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Sans-papiers: «Welcome» revisite le «délit de solidarité»

Carine Fouteau,

Un maître nageur de Calais mis en examen après avoir hébergé un exilé kurde: Welcome, le film de Philippe Lioret, se fait l’écho de ces personnes prêtes à enfreindre la loi pour aider des étrangers en situation irrégulière. Militants et citoyens «ordinaires» sont de plus en plus souvent poursuivis et condamnés. Comme eux, Monique Pouille, bénévole de l’association Terre d’errance, vient de passer près de dix heures en garde à vue à Coquelles «pour aide au séjour irrégulier en bande organisée».

Les «élites tordues» dénoncées par Éric Besson sont partout. Partout en France, dans toutes les classes sociales, on trouve des «gens» prêts à se mobiliser, voire à enfreindre la loi, pour éviter l’expulsion d’un père de famille, d’un détenu ou d’un compagnon d’Emmaüs, pour cacher des enfants dont les parents sont menacés de reconduite à la frontière ou pour aider des personnes en situation irrégulière. Des militants et des citoyens «ordinaires» sont poursuivis et parfois condamnés pour avoir contesté, d’une manière ou d’une autre, le comportement de l’État à l’égard des étrangers sans papiers.

En salles à partir de mercredi 11 mars, le film Welcome est un marqueur de ce mouvement citoyen aux formes multiples. A charge contre la politique d’immigration, il retrace l’histoire d’un maître nageur de Calais venu en aide à un exilé kurde et mis en examen pour cela. Sur les plateaux télé, à la radio, dans les journaux, la promotion du film prend un tour politique. Vincent Lindon, acteur au côté de Firat Ayverdi, et Philippe Lioret, le réalisateur, inter¬pellent le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Calmement mais avec détermination, ils se font l’écho de ces Français aux marges de la légalité, qui, un jour, décident d’héberger une personne en situa¬tion irrégulière, leur offrent un repas ou des vêtements, quitte à se retrouver en garde à vue.

Leur cible : l’article L622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers qui punit d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30.000 euros «toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France» . Devenus experts en droit des étrangers, Vincent Lindon et Philippe Lioret s’indignent de ce que ce texte ne fasse aucune différence entre les coups de main désintéressés et les «aides» à but lucratif.

Monique Pouille n’est pas actrice de cinéma mais bénévole à Terre d’errance et aux Restos du cœur. Elle vient de faire les frais de cette législation. Membre de la paroisse de Norrent-Fontes, près de Béthune, elle apporte de la nourriture aux migrants en partance vers l’Angleterre et recharge, chez elle, leurs téléphones portables. Interpellée fin février à son domicile, qui a été perquisitionné, elle a passé une dizaine d’heures en garde à vue à Coquelles «pour aide au séjour irrégulier en bande organisée» . Elle en est ressortie sans charges ni mise en examen, pour l’instant tout du moins, mais choquée par la méthode.

Le camp où elle se rend presque tous les jours depuis deux ans et demi se trouve à un kilomètre de chez elle. Des exilés, venus d’Irak ou d’Afghanistan, s’en servent de base arrière pour se rendre, chaque soir, sur l’aire d’autoroute où les camions s’arrêtent avant la traversée de la Manche. «Je n ’aurais jamais pensé en arriver là , dit-elle, évoquant sa garde à vue. Aider ces hommes et ces femmes, c ‘est illégal, je le sais. Qu ’ est-ce qu ’on peut faire, alors ? C’est impossible de les laisser comme ça. Hier, j’y suis allée, il y avait une gamine de 16 ans qui est arrivée sans pull ni chaussures, de Calais. On a une réserve, je lui ai trouvé des vêtements à se mettre. Tous les soirs, ils se rendent à pied à l’aire d’autoroute pour essayer de passer. Si les chauffeurs les trouvent, ils reviennent au camp et ils tentent leur chance le lendemain. Ils marchent beaucoup. Il y a une femme de 60 ans, ça fait onze fois qu’elle essaie. Quand j’ai été arrêtée, les policiers m’ont dit que je pouvais aider les malheureux mais pas les passeurs. Moi, je ne suis pas là pour faire le ménage dans le camp. Est-ce qu ‘ils ont fait ça pour nous intimider, nous les bénévoles ? Cela se pourrait. Maintenant, quand j’entends sonner à la porte, j’ai peur. Mais je continue d’y aller, même si pour l’instant je ne prends plus les portables. Ce qui est sûr, c ‘est qu ’on n ‘est pas aidé par Monsieur Besson. Il faudrait qu il revoie un peu tout ça.»

Peu après la garde à vue de Monique Pouille, la Ligue des droits de l’Homme a exprimé «son entier soutien aux militants de la solidarité de plus en plus souvent menacés et poursuivis pénalement pour avoir obéi à leur conscience en secourant les victimes de la chasse aux migrants» , appelant «tous les citoyens de ce pays à se faire eux aussi ?délinquants de la solidarité’ pour ne pas laisser traiter comme des criminels celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux et la dignité humaine» .

Debré et le manifeste des 66 cinéastes

Sur la défensive, Éric Besson évite de s’exprimer sur cette affaire. Plus généralement, il minimise l’impact de la loi. Face à Vincent Lindon, lundi 2 mars sur France 3 (voir la vidéo sous l’onglet Prolonger), il a soutenu qu’en «soixante ans», l’article incriminé n’avait abouti à la condamnation «que» de deux personnes qui «s’étaient inscrites dans la chaîne de la filière clandestine» . Autrement dit, la législation serait trop rarement mise en œuvre pour que l’on puisse s’en offusquer.

Présente sur le plateau, la juriste Danièle Lochak a dénoncé une «politique de la peur» , rappelant le cas de Jacqueline Deltombe, interpellée sur son lieu de travail en novembre 1996 pour avoir accueilli chez elle un ami zaïrois en situation irrégulière. A la suite de sa condamnation, un manifeste avait été lancé par 66 cinéastes. Entre autres, Arnaud Desplechin, Claire Denis et Pascale Ferran s’y déclaraient «coupables d’avoir hébergé récemment des étrangers en situation irrégulière» . «Suite au jugement rendu , ajoutaient-ils, nous demandons à être mis en examen et jugés nous aussi.»

Cette campagne de désobéissance civile menée contre l’obligation prévue dans le projet de loi Debré, pour toute personne ayant signé un certificat d’hébergement, d’informer la préfecture du départ de l’étranger, avait obligé le gouvernement à reculer.

Mais le dispositif n’en a pas moins été durci six ans plus tard par la loi Sarkozy de novembre 2003. Alors qu’une directive européenne de 2002 est venue préciser que l’infraction devait être commise dans un but lucratif, la réglementation actuelle ne reprend pas cette exigence. Son champ est si large, malgré les immunités protégeant les proches parents et sous certaines conditions les associations, que les interpellations se multiplient. Mis en examen pour «aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’étrangers en situation irrégulière, en bande organisée» , Jean- Claude Lenoir, par exemple, de l’association Salam à Calais, a été condamné (mais dispensé de peine), en août 2004, pour avoir retiré des mandats postaux pour le compte de réfugiés.

«Entrave à la circulation d’un aéronef»

Avec la hausse des expulsions depuis 2002, un autre «délit de solidarité» se développe. Il concerne ces passagers, de plus en plus nombreux, poursuivis pour «provocation à la rébellion et entrave à la navigation d’un aéronef» . Mediapart a décrit, en octobre 2008. le cas de trois Français et d’un Marocain, débarqués d’un vol de la Royal Air Maroc puis condamnés (à une amende avec sursis) après avoir dénoncé les conditions du retour forcé de deux sans-papiers. Ni militants, ni politisés, ils s’étaient indignés de la manière dont ces hommes étaient traités par les forces de l’ordre.

D’autres exemples : en décembre 2008, trois professeurs de philosophie ont été placés en garde à vue, alors qu’ils se rendaient à Kinshasa, en République démocratique du Congo, afin d’y participer à un colloque universitaire sur «la culture du dialogue et le passage des frontières». Leur tort : avoir protesté, «pacifiquement» disent-ils, contre les modalités de l’expulsion de trois sans-papiers retenus dans l’avion. Pierre Lauret a été «violemment» contraint de quitter l’avion, tandis qu’Yves Cusset et Sophie Foch-Rémusat ont été arrêtés à leur retour. Le président d’Agir ensemble pour les droits de l’homme, André Barthélémy, est, lui, en attente de jugement, après s’être opposé, en avril 2008 sur un vol pour Brazzaville, aux conditions de reconduite à la frontière de deux ressortissants congolais.

Depuis quelques années, les chefs d’inculpation se diversifient à l’encontre des personnes mettant en cause les pratiques de l’État à l’égard des étrangers. Le président du Gisti, Stéphane Maugendre, dénonce «des tentatives d’intimidation tous azimuts» en direction «non seulement des militants, des bénévoles mais aussi des simples citoyens» . Encore des exemples : une militante de RESF a fait l’objet de poursuite pour avoir protégé les enfants de sans-papiers; une directrice a été inquiétée parce qu’elle a contesté l’interpellation près de son école du grand-père de l’un de ses élèves ; des personnes sont poursuivies pour outrage pour avoir envoyé des mails à des préfets comparant leurs méthodes «à ce qui se passait sous Vichy» . «Cela va au-delà du délit de solidarité stricto sensu» , indique Stéphane Maugendre. «Le pire , ajoute-t-il, c’est que, parfois, ça marche. Certaines personnes n ‘osent plus aller manifester autour des centres de rétention administrative par exemple. Le risque est qu’une sorte d’autocensure s’installe.»

Après la parution du livre collectif Cette France-là , qui dresse un état des lieux cinglant de la politique migratoire française, Welcome est une mauvaise publicité supplémentaire pour le ministère de l’immigration. Eric Besson contre-attaque en accusant le réalisateur du film d’avoir «franchi la ligne jaune (…) lorsqu’il dit que les clandestins de Calais sont l’équivalent des juifs en 43’» . Pour le ministre, interrogé samedi sur RTL, «cette petite musique- là est absolument insupportable» . «Suggérer que la police française, c ’est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu ‘ils sont l’objet de rafles… c’est insupportable» , insiste-t-il. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Monde , Philippe Lioret lui répond en affirmant qu’il ne met «pas en parallèle la traque des juifs et la Shoah, avec les persécutions dont sont victimes les migrants du Calaisis et les bénévoles qui tentent de leur venir en aide, mais les mécanismes répressifs qui y ressemblent étrangement ainsi que les comportements d’hommes et de femmes face à cette répression» .

À la fois pour faire diversion et marquer son attachement à la politique d’immigration «choisie» de Nicolas Sarkozy, le ministre a retenu le jour de la sortie du film, ce mercredi, pour remettre un titre de séjour à Sharif Hassanza, ce jeune Afghan sans papiers devenu champion de France espoir de boxe

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Silences sur une mort en centre de rétention

 , Catherine Coroller

On sait où repose Salem Souli. Son corps a été discrètement rapatrié en Tunisie le 7 juillet. Mais on ignore toujours de quoi est mort, le 21 juin, ce sans-papiers tunisien de 41 ans alors qu’il était au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, dans l’attente d’une éventuelle expulsion. Une autopsie aurait été réalisée en France, dont on ne connaît pas les résultats. Une autre autopsie aurait été réalisée en Tunisie, dont on ne connaît pas non plus les résultats. Le fils de Salem Souli, âgé de 14 ans, et son ex-compagne, qui vivent en situation régulière en France, ne les connaissent pas non plus. Pas plus qu’ils n’avaient été informés du décès (Libération du 23 janvier). Bref, de nombreuses zones d’ombre persistent, que le gouvernement ne fait rien pour dissiper. La seule certitude, c’est que Soulem Souli est mort, dans sa chambre, le 21 juin dans l’après-midi.

Retard. Et de quoi est-il mort ? «Tant les premières constatations médicales que l’autopsie, réalisée dans le cadre de l’enquête en cours écartent la présence de traces anormales», déclarait la préfecture de police de Paris le lendemain du décès. Dans un courrier adressé le 15 juillet au procureur de la République, Stéphane Maugendre, président du Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), affirme que les responsables du CRA avaient été alertés sur l’état de santé du retenu, et ont mis beaucoup de temps avant d’appeler les secours. Réponse du magistrat, le 20 août : «Une enquête a été diligentée sur mes instructions par la deuxième division de la police judiciaire, puis j’ai requis la poursuite de ces investigations dans le cadre d’une information pour recherche des causes de la mort, le 31 juillet 2008, aucun délit n’étant, en l’état, caractérisé.»«Les investigations très complètes ainsi conduites devraient permettre de connaître l’ensemble des circonstances qui ont présidé au décès de M. Souli», poursuit le procureur.

Depuis, silence radio. Salem Souli a été subrepticement enterré. Comme son affaire ? Justement non. Le 21 janvier, sa compagne et son fils ont porté plainte pour, notamment, «rétention d’information, homicide involontaire par manquement aux obligations de sécurité, et omission de porter secours».

La médiatisation de la plainte a suscité des témoignages. L’un, reçu par Marianne Lagrue, l’avocate de la famille, émane d’un ami du Tunisien. A l’en croire, Salem Souli souffrait d’une maladie respiratoire et aurait réclamé, en vain, de voir un médecin en rétention. Selon une infirmière, le médecin du centre aurait signé un certificat de non-compatibilité avec le retour, qui interdisait son expulsion de France.

«Asthme». Le 22 juin, lendemain du décès, des retenus mettaient le feu au centre. Quinze jours plus tard, son corps était expédié vers la Tunisie. La suite, on peut la lire dans le quotidien tunisienAch-Chourouk :«Lundi 7 juillet 2008, plusieurs dizaines de personnes – des voisins et des membres de la famille – ont assisté aux funérailles de Salem Souli (alias Sami), 41 ans, originaire du quartier Bab Djazira à Tunis.»Dans cet article, le père du défunt affirme avoir été en contacts réguliers avec son fils. Selon lui, ce dernier «souffrait depuis longtemps d’asthme et d’une insuffisance rénale». Salem «a pris contact avec son médecin traitant qui a présenté une demande aux responsables du CRA de Vincennes en vue de le transférer à un hôpital parce que sa détention dans une chambre sans aération ne correspondait pas à son état de santé», confie encore le père. Malgré un dossier médical «prouvant qu’il a été hospitalisé pendant cinq mois», les responsables du centre n’auraient pas donné suite. Et Salem Souli serait mort d’une «crise d’asthme aiguë».

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L’incendie du bus de Montreuil au tribunal

13/01/2009

Des peines allant jusqu’à quatre ans de prison ont été requises hier soir contre les cinq jeunes jugés pour avoir détourné un bus et y avoir mis le feu en octobre 2006.

L’incendie du bus 122 à Montreuil, fin 2006, avait-il pour but de ne pas « passer pour des tapettes ou des dégonflés » par rapport à l’Essonne, comme certains l’ont dit au cours de l’enquête ? De commémorer le premier anniversaire des violences urbaines ? Ou bien de s’« approprier le quartier », comme l’estime Haffide Boulakras, procureur de la République, qui a requis hier jusqu’à quatre ans d’emprisonnement contre les cinq prévenus jugés hier pour « l’affaire du bus de Montreuil ».

Les cinq prévenus, âgés de 20, 21 et 22 ans, avec un passé judiciaire et presque tous employés ou en formation aujourd’hui, n’ont pas fourni de réponses. Leurs témoignages n’ont d’ailleurs pas permis d’être certain de leur rôle précis ce soir du 26 octobre.

Trois personnes cagoulées s’engouffrent dans le bus

Il était 0 h 45, lorsque le chauffeur du dernier bus, presque étonné de voir un passager à la station Delpèche, à La Noue, s’est arrêté. Un traquenard, en fait, puisque trois personnes cagoulées se sont engouffrées dans le bus, l’une braquant le conducteur en lui disant : « Surtout, ne touche à rien et dégage ! » Il a ouvert les portes arrière pour faire descendre les passagers, tandis que de l’essence était aspergée dans le bus, d’une valeur de plus de 136 000 €. Il s’est enfui, paniqué, « poursuivi par deux personnes armées », réclamant de l’aide à deux automobilistes. En vain. Le bus a fini incendié dans la cité après avoir percuté une barrière que certains auraient été chargés d’ouvrir. La seule passagère retrouvée n’a pas voulu venir au procès, « par peur », a expliqué le procureur. C’est un renseignement anonyme qui a mis les policiers sur la piste de cinq suspects. Trois individus ont été mis hors de cause. Pas Ameur D., ni Ayoub H. Ils ont reconnu leur participation et mis en cause d’autres connaissances, Karim G., Ludovic G., Johan F., ces deux derniers présentés comme instigateurs présumés de cette attaque d’un bus, première d’une série de trois en Seine-Saint-Denis et quatrième d’une liste noire en Ile-de-France. A la barre, dans un huis clos partiel*, ils reviennent sur leurs déclarations, disculpant Ludovic et Johan, dont les noms auraient été livrés sur « pression des policiers ». « Je ne peux pas vous dire qui m’a demandé d’ouvrir la barrière mais si on me le demande et que je le fais pas ? J’habite dans une cité », se défend Karim, qui assure qu’il n’y avait pas de meneurs. Rien sur la préparation non plus. Seuls Ludovic et Johan continuent à nier leur implication et provoquent des incidents de séance conduisant la présidente à les exclure provisoirement.

Le procureur a requis quatre ans de prison dont deux avec sursis contre Ayoub, Johan et Ludovic et trois ans dont un avec sursis contre Amer et Karim, eux qui ont « reconnu leur participation et fait avancer les choses ».

« Le problème est que l’on prend les détails qui nous arrangent », a plaidé Me Stéphane Maugendre, l’avocat d’Ayoub, démontrant qu’avec d’autres morceaux de témoignage son client ne pouvait être celui qui avait braqué le chauffeur. Présent à l’audience, le conducteur avait repris son travail après cinq mois d’arrêt, choqué et angoissé. Avant cette affaire, suivie d’une grève, il travaillait de nuit depuis six ans et n’avait connu « aucun problème dans ce quartier ». Depuis, il travaille de jour. Le jugement sera rendu le 9 février.

* Seules les familles et la presse étaient autorisées sur les bancs du public.

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Du danger d’aimer le maïs et de passer par Château-Rouge

Le 18ème du mois, janvier 2009

Interpellée, frappée, menottée, emmenée au commissariat, gardée à vue pour avoir aimé le mais et en posséder un épi, très légalement acheté d’ailleurs : c’est l’infortune subie par une dame ayant eu le malheur de se trouver à Chateau-Rouge pendant un contrôle de police, signale Nicole Borvo, sénatrice PC de Paris.

L’élue vient de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, lui demandant d’enquêter à ce propos. Elle expose la situation : le 28 septembre au matin, Madame Marchand sortait du métro Château-Rouge avec un sac contenant du poulet et du mais acheté dans un KFC de Ménilmontant. Un contrôle de police, les vendeuses à la sauvette de maïs fuient, elle reste sur place, Les policiers la contrôlent, lui disent qu’il est interdit d’acheter du maïs et l’interpellent.

Selon Nicole Borvo, elle aurait reçu des coups de pied serait tombée, aurait perdu son pagne, se retrouvant presque nue devant les badauds. Ceux-ci voulant intervenir, la police aurait fait usage de gaz lacrymogène, aspergeant une femme or son bébé sortant du métro,
Emmenée au commissariat, placée en garde à vue, mise en cellule. Mme Marchand qui est diabétique, a réclamé en vain du sucre mais a réussi à se faire emmener, menottée, à l’hôpital où on a constaté un hématome au tibia, une érosion cutanée à la cheville et des douleurs multiples au poignet, épaule et genou, poursuit Nicole Borvo dans sa lettre à la Commission.

Elle a porté plainte.

La dame a couché à l’hôpital et le 29 septembre à midi, un policier est venu lui signifier qu’elle était libre.

Elle a porté plainte le 30 septembre auprès du procureur de la République et a été entendue le 22 octobre par l’IGS.

La sénatrice demande donc à la Commission d’éclaircir les circonstances et d’établir «si les agissements des membres des forces de l’ordre présents ont constitué un manquement aux règles de déontologie de la sécurité».

Le 28 septembre, à Paris, Augusta, 53 ans.

arton7300 D. Rossigneux et Dominique Simonnot, 10/12/2008

Vers midi, au métro Château-Rouge, les vendeuses à la sauvette criaient : « Maïs tso ! Maïs tso », au lieu de « chaud », et ça m’a fait rire. Je venais d’acheter un épi au KFC Ménilmontant. J’ai vu les filles cou­rir et trois policiers s’avancer : « Vos pa­piers ! » J’ai tendu ma carte d’identité fran­çaise. Ils voulaient voir mon sac. « Il est interdit d’acheter ce maïs ! – Pourquoi ?— C’est un délit. – Mais je l’ai acheté au ma­gasin. – Vous êtes en état d’arrestation ! », coupe une policière.

J’ai discuté : « Bien que d’origine nigé­riane, je ne vends rien… Rendez-moi mes affaires. » Un policier m’a alors attrapée par le bras et envoyé deux coups de botte dans les jambes. J’ai chuté, ventre à terre, son genou appuyant sur mon dos. Je me suis débattue, mon pagne s’est ouvert, j’étais à moitié nue au milieu des badauds, qui criaient, sifflaient et filmaient. Les po­liciers leur ont lancé des lacrymos, même sur une femme et son bébé. Ils m’ont me­nottée, emmenée dans une cellule, au com­missariat du XVIIe.

A 14 heures, une policière me demande si je sais lire. J’ai répondu qu’étant di­plômée de l’American University of Texas et de l’American University of Paris, oui, je savais lire et écrire… A 17 heures, l’avo­cate est arrivée et, une heure plus tard, on m’a amenée, menottée, à l’hôpital. Le médecin a constaté des hématomes. Le lendemain, à midi, un policier est venu me libérer à l’hôpital. Je suis accusée d’« outrages et rébellion ». J’ai porté plainte.

interdit d’acheter du maïs

Accueil Laurent Mouloud, 8/12/2008

Bavure . Accusée d’avoir acheté du maïs à des vendeurs à la sauvette, une quinquagénaire sans histoire a été violemment interpellée par trois policiers. Ils la poursuivent aujourd’hui pour « outrage » !
Expérience oblige, l’avocat Stéphane Maugendre n’est pas du genre à s’enflammer à la moindre annonce de bavure. Mais là, dit-il, « les policiers ont dépassé les bornes ! ». En effet. Car, voyez-vous, sa cliente, Augusta Marchand, quinquagénaire sans histoire, a eu le tort de posséder dans son sac à main… un épi de maïs. Un fait qui lui a valu une interpellation musclée, une nuit à l’hôpital et une convocation, aujourd’hui, devant la 28e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où elle devra répondre d’« outrage » envers deux brillants pandores.
L’affaire remonte au dimanche 28 septembre. Nous sommes à Paris, en fin de matinée. Française originaire du Nigeria, Augusta n’a pu assister à la messe de 11 heures. Aussi décide-t-elle d’aller faire quelques courses. Elle passe dans un KFC, achète deux morceaux de poulet épicés et une « cobette » de maïs emballée dans un sachet. En attendant midi (diabétique, Augusta doit manger à heure fixe), elle range le tout dans son sac et reprend le métro. À la sortie de la station Château-Rouge, deux jeunes filles vendent du maïs à la sauvette. Augusta regarde dans son sac pour « comparer » avec celui qu’elle vient d’acheter, relève la tête. Les deux vendeuses s’enfuient, tandis que trois policiers approchent.
« Je n’ai pas couru, explique-t-elle. J’étais sûr de mon bon droit. » Les trois agents – deux hommes et une femme – lui demandent de montrer ses papiers et le contenu de son sac. Augusta s’exécute. « Vous savez qu’il est interdit d’acheter du maïs, c’est un délit », enchaîne un des policiers. « Mais je ne l’ai pas acheté là », répond Augusta. La policière : « Vous êtes en état d’arrestation. » Effarée, la femme proteste. Le ton monte. Des gens s’attroupent et les noms d’oiseaux volent. Un des policiers tente de menotter Augusta. Elle résiste. « Il m’a pris le bras et, sans prévenir, j’ai reçu deux coups de bottes dans les jambes », assure-t-elle. La voilà ventre à terre, un genou appuyé dans le dos, son pagne remonté, la laissant à demi-nue. C’est la confusion. Des gaz lacrymogènes sont lancés pour disperser la foule.
Évidemment, la version policière est bien différente. Eux parlent d’une femme « franchement hostile », qui aurait tenté de « liguer la foule » contre eux et se serait écriée : « J’en ai rien à foutre de votre contrôle ! Je vous emmerde ! » Un récit, selon Me Maugendre, en complet décalage avec le profil de cette catholique pratiquante, mariée à un ingénieur et mère de deux enfants en études supérieures. « Les policiers voudraient aussi nous faire croire que cette femme de cinquante-trois ans, qui se déplace difficilement, les auraient bousculés pour tenter de s’enfuir en courant ! C’est ubuesque. »
Augusta Marchand se retrouve finalement au commissariat du 18e arrondissement. Elle décrit des auditions tendues et une attitude provocante des policiers. Ces derniers auraient refusé, notamment, de lui rendre son sac à main alors qu’elle avait besoin de prendre du sucre. Augusta devra aussi patienter plusieurs heures en cellule avant d’être emmenée – menottée ! – à l’hôpital. Sur place, le médecin décide de la garder pour la nuit. Sitôt dehors, elle file à l’Hôtel-Dieu. Verdict : « douleurs multiples » au poignet droit, à l’épaule gauche, au genou droit et au tibia, ainsi qu’une « ecchymose » d’une dizaine de centimètres à la cheville gauche. Augusta Marchand a porté plainte pour « violences » auprès du procureur de la République, déclenchant une enquête de l’inspection générale des services (IGS). Alertée, la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat a aussi saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) sur cette affaire.
De leur côté, seulement deux des trois policiers impliqués ont porté plainte pour « outrage ». Une prudence suspecte. Tout comme est énigmatique la signature d’Augusta Marchand figurant au bas du PV de notification de garde à vue. Un document que la femme assure n’avoir jamais signé. « On m’y attribuait des phrases insultantes prononcées par des jeunes pendant l’attroupement, s’indigne-t-elle. Des mots que je n’ai jamais utilisés en vingt ans de présence en France ! » Me Maugendre a agrandi la fameuse signature. « Il s’agit d’un faux, cela ne fait guère de doute. » Quant à la « cobette » de maïs ? Augusta ne l’a pas mangée. Elle l’a conservée soigneusement dans son congélateur. Comme pièce à conviction.

Haro sur les empêcheurs d’expulser en rond

Accueil, Marie Barbier, 9/10/2008

Solidarité.

Les poursuites se multiplient contre les opposants à la politique d’immigration du gouvernement. Sous la présidence Sarkozy, il ne fait pas bon soutenir les sans-papiers.

Ils se tiennent tous les quatre face au juge, tête baissée et mains derrière le dos. Leur crime ? S’être opposés pacifiquement à l’expulsion de deux Maliens, le 27 février 2008, à bord du vol Paris-Casablanca de la Royal Air Maroc. À la barre, Raphaël Quenum raconte : « Un homme à terre hurlait. Un policier l’étranglait, un deuxième posait son genou sur sa poitrine et le troisième lui tenait les jambes. Un être humain ne mérite pas d’être ainsi malmené. » Les quatre passagers comparaissaient le 26 septembre devant le tribunal de Bobigny pour « provocation directe à la rébellion et entrave à la navigation d’un aéronef ». La procureure a requis quinze jours d’emprisonnement avec sursis et 500 euros d’amende. Le jugement est attendu demain.

Il ne fait pas bon, par les temps qui courent, s’opposer à la politique d’immigration du gouvernement. La répression frappe tous azimuts : les particuliers, comme ces quatre passagers de la Royal Air Maroc, ne sont que la partie visible d’une politique de plus en plus sévère à l’encontre des soutiens aux sans-papiers. En première ligne : les associations, qui s’opposent chaque jour à la politique du chiffre menée par Nicolas Sarkozy et son ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux.

Première étape : la décrédibilisation. Ou comment faire passer un vaste mouvement citoyen pour une agitation orchestrée par quelques dangereux gauchistes. En juin dernier, une note interne du ministère de la Justice évoque une « mouvance anarcho-autonome », qui s’exprimerait notamment « à l’occasion de manifestations de soutien (…) à des étrangers en situation irrégulière ». L’incendie du centre de rétention de Vincennes, le 22 juin, donne un coup d’accélérateur à ces allégations. Pour le gouvernement, les coupables sont tout trouvés. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, accuse le Réseau Éducation sans frontières (RESF) de « provocations aux abords de ces centres, au risque de mettre en danger des étrangers retenus ». David Weiss, délégué national des Jeunes UMP, va plus loin, qualifiant RESF comme un « mouvement quasi terroriste » qui « pousse les gens à foutre le feu partout ». Jusqu’à présent, aucune plainte n’a été déposée contre le réseau. Mais ses militants restent sur le qui-vive. « On est dans la ligne de mire, indique Richard Moyon. On sait qu’on est attendu au tournant et qu’au moindre faux pas… »

poursuivi pour outrage à autorité publique

Une étape supplémentaire a toutefois déjà été franchie. À Rennes, Paris, Tours ou dans le Jura, les attaques judiciaires se multiplient. Pour Stéphane Maugendre, président du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et avocat des trois militants de Rennes (lire ci-après), ces poursuites judiciaires restent au stade de l’intimidation, mais témoignent du franchissement d’une ligne jaune : « Après la création, en 2003, d’un « délit de solidarité » (1), on est passé à quelque chose de complètement nouveau. Les poursuites contre les associations existaient déjà, mais pas à ce niveau-là. Toute critique contre la politique d’immigration est désormais dans le collimateur du gouvernement. »

Ainsi, le gouvernement n’hésite pas à poursuivre les militants qui comparent les rafles de sans-papiers à celles menées contre les juifs pendant la dernière guerre. Dernier exemple en date : celui de Romain Dunand, trente-cinq ans, habitant du Jura, militant à RESF et à la CNT, qui se dit aujourd’hui un peu « dépassé » par les événements. En 2006, il participe à la campagne de soutien à Florimont Guimard, instituteur poursuivi en justice pour avoir empêché l’expulsion d’un père de famille sans papiers et de ses deux enfants. Mandaté par son syndicat, il écrit à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur : « Voilà donc Vichy qui revient : Pétain avait donc oublié ses chiens ! » Sentence rendue par la justice en février dernier : 800 euros d’amende et un euro de dommages et intérêts pour outrage à autorité publique. Romain Dunand a fait appel et sera rejugé le 22 octobre à Paris. « Ce sera le procès de la solidarité et de la liberté d’expression en général », assure le militant qui promet un procès politique. L’anthropologue Emmanuel Terray et Maurice Rajsfus, de l’Observatoire des libertés publiques, seront d’ailleurs appelés à la barre pour l’occasion.

Les militants risquent cinq ans de prison

Le procès politique, l’association SOS soutien aux sans-papiers s’en rapproche à grands pas. Ses accrochages avec le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, ont été le feuilleton de l’été dernier. Résumé des épisodes précédents : le 2 août, alors qu’une poignée de militants manifestent devant le centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), le feu prend à l’intérieur. Trois jours après, le ministre annonce le dépôt d’une plainte contre SOS, accusée d’être à l’origine de l’incendie. Depuis, si l’avocat de l’association, Henri Braun, déclare n’avoir toujours aucune nouvelle de la fameuse plainte, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête préliminaire pour « provocations, suivies d’effets, à commettre des dégradations dangereuses ». Les militants poursuivis risquent tout de même jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende…

Dernier épisode en date : le 24 septembre, trois membres de l’association et un sympathisant sont auditionnés. Le même jour, Muriel Elkolli, cinquante-deux ans, militante du Collectif de soutien aux demandeurs d’asile et aux sans-papiers de Tours, qui n’a pourtant pas mis les pieds au Mesnil-Amelot le 2 août, est également entendue. « Les deux gendarmes venus spécialement de Paris m’ont dit : « Vous trouvez pas que ça fait beaucoup ? La fermeture du CRA de Blois, la destruction de Vincennes et maintenant l’incendie au Mesnil-Amelot. » Ils nous considèrent comme des fous furieux qui mettons le feu et nous réunissons en secret. Mais la vraie cause de ces incendies, c’est leur politique d’enfermement des étrangers. »

Quant aux militants du comité des sans-papiers du Nord (CSP 59), ils doivent faire face à de nombreuses attaques depuis plusieurs mois. En décembre 2007, l’un d’entre eux est arrêté et mis en garde à vue trente-six heures sans qu’aucune plainte ne lui soit notifiée. Bis repetita en janvier, le même militant est gardé à vue vingt-quatre heures. Début février, c’est au tour de l’emblématique porte-parole du CSP 59, Roland Diagne, d’être convoqué à la brigade criminelle. On lui signifie alors que la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a porté plainte contre X suite à deux tracts jugés attentatoires à son honneur. Depuis : rien. « On n’a aucune nouvelle, proteste Roland Diagne. Si une plainte avait été déposée, au moins, on pourrait se défendre, mais là, ils nous arrêtent, nous relâchent… on ne peut rien faire. »

Première conséquence de ces multiples poursuites : la radicalisation du mouvement. « La multiplication des attaques crispe un certain nombre d’associations, analyse Stéphane Maugendre. Celles qui n’étaient pas forcément dans la contestation durcissent le ton. » Pour les plus optimistes, l’énergie dépensée par les pouvoirs publics pour tenter de réduire au silence les militants démontre l’efficacité de leur action. « Il existe une vraie évolution de l’opinion publique, note Richard Moyon de RESF. Il y a quelques années, il était impensable que des parents d’élèves se couchent sur la chaussée pour empêcher l’arrestation d’un père de famille. On prend des coups, c’est vrai, mais on en rend aussi… »

(1) {Le délit « d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’un étranger en situation irrégulière» est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende}.

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« C’est complètement fou. Qu’est-ce qu’on a fait ? »

newlogohumanitefr-20140407-434Marie Barbier, 09/10/ 2008

Ginette Janin, retraitée, comparaîtra devant la justice le 12 décembre pour diffamations, avec deux autres militants du Collectif rennais de soutien aux sans-papiers.

Août 2008. Ginette Janin assiste au Festival d’Avignon quand elle apprend la nouvelle : le ministère de l’Intérieur l’attaque en justice pour diffamations et injures publiques contre un corps constitué de l’État. Deux autres militants du Collectif de soutien aux sans-papiers de Rennes sont également poursuivis. Peine maximale encourue : 45 000 euros d’amende. De retour du Festival, la passionnée de théâtre trouve une assignation à comparaître dans sa boîte aux lettres. « Je me suis dit : « C’est complètement fou ! Qu’est ce qu’on a fait ? Dans quelle société on vit ? » Ce n’est pas tant que ça me fait peur. Mais cela en dit long sur la politique du gouvernement… »

En cause : trois tracts, dont certains passages sont jugés insultants pour la police aux frontières (PAF). Intitulé « La PAF recrute, rejoins-nous ! », l’un des tracts ironise sur les méthodes des forces de l’ordre chargées de la lutte contre l’immigration illégale : « Tu veux un métier où, plus t’obtiens des résultats, plus tu gagnes du fric ? », « Dans la journée, tu peux aussi organiser des contrôles au faciès » ou encore « Notre métier autorise l’enfermement des enfants ». « Ces textes ont été écrits par quelques-uns, mais toujours lus et validés en assemblée générale », souligne Ginette, qui insiste sur la responsabilité collective et le côté arbitraire de la plainte. Pour le collectif, les trois prévenus ont été choisis au hasard, lors d’une manifestation devant les locaux de la PAF à Rennes, le 2 avril dernier. Les trois militants étaient présents : l’un a lu le tract à voix haute, un autre a appuyé sur l’interphone de la police et la dernière, Ginette, a répondu aux journalistes présents.

Depuis toujours, Ginette Janin prône la manifestation comme mode d’action. Dans le couloir de son appartement, tout en haut de la plus haute tour du quartier Colombier, une édition de l’Humanité la montre au sein d’un cortège parisien alors qu’elle était lycéenne. Ginette Janin est une révoltée épidermique. Les injustices lui hérissent le poil et la scandalisent. Dans les années soixante, elle milite, à Paris, à l’Union des étudiants communistes (UEC) avec Serge July, Bernard Kouchner et Alain Krivine. La professeure d’histoire-géographie s’installe ensuite dans le Morbihan. Elle y est militante syndicale et, un temps, conseillère municipale. Mais les partis ne la tentent pas. Elle préfère les causes.

Depuis sa retraite, la sexagénaire vit à Rennes, où elle milite depuis trois ans au collectif de soutien aux sans-papiers. Elle dit : « Quand on se bat pour davantage de justice sociale, il est logique de se battre pour les sans-papiers. Ce sont les plus exploités, les plus pauvres, les plus en marge. » Créé en 2002, le collectif rennais compte une cinquantaine de militants réguliers. À leur actif : rassemblements, manifestations, occupations et permanences juridiques. Depuis 2007 et l’installation d’un centre de rétention en Ille-et-Vilaine, le collectif organise des « parloirs sauvages » : les militants se postent derrière les grillages pour « discuter » avec les retenus en attente d’une probable expulsion. « C’est très dur, dit Ginette. À travers les grilles, ils nous racontent des choses désespérées. »

Le procès, initialement prévu le 19 septembre, a été repoussé au 12 décembre. Il devrait faire grand bruit. D’abord parce que des dizaines de militants du collectif ont entamé une procédure de comparution volontaire, demandant ainsi à être jugés au même titre que les trois prévenus. Ensuite parce que les avocats ont prévu de lui donner un retentissement politique. « On va plaider le caractère non diffamatoire et non injurieux, commente Stéphane Maugendre, l’un des avocats des prévenus et président du GISTI. C’est de la caricature, comme Charlie Hebdo le faisait il y a quelques années. On veut aussi prouver que certains passages sont vrais : comme le contrôle au faciès. » Pour Ginette, « bien sûr que ce procès sera une tribune politique contre la politique d’immigration ». Mais la militante ne perd pas de vue ses objectifs : « On ne veut pas se laisser bouffer par le procès. Notre travail est d’aider les sans-papiers et, en ce moment, il se passe vraiment des trucs horribles. »

M. B.

Un sans-papiers libéré rattrapé par le zèle policier

  Mourad Guichard

Lorsqu’il sort du tribunal de Bobigny, ce mardi 30 septembre, Ismaël, ressortissant congolais sans papiers, mais travaillant en France depuis sept ans, est un homme libre. Maurice Amouyal, son patron, s’est engagé à effectuer les démarches pour obtenir sa régularisation et Stéphane Maugendre, son avocat, se félicite que la cour ait assorti d’un sursis sa peine de prison pour «rébellion». Ismaël venait de refuser un embarquement vers le Congo après un mois passé au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne).

C’était sans compter sur le zèle des policiers du commissariat voisin de Mitry-Mory, les mêmes qui l’avaient arrêté trois mois auparavant. Au sortir de son lieu de travail, moins de vingt-quatre heures après sa libération, Ismaël est de nouveau arrêté et placé en garde à vue. Visiblement, les policiers ne connaissent pas la récente décision de justice.

«En droit strict, Ismaël était en état de récidive dès la sortie du tribunal», explique Stéphane Maugendre, par ailleurs président du groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). «La seule parade à cette aberration juridique est la dépénalisation pure et simple du séjour irrégulier et du refus d’embarquement.»

Pour le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) qui a suivi ce dossier, la situation d’Ismaël relève de l’ubuesque. «Voici un homme qui travaille en France depuis sept ans, paye régulièrement ses impôts jusqu’à la redevance télé et dont le patron affirme la nécessité de le garder en contrat à durée indéterminée (CDI), insiste Marie Montolieu, présidente d’un comité local parisien. Cet homme n’a pas eu la chance de travailler pour un grand restaurant parisien et de bénéficier de la publicité actuelle qui est faite pour la régularisation collective des sans-papiers.»

Ismaël, qui a été libéré jeudi dernier et qui a repris son travail le lendemain, ne comprend pas les raisons de cette deuxième garde à vue. «Dans leur ordinateur, les policiers auraient dû avoir les éléments», estime-t-il. «Durant la garde à vue, sans doute pour justifier leur prise, ils ont insisté pour que je reconnaisse que j’avais volé ce qui était contenu dans mon sac.» Résigné, son patron explique : «Nous repartons à zéro. Son CDI a été cassé et il a perdu toute son ancienneté. Il est aujourd’hui comme un nouvel entrant dans la boîte.»

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Villepinte : une marche contre les « violences policières »

index Luc Bronner, 31/05/2008

A Villepinte, en Seine-Saint-Denis, dans le quartier de la Fontaine-Mallet, les murs délabrés témoignent de la permanence des tensions entre habitants et policiers. Des « nique la police » récents voisinent avec des tags similaires, à moitié effacés, issus des générations précédentes. Une colère qui a pris la forme d’une marche vers le commissariat de police, samedi 31 mai : soutenus par des associations locales et nationales, dont le MIB et les Indigènes de la République, plusieurs dizaines de jeunes de la cité ont manifesté pour réclamer l’arrêt des « brutalités policières”.
Un incident survenu le 8 mai est à l’origine de cette mobilisation. Lamba Soukouna, 29 ans, affirme que cette nuit-là des policiers l’ont frappé avec la crosse d’un flash-bail puis à coups de pieds, occasionnant six jours d’interruption temporaire de travail (ITT). Lejeune homme, décrit comme très calme » et « respecté » par le premier adjoint au maire (PS), Christophe Borgel, a déposé plainte devant l’inspection générale des services (IGS), la »police des polices ».

Selon ses déclarations, Lamba Soukouna, qui souffre de la drépanocytose, une maladie génétique grave, rentrait chez lui lorsque des policiers seraient arrivés en courant, dispersant le groupe de jeunes au pied de son immeuble – scène que confirment plusieurs témoins. « Dans le hall, ils m’ont attrapé par le bras et jeté contre le mur, raconte-t-il. Puis ils m’ont donné des coups de crosse sur la tête, et je suis tombé par terre. Ils ont continué avec des coups de pied. J’ai crié, mais ils m’ont dit « ferme ta gueule ». » Les policiers l’auraient ensuite laissé partir.

Le visage en sang, accompagné d’un proche, Lamba Soukouna se serait rendu à la gendarmerie pour déposer plainte. Sur la route, il aurait croisé les mêmes policiers, en intervention sur un accident, et se serait arrêté pour essayer de les identifier. Selon lui, ils l’auraient alors interpellé pour éviter le dépôt de plainte.

Cette version est contestée par la police. Selon le parquet de Bobigny, les policiers ont en effet expliqué avoir été pris à partie par Lamba Soukouna, qui aurait ensuite résisté à l’interpellation. Ses blessures, notamment une plaie au front, s’expliqueraient par le fait qu’il ait tenté de se débattre. Les policiers l’ont placé en garde à vue pour « outrages », « menaces » et « rébellion ».

La thèse est jugée peu crédible par l’avocat du plaignant, Me Stéphane Maugendre, qui insiste sur son état de santé précaire. Régulièrement hospitalisé – près d’une trentaine de fois sur les trois dernières années -, le jeune homme pèse moins de 50 kg pour 1,78 m. A cause d’opérations à la hanche, il ne peut pas courir et se déplace difficilement.

Le quartier de la Fontaine-Mallet est décrit comme « sensible » par les policiers. Le 24 avril, un véhicule de police avait été la cible d’une embuscade provoquée par une vingtaine de jeunes cagoulés. Des pavés avaient été jetés sur le pare-brise, blessant sérieusement au visage le conducteur. Selon une source policière, celui-ci s’est vu reconnaître quinze jours d’ITT.

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Avocat