Archives de catégorie : droit des étrangers

Des associations poursuivies par le parquet

La Marseillaise, 07/01/2016

Les responsables de l’association de soutien aux immigrés Gisti, du Syndicat de la magistrature (SM) et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ont été renvoyés en procès par le parquet de Paris pour avoir critiqué une décision de justice visant un mineur étranger. « Les dieux sont tombés sur la tête ! Ce délit n’est absolument jamais poursuivi », a dénoncé le président du Gisti, Stéphane Maugendre. Le procès est prévu pour le 6 mai. Ce délit est puni de six mois de prison et 7 500 euros d’amende.

A l’origine de l’affaire, un arrêt de mars 2015 de la cour d’appel de Paris refusant une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n’était pas établie ». Les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi tordre le droit »

« On veut faire taire un certain nombre d’associations qui pointent du doigt la manière dont le milieu judiciaire et l’aide sociale à l’enfance traitent les mineurs isolés étrangers », dénonce M. Maugendre. Selon lui la décision du parquet n’aura pour effet que de « donner de l’écho à un communiqué qu’aucune agence de presse, ni radio, ni télé n’avait repris. »

Le Gisti, le SM et la LDH en procès pour avoir critiqué une décision de justice

AFP, 06/01/2016

Les responsables de l’association de soutien aux immigrés Gisti, du Syndicat de la magistrature (SM) et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ont été renvoyés en procès par le parquet de Paris pour avoir critiqué une décision de justice visant un mineur étranger, a appris mardi l’AFP de sources concordantes.

« Les dieux sont tombés sur la tête ! Ce délit n’est absolument jamais poursuivi », a dénoncé le président du Gisti, Stéphane Maugendre, à l’AFP.

Le procès est prévu le 6 mai.

A l’origine de l’affaire, un arrêt de mars 2015 de la cour d’appel de Paris refusant une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n’ (était) pas établie », selon l’arrêt rendu public par les organisations.

Selon l’arrêt, l’extrait d’acte de naissance et la carte d’identité attestant de sa minorité étaient « considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire », mais des interrogations subsistaient aux yeux des magistrats.

Les magistrats avaient demandé en vain des tests osseux, très critiqués par les associations. Ils estimaient que des « éléments extérieurs » comme « son allure et son attitude » venaient contredire les documents du jeune homme.

Dans un communiqué, les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi, tordre le droit », dénonçaient la LDH, le SM et le Gisti.

Un magistrat du parquet général de Paris avait signalé le texte et une enquête avait été ouverte. Le parquet de Paris a finalement cité à comparaître les responsables de l’association, estimant que les auteurs du texte avaient « cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance », a indiqué à l’AFP une source judiciaire. Ce délit est puni de six mois de prison et 7.500 euros d’amende.

« On veut faire taire un certain nombre d’associations qui pointent du doigt la manière dont le milieu judiciaire et l’aide sociale à l’enfance traitent les mineurs isolés étrangers », a dénoncé M. Maugendre.
Selon le président du Gisti, la décision du parquet n’aura paradoxalement pour effet que de « donner de l’écho à un communiqué qu’aucune agence de presse, ni radio, ni télé n’avait repris ».

Procès délit de solidarité à Nice : un verdict peu courageux et dangereux

langfr-280px-Logo-crieur.svgRéseau Education sans Frontières, 23/12/ 2015

La suppression du délit de solidarité était l’une des très rares promesses que Hollande avait fait mine de tenir. La condamnation de Claire Marsol à Nice «coupable» d’avoir aidé deux tout jeunes Erythréens montre que, finalement, les engagements de Hollande dans ce domaine ne valent pas plus que dans les autres.

Claire Marsol, maître de conférences en retraite et militante de l’association Habitat et Citoyenneté, a été condamnée le 13 décembre 2015 par le tribunal correctionnel de Grasse à 1500 € d’amende pour « aide directe ou indirecte à l’entrée, la circulation, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

Le 13 juillet dernier, alors que la police de M. Cazeneuve accomplissait sa noble mission de refoulement des réfugiés débarqués en Italie et se présentant à la frontière pour poursuivre leur exode vers l’Europe du nord, des militants d’associations de défense des droits de l’Homme étaient en gare de Nice pour observer les policiers contrôlant les voyageurs au faciès, leur demandant leurs papiers, leur interdisant l’accès aux trains et, parfois, déchirant leurs billets SNCF.

Vers 10 heures, un garçon de 15 ans, Erythréen, contrôlé et refoulé s’adressait à Claire, lui disant « Paris !» « Paris !». Une jeune femme de 22 ans se joignait à lui. Claire les prenait dans sa voiture et les conduisait à la gare d’Antibes, moins surveillée espérait-elle.

Mais, alors qu’elle montrait aux deux jeunes gens comment composter leurs billets, elle était repérée et dénoncée –oui, dénoncée—par un employé de la SNCF. Les trois « délinquants » étaient embarqués, menottes aux poignets. Claire allait subir 24 heures de garde à vue, une perquisition de son domicile puis une mise en examen.

Remise en liberté, la jeune Erythréenne reprenait immédiatement sa route vers le nord. Confié à l’ASE, le garçon de 15 ans fuguait rapidement pour, lui aussi, tenter de retrouver les siens. Des faits qui témoignent du gâchis matériel et moral que constitue la politique du gouvernement français…

Six mois plus tard, le 18 décembre, Claire Marsol comparaissait devant le tribunal correctionnel de Grasse qui n’a probablement rien de mieux à faire. Plus d’une centaine de personnes solidaires et de militants associatifs remplissaient la grande salle d’audience, surveillés par des dizaines de policiers le casque au côté. Hautain, cassant, sarcastique avec des prévenus sans beaucoup de défense, le président Alexandre Julien se montrait dès les premières affaires tel qu’en lui-même, hélas.

Face à Claire Marsol, son parti est pris dès le début : « Vous savez que la police contrôle les migrants et c’est sciemment que vous vous opposez à ces contrôles ». « Au moindre bruit, je n’hésiterai pas à faire évacuer la salle ! » clame-t-il quand une rumeur accueille son affirmation mensongère selon laquelle les mineurs isolés étrangers sont tous pris en charge par l’ASE. Un avertissement qu’il renouvellera au moment de rendre sa décision. Ni la revendication des faits par l’accusée, ni le témoignage de Stéphane Maugendre, président du GISTI qui rappelle les épisodes de la lutte contre le délit de solidarité jusqu’à la loi du 31 décembre 2012 censée le supprimer, ni celui d’Hubert Jourdan, le président d’Habitat et Citoyenneté, plusieurs fois grossièrement interrompu, n’ébranlent la conviction affichée du président : « La politique migratoire n’est pas dans le débat » et « Vous empêchez la police de faire son travail ».

Un boulevard ouvert pour le procureur qui reprend et développe les arguments suggérés par le président et, pour finir, demande une condamnation à 2000 € d’amende… avec sursis.

Décision du tribunal en forme de minable diminution des tarifs : 1500 € d’amende ferme avec un rabais de 20% si elle est réglée dans le mois.

Avec ou sans sursis, cette condamnation est évidemment inacceptable dans son principe… comme le reconnaissent sans s’en rendre compte et le procureur et le président Julien. Elle est aussi le témoignage d’une certaine pleutrerie. En effet, s’ils considèrent, comme tous leurs discours au long de l’audience tendaient à le démontrer, que Claire Marsol joue le même rôle que les passeurs… il fallait trouver le courage de lui infliger une vraie condamnation et pas une peine ridicule avec sursis ou une amende ferme et minable qu’une simple collecte à la sortie du tribunal aurait permis de payer avec intérêts. Ou alors, avoir la volonté de rendre vraiment la justice et la relaxer en affirmant publiquement, comme le demandait son avocate Sarah Benkemoun, que par ses actes, Claire Marsol a veillé à préserver la dignité de ceux qu’elle a aidés mais aussi de tous. Le tribunal s’est dérobé et a préféré se réfugier dans une peu glorieuse condamnation au rabais.

Bien entendu, l’affaire n’est pas close. Sur le plan juridique, il y aura appel. Mais elle va bien au-delà. La suppression du délit de solidarité était l’une de ses très rares promesses que Hollande ait tenue… avec les limites que l’on voit !

La condamnation des délinquants de la solidarité était intolérable sous Sarkozy. Elle l’est tout autant sous Hollande. Avec, en prime, le goût amer d’avoir été floué.

Richard Moyon, Militant RESF

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Une bénévole condamnée pour «délit de solidarité» avec les migrants

langfr-280px-Logo-crieur.svg Michaël Haidenberg, 22/12/2015

Le délit de solidarité , qui consiste à aider des migrants dans le besoin, n’est pas mort, contrairement à ce qu’avait annoncé Manuel Valls en 2012. Une bénévole vient d’être condamnée à Grasse pour avoir tenté d’aider deux Érythréens. Ailleurs en France, les poursuites se multiplient.

Depuis 2012, on croyait le « délit de solidarité » enterré. Vendredi , il a pourtant resurgi du passé : Claire , une militante de 72 ans , a été condamnée pour avoir aidé en juillet des migrants érythréens à voyager. Le tribunal de grande instance de Grasse l’a condamnée à 1 500 euros d’amende, au grand dam d’associations d’aide aux étrangers d’autant plus inquiètes que d’autres cas de poursuites judiciaires ont émaillé l’année 2015. Ainsi, le 14janvier prochain, ce sera au tour d’un Anglais de comparaître devant le tribunal de Boulogne- sur-Mer, pour avoir voulu venir au secours d’une enfant de 4 ans résidant dans la jungle de Calais. Est-ce le signe d’un retour en arrière ? Ou faut-il parler de circonstances bien particulières ?

L’enjeu est hautement symbolique. En septembre 2012, Manuel Valls avait annoncé la suppression de ce délit qui permettait de poursuivre toute personne ayant « tenté ou facilité » le séjour d’étrangers en situation irrégulière en France : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable », expliquait celui qui était alors ministre de l’intérieur.

Ce « délit de solidarité », une expression inventée par des défenseurs des étrangers, avait connu un pic de notoriété en 2009 avec la sortie du film Welcome gui contait l’histoire d’un maître nageur souhaitant aider un jeune Afghan à rejoindre l’Angleterre par la nage, et dont les projets se trouvaient contrariés par la police.

La loi du 31 décembre 2012 n’a cependant pas tout réglé, comme le montre la condamnation de Claire. Ancienne maître de conférences en chimie , cette retraitée de 72 ans est bénévole au sein de l’association « Habitat et citoyenneté », une association d’aide aux migrants en situation précaire. Le13 juillet, elle se trouve avec d’autres militants en gare de Nice , pour traquer les contrôles au faciès effectués par la police. Elle y rencontre un mineur Érythréen de 15 ans, en provenance de Vintimille, sans argent, qui ne parle pas français, et qui lui dit seulement « Paris ». Puis, sur le parvis de la gare, elle fait la connaissance d’une autre Érythréenne, âgée de22 ans, munie d’un billet de train pour la capitale.

Tous deux font face à des policiers qui veulent visiblement les empêcher de voyager. «Après en avoir parlé avec un ami,j’ai décidé de les emmener à Antibes, où je pensais qu’il y aurait moins de policiers », raconte-t-elle. Peine perdue : un agent de la SNCF les repère, alerte la police. Claire refuse de présenter ses papiers d’identité (« c’est peut-être le seul tort que j’ai eu, mais je ne le regrette pas »). Elle est menottée , son téléphone confisqué ; fouillée, elle est placée en garde à vue pendant 24 heures, et le lendemain, elle est conduite menottes aux poignets dans son immeuble où son appartement est perquisitionné. Puis elle est convoquée au tribunal pour avoir «facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

L’article L622-1 est en effet toujours en vigueur : il prévoit qu’aider des sans-papiers est passible de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. L’article L622-4 a cependant été ajouté en 2012, et il prévoit des exemptions. Pour ne pas être condamné , il faut d’abord n’avoir touché aucune contrepartie , notamment financière. Aucun doute sur ce point : Claire, chez gui on n’a pas retrouvé d’argent en liquide, n’a jamais été un passeur.Juste une bénévole.

Pour être considéré comme innocent, il faut cependant remplir une seconde condition sur le type d’aide apporté. Le texte de loi «précise» qu’il faut avoir fourni « des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

Avoir conduit ces Érythréens à la gare relève-t-il d’une « aide visant à préserver leur dignité ou leur intégrité physique » ? Non, à en croire le tribunal de Grasse, qui reproche à Claire d’avoir soustrait ces migrants à un contrôle de police. Oui , selon son avocate , Me Sarah Benkemoun, qui fait appel du jugement car elle estime que ce n’est pas la question : sa cliente a empêché un mineur et une jeune femme de se retrouver en détresse , dans la rue , dans une ville qui leur était inconnue. Elle a voulu les aider à rejoindre leur famille à Dijon et Paris.

« Ils étaient en danger. Elle a eu une démarche humanitaire. Elle n’a pas aidé des fugitifs, elle ne leur a pas fabriqué de faux documents, elle ne les a pas cachés. Ils auraient d’ailleurs pu rejoindre Antibes par leurs propres moyens. Mais dans le contexte actuel, entre les attentats de Paris et les élections, plaider la solidarité n’est visiblement pas aisé. »

Claire ne comprend pas plus la décision : « Depuis 2009,j’aide des étrangers. J’ai déjà hébergé chez moi des Géorgiens, Érythréens, Soudanais, Tchadiens, et cela ne pose visiblement pas de problème. Quand j’aide un sans-papiers à se soigner et que je le conduis à l’hôpital, on me félicite. Et là, on me condamne. Ces Érythréens se sont finalement retrouvés dans la rue, on a perdu leur trace, alors qu’ils cherchaient juste à rejoindre leur famille. Tout ça pour ça. »

«Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible »

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), estime que « toute l’ambiguïté du texte de loi » éclate au grand jour. Tous les six ans, note-t-il, le délit de solidarité réapparaît. 1997 : condamnation de Jacqueline Deltombe , coupable d’avoir prêté les clefs de son appartement à un sans-papiers. 2003 : fortes mobilisations contre le projet de Sarkozy de durcir les peines encourues. 2009 : des condamnations mènent à un affrontement dur entre les militants et le ministre Éric Besson. Et maintenant 2015, avec, faute de suppression , un danger qui renaît.

Camille Six, juriste à la PSM (Plateforme de service aux migrants), estime que la loi, sujette à interprétation, l’oblige à prévenir les bénévoles : «Attention ! Ralliez-vous aux réseaux d’hébergements existants plutôt que de vous lancer seuls dans l’aventure. Car cette activité de soutien n’est pas sans risque. »

Ces ambiguïtés donnent lieu à des interprétations différentes selon les juridictions, et parfois jusqu’au sein des tribunaux. À Perpignan, Denis a hébergé à son domicile une famille arménienne (avec deux enfants de 3 et 6 ans), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Pendant ses 36 heures de garde à vue, il fut demandé à Denis : « Qui faisait la vaisselle ? » Sa réponse a fourni l’occasion d’un procès, au motif que les migrants versaient une contrepartie : ils « participaient aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».

Le 15 juillet, jour du procès, le procureur de la République de Perpignan est cependant venu en personne à l’audience pour demander la relaxe de Denis. Mais l’absence de condamnation ne signifie pas que ce type d’affaire ne laisse pas de trace. Les bénévoles, angoissés, savent qu’ils peuvent être poursuivis, longuement interrogés, ignorent au bout de combien de temps ils seront relâchés. Camille Six va jusqu’à parler d’un « harcèlement moral » des militants.

Rob Lawrie en a fait les frais. Cet ancien soldat britannique de 49 ans, père de quatre enfants, a tenté de faire passer clandestinement la frontière à Bahar, une enfant afghane de 4 ans. Il comparaîtra le 14 janvier devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer où il encourt lui aussi une peine de cinq ans de prison pour cet acte qui, selon son avocate, Me Lucile Abassade, relève pourtant de «l’aide humanitaire».

Rob, qui habite près de Leeds, connaît bien la jungle de Calais. Après avoir vu les images dans la presse du corps d’Aylan Kurdi, l’enfant syrien échoué sur une plage turque, il a décidé de faire régulièrement l’aller-retour pour aider les étrangers qui y résident : il a créé un groupe d’entraide pour récolter des vêtements et de la nourriture. Sur place, il aidait à construire des cabanes. Sur sa page Facebook, il a posté une vidéo de ce qu’il y a vu.

Il y a fait la connaissance de Bahar et de son père. À la presse britannique, il a raconté : « Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible. Les conditions étaient horribles. Cela m’a rappelé des décharges de Bombay. Et quand vous avez vu ce que j’ai vu, toute pensée rationnelle sort de votre tête. »

Son avocate détaille : « Fin octobre, il y avait une grosse vague de froid, ils étaient au milieu du bois, dans la misère. Le père de Bahar a demandé à Rob de bien vouloir emmener son enfant chez sa tante, en Angleterre. Rob a ressenti une forme d’urgence et il a craqué. »

Rob a caché la petite fille dans un des compartiments de stockage de son van, au-dessus du siège du conducteur. Mais des chiens renifleurs ont détecté deux Érythréens cachés, à son insu , à l’arrière de sa camionnette. Bahar a été découverte et Rob Lawrie arrêté. Il a prévenu : «Je m’excuserai devant le juge. Je ne dis pas : « Hé, regardez-moi, je suis un héros »,je dis : « J’ai pris la mauvaise voie, trouvons la bonne ». »

À Calais, il n’est pas le seul à venir au secours des étrangers. « Si on poursuivait tous les gens qui aident les étrangers, les tribunaux seraient pleins », explique Me Marie-Hélène Calonne, avocate spécialiste du droit des étrangers à Boulogne-sur-Mer.

Cela n’empêche pas la police de mener la vie dure à certains militants, parfois en contournant le délit de solidarité. À Calais, un arrêté interdit aux militants de s’arrêter sur le chemin des dunes, le chemin qui conduit de la ville à la plateforme Jules-Ferry. Les policiers laissent les bénévoles entrer, et une fois qu’ils stationnent, ils leur collent des PV, racontent plusieurs associations présentes sur place.

À Norrent-Fontes, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ont été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel. Les membres de l’association Terre d’errance ont voulu le reconstruire. Le maire leur a opposé le droit de l’urbanisme , qui ne posait pourtant pas de problème auparavant. Suite à deux plaintes de la mairie, ils ont été poursuivis par le procureur de Béthune pour construction illégale sur un terrain municipal ; ils encourent 3 mois de prison et 75 000 euros d’amende. Pire : à défaut de pouvoir continuer à construire, les militants ont posé une toile protégeant les migrants de la pluie. Nouvelle plainte et convocation au commissariat. « Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! », dénonce le Gisti.

Offrir une toile ou un toit n’est donc plus une sinécure. À Dijon , un militant de la Ligue des droits de l’homme a été poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers. Et le curé de Montreynaud (Saint-Étienne), pour avoir hébergé des sans-papiers dans un lieu de culte qui n’offrait pas toutes les conditions requises en matière d’hygiène et de santé publique.

Léopold Jacques, lui, après avoir été condamné en première instance, a fini par obtenir gain de cause devant la cour d’appel de Rouen. Celle-ci a estimé que ce bénévole à la Croix-Rouge et membre de France Terre d’Asile ne pouvait être condamné pour avoir aidé une Congolaise en 2011 : il avait fourni à cette femme malade des attestations d’hébergement pour qu’elle puisse bénéficier de soins médicaux en France. Léopold jacques, 70 ans, croyait en avoir enfin fini avec la justice. Le parquet a toutefois décidé de se pourvoir en cassation.

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Solidarité. Au tribunal pour avoir aidé deux exilés

newlogohumanitefr-20140407-434Emilien Urbach, 18/12/2015

Rebecca Marshall/LAIF-REA
Rebecca Marshall/LAIF-REA

Une citoyenne solidaire des réfugiés bloqués à la frontière franco-italienne comparaît aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Grasse pour avoir transporté dans son véhicule deux jeunes Érythréens. Des militants venus de toute la France viennent témoigner de leur solidarité.

Elle a voulu aider deux jeunes réfugiés. Elle doit en répondre devant la justice ! À 72 ans, Claire, maître de conférences à la retraite, comparaît aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Grasse. Sa faute ? Avoir transporté dans son véhicule deux jeunes Érythréens, de la gare de Nice jusqu’à celle d’Antibes (Alpes-Maritimes), afin qu’ils puissent prendre le train. Un geste anodin qui lui vaut d’être poursuivie pour, selon l’acte d’accusation, avoir « facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France »… En clair, d’être un passeur.

L’affaire s’est déroulée le 13 juillet dernier. Avec une vingtaine d’autres personnes, Claire, qui milite à Habitat et citoyenneté, une association d’aide aux migrants en situation précaire, est venue à la gare de Nice prêter main-forte. Et constater surtout les irrégularités commises par les forces de l’ordre à l’encontre des réfugiés, depuis la fermeture de la frontière franco-italienne, le 9 juin. De nombreuses associations témoignent en effet de contrôles au faciès systématiques à l’intérieur des trains reliant Vintimille à la France et d’expulsions, dont de nombreux mineurs isolés, vers l’Italie, en dehors de tout cadre légal.

« Je suis arrivé à la gare de Nice, à 11 heures, explique Hubert Jourdan, militant également à Habitat et citoyenneté et témoin au procès. Claire était devant les bureaux de la police aux frontières en compagnie d’un jeune Érythréen de 15 ans et d’une jeune femme à peine plus âgée. Lui voulait se rendre à Dijon et elle à Paris. Nous étions rentrés en contact avec des connaissances qu’ils avaient sur place. Bien qu’ils aient tous les deux leur titre de transport, la PAF leur a interdit d’accéder au train. On a alors décidé que quelqu’un devait les accompagner à la gare d’Antibes. » Claire se porte volontaire et fait monter les deux personnes en quête de refuge dans sa voiture. Vingt minutes plus tard, arrivée à Antibes, la police l’arrête. Après un rapide contrôle d’identité, elle est sortie du véhicule, menottée et conduite dans un commissariat de Nice. Peu après, on l’accompagne chez elle, bracelets métalliques toujours aux poignets, pour y mener une perquisition. Rien. Retour à la capitale azuréenne où elle passe 24 heures enfermée dans une des sordides cellules de la caserne Auvare… Elle en ressort avec une convocation au tribunal.

Pour Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, cette affaire est « le signal que Manuel Valls a menti quand il affirmait que le délit de solidarité n’aurait plus court en France ». Appelé aussi à témoigner à la barre du tribunal, l’avocat compte y faire l’historique des faits qui a mené à la modification, par la loi du 31 décembre 2012, du Code des étrangers. Le texte, depuis, permet à la justice de faire la distinction entre un trafiquant qui s’enrichit sur la détresse d’un réfugié et un citoyen solidaire qui tend la main à son semblable. « La comparution de Claire est donc injustifiée au regard de la loi », souligne aussi Me Sarah Ben Kemoun, chargée de défendre la militante. Une quinzaine d’associations et syndicats se sont également donné rendez-vous à Grasse pour exprimer leur consternation. « Nous sommes des centaines à quotidiennement venir en aide à des réfugiés, rappelle Stéphane Maugendre. Si nous le faisons, c’est parce que l’État est totalement défaillant quant à l’accueil des étrangers. » Pas pour s’enrichir sur le dos des exilés.

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Calais «Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?»

logo-liberation-311x113 20/10/2015

Cinéastes, écrivains, musiciens, comédiens… Quelque 800 artistes et intellectuels français en appellent au gouvernement pour que les réfugiés soient traités dignement.

Photo Denis Charlet. AFP
Photo Denis Charlet. AFP

«Depuis des semaines, de nombreuses associations sur le terrain cherchent à alerter l’opinion publique sur les épouvantables conditions de vie réservées aux migrants et aux réfugiés de la jungle de Calais. Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?

«Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire « un appel d’air » envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. Celles-ci sont admirables mais ne peuvent pas tout. Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui, même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale. La spirale du pire est amorcée. Les discours réactionnaires ou fascisants ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse. Aujourd’hui leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français.

«Cette mise en concurrence des indigences est ignoble. Elle nous habitue à l’idée qu’il y aurait des misères défendables et d’autres non. Elle sape les fondements des valeurs constitutives de la France. Elle nie notre humanité commune. Elle nous prépare au pire. Alors que ce sont, précisément, ces mêmes associations, ces mêmes bénévoles, ces mêmes hommes et femmes de bonne volonté qui nous alertent aujourd’hui sur Calais et qui agissent depuis des années à panser toutes les misères de France. Alors que ce sont, précisément, les mêmes hommes et femmes politiques, ou les mêmes discours qui attisent le feu en soufflant sur les braises des divisions mortifères, qui, par leur action ou leur manque d’action politique, accentuent la pauvreté des plus pauvres et sont incapables de lutter efficacement contre le mal-logement ou la misère alimentaire. Aujourd’hui nous avons décidé de prendre la parole tous ensemble pour dire non à la situation réservée à ceux qui sont actuellement les plus démunis de droits en France : les exilés de Calais. Au nom de nos valeurs communes d’asile et d’universalisme. Et parce que nous serons plus forts demain pour nous battre ensemble contre les autres formes d’injustices et de misère. Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve.»

L’appel est à signer sur Change.org

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Droit de critique : pas de sanctuaire pour la justice !

newlogohumanitefr-20140407-434 11/10/2015

Quand la critique d’une décision de justice dérange… faut-il museler ses auteurs ?
C’est la voie dans laquelle le procureur de la République de Paris semble vouloir s’engager en ouvrant une enquête préliminaire visant à établir si, en critiquant publiquement un arrêt de la Cour d’appel de Paris, la Ligue des droits de l’homme, le Gisti et le Syndicat de la magistrature ont « cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance » comme le prévoit l’article 434-25 du code pénal.
Si cette enquête devait aboutir à des poursuites, il reviendrait alors au tribunal correctionnel de dire si « l’autorité de la justice » a été atteinte par un communiqué de presse dénonçant la décision de la cour qui, pour refuser à un jeune étranger la protection due à tout enfant en situation de danger, a préféré se fier aux apparences plutôt que d’appliquer le code civil. Et qui, alors que ce jeune était titulaire de documents d’identité reconnus authentiques par le bureau de la fraude documentaire, l’a pourtant soumis à une expertise osseuse, pour finalement, l’expertise n’ayant pu avoir lieu, le déclarer majeur.
Faut-il comprendre que l’autorité de la justice serait brusquement devenue si fragile qu’elle doive menacer de poursuites les organisations qui, pour dénoncer les effets délétères de la défiance envers les étrangers, rappellent les exigences du droit ?
Nous mettons au crédit de la justice sa capacité à se nourrir de la critique, à y résister souvent, à s’en inspirer parfois ! Et à ne pas se réfugier dans le confort illusoire de la pénalisation des expressions qui la dérangent.
En assumant les désagréments que lui vaut la liberté, essentielle, de l’expression critique, la justice sortira grandie de l’impasse dans laquelle le procureur de la République la fourvoie.

Des Associations accusées de « discrédit d’une décision de justice »

logoParisien-292x75 Carole Sterlé, 10/10/2015

Alors que les décisions de Justice font actuellement l’objet de critiques acerbes quotidiennes, trois associations sont convoquées par la police pour « discrédit porté sur une décision de justice » (passible de six moi de prison et 7 500 € d’amende). En cause, un communiqué, cosigné le 15 mai dernier par le Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigré.e.s) la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et le Syndicat de la Magistrature, après une décision de la Cour d’Appel de Paris refusant une assistance éducative à un jeune malien, notamment parce que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » et qu’aucun test osseux n’avait été réalisé. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire. « On a l’impression de retourner dans les années 1990 quand Charles Pasqua accusait les associations de diffamation » a lâché hier Stéphane Maugendre , le président du Gisti, à sa sortie de deux heures d’audition. La LDH et le Syndicat de la Magistrature sont aussi convoqués.

⇒ Voir l’article

Le président du Gisti entendu par la police après avoir critiqué une décision de justice

AFP, ng/arb, 09/10/2015

Le président du groupe de soutien aux immigrés Gisti a été entendu vendredi par la police, qui l’a interrogé sur un communiqué critiquant une décision de justice concernant un mineur étranger, a-t-il annoncé à l’AFP.

« Le Gisti a été poursuivi il y a très longtemps, sous Pasqua. Si vous voyez ce que je veux dire », a commenté Stéphane Maugendre. « Je ne sais pas ce qui se joue derrière tout ça », a-t-il encore dit après son audition libre.

Des responsables de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et du Syndicat de la magistrature (SM), qui avaient cosigné ce texte, doivent être entendus à leur tour les 14 et 15 octobre, a poursuivi Stéphane Maugendre.

En cause, un arrêt de mars 2015 concernant la minorité d’un jeune Malien et l’octroi d’une assistance éducative. La cour d’appel de Paris estimait que « des éléments extérieurs (venaient) contredire les documents d’état civil produits, de sorte que la minorité » du jeune homme « n’est pas établie ». « Dès lors, il n’y a pas lieu à assistance éducative à son égard », prononçait l’arrêt, rendu public par les organisations.

Dans un texte intitulé « Mineurs isolés étrangers: les apparences pour preuves », les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi, tordre le droit », selon la LDH, le SM et le Gisti.

Estimant qu’il mettait violemment en cause une décision de justice et que cela constituait un délit, un magistrat du parquet général de la cour d’appel de Paris avait signalé le texte au parquet de Paris qui a ouvert le 13 juillet une enquête préliminaire confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne de la PJ parisienne (BRDP).

Une enquête ouverte sur la base de l’article 434-25 du code pénal qui réprime « le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement, par actes, paroles, écrits ou images » sur une décision de justice. Selon Stéphane Maugendre, « ce délit n’est jamais poursuivi ».

A l’issue de l’enquête préliminaire, le parquet de Paris peut décider d’ouvrir une information judiciaire confiée à un juge instructeur, de citer directement les protagonistes devant un tribunal ou de classer sans suite.

« Le communiqué de presse n’est pas violent. Il ne jette pas de discrédit sur tel ou tel magistrat ou sur la justice », a argumenté Stéphane Maugendre dont l’association souhaite la fin des tests osseux destinés à déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés, une problématique qui était au centre de l’arrêt de mars de la cour d’appel.

MIE : les apparences pour preuve : la suite

Suite à un Arrêt de la Cour d’Appel en date du 26 mars 2015, la LDH, le SM et le Gisti publie le 15 mai 2015 un communiqué de presse titré  « Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve ».

Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris décide de procéder à une enquête préliminaire et de faire interroger, par la police les président.e.s de ces 3 organisations du chef du délit de discrédit porté sur une décision de justice.

A ce titre, Stéphane Maugendre est convoqué  le 9 octobre 2015 par la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne (BRDP).