugendre, le président du Gisti (le Groupe d’information et de soutien des immigrés), cette «reculade» manque singulièrement de pédagogie. «Il faudrait d’abord expliquer qui et combien de gens cela concerne.» L’avocat regrette qu’on «botte ainsi en touche», et, au fond, pense que cette mesure ne sera pas pour ce quinquennat-là.

Pour Vincent Rebérioux, de la Ligue des droits de l’homme, ce devrait être «au gouvernement de mener la bataille». Mais puisqu’il n’est pas prêt à le faire, «nous allons nous emparer de ce sujet». Pour Rebérioux, cette question fait partie «de la modernisation de la démocratie». «Il n’y aurait rien de pire que de décevoir les gens.» Que se passe-t-il pour qu’on revienne encore en arrière ? Rebérioux évoque «l’hystérisation» de la société française sur cette question. Pour cet autre responsable associatif qui préfère garder l’anonymat, il y a derrière tout cela, une «montée de la xénophobie et des socialistes tétanisés».

Pour Cindy Leoni, la présidente de SOS Racisme, les arguments de François Hollande sont irrecevables. «Dire que ce n’est pas le moment, et se servir de l’environnement économique comme alibi, ce n’est pas raisonnable.» Elle juge par ailleurs qu’il faut, à un moment, faire preuve de «courage politique» et qu’il est nécessaire «d’expliquer»: «Il faut entendre les personnalités politiques qui portent cette parole, car actuellement, on entend seulement les opposants.»

Un vœu qu’a semblé entendre l’Elysée. Hier en Conseil des ministres, François Hollande a appelé les ministres à «la mobilisation» pour obtenir la majorité nécessaire au Parlement sur le sujet. «Il faut essayer de trouver des alliés, des soutiens», a-t-il expliqué.

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Sans-papiers : « C’est une garde à vue qui s’appelle ‘retenue' »

imagesCeline Rastello09/11/2012

France Terre d’Asile, la Cimade et le Gisti réagissent au vote du Sénat concernant la création d’une « retenue » pouvant aller jusquà 16 h pour remplacer la garde à vue.

Les associations de défense des étrangers le redoutaient. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Sénat a approuvé la création d’une « retenue » pouvant aller jusqu’à 16 heures. Le but : remplacer la garde à vue des sans-papiers rendue illégale par la décision de la Cour de cassation du 5 juillet dernier. Une mesure souhaitée par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pour gérer les expulsions avec « efficacité. » Et qui crée un régime d’exception pour les étrangers que dénoncent les associations. « Il est toujours dangereux de créer un régime d’exception, d’autant plus quand c’est pour améliorer le confort des autorités et pallier les carences de l’Etat » rappelle le président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et avocat spécialisé en droit des étrangers Stéphane Maugendre.

« L’objectif est de réparer la machine à expulser »

Créer « un nouveau régime de privation de liberté d’exception pour les étrangers » est selon la coordinatrice de la Cimade Clémence Richard « extrêmement inquiétant » : « L’objectif est de réparer la machine à expulser qui n’a par ailleurs absolument pas été cassée ». La preuve, explique-t-elle : depuis la décision de la Cour de cassation de juillet et la fin de la garde à vue, le nombre de placements en rétention « n’a pas diminué de manière significative ». La preuve aussi donc, selon Clémence Richard, que « l’administration n’a pas été stoppée dans sa capacité à placer en rétention ». Et que le régime de droit commun de vérification d’identité suffit. Soit 4 heures.

Un délai bien trop court selon les policiers. « Tout le monde sait que ce n’est pas possible. On n’aura pas le temps de vérifier l’identité et d’avoir un retour de la préfecture » expliquait en juillet le secrétaire général de Synergie Officiers Patrice Ribeiro. Ce système de « retenue » est un « dispositif hybride, à mi-chemin entre la garde à vue et la rétention administrative » dénonce Clémence Richard, « qui rappelle que « selon la directive européenne, la rétention doit intervenir en dernier ressort, après d’autres possibilités (obligation de départ avec délai pour un départ volontaire, assignation à résidence,…). » Ce qui n’est, assure-t-elle, « pas du tout le cas » : « On s’inscrit toujours dans le même schéma selon lequel la rétention administrative est le principal instrument d’éloignement des étrangers. »

« C’est presque une garde à vue avec 8 h en moins »

« On n’est pas dans le cadre de la garde à vue, mais ça y ressemble quand même beaucoup ! » note encore Pierre Henry, qui y voit « presque une garde à vue avec 8 heures de moins. » Stéphane Maugendre va plus loin : « C’est une garde à vue qu’on appelle ‘retenue’. On utilise donc une procédure judiciaire pour une démarche administrative… » On ne dispose pas encore de tous les détails précisant l’organisation de ces « retenues ». Où vont-elles, par exemple, se dérouler ? « Si c’est dans les commissariats, où, compte tenu de l’exiguité et de l’état des locaux, si ce n’est pas, justement, dans les locaux de garde à vue ? » demande Pierre Henry.

Le ministre de l’Intérieur a assuré que la « retenue » s’accompagnerait de « toute une série de garanties » comme « l’accès à un médecin, un avocat, au consulat… » Sur ce point, Pierre Henry note que contrairement au passé, le dispositif permettra la délivrance des procès-verbaux nécessaire à la défense des personnes, et le fait que « les photos ou empreintes ne soient pas systématiques et utilisées qu’en dernier recours ». Deux points qui selon lui « offrent manifestement plus de garanties » que le précédent système de garde à vue. Mais la Cimade et France Terre d’Asile dénoncent des « garanties moindres. » Pointant notamment du doigt la présence d’un avocat pendant « 30 minutes seulement » au début de la « retenue ».

« Il faut tout remettre à plat »

Les associations reprochent également à ce régime d’exception qu’il ne soit pas accompagné d’un contrôle effectif du juge : « depuis la loi Besson de 2011, le juge des libertés, qui contrôle la légalité de la procédure, n’intervient qu’au bout de 5 jours, au lieu de 48 heures auparavant. De nombreuses personnes sont donc éloignées avant même d’avoir vu leur procédure contrôlée » dénonce aussi Pierre Henry. Quant à la suppression du délit de solidarité, il l’estime « forcément satisfaisant » car « très important sur un plan symbolique ». Quand Clémence Richard précise qu’une « liste limitative des actions protégées » a été réalisée.

Le directeur général de France Terre d’Asile estime toutefois « qu’on focalise beaucoup » sur cette « retenue » et le délit de solidarité alors qu’ils « ne modifient pas l’architecture de la politique d’éloignement des étrangers mis en place à la suite de six lois successives. » En terme « d’efficacité », pour reprendre l’objectif du ministre de l’Intérieur, « ne serait-ce pas l’occasion de revoir la durée de rétention, de 12 jours en 2000 et de 45 jours en 2011 ? On prive de liberté un certain nombre de personnes car ils sont étrangers, et c’est inacceptable. » La priorité, conclut Clémence Richard, est de « remettre à plat toutes les dispositions issues des précédentes lois qui ont de plus en plus durci et criminalisé les migrants » et « stopper la politique du chiffre. »

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Le faux électricien et les petites filles du 16e

logo_jdd_fr1 04/11/2012

Vingt-deux ans après ses premières agressions, un marginal de 74 ans vient d’être rattrapé par son passé de prédateur sexuel.

Combien de victimes à l’actif de ce marginal italien à l’identité encore incertaine? Pour l’heure, Giovanni, 74 ans, écroué cette semaine à Fleury-Mérogis (Essonne), est formellement incriminé dans quatre viols de fillettes commis au début des années 1990 à Paris. Mais les policiers de la brigade de protection des mineurs (BPM) craignent que la liste soit bien plus longue.

Un cas d’école d’affaire non résolue – un cold case – que cette synthèse dite de « l’électricien ». Quinze agressions sexuelles, dont cinq viols, perpétrées entre 1990 et 2003 dans la capitale. Le prédateur? Un quinquagénaire ventripotent au crâne dégarni avec un drôle d’accent. Son mode opératoire? Il demande, au culot, un coup de main pour de petits travaux d’électricité. Son terrain de chasse? L’Ouest parisien et particulièrement le 16e arrondissement. Ses proies : des filles, en robe de préférence, âgées de 7 à 10 ans.

L’affaire est réactivée en 2010 par une « réserviste », une jeune retraitée de la PJ, ancienne chef de groupe de la brigade criminelle, qui vient apporter son expérience professionnelle sur ces cas anciens. Elle obtient de la justice le réexamen de certains scellés. Progrès scientifique aidant, cette fois un ADN apparaît pour quatre des viols. Encore faut-il trouver son propriétaire…

L’homme a été plusieurs fois incarcéré en France, notamment pour cambriolages. Il est également connu de la justice italienne mais sous une autre identité. SDF sans être clochard, il fréquente à l’occasion les centres sociaux. Son implication récente dans une simple bagarre va mettre les enquêteurs sur sa piste, qui les mène dans le 9e arrondissement où il est interpellé lundi.

Près de vingt ans après, les victimes n’y croyaient plus. Encore choquées, certaines ont reconnu cet homme qui a forci et dont les cheveux ont blanchi. D’autres pas. Mais l’enquête est loin d’être close. « Même si certains faits sont prescrits, nous allons tenter de retrouver toutes ses victimes », insiste Céline Plumail, commissaire à la brigade des mineurs. « Pour cela, il nous faudra retracer tout son parcours, à Paris, en province et sans doute ailleurs en Europe. »

Pédophilie : «l’électricien» confondu au bout de vingt-deux ans

logoParisien-292x75 04/11/2012

Ce septuagénaire, qui se faisait passer pour un réparateur auprès de ses victimes, était recherché depuis 1990 pour une série d’agressions sexuelles sur mineurs à Paris.

En attendant de parvenir un jour à l’identifier, les enquêteurs lui avaient trouvé un surnom : « l’électricien ». Après vingt-deux ans de recherches infructueuses, un homme de 75 ans a été arrêté lundi dans le cadre d’une enquête sur une série de viols et agressions sexuelles sur mineurs perpétrés à Paris entre 1990 et 2003.

Mis en examen et écroué pour trois de ces faits, il est suspecté d’une douzaine d’autres. Ce sans-domicile fixe, récemment interpellé pour violences, a pu être identifié grâce aux progrès du décryptage de l’ADN.

Les investigations, confiées à la brigade de protection des mineurs (BPM), avaient démarré en 1990, année de la première agression. « Le mode opératoire était souvent le même : des enfants d’une dizaine d’années étaient abordés dans la rue ou dans leur immeuble par un homme qui se disait réparateur et leur demandait de l’aide, explique une source proche du dossier. Il se présentait parfois comme électricien, d’où son surnom, mais il lui arrivait d’évoquer une autre profession. » Les agressions se déroulaient dans des cours d’immeuble ou des endroits publics isolés, le plus souvent dans des arrondissements de l’Ouest parisien.

Au cours de l’enquête, les policiers étaient parvenus à prélever une trace d’ADN. Mais celui-ci, de mauvaise qualité, n’avait pu être reconstitué entièrement avec les techniques de l’époque. Depuis, il était régulièrement renvoyé pour analyse avec l’espoir qu’il puisse être complété.

Arrêté pour une bagarre entre sans-abri

Ce n’est que l’année dernière, grâce aux progrès des méthodes de police scientifique, qu’un profil génétique, celui d’un homme, a finalement pu être isolé. Mais il ne correspondait à aucun de ceux enregistrés dans la base de données du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

C’est grâce à un ultime coup de pouce du destin, en septembre, que l’affaire s’est enfin dénouée. Un groupe de SDF est arrêté à Paris après une bagarre généralisée avant d’être jugé en comparution immédiate. L’ADN de chacun est prélevé. « L’électricien » se trouve parmi eux, mais les enquêteurs l’ignorent encore. Condamné à une peine de prison avec sursis, il ressort libre du tribunal. Quelques jours plus tard, les différentes empreintes sont intégrées au FNAEG. Cette fois, celle de l’un des SDF bagarreurs renvoie à une correspondance : l’ADN d’un violeur recherché depuis vingt-deux ans.

Sa localisation va encore prendre plusieurs semaines. Le septuagénaire est très mobile. « Il dormait parfois dehors, parfois chez des connaissances », souligne une source proche du dossier. C’est finalement à proximité du métro Drouot, dans le IXe arrondissement de Paris, qu’il est interpellé lundi matin. En garde à vue, le marginal, célibataire et sans enfants, a reconnu un passé de cambrioleur, mais nié en bloc tout viol ou agression sexuelle. « Il semble psychologiquement très instable : la question d’une expertise psychiatrique va vite se poser », prédit une source judiciaire. « L’électricien » n’est pour l’instant poursuivi que pour trois agressions, commises en 1990, 1991 et 1994. L’enquête devra déterminer si d’autres peuvent lui être imputées.

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Les policiers sortent blanchis de la mort d’Ali Ziri

AccueilMehdi Fikri, 19/10/2012

La justice a rendu un non-lieu dans l’affaire de cet homme de 69 ans, mort après une interpellation violente par la police à Argenteuil, alors qu’il était avec un ami. Les proches dénoncent une « mascarade », l’avocat déplore les carences de l’instruction.

Le soir du 9 juin 2009, Arezki Kerfali, 61 ans, et Ali Ziri, 69 ans, fêtaient le mariage du fils d’Ali, à Argenteuil. « On était joyeux, on avait mangé, on avait bu », raconte Arezki Kerfali. Boulevard Jeanne-d’Arc, ils tombent sur une patrouille de police. Contrôle, interpellation tendue : Ali Ziri est amené au poste. Dans la voiture, les agents immobilisent le vieil homme. Et deux heures plus tard, il décède d’une insuffisance respiratoire.

Mercredi, le juge d’instruction chargé de l’affaire a blanchi les forces de l’ordre, tandis qu’Arezki Kerfali reste poursuivi pour outrage à agents. Selon l’ordonnance de non-lieu, « l’information n’a établi aucun acte de violence volontaire qui aurait été la cause directe ou indirecte du décès ». « C’est une mascarade ! » dénonce Arezki Semache, porte-parole du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri. « C’est une affaire qui montre à quel point c’est difficile de poursuivre des policiers », déplore Stéphane Maugendre, l’avocat d’Ali Ziri et d’Arezki Kerfali.

 « Le juge n’a entendu absolument personne »

L’avocat dénonce une instruction menée en fait par la police elle-même : « Le juge n’a entendu absolument personne. C’est l’inspection générale de la police nationale (IGPN) qui a procédé à toutes les auditions, sur commission rogatoire.» Et toutes les requêtes de l’avocat (reconstitution de la scène, confrontations des personnes présentes) sont refusées.

Ali Ziri est mort après l’utilisation par les agents de la technique dite du pliage, qui consiste à immobiliser une personne en lui maintenant la tête entre les genoux. Cette technique a été interdite en juin 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Mais reste en vigueur. L’un des agents reconnaît cependant dans l’une de ses auditions l’avoir utilisée. Une prise qui aurait été maintenue pendant plus de trois minutes, le temps que la voiture arrive au commissariat.

Dans son avis du 17 mai 2010, la Commission nationale de déontologie et de la sécurité (CNDS) évoque les images des caméras de surveillance du commissariat. Sur ces images, la CNDS a observé que « monsieur Ali Ziri a été littéralement expulsé du véhicule » et « jeté au sol ». Une « violence disproportionnée » qui constitue « un traitement inhumain et dégradant », selon la CNDS. « Le problème, c’est que ces images n’ont pas été visionnées par le juge d’instruction, ou alors en mon absence, ce qui est illégal », pointe Stéphane Maugendre, l’avocat d’Ali Ziri.

Autre problème : « Certains éléments d’expertise n’ont pas été utilisés par le juge d’instruction », déplore l’avocat. Le premier rapport médico-légal, réalisé par le professeur Dominique Comte, ancienne directrice de l’Institut médico-légal de Paris (IML), fait état d’une « vingtaine d’hématomes et d’ecchymoses sur tout le corps de monsieur Ali Ziri », dont certains font dix-sept centimètres de long. Le rapport conclut que « Ali Ziri est décédé d’un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique », autrement dit un étouffement, dû aux appuis effectués par les policiers. Ensuite, le juge d’instruction demande un nouvel examen à un expert, qui aboutit aux mêmes conclusions. « Quel que soit le degré d’agressivité de monsieur Ziri, il s’agissait d’un homme âgé de 69 ans », conclut le nouveau rapport, qui souligne « le manque de discernement » des agents. « Aucun de ces éléments n’a été utilisé par le juge », dénonce Stéphane Maugendre.

L’avocat, qui dénonce « l’esprit de corps des magistrats», a fait appel hier de l’ordonnance de non-lieu. « J’irai jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut », a-t-il affirmé.

Des réunions police- citoyens L’association Graines de France reprend la route pour organiser 
de nouvelles réunions entre les citoyens et la police. Une vingtaine de villes ont été sélectionnées pour accueillir ces rencontres. Graines de France entend souligner « l’importance d’aborder 
ce sujet au travers de plusieurs prismes et de sortir de la dialectique qui se résume pour beaucoup à une politique d’action-répression ». L’association cherche à comprendre ce qui a fonctionné et fonctionne encore dans d’autres villes françaises ou étrangères, où la violence a reculé et où le vivre ensemble a été rétabli, à s’inspirer 
et à importer les mesures et les bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves. La première rencontre aura lieu à Nantes, le 23 octobre.

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Avocat