Archives de catégorie : droit pénal

Les associations veulent retirer aux juges un pouvoir « exorbitant »

index Sylvia Zappi,  29/11/2002

Elles militent pour le retrait du code pénal de l’interdiction du territoire.

FAUT-IL supprimer l’interdiction du territoire du code pénal et laisser au seul ministère de l’intérieur l’arme de l’expulsion ? Alors que la question de la double peine surgit une nouvelle fois dans le débat politique, la réflexion des associations de défense des étrangers semble désormais prendre une tournure paradoxale : après des années de lutte contre l’emprise de la police sur la situation des étrangers en France, elles souhaitent aujourd’hui retirer à l’autorité judiciaire un pouvoir de décision pour le.confier à nouveau – mais dans certaines limites – au ministère de l’intérieur.

La double peine – condamnation complémentaire qui conduit un délinquant étranger, une fois pur­gée sa peine de prison, à être expul­sé du territoire – a été introduite dans le droit français sous forme peine d’interdiction du territoi­re français par la loi du 31 décem­bre 1970 dite « loi Chalandon » ; texte qui visait exclusivement les étrangers condamnés pour certai­nes infractions graves à la législa­tion des stupéfiants. Le champ de la loi a été progressivement étendu aux délits liés au séjour, puis à plus de 220 incriminations (atteintes aux biens et aux personnes, à la nation, à l’Etat, à la paix publi­que…).

« DÉRIVE JUDICIAIRE »

La loi Sapin avait tenté, en 1991, de donner un coup d’arrêt à cette montée en puissance en instaurant des catégories d’étrangers à l’en­contre desquels une interdiction du territoire ne pouvait être pro­noncée en raison de leurs liens avec la France. Mais, en 1993, Char­les Pasqua, alors ministre de l’inté­rieur, avait modifié la loi en don­nant la possibilité d’expulser qui­conque à la seule condition de motiver la décision. L’«urgence absolue » ou l’« ordre public » ont ainsi été couramment invoqués et les expulsions se sont multipliées.

Arrivé au ministère de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement avait refusé d’abroger ces dispositions, se contentant d’ajouter que la déci­sion d’expulsion devait être prise au regard de la situation familiale.

La peine accessoire, a priori d’ex­ception, était devenue une peine courante. «Les magistrats en ont fait une peine principale qui s’est lar­gement répandue. Certaines cours, comme celle de Lyon, le font systéma­tiquement », dénonce Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme. « Cette peine de ban­nissement est un pouvoir énorme lais­sé aux juges. C’est une peine indi­gne », renchérit Stéphane Maugendre (avocat), vice-président du Groupe d’in­formation et de soutien des immi­grés (Gisti). Pour remédier à ce qu’elles qualifient de « dérive judi­ciaire », les associations vou­draient en fait supprimer l’interdic­tion du territoire de l’arsenal juridi­que. Mais elles estiment que le ministère de l’intérieur ne devrait pas, de son côté, pouvoir décider à sa guise d’expulsions administrati­ves. En guise de « garde-fous », elles proposent – comme le député (UMP) Etienne Pinte – que le minis­tère ne puisse expulser sans un avis conforme de la commission d’ex­pulsion et que les recours aient un effet suspensif.

« Il faut que l’expulsion redevien­ne une exception, explique M. Maugendre. Il ne doit plus y avoir de pei­ne discriminatoire fondée simple­ment sur la nationalité et qui sanc­tionne la délinquance des étrangers de manière spécifique. « 

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Les associations en attendent davantage sur la double peine

index Sylvia Zappi

UN PAS EN AVANT, mais trop timide encore. Ainsi les associations ont-elles jugé les déclarations de Lionel Jospin sur la « double peine ». Le candidat socialiste avait déclaré, mardi 9 avril, dans le mensuel Pote à Pote, qu’il était favorable à la suppression, dans « certaines situations », de la double peine qui ajoute l’expulsion du territoire à la condamnation pénale frappant un étranger (Le Monde du 10 avril). Après des mois de blocage, l’avancée paraît pourtant réelle dans l’esprit du candidat.

Lionel Jospin a toujours été extrêmement réticent sur la réforme de la double peine, déjà promise par François Mitterrand en 1981. En avril 1998, lors d’une longue grève de la faim de dix étrangers frappés de double peine, le premier ministre avait longtemps refusé tout réexamen de leur situation, malgré les exhortations de Jean-Pierre Chevènement. En novembre 1998, le rapport Chanet avait préconisé l’« interdiction absolue » des interdictions du territoire français (ITF), mais le gouvernement avait refusé de réformer la loi.

Depuis, la suppression de la double peine est devenue une revendication emblématique dans les banlieues. A chaque rencontre avec des associations de quartier, le sujet revient Ce sont en effet des dizai­nes de milliers de familles qui sont touchées par cette mesure de ban­nissement visant l’un des leurs, On estime que, chaque année, plus de 17 000 peines complémentaires d’ITF sont prononcées. Plusieurs centaines de décisions d’expulsion par ait sont par ailleurs prises par le ministère de l’Intérieur.

Le 21 novembre 2001, une quin­zaine d’associations avaient lancé une « campagne nationale contre la double peine», réclamant son abrogation pure et simple. Au même moment sortait le film de Bertrand Tavernier, « Histoires de vies brisées », qui relate la grève de la faim de dix étrangers victimes de la double peine. Les soirées de projection font salle comble depuis des mois. Le cas de Bouda, jeune danseur de hip-hop tuni­sien, sous la menace d’une expul­sion, mobilisait plusieurs artistes, dont les cinéastes Jean-Jacques Beineix et Jean-Pierre Thorn, la chorégraphe Maguy Marin et le « hip-hopeur » Sidney.

Quelques voix se sont aussi éle­vées au sein du PS, puis dans l’équi­pe de campagne de M. Jospin, pour faire valoir que le candidat ris­quait de se couper de la « gauche morale », sensible aux sujets liés à l’immigration. Le PS avait compris l’urgence d’évoquer ce thème en inscrivant la suppression de la dou­ble peine dans son programme pour 2002. Après avoir refusé de l’intégrer dans son propre projet, M. Jospin vient de la reprendre « mot pour mot », comme le souli­gne l’un des responsables de la campagne. « C’est la première fois qu’il le dit expressément et s’engage sur la question », s’est félicitée Ade­line Hazan, secrétaire nationale du PS pour les questions de société.

Après la promesse d’instaurer le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales, c’est le deuxième engagement de M. Jospin qui rejoint les revendications des asso­ciations. Celles-ci le jugent pour­tant trop timide. « C’est un tout petit pas. Pourquoi limiter la protec­tion contre la double peine à certains ? Il faut supprimer cette peine discriminatoire : c’est la seule qui soit prononcée au regard de l’extranéité du délinquant », estime l’avo­cat Stéphane Maugendre, du Grou­pe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Plus critique, Abdelaziz Gharbi, du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB), affiche son scepticisme : «Il la rejoue un peu facile. Ça sonne faux. Il est prêt à tout pour être élu ! »«On ne peut que se réjouir que Lionel Jospin découvre au bout de cinq ans que c’est une entra­ve aux droits de l’homme,tempère le pasteur Jean Costil, de la Cimade. Mais il faut qu’il s’engage plus en décrétant, en tant que premier ministre, un moratoire sur toutes les expul­sions déjà prononcées. »

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La future mariée avait été violée lors de son voyage

logoParisien-292x75 Julien Constant, 06/04/2002

C’EST UNE HISTOIRE horrible. Jacek Obreski, 26 ans, et Sylwester Zborowski, 28 ans, ont comparu lors du premier jour de leur procès, hier, devant la cour d’assises de Bobigny. Ils sont soupçonnés, avec trois autres hommes d’origine polonaise qui ont pris la fuite, d’avoir violé Katarzyna, 22 ans, en juin 1999, dans le huis clos d’un appartement de Vitry-sur-Seine (Val de Marne).

Katarzyna est venue spécialement de pologne, où elle vit avec son mari , et sa petite fille, pour livrer aux jurés un émouvant témoignage. Cette grande femme, les mains crispées sur la barre des témoins, raconte en pleurs la nuit de son calvaire. A l’époque, la jeune fille est encore vierge et elle doit se marier au mois de septembre. Elle est en voyage en France pour enterrer sa vie de jeune fille. A Aulnay-sous-Bois, elle est invitée dans une soirée polonaise donnée par une voisine de l’immeuble où elle est accueillie. Embarquée par Jacek et un complice pour voir la tour Eiffel et acheter des cigarettes, elle est promenée une partie de la nuit dans toute la région parisienne avant d’être contrainte de monter chez Sylwester à Vitry-sur-Seine.

« Ils n’ont pas eu pitié de moi »

« Dans cet appartement, nous avons bu et mangé durant près d’une heure. Jacek et Sylwester devaient me reconduire, mais avant de partir, je suis allée dans la salle de bain. Jacek a tapé à la porte. Il est entré et m’a embrassée et m’a dit qu’il voulait avoir une relation sexuelle avec moi. Et si je n’étais pas d’accord ce serait avec tout le monde. », raconte-t-elle assistée d’un interprète. Devant le refus de la jeune fille, Jacek entraîne sa victime dans le salon et aidé de Sylwester, il déchire ses vêtements. Les deux hommes la forcent à retourner dans la salle de bain et la violent tour à tour. Son calvaire dure plusieurs heures et entre chaque agression, les hommes forcent la jeune fille à prendre une douche. «Je les suppliais, je criais, je pleurais. Je leur ai dit que j’étais vierge et que j’allais me marier, mais ils n’ont pas eu pitié de moi », soupire-t-elle.

Les deux accusés, carrures athlétiques et cheveux courts, ne reconnaissent pas les viols. Jacek Obreski a déclaré que Kataizyna lui avait fait une fellation, mais qu’elle était consentante. «Je n’ai été témoin d’aucun viol car j’étais parti acheter de l’alcool durant une partie de la nuit », précise de son côté Sylwester Zborowski, propriétaire du studio. Le verdict sera rendu mardi soir.

Lionel Jospin a déçu la gauche associative.

index Sylvia Zappi,  02/04/2002

LE MOMENT serait venu. Après des mois de refus d’endosser une vieille revendication de la gauche, le droit de vote des étrangers aux élections locales, Lionel Jospin s’est laissé convaincre par le PS qu’il y avait urgence à inscrire cette proposition dans son programme présidentiel. A entendre les hiérarques socialistes quelques minutes avant le discours de Lionel Jospin présentant son programme, lundi 18 mars à l’Atelier, son QG de campagne, le candidat socialiste aurait opéré une mini-révolution « après une âpre bataille ».

« Je proposerai le droit de vote des étrangers, régu­lièrement installés sur notre sol depuis cinq ans aux élections locales », expliquait M. Jospin.

L’effort risque de ne pas suffire à amener ceux qu’on a appelés la « gauche morale » à soutenir le candidat socialiste. Cette gauche morale, essen­tiellement constituée de responsables associatifs, d’artistes, de jeunes cinéastes de la nouvelle vague, s’était mobilisée en 1996 contre la loi Debré, en signant massivement l’ « Appel à la désobéissance civile », se retrouvant aux côtés des sans-papiers occupant l’église Saint- Bernard. Les mêmes avaient interpellé les partis de la gauche plurielle dans un appel « Nous sommes la gauche » avant de contribuer largement à sa victoire lors des législatives de juin 1997. Cinq ans plus tard, la plupart des personnalités qui avaient soutenu les sans-papiers boudent le comité de soutien de Lionel Jospin. Les cinéastes de la nou­velle vague en sont même remarquablement absents.

LES SANS-PAPIERS

« Déception » et « désillusion ». Les deux mots  résument l’état d’esprit de cette gauche associa­tive investie sur les questions d’immigration. Les uns assument ouvertement un vote radical au premier tour ou une abstention. Les autres disent ne pas savoir et franchement hésiter. « Je me sens tout à fait volé », dit l’anthropologue Emmanuel Terray. « Ça ne passe plus », confirme Stéphane Maugendre, vice-président du Groupe d’informa­tion et de soutien aux immigrés (Gisti). « Ce gou­vernement n’a pas fait pire que les autres mais n’a pas changé de cap dans le traitement policier de l’immigration. Au fond, les socialistes sont passés à côté du débat politique permettant d’insuffler une autre logique», résume Michel Tubiana, prési­dent de la Ligue des droits de l’homme. Pour ces militants, les renoncements et les silences du gou­vernement comme du PS – ou ce qu’ils perçoi­vent comme tels ont creusé le fossé qui sépare désormais la gauche morale de la gauche au pouvoir

Deux grandes questions ont marqué à leurs yeux les reculs de la gauche. La première fut les sans-papiers. Si le candidat Jospin ne s’était jamais engagé a régulariser tous les sans-papiers comme le réclamaient les associations, il s’était prononcé trop rapidement ? pour I’abroga­tion des lois Pasqua Debré » lors d’un meeting des Jeunes socialistes au Zénith le 15 mai 1997. Plus tard, il parlera d’ « une solution juste et humaine » pour ces clandestins. « On s est dit que peut être on allait arriver a quelque chose. Même si le gouvernement n’allait pas régulariser tous les sans papiers, il allait faire un gros effort en reprenant les critères mis en avant par tous les collectifs », se souvient Stéphane Maugendre. Puis vint le temps de la régularisation et du vote de la loi Chevène­ment, en mai 1998, qui marqua le début de la cas­sure avec les associations. La loi Chevènement a assoupli certains critères mais a maintenu le cadre général de la loi Pasqua.

L’incompréhension est alors totale. Pour le gouvernement et le PS, pas de doute.: la régulari­sation de près de 85 000 étrangers en situation irrégulière et l’application de la loi Chevènement ont apaisé les polémiques. Les associations par­lent, elles, d’une « usine à gaz ingérable » et d’une « nouvelle fabrique de sans-papiers ». Des chiffres sont brandis  près de 70 000 sans-papiers vivent dans la clandestinité. Pire, en rechignant à appli­quer les textes, les préfectures en créeraient  chaque jour de nouveaux,  » Il n’y a pas eu de volonté politique de faire appliquer la loi « . constate Gérard Tcholakian du Syndicat des avocats de France (SAF). Les fonctionnaires des préfectures, pour la plupart en poste depuis des années, ont été formés dans une logique de suspicion et de fermeture: les quelques ouvertures contenues dans la loi, comme la disposition qui reconnaît un droit au séjour après dix ans de présence  ne sont que très peu appliquée», selon les pointages des associations le stock des sans papiers est donc reconstitué. Pour Lionel Jospin, comme il l’avait vertement rappelé à Dommique Voynet en 1998; le dossier est classé.

LA DOUBLE PEINE

C’est ensuite la double peine qui prend le relais des déceptions. Histoires de vies brisées, le film de Bertrand Tavemier, ancien signataire contre la loi Debré, est venu remobiliser les soutiens de la gauche associative. Un peu partout en France, les soirées de projection font salle comble depuis des mois. Avec ces simples témoignage d’étrangers durablement installés et menacés d’une expulsion à la suite d’une condamnation pénale le réa­lisateur montre comment des dizaines de milliers de familles sont percutées par ce bannissement. Quelque dix-sept mille peines complémentaires d’interdiction du territoire français (ITF) sont pro­noncées chaque année par les tribunaux.

Pourtant, en 1998, le cabinet d’Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avait réuni les asso­ciations et les syndicats pour tenter de trouver une solution au dossier. La magistrate Christine Chanet, mandatée par la ministre, avait préconiser « l’interdiction absolue » des interdictions du territoire à rencontre des étrangers ayant vécu et ayant été scolarisés en France depuis au moins l’âge de six ans. Un an plus tard, c’est dans le même esprit que la ministre envoyait une circulaire aux parquets. Le texte est resté lettre morte : selon le SAF les parquets continuent à requérir autant d’ITF contre les étrangers qu’auparavant. Quant à la réforme législative, pour supprimer ta double peine, le Parti Socialiste l’a bien inscrite dans son programme, mais le candidat Jospin ne l’a pas reprise dans ses proposi­tions.  « Il suffirait d’un peu de courage politique », admet Malek Boutih de SOS Racisme. « Les uns après les autres les responsables du PS m’appellent pour me dire qu’ils sont contre la double peine et qu’ils vont en parler à Lionel » remarque Bertrand Tavernier.

Reste la revendication du droit de vote. Paradoxalement, sa reprise aujourd’hui par le candidat socialiste inspire plus de méfiance que d’espoir. Voila vingt ans que la gauche le promet, rappellent en choeur les associations. A leurs yeux le gouvernement a eu tout le loisir  de faire voter Ia proposition de loi des Verts : mais en refusant de l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat, Lionel Jospin n’a pas voulu endosser une telle réforme. « Pour les socialistes, ce n’est jamais le moment. Et ses avancées sont toujours timides et très calculées » remarque Nabil Azouz du collectif Un(e) résident(e), une voix. Adeline Azan, Secrétaire nationale aux questions de société, reconnait que sur cette question, « ça achoppe ». Du coup. Jean-Christophe Cambadélis a fixé, pour le PS, rendez-vous avec la gauche associative. Comme il l’avait fait en 1997. Mais avec des partenaires qui, cette fois, ne veulent plus s’en laisser conter.

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La France rappelée à ses rafles antikurdes

Mustapha Yildirim, Kurde de 36 ans né à Kulp en Turquie, restaurateur à Lyon et mari d’une avocate, a demandé mercredi à l’Etat une indemnisation de 15 244 euros (100 000 francs) pour les deux mois de détention provisoire qui lui ont été infligés à tort voilà huit ans, à cause de son appartenance supposée au PKK, parti des travailleurs du Kurdistan.

Non-lieu. A l’automne 1993, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, et les juges antiterroristes mettent en place une politique de «rafles» dans les milieux islamistes puis kurdes pour éviter de «transposer sur notre sol la guérilla, le racket» et de devenir «la base arrière d’organisations terroristes», justifie le ministre. A l’appui de cette répression, un rapport de la DST recense les violences récentes imputées au PKK contre des intérêts turcs à Marseille, Lyon, Paris et Strasbourg et mentionne également quatre enlèvements de Français en Turquie.

Selon ce rapport, le PKK se camouflerait derrière des associations pour «commettre des actions criminelles ou délictuelles», notamment du racket. Du coup, le 18 novembre 1993, 111 Kurdes sont interpellés dans 25 départements. 24 d’entre eux sont mis en examen pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste», dont 21 sont placés sous mandat de dépôt. Parmi eux, Mustapha Yildirim, alors président de l’association des travailleurs du Kurdistan, chez qui des documents sur le peu ple kurde et la comptabilité de collectes de fonds, ont été trouvés. Mais le 11 mai 2001, le juge Roger Le Loire conclut l’affaire par un non-lieu général en constatant que les «perquisitions ne révélaient pas la présence d’armes» mais juste des listes de noms «au regard de sommes d’argent». En définitive, pour le juge, «les investigations ne permettaient pas de caractériser l’infraction d’extorsion de fonds, en l’absence de plainte», et ne révélaient pas «la préparation de cri mes et délits».

Entretemps, des Kurdes ont été expulsés «en urgence absolue» vers la Turquie, et d’autres ont été emprisonnés entre huit jours et six mois. Au nom de Mustapha Yildirim, Me Maugendre a invoqué devant la commission d’indemnisation du tribunal de Paris le préjudice matériel ­ perte de deux mois de salaire (12 493 francs, soit 1905 euros), frais de cantine à la Santé et billet de train ­ mais surtout le préjudice moral : «La publicité dans la presse a eu des répercussions désastreuses sur la vie privée de M. Yildirim, les noms de tous les Kurdes interpellés ont été communiqués aux autorités turques et sa compagne avocate, Florence Nepple, alors enceinte a été placée en garde à vue pendant 20 heures, avant de recevoir les excuses du tribunal et de la cour d’appel de Lyon.»

Mal à l’aise. L’avocate du Trésor a rappelé que «seuls les préjudices personnels dûs à la privation de liberté peuvent être indemnisés, pas la garde à vue de sa femme, et les articles des médias» et a proposé la modique somme de 1524,49 euros (10 000 francs). Mal à l’aise, l’avocate générale a précisé qu’elle n’a «pas à apprécier le bien-fondé des poursuites» et a requis la «réparation» pour Yildirim à cause du non-lieu. Décision le 10 avril.

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Les Polonais avaient violé leur compatriote

logoParisien-292x75 Elodie Soulier, 05/04/2002

KATARZYNA venait pour des vacances et préparait son mariage. Ces deux semaines en France devaient être une fête, une parenthèse touristique dont la jeune Polonaise profiterait pour visiter des amis et découvrir Paris. Mais c’est l’enfer qu’elle y découvrira, une nuit de juillet 1999, dans un « appartement-prison » de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Séquestrée par quatre hommes, violée par certains, humiliée et meurtrie par tous, la jeune femme devra pourtant faire face, ce matin, à ceux qui l’ont démolie à jamais : Jacek Obreski, Syhvester Zborowski, Andrzej Konat et Sylwester Lucznik, quatre Polonais de 22 à 28 ans, comparaissent jusqu’à mardi prochain aux assises de Bobigny pour viols en réunion et complicité, enlèvement et séquestration. Un procès de l’horreur pour lequel la cour devra toutefois se contenter des deux principaux acteurs, Obreski et Zborowski , détenus depuis les faits à la maison d’arrêt de Villepinte. Leurs deux complices sont quant à eux toujours en fuite et font l’objet de mandats d’arrêt

Humiliations physiques et menaces de tortures

Comme le séjour de Katarzyna en France, cette soirée du 3 juillet 1999 aurait dû elle aussi être une fête. Ce soir-là, la jeune femme est invitée à une fête polonaise, avec l’ami qui l’héberge à Aulnay-sous-Bois. Elle y fait la connaissance de deux compatriotes qui s’apprêtent à finir la soirée dans une boîte de nuit parisienne mais qui finalement rebroussent chemin après une bagarre obscure devant l’entrée de la discothèque. Qu’importe, ils finiront la soirée à Vitry, emmenant au passage quatre convives tout juste rencontrés. Pour Katarzyna, c’est le piège. Elle veut rentrer à Aulnay mais ses chauffeurs n’ont pas l’intention de la reconduire.

A Vitry, tout s’enchaîne. Une spirale presque inimaginable, où les humiliations physiques succèdent aux viols, où les menaces de tortures, de brûlures au fer à repasser, précèdent les abus répétés. Durant plus de deux heures, jusqu’au petit matin, la jeune femme doit se plier aux fantasmes de ses tortionnaires, exacerbés par tout l’alcool ingurgité depuis la veille. Katarzyna devra attendre l’après-midi pour être ramenée à Aulnay, chez son ami Bogdan.

Au cours de l’instruction et des multiples expertises, le calvaire de la jeune fille n’a jamais fait de doute au fil de l’instruction. Pourtant ses tortionnaires s’en défient sans frémir. Depuis près de trois ans, deux des violeurs de Katarzyna crient à l’injustice, accusent leur victime de provocation, de total consentement : la perverse, ce serait elle. Pour les experts psychiatres en revanche, le comportement des quatre hommes approche du sadisme, galvanisé par l’alcool et le « phénomène de groupe ».

Le rap soutient Bouda, danseur et «double-peine».

   Charlotte Rotman

 A Paris, le maire vert du IIe accueille sa conférence de presse.

Un «double-peine» à l’Hôtel de Ville, le symbole était fort. Un peu trop fort. La Mairie de Paris a annulé une conférence de presse sur le cas d’un Tunisien menacé d’expulsion qui devait se tenir, ce mercredi, à l’auditorium de l’Hôtel de Ville. A l’initiative des Verts de Paris, Bouda, une figure du milieu hip hop, devait y présenter son histoire au public. Bertrand Delanoë a préféré que le débat se tienne ailleurs. Bouda et ses soutiens du mouvement hip hop seront finalement accueillis aujourd’hui par le maire (Vert) du IIe arrondissement.

L’émission de Sidney. Bouda est un enfant du hip hop. Né il y a trente ans en Tunisie, sous le nom d’Ahmed M’Hemdi, il arrive bébé en France, avec ses cinq frères et soeurs pour rejoindre son père, installé en France depuis 1956. Il grandit à Dugny, en Seine-Saint-Denis. Comme il «n’aime pas l’école, mais kiffe la danse», il s’entraîne jusqu’à dix heures par jour. Adolescent, il passe régulièrement à l’émission de Sidney H.I.P. H.O.P., qui fait découvrir le break au grand public dans les années 80.

Mais l’émission s’interrompt et l’argent qui va avec ne rentre plus. Bouda fume des joints, vend du cannabis. En 1990, il est condamné à vingt mois de prison ferme pour trafic de stupéfiant. Incarcéré à Fleury-Mérogis, il continue à danser. Il sort au bout de quinze mois. Il tient «sans came» quelques mois. Pas longtemps. En 1993, il fume du crack : «Je devenais fou à cause des cailloux. Je vendais pour acheter.» Et, en 1995, il est à nouveau condamné : quatre ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction du territoire français.

A sa sortie de prison, le 13 janvier 1997, il est expulsé vers la Tunisie. Il craque au bout de neuf mois et regagne clandestinement la France. Il se cache, «hiberne». Et retrouve la danse. Participe à des concerts, notamment avec le groupe phare français NTM ou le Secteur Ä (Bataclan, Zénith).

Lors d’un show à la mairie de Saint-Denis, le cinéaste Jean-Pierre Thorn repère ce type «agile et rapide». Il espère l’embaucher pour une comédie musicale. Mais voilà : Bouda est sous le coup d’un arrêté ministériel d’expulsion. Impossible de le faire travailler.

Le danseur demande alors une assignation à résidence. Et le milieu du rap fait preuve à son égard d’une solidarité plutôt inhabituelle. «Il y a souvent des rivalités. Mais là, les gens se sont mobilisés», confirme Scalp, de la compagnie Paris City Breakers. Des Rencontres urbaines de La Villette au concours de break-dance au Zénith, le bouche à oreille fonctionne. Pour Kool Shen, cofondateur de NTM avec Joey Starr, aider Bouda est «une affaire personnelle.» Tous les deux ont débuté le break ensemble. Son label IV My People a collecté les signatures de soutien à Bouda et mis son site web au service de sa cause.

L’ancien présentateur Sidney considère Bouda «comme un petit frère». Grâce à sa notoriété, «il véhicule une image positive : il montre qu’on peut faire des bêtises et se rattraper, il a racheté sa conduite», estime-t-il. Sa possible expulsion ressemble d’autant plus à un couperet. «On essaye de se réinsérer, mais on nous met tout le temps des bâtons dans les roues», regrette ainsi Kool Shen.

Travail de grand frère. Sensible à cette mobilisation, le ministre de l’Education, Jack Lang, a lui-même écrit à son homologue de l’Intérieur: «Cher Daniel, mon attention a été appelée sur le cas d’Ahmed M’Hemdi […]. Il est parvenu peu à peu à percer dans le monde artistique et à acquérir une grande notoriété […]. Compte tenu du parcours assez atypique de M. M’Hemdi […], sa situation ne pourrait-elle être réexaminée?», demande-t-il.

Toute la famille de Bouda, excepté une grand-mère, est en France. Ses amis et son avenir aussi, estime-t-il. «De plus, il n’est pas retombé dans la toxicomanie qui constituait un des facteurs de sa délinquance», ajoute son avocat, Stéphane Maugendre. «Il est reconnu et fait un travail social de grand frère dans les quartiers. Tout cela mis bout à bout constitue-t-il vraiment une menace à l’ordre public ?» Pour la Place Beauvau, oui.

«Son expulsion constitue toujours une nécessité impérieuse pour la sécurité publique», explique ainsi le ministère de l’Intérieur, dans un courrier du 26 mars 2001, maintenant l’arrêté d’expulsion vieux de juin 1996.

Aujourd’hui, pour condamner la double peine, Kool Shen, Sidney et d’autres seront au côté de Bouda. Dans le deuxième arrondissement. Pas à la mairie de Paris.

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Bouda, triple peine, veut rester

logo_jdd_fr1 Soazig Quéméner , 20/01/2002

Le danseur hip-hop est menacé d’expulsion

J-M Simoes/JDD
J-M Simoes/JDD

« JE NE SUIS qu’un danseur qui n’a pas ses papiers. » Assis dans un gymnase de Seine-Saint-Denis, Bouda, le hip-hoper, ignore ce qu’il dira d’autre à la conférence de presse organisée par son comité de soutien à l’Hôtel de Ville de Paris mercredi prochain. Peut-être ajoutera¬t-il que « le mec, il a pas grandi eu Tunisie, on le jette là-bas. C’est de l’injustice ». C’est avec ces mots que ce trentenaire désigne la double peine qui l’accable. Bouda, de son vrai nom Ahmed M’Hemdi est un enfant d’immigrés, né à l’étranger, élevé sur le sol hexagonal et condamné deux fois par la justice française.

Une première pour trafic de drogue ; une peine de quatre ans de prison purgée à Fleury-Mérogis. Une seconde parce qu’il est étranger : une interdiction du territoire français de cinq ans. « Son cas est très particulier puisqu’un arrêté ministériel d’expulsion également été pris à son encontre. C’est une triple peine ». précise son avocat Stéphane Maugendre.

Bouda exerce donc son art clandestinement en France depuis 1997. Après un passage en Tunisie où il a été expédié à sa sortie de prison. Le pays de ses parents, mais pas le sien. Il n’y a tenu que neuf mois. « C’était la misère. Je connaissais rien au bled ». Il revient donc à la cité Maurice-Thorez de Dugny (93). Là-bas, il rejoint ses copains de la « old school » du hip-hop dans la compagnie Paris City Breakers. Tous ceux qui, comme lui, ont participé à l’émer­gence de ce mouvement au début dés années 80. « A l’époque, Bouda était une pile électrique. Tout le monde voulait être comme lui. Quand il dansait, il don­nait l’impression d’être en lévitation », décrit D’Okta, le rappeur de la compagnie. Qui poursuit : « Dans la cité, c’est un véritable symbole. » « Un chargeur », ajoute Nordine, lui aussi danseur.

Ses amis organisent sa clandestinité. Encaissant sur leurs comptes bancaires les cachets de Bouda, danseur revenu au plus haut niveau. Lui tendent quelques gros billets pour qu’il puisse sur­vivre. « Le problème, c’est que l’on ne peut pas l’emme­ner à l’étranger. Ça nous casse des dizaines de busi­ness », soupire Nordine.

Bouda ne se cache pas vraiment.

Il squatte chez des copains dans sa ville. Connaît « les commissaires de La Courneuve qui savent que je suis là et qu’il n’y a plus de trouble à l’ordre public ». Mais avoue « une peur au ventre » : « J’en ai marre de gagner des sous clandestine­ment. Il faut que l’on me rende mon numéro de matri­cule.

Caméra au poing, Jean-Pierre Thorn avale tous les propos du breaker. Ce réali­sateur a rencontré Bouda lors d’un casting. « Pour une comédie musicale, j’ai auditionné 250 danseurs hip-hop. J’ai été émer­veillé par la rapidité de ses « pass pass » (figure du hip-hop). Quand on a appris la menace qui pesait sur lui, on a lancé une pétition et recueilli plusieurs milliers de signatures. »

En vain. Le ministère de l’Intérieur refuse d’abroger l’arrêté ministériel d’expul­sion. « Parce que Bouda a été condamné pour trafic de stupéfiants », soupire son avocat. « Si on ne lui offre pas d’autre hypothèse, il va retomber, proteste Jean-Pierre Thorn. Il ne prend plus de came. Il a fait ses conneries à 19 ans. A 30, il a droit de se réinsérer dans la société. » « Il a fait un travail social dans sa cité. Il a montré aux mômes qu’il y avait autre chose à faire. Et on nous dit que c’est une menace pour l’ordre public ? », insiste Stéphane Maugendre. Mercredi, Bouda devrait danser dans les salons de l’Hôtel de Ville. D’Okta a lui prévu un rap. « C’est l’égoïsme des frontières qui veille au séisme de la vie », clamera- t-il.

De vingt à vingt-cinq ans de réclusion pour les assassins de l’octogénaire

 Elodie Soulié, 19/01/2002

LES ASSASSINS de Marcel Gevrey, cet octogénaire escroqué, roué de coups puis étouffé en 1996 dans sa maison des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ont tous été reconnus coupables de ce crime, tard hier soir, par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis.

Lyane Malbert, l’ancienne femme de ménage de la victime, a été condamnée à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, y compris pour escroquerie. Ses frères, Franck et David, écopent respectivement de vingt-trois et vingt ans de réclusion pour assassinat. Vingt ans également pour leur complice, Hervé Komondy. Dans la matinée, l’avocat général avait requis trente ans de réclusion à l’encontre des quatre accusés. Les trois hommes étaient jugés pour l’assassinat de Marcel Gevrey, tout comme Lyane, qui répondait également d’abus de confiance. Marcel Gevrey aurait d’abord été volé pendant des mois par l’accusée avant d’être, ce soir de septembre 1996, tué dans son sommeil, la tête enfouie dans son propre oreiller.

« Un choquant tarif de groupe »

Hier, au cours de cette ultime journée d’audience, l’avocat général avait méthodiquement tenté de dissoudre les doutes, diffus mais tenaces, dans un réquisitoire de deux heures suffisamment méticuleux et ferme. Naïma Rudloff s’était appliquée à balayer les arguments de la défense, notamment la thèse d’un « cambriolage raté » avancée par Hervé Komondy et celle d’un « saucissonnage » désastreux soutenue par Franck Malbert, ou encore celle d’une tragique expédition « d’intimidation ». Selon elle, le meurtre de l’octogénaire était bien « un projet mûri, réfléchi et commandité » : le vieil homme avait rendez-vous le lendemain avec son conseiller financier, puis au commissariat pour y déposer plainte contre Lyane Malbert pour escroquerie. « Il fallait l’en empêcher », répétera-t-elle. Quant à l’enfance terrible et douloureuse de la « fratrie Malbert », longuement évoquée la veille, l’avocat général l’avait également balayée : « Une enfance malheureuse ne donne pas un permis de tuer. » Selon elle, les quatre accusés avaient tous intérêt à « éliminer » Marcel Gevrey pour l’argent. Et tous devaient assumer à parts égales, en dépit de leurs rôles différents dans l’accomplissement « matériel » de ce crime : Lyane le « cerveau », David le chauffeur, Franck et Hervé les apprentis cambrioleurs, devenus des assassins. « Un choquant tarif de groupe », avait affirmé Me Arthur Vercken, l’avocat d’Hervé Komondy en insistant sur les « rôles différents » des accusés.

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Les premières larmes de Lyane Malbert

Elodie Soulié, 18/01/2002

AU FIL des heures, le doute s’installe puis disparaît, ressurgit pour s’effacer encore. Assassins ou meurtriers « par accident»? Tueurs sur commande ou petits cambrioleurs pris dans un engrenage tragique ? Depuis trois jours, les quatre meurtriers présumés d’un octogénaire de Pavillons-sous-Bois, en septembre 1996, sont apparus devant les jurés des assises de la Seine-Saint-Denis comme les pires des assassins avant d’être présentés par les experts comme victimes, inconscients de leur crime mais non de leur faute.

Lyane Malbert, ses deux frères David et Franck, comme Hervé Komondy, tous accusés d’un meurtre crapuleux commandité par la première, ont en commun des déchirures indélébiles. Hier surtout, alors que défilaient expert-psychiatre, enquêteurs de personnalité et quelques proches, l’effrayant passé de la « fratrie Malbert » a presque réussi à faire non oublier mais négliger le crime. Du moins l’espace de quelques heures. Cette audience a même révélé la première véritable faille d’une femme solide et dominatrice, décrite depuis le début comme l’instigatrice du meurtre : hier après-midi, un flot de larmes a succédé au verbe si agressif de Lyane Malbert. Figée depuis trois jours dans une raideur défensive, Lyane la dominatrice s’est épanchée sur son passé. Le seul sujet assez terrible pour arracher ses pleurs, alors que l’évocation de Marcel Gevrey, la victime qu’elle dit avoir aimée, n’a jamais provoqué en elle plus qu’un « Marcel ne devait pas mourir ». Maltraitée, violée par son oncle, passée du vol à la prostitution, mariée heureuse puis battue, réconciliée puis mère comblée… Quarante ans d’un triste roman ont apporté la toile de fond de l’audience d’hier. Et montré l’ambivalence de Lyane Malbert et de ses frères complices. A la fois machiavélique par intérêt, Lyane semble aussi rescapée du passé, à la force de sa seule envie « d’en sortir ». A ses côtés, ses frères offrent le même apitoiement sur eux-mêmes. Chacun se dit « souffre-douleur » de tous, chacun se pose en « victime » de la vie, de parents méchants voire pervers, de patrons méprisants, d’influences néfastes… A l’heure de leur verdict, prévu ce soir, les jurés devront chasser le doute de leurs esprits et choisir entre des faits horribles, -l’assassinat sur commande d’un vieillard endormi, doublé du vol et précédé de longs mois d’escroquerie-, et l’hypothèse, peu à peu suggérée au fil des longs débats, que le meurtre de Marcel Gevrey pourrait n’avoir été qu’un pathétique concours de circonstances. Un dérapage sur fond d’appât du gain, de vengeance et de solidarité familiale qui au lieu de coûter la prison à vie aux accusés les condamnerait à vingt ans derrière les barreaux. Hier, les avocats se prenaient à rêver d’un crime amoindri en « coups mortels »…

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