Archives de catégorie : droit des victimes

Enquête sur un naufrage en Méditerranée

images fig avec AFP, 27/06/2014

La cour d’appel de Paris a ordonné une enquête sur la mort en Méditerranée de 63 migrants qui fuyaient la Libye en guerre en 2011, un drame dans lequel l’armée française est mise en cause, a appris l’AFP aujourd’hui.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour rallier l’Europe, avaient déposé en juin 2013 à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour « non-assistance à personne en danger ».

Soutenus par quatre ONG (Migreurop, FIDH, LDH et Gisti), ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, une juge d’instruction avait rendu en décembre une ordonnance de non-lieu « ab initio » – c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations.

Elle avait estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue, en se fondant notamment sur les résultats de démarches entreprises auprès du ministère de la Défense par le parquet après une première plainte classée en novembre 2012.

« Une grande satisfaction », avocat des rescapés

Saisie d’un appel des plaignants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a infirmé mardi cette ordonnance, contre l’avis du parquet général. Elle a jugé « prématuré » d’affirmer qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre un quelconque militaire français et renvoyé l’enquête à la juge d’instruction, selon la source proche du dossier.

« C’est une très grande satisfaction », a réagi auprès de l’AFP Me Stéphane Maugendre, avocat des rescapés et du Gisti. « Nous voulons comprendre pourquoi le canot a été notamment survolé par un avion militaire et des hélicoptères, mais pas secouru ».

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes. A court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

Les naufragés étaient également parvenus à l’aide d’un téléphone satellitaire à avertir le responsable d’une association italienne qui avait à son tour alerté les garde-côtes italiens, lesquels relayèrent l’appel de détresse à l’ensemble des navires circulant dans la zone, mais également au quartier général de l’Otan à Naples (Italie), selon la plainte.

Dans son arrêt, la cour d’appel demande des vérifications pour déterminer notamment la position du navire d’où opérait l’avion qui aurait photographié les migrants, vérifier s’il a réceptionné l’appel de détresse relayé par le centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome, et comprendre le cas échéant pourquoi il n’a pas porté secours aux naufragés.

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L’armée française est-elle responsable de la mort de migrants naufragés ?

logo_site Lena Bjurström, 27/06/2014

Le parquet de Paris poursuit une information judiciaire pouvant impliquer l’armée française pour non-assistance à des migrants naufragés en Méditerranée.

Le 26 mars 2011, 72 migrants fuyaient la Libye en guerre, à bord d’une embarcation de fortune. En panne de carburant, ils ont dérivé pendant près de deux semaines sans que personne ne vienne à leur secours. Sur les 72 passagers du bateau, seules neuf personnes ont survécu.

En juin 2013, deux d’entre elles ont porté plainte contre X, à Paris, pour non-assistance à personnes en danger. Et si personne n’est directement inculpé, c’est bien l’armée française qui est visée.

Car, au cours de leur longue dérive, les survivants affirment avoir croisé de nombreux bâtiments militaires. À l’époque, intervention de l’Otan en Libye oblige, la Méditerranée était une zone très fréquentée. Outre l’armée française, les forces militaires espagnoles, britanniques, italiennes, canadiennes et belges gravitaient le long des côtes libyennes.

Selon la convention des Nations unies sur le droit de la mer, tout État exige des bâtiments battant son pavillon de porter secours aux personnes en détresse. Pourtant, pas un des navires qu’ils auraient croisés n’est venu en aide aux migrants naufragés.

Lire le témoignage d’Abu Kurke, survivant de l’embarcation

Du non-lieu à l’appel

Lorsqu’ils portent plainte en 2013, les rescapés et les associations – qui se sont constituées parties civiles – savent que cette action a peu de chances d’aboutir. Quatre survivants avaient déjà déposé une plainte similaire en 2011, classée sans suite par le parquet. Celui-ci se fondait alors sur une enquête du ministère de la Défense indiquant qu’aucun navire français ne se trouvait dans le sillage de l’embarcation à la dérive.

Mais l’action judiciaire reste un moyen de lutter contre l’omerta des États sur cette affaire et de déterminer des responsabilités. En 2013, la même plainte est ainsi déposée en France et en Italie, en Espagne et en Belgique, tandis que des informations judiciaires sont demandées au Canada, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Soit dans chaque pays pouvant être impliqué.

En France, la juge d’instruction en charge du dossier prononce un non-lieu en décembre dernier, s’appuyant toujours sur cette information du ministère de la Défense. « Il est établi de façon manifeste […] que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis par un bâtiment français », conclut-elle dans l’exposé de ses motifs.

« Cette décision n’est pas du tout justifiée à nos yeux », déclare alors Stéphane Maugendre, avocat des plaignants et président du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (Gisti).

Pour Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), « 63 personnes ont trouvé la mort à proximité des forces françaises. Une fin de non-recevoir n’est donc pas acceptable. La justice française doit enquêter et faire toute la lumière sur cette tragédie. Les survivants et les victimes méritent au moins cela. » Les plaignants font appel.

Contre toute attente, leurs arguments sont entendus. La cour d’appel de Paris a décidé, mardi, d’infirmer l’ordonnance de non-lieu, « prématurée », selon les magistrats. Dans l’affaire du « bateau abandonné à la mort », certaines questions n’ont jamais trouvé de réponse.

Des informations manquantes

Dans un rapport, adopté par l’Assemblée parlementaire européenne en mars 2012, l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik soulignait les parts d’ombre de l’histoire.

« D’après les informations fournies par Rome MRCC [le centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome], un bateau chargé de migrants a été observé par un avion français le 27 mars à 14 h 55, deux heures seulement avant que les migrants ne lancent leur premier appel », rappelle-t-elle.

La photo prise par un avion français (source Forensic Oceanography)

L’image est floue, mais l’embarcation, prise en photo par l’avion, a été identifiée par l’un des survivants comme son bateau, encore en route vers l’Italie avant la panne de carburant.

Quand, deux heures plus tard, l’embarcation commence à dériver, les migrants, munis d’un téléphone satellitaire, préviennent un contact en Italie qui transmet l’information aux services de secours en mer. Ceux-ci lancent un appel de détresse à haute priorité.

Pour Tineke Strik, l’identité de l’avion français doit être établie. Sur quel porte-avions s’est-il posé après avoir pris la photo de l’embarcation ? Ce porte-avions a-t-il reçu l’appel de détresse lancé par les garde-côtes italiens ? Si oui, pourquoi ne s’est-il pas porté au secours du bateau naufragé ?

« J’ai écrit aux autorités françaises pour leur poser des questions à propos de cette photo, raconte l’eurodéputée dans son rapport […]. Je leur ai également demandé de répondre à mes questions antérieures concernant la position et les activités de leurs unités à ce moment-là. » Les précisions renvoyées par le ministère de la Défense ne fournissent « aucune réponse concrète sur l’identité de l’avion français ».

S’appuyant sur le rapport européen, la cour d’appel de Paris estime donc « prématuré d’affirmer qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre un quelconque militaire français d’avoir commis l’infraction de non-assistance en danger ». La justice française devra recueillir les informations manquantes auprès des garde-côtes italiens. Pour l’heure, trop de questions restent en suspens.

Mais, pour les associations, l’avis rendu par la cour d’appel de Paris sonne déjà comme une petite victoire.

« La décision des juges français d’ouvrir une enquête fera peut-être prendre conscience de ce que les morts en mer, dont la liste s’allonge chaque jour, ne peuvent être tenues pour de simples dommages collatéraux de cette cynique politique de “gestion des flux migratoires”, écrivent les organisation dans un communiqué. Elle invitera, espérons-le, à cesser de se voiler la face sur les drames engendrés par cette politique, a fortiori lorsqu’ils se déroulent sous les yeux de nos armadas. »

Naufrage au large de la Libye : les pays de la coalition accusés d’avoir tourné le dos

logo-liberation-311x113 Willy Le Devin

L’armée a-t-elle sciemment tourné le dos à un bateau de migrants à la dérive ? C’est la question sur laquelle la justice va devoir plancher. Jeudi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé recevable une plainte contre X déposée par deux survivants, Girma Halofom, un Erythréen, et Abu Kurke Kebato, un Ethiopien, pour «non-assistance à personne en danger». Dans cette procédure, ils sont épaulés par plusieurs ONG, notamment le Gisti et la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Que s’est-il passé ?

Dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, entre minuit et 2 heures du matin, un zodiac quitte Tripoli, alors en pleine guerre contre la coalition, pour rejoindre l’île italienne de Lampedusa. A bord, 72 personnes – 70 adultes âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels plusieurs femmes enceintes, et 2 bébés – s’entassent les unes sur les autres. Le bateau, piloté par un Ghanéen et équipé d’un GPS, d’une boussole et d’un téléphone satellitaire, navigue deux jours avant de tomber en panne de carburant. Quinze jours durant, les migrants vont dériver, attendant désespérément l’arrivée des secours. Malheureusement, le zodiac est retrouvé brisé sur les côtes libyennes le 10 avril 2011 au matin, le naufrage faisant 63 victimes.

Sur quels éléments se basent les plaignants ?

Les survivants affirment que des gardes-côtes italiens ont relayé leurs signaux de détresse à l’ensemble des navires circulant dans le canal de Sicile. Des messages radio auraient ainsi été transmis toutes les quatre heures au quartier général de l’Otan basé à Naples. Pour preuve : un hélicoptère est venu larguer de l’eau et de la nourriture. Mais ensuite, aucun des nombreux bâtiments militaires engagés dans les opérations «Harmattan» et «Unified Protector», destinées à destituer Muammar al-Kadhafi, n’est venu porter secours à l’embarcation. Pis, selon les deux plaignants, un navire décrit comme un porte-avions (de nationalité non précisée) se serait approché d’eux le 3 ou le 4 avril, et le personnel de bord aurait pris des photos.

Que peut faire la justice ?

Elle va désormais se tourner vers les états-majors des pays de la coalition afin qu’ils transmettent les positions exactes de leurs bâtiments en manœuvre. Il s’agira ensuite d’étudier l’ensemble des communications passées entre les navires et le QG napolitain. Un juge d’instruction est chargé d’enquêter, alors même que l’enquête préliminaire était classée. Mais sa tâche s’annonce ardue en raison du classement secret-défense de nombreux documents.

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Non-assistance à un bateau de migrants : l’armée est-elle coupable?

logo-liberation-311x113 Willy Le Devin ,

En mars 2011, un bateau fuyant la Libye n’a reçu aucun secours des navires militaires présents sur la zone. La cour d’appel a jugé recevable une plainte de réfugiés soutenus par des associations.

L’armée a-t-elle sciemment tourné le dos à un bateau de migrants à la dérive ? C’est la question sur laquelle la justice va désormais devoir plancher. Ce jeudi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a jugé recevable une plainte contre X déposée par deux survivants, Girma Halofom et Abu Kurke Kebato, pour «non-assistance à personne en danger». Dans cette procédure, ils sont épaulés par plusieurs ONG, notamment le Gisti et la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Que s’est-il passé ?

Dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, entre minuit et 2 heures du matin, un zodiac quitte Tripoli, alors en pleine guerre avec la coalition, pour rejoindre Lampedusa. A bord, 72 personnes s’entassent les unes sur les autres (70 adultes âgés de 20 à 25 ans, parmi lesquels plusieurs femmes enceintes, et 2 bébés). Le bateau, piloté par un Ghanéen et équipé d’un GPS, d’une boussole et d’un téléphone satellitaire, navigue deux jours puis tombe en panne de carburant. Durant quinze jours, les migrants vont dériver en attendant désespérement que l’on vienne les secourir. Malheureusement, le zodiac est retrouvé brisé sur les côtes libyennes le 10 avril 2011 au matin.

Sur quels éléments se basent les plaignants ?

Les survivants affirment que des gardes-côtes italiens ont relayé leurs signaux de détresse à l’ensemble des navires circulant dans le canal de Sicile. Des messages radio auraient été transmis toutes les quatre heures au quartier général de l’Otan basé à Naples. Pour preuve, un hélicoptère est venu distribuer de l’eau et de la nourriture. Mais, ensuite, aucun des nombreux bâtiments militaires engagés dans l’opération «Harmattan et Unified Protector», destinée à destituer Mouamar Kadhafi, n’est venu porter secours à l’embarcation. Pire, selon Girma Halofom et Abu Kurke Kebato, un navire décrit comme un porte-avions, de nationalité non-précisée, se serait approché des migrants vers le 3 ou le 4 avril, et le personnel de bord aurait pris des photos au moment même où plusieurs personnes étaient sur le point de décéder.

A lire aussi «On a vu plusieurs bateaux, mais ils ne nous ont pas aidés», le témoignage d’Abu Kurke

Que peut faire la justice ?

Celle-ci va désormais se tourner vers les états-majors des pays de la coalition afin qu’ils transmettent les positions exactes de leurs bâtiments en manœuvre. Par la suite, il s’agira d’étudier l’ensemble des communications passées entre les navires et le QG napolitain. Un juge d’instruction est chargé d’enquêter alors même que l’enquête préliminaire avait été classée. Mais sa tâche s’annonce ardue du fait des classements «secret-défense».

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Voir aussi notre carte animée Deux minutes pour comprendre comment l’Europe se barricade

Le « dragueur de Montmartre » condamné à 12 ans pour viols

logoParisien-292x75 16/05/2014

Les dénégations de Smail n’ont pas convaincu la cour d’assises de Bobigny. Après trois jours de procès à huis clos, cet homme de 42 ans a été reconnu coupable de viols aggravés et condamné à douze années de réclusion, avec interdiction d’entrer sur le territoire français pendant dix ans.

 A deux années d’intervalle, en 2009 et en 2011, et sans se connaître, deux femmes ont livré le même récit à la police. Elles avaient fait confiance à un homme, rencontré sur les hauteurs de Montmartre à Paris, et s’étaient retrouvées à sa merci, chez lui. Elles avaient subi plusieurs viols, dans son appartement à Saint-Ouen, fermé à double tour. La première Anna, a mis du temps à se faire entendre de la justice. Smail, dragueur bien connu à Montmartre, avait été placé en garde à vue. Mais l’affaire avait été classée sans suite en juin 2011. Lui parlait d’une relation consentie par Anna. Et sur une photo extraite de la vidéo de la gare RER où il avait ensuite raccompagné Anna, il lui tenait la main.

L’agresseur changeait de prénom selon les rencontres

Anna a dû attendre deux ans et le viol de Léa, une touriste coréenne de 27 ans pour être enfin reconnue comme victime. Smail changeait de prénom selon ses rencontres. Mais Anna se souvenait de son adresse et Léa lui avait subtilisé son pass Navigo. « Au départ, elle ne voulait pas venir à ce procès, mais après le verdict elle m’a dit que ça lui avait fait beaucoup de bien, que ça lui permettait enfin de se vider la tête et de se reconstruire », rapporte Stéphane Maugendre, l’avocat de Léa, qui indique que les deux victimes se sont beaucoup soutenues. Smail est en outre condamné à verser 25 000 € à chacune des victimes. Sa défense n’a pu être jointe hier soir, notamment pour savoir s’il envisage ou non de faire appel.

* Les prénoms des victimes ont été changés.

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Le dragueur de Montmartre accusé de viols

logoParisien-292x75 13/05/2014

Elles vivent à 10 000 km l’une de l’autre et vont se retrouver ce matin côte à côte sur le banc des parties civiles de la cour d’assises de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Anna*, 45 ans, est française. Léa*, 31 ans, habite en Corée du Sud. « Elle revient en France exprès pour ce procès », relate son avocat, Me Stéphane Maugendre.

 Les deux femmes ont croisé le même homme, à Montmartre, à deux ans d’intervalle. A Anna, en 2009, celui-ci a dit s’appeler Yacine. Pour Léa, en 2011, c’était Stéphane. Deux prénoms d’emprunt pour un dragueur notoire du Sacré-Coeur, un homme de 42 ans aujourd’hui, accusé de viols avec séquestration. Incarcéré depuis près de trois ans, l’accusé répète qu’elles étaient consentantes. Peu importent les récits troublants de similitude que font les deux femmes de ces heures de cauchemar.

La justice avait été appelée à l’aide par Anna lorsque, sous le choc, elle poussait la porte du commissariat. Après une soirée arrosée avec des amis, elle avait rencontré Yacine, musicien, sur la butte Montmartre. Il lui avait proposé de la raccompagner en taxi. Cependant, c’est à Saint-Ouen, chez lui, qu’elle avait atterri. Elle a dit s’être endormie et, lorsque au réveil, elle a voulu partir, l’hôte s’est montré agressif. Elle raconte avoir pleuré, s’être débattue. En vain. Il lui a imposé des relations sexuelles, des heures durant. Arrêté dans la foulée, il a admis un rapport mais consenti. C’était sa parole contre celle d’Anna. Il avait été remis en liberté après une garde à vue, d’autant que les caméras de la gare RER où il l’avait raccompagnée les montraient main dans la main. L’affaire avait été classée sans suite en juin 2011.

Enfermée dans son appartement

La touriste coréenne, 27 ans à l’époque, passait quatre jours à Paris. Le lendemain de son arrivée, partie visiter le XVIII e, elle croise Stéphane, se laisse embrasser une fois, mais elle veut rentrer seule en métro. Il lui propose de partager un taxi, et la course se termine à Saint-Ouen. Prise d’une envie pressante, elle explique avoir accepté de monter le temps qu’il commande un autre taxi. La porte s’est alors refermée jusqu’au lendemain. Le récit que Léa fait des heures passées chez Stéphane donne le tournis. En sortant, elle vole le passe Navigo de son agresseur et va porter plainte. Une plainte qui rappelle celle d’Anna, une femme qui, cinq ans plus tard, est « choquée et en colère », selon son avocate, Me Bénédicte Litzler. « Toute la question tourne autour du consentement de l’une et de l’autre », souligne Me Sarah Baruk, l’avocate de l’accusé, qui encourt vingt ans de réclusion. Le verdict est attendu demain.

* Les prénoms ont été changés.

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Drame de l’immigration : colère d’associations après un non-lieu qui blanchit l’armée

  Franck Johannès,

Le cimetière des bateaux sur l'Ile italienne de Lampedusa, en octobre 2013.
Olivier Jobard/MYOP pour Le Monde

Ils étaient 72, dont vingt femmes et deux bébés, à bord d’un Zodiac à la dérive, à la fin du mois de mars 2011, au large de la Libye en pleine guerre civile. Trente-huit bâtiments de guerre, dont nombre de français, croisaient dans les parages dans le cadre de l’opération « Unified Protector » de l’OTAN, quand le Zodiac est tombé en panne.

Les naufragés ont réussi à lancer un message de détresse le 27 mars, relayé toutes les quatre heures par les garde-côtes italiens. Mais ils ont dérivé quinze jours, sans aucun secours : 63 personnes sont mortes de faim et de soif. Deux survivants ont porté plainte à Paris le 18 juin 2012 pour « non-assistance à personne en danger ». La juge Sabine Kheris a estimé, vendredi 6 décembre, qu’il n’y avait pas lieu d’instruire l’affaire, comme l’avait requis le parquet le 15 novembre.

Deux rapports minutieux

La plainte, soutenue par quatre associations (Migreurope, la Fédé­ration internationale des droits de l’homme, la Ligue dés droits de l’homme et le Groupe de soutien aüx travailleurs immigrés, le Gis- ti), était pourtant solidement étayée par deux minutieux rap­ports sur l’affaire, de l’université; de Londres et de la commission des migrations de l’Assemblée européenne. Le 27 mars, un avion français a même pris une photo

du canot avant qu’il ne tombe en panne. Un hélicoptère, de nationa­lité inconnue, a largué des bis­cuits et des bouteilles d’eau avant de disparaître, un navire de guerre a fait plusieurs fois le tour du canot avant de s’éloigner. Une première plainte au parquet de Paris a été classée sans suite après avis du ministère de la défense, qui a indiqué qu’il n’y avait pas de bateaux français dans les parages. Les associations ont déposé une nouvelle plainte, auprès cette fois de la juge d’ins­truction, qui a rendu à son tour vendredi une ordonnance de non- lieu. « On croit rêver, proteste Me Stéphane Maugendre, le prési­dent du Gisti. Le ministère de la défense, principal mis en cause, dit qu’il n’était pas là et on le croit sur parole. Ça ne se passerait jamais comme ça dans un dossier de droit commun. » Les associations ont l’intention de faire appel.

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Mort de migrants en Méditerranée: une juge écarte la responsabilité de l’armée française

AFP,  06/12/2013

PARIS – Une juge parisienne a écarté vendredi toute responsabilité de l’armée française dans la mort de 63 migrants sur leur canot en Méditerranée, suscitant la colère des rescapés de ce drame survenu au moment de l’intervention en Libye en 2011.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour fuir la Libye en guerre et rallier l’Europe, avaient déposé en juin à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour non assistance à personne en danger.

Soutenus par quatre ONG, ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, la juge d’instruction Sabine Kheris a cependant rendu vendredi une ordonnance de non-lieu ab initio, c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.

La magistrate a considéré que les faits dénoncés par les plaignants ne pouvaient avoir été commis par la marine française, selon la source judiciaire.

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes.

A court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

La juge Kheris a estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue.

Elle a notamment fondé son raisonnement sur le manque de précision du témoignage des rescapés, certains faisant état selon elle de la présence d’un porte-avion français, d’autres n’étant pas formels sur son pavillon.

Elle s’appuie par ailleurs sur une enquête menée par le Conseil de l’Europe qui n’a pas permis d’identifier les navires qui auraient croisé la route des naufragés.

Elle cite en outre les démarches du parquet de Paris auprès du ministère de la Défense, qui avaient notamment amené le ministère public à classer en novembre 2012 une première plainte.

A deux reprises, l’état-major a écarté la présence de navires ou d’aéronefs français dans la zone de dérive du canot, qui a été modélisée par des chercheurs d’une université de Londres.

L’avocat des plaignants, Stéphane Maugendre, a vu un scandale absolu dans ce non-lieu, et annoncé à l’AFP qu’il ferait appel.

Ce drame est l’objet de plaintes similaires en Espagne, en Italie, et très récemment, en Belgique. Des demandes d’information ont aussi été adressées par les associations aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et à l’Otan.

« Les victimes ont vu leur dernière heure arriver »

logoParisien-292x75Frédéric Naizot, 06/12/2013

« Les victimes ont vu leur dernière heure arriver » : Me Stéphane Maugendre, avocat de la Poste, dont plusieurs employés ont été séquestrés par les accusés.

«Il sentira à vie la sensation de l’arme froide sur sa tempe. » Hier après-midi, Me Stéphane Maugendre, a résumé dans sa plaidoirie tout l’impact d’un braquage, vécu par une des victimes du trio. L’avocat de la Poste, intervenait hier dans le cadre du procès des trois braqueurs qui comparaissent depuis mardi devant la cour d’assises du Val-d’Oise.

En trois mois, entre fin 2010 et début 2011, ils avaient commis sept attaques à main armées, séquestrant les employés des deux Carrefour de Puiseux-Pontoise et de Magny-en-Vexin, comme les employés de la Poste de Boissy-l’Aillerie.

« C’est une agression violente même s’il n’y a pas de coups », a rappelé l’avocat. « C’est vrai, les accusés s’étaient mis des limites. Ne pas charger l’arme ou en utiliser une factice. Mais les victimes ne le savaient pas. Ce qu’on ressent quand on voit une arme braquée sur soi, c’est que sa dernière heure est arrivée. »

Faisant allusion au braquage de la poste d’Orgemont, à Argenteuil, dont le procès s’est tenu il y a un mois, et qui n’a plus jamais rouvert après l’attaque, il estime aussi les accusés responsables pour partie d’un service public qui se désagrège. « Les victimes portent en elles le fardeau de la souffrance » a ajouté l’avocate d’une vingtaine de salariés de Carrefour, qui a rappelé les propos entendus par les employés séquestrés : « Celui qui bouge, je le tue » lance ainsi Luc B., dans le frigo de Magny-en-Vexin où il tient en joue les salariés.

Pas de réelles explications

Mais après trois jours d’audience, la cour d’assises n’a toujours pas compris ce qui a conduit les accusés, qui se sont connus grâce à leur passion pour la musique, à se lancer dans les braquages.

L’un d’eux, Johnny G., a parlé d’une dette de 10 000 €, liée ou non à de la cocaïne. L’hypothèse d’un besoin d’argent pour acquérir le matériel onéreux d’un studio de musique a été aussi évoquée. « C’est la crise », a de son côté avancé Luc B. Un jeune décrit comme ayant une personnalité complexe, à la fois intelligent et immature, capable de trafic en tous genres entre la France et la Martinique, puis de braquages, après avoir pourtant réussi son bac en candidat libre et avoir engrangé les années d’études musicales classiques à Cergy, au conservatoire, avec succès. « Un grand gâchis », souligne la présidente. Verdict ce soir.

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Quinze et huit ans de prison requis pour l’attaque de la poste

logoParisien-292x75 20/09/2013

Les braqueurs d’Orgemont étaient passés à l’action le 13 août 2011, à l’ouverture. Deux ans après l’attaque du bureau de poste d’Argenteuil et la prise d’otage des deux employés, l’avocate générale a requis hier soir quinze ans de réclusion criminelle à l’encontre du principal accusé, et huit ans de prison pour son cousin.

Elle a décrit deux hommes qui avaient réglé l’opération dans tous ses détails, loin de l’image de braqueurs non violents et improvisateurs qu’ils ont tenté d’imposer pendant les débats. Le verdict était attendu dans la nuit.

Frédéric G., 34 ans, avait décidé d’aller jusqu’au bout, alors que le bureau de poste était encerclé par la police, alertée par un système de sécurité. Il avait pris la fuite en emmenant avec lui les otages dans une folle course-poursuite jusqu’à Paris. Pris en chasse par les policiers, il a tenté de trouver refuge dans un hall d’immeuble du XIXe arrondissement fermé par une solide porte rouge. Rouge comme l’enfer que pressentait le guichetier en voyant la porte se refermer doucement derrière lui, son collègue chef de caisse et le preneur d’otage, bloquant bientôt les policiers impuissants à l’extérieur. Mais une fonctionnaire d’Argenteuil a pu tirer avec son flashball juste avant la fermeture et permis la libération des otages. L’autre braqueur, Donatien B., 41 ans, sera arrêté dans le bureau de poste.

« J’ai vécu les faits un peu à distance. Est-ce qu’il n’y aura pas de contrecoup ? Je ne sais pas. J’essaye de composer avec ce qui s’est passé. Je me dis que la vie continue, qu’il s’agissait d’une péripétie, même si ce n’est pas un fait banal. » Devant la cour, le guichetier, partie civile, explique tenir le coup. « Je ne veux pas m’enfermer dans ce faits divers et ne penser qu’à cela. Je veux passer à autre chose. Heureusement, on ne se fait pas braquer tous les jours. Toutefois, au quotidien, au niveau des consignes de sécurité, on y pense plus que nos collègues qui n’ont jamais vécu cela. On est plus attentif, encore plus scrupuleux, parce qu’on n’a pas envie de revivre cela. » Son avocat, Me Stéphane Maugendre, corrige néanmoins lors de sa plaidoirie : « Il fait bonne figure, dit-il aux jurés, mais cela restera un cauchemar. La froideur du canon sur la tempe, jamais il ne l’oubliera. Les serflex sur ses chevilles et ses poignets, il les sentira toujours. » Il reprend enfin les termes de l’expert psychologue : « Les blessures psychiques saignent encore. »

La seconde victime n’a pas trouvé la force de venir à l’audience expliquant dans un courrier au président que « croiser le regard de ses agresseurs et revivre les faits lui étaient psychologiquement impossible dans l’immédiat ». Il s’agissait alors de son 4e braquage. Le bureau d’Orgemont était aussi maudit : objet de neuf braquages dont quatre au cours de cette année-là, il n’a depuis les faits jamais rouvert, les employés dénonçant l’insécurité des locaux.

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