Archives de catégorie : violences policières

Quand le contrôle policier vire au drame, Argenteuil demande justice

  28/11/2011

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Photo : DR

Un rassemblement est prévu mardi soir, deux ans et demi après la mort d’Ali Ziri, 69 ans.

Alors que le procureur de la République de Pontoise doit rendre ses réquisitions à partir du 2 décembre, l’Association des Travailleurs Maghrébins de France organise mardi soir à 18 heures un rassemblement à l’angle des rues Jeanne d’Arc et Antonin-Georges Belin, à proximité de la mairie d’Argenteuil (Val d’Oise) en hommage à Ali Ziri, Algérien de 69 ans décédé après un contrôle policier qui a mal tourné. Elle demande que justice soit faite dans un dossier où figurent de nombreux manquements.

Insultes ou excès ?

Le 9 juin 2009, Ali Ziri, retraité de 69 ans, vivant en Algérie est en France comme souvent pour rendre visite à ses amis et sa famille. Il passe la journée avec son ami Azekri, 61 ans et handicapé à plus de 60%, avec qui il finit la journée dans un bar du quartier. Vers 20h30, alors qu’Azekri ramène Ali à son domicile, les deux hommes, éméchés (les analyses révèleront qu’Ali avait 2,4 grammes d’alcool par litre de sang) sont soumis à un contrôle de police mené par trois gardiens de la paix dont une femme. Le contrôle tourne mal. Les policiers affirment avoir été insultés et avoir pris alors la décision de conduire les deux hommes au commissariat, l’un pour conduite en état d’ivresse, l’autre pour outrage à agents de la force publique. Une heure et demie après son interpellation, Ali Ziri sera conduit à l’hôpital où il décèdera le lendemain à 7h30.

Menottés et laissés dans leur vomi

Entendu par la police, Azekri affirme avoir été « saisi par le poignet et entraîné à terre où il a reçu des coups de pieds et de poing, avant qu’un policier applique son pied sur sa tempe et qu’il perde connaissance ». Il ajoute que « lorsqu’il s’est réveillé, il était allongé sur le sol d’un véhicule de police » selon le rapport de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS). Les trois policiers indiquent eux que le conducteur a d’abord refusé l’éthylotest avant d’être conduit hors du véhicule. Ali, lui, aurait refusé de sortir de la voiture et  aurait ensuite insulté les policiers. Menottés et placés à l’arrière du véhicule de police, les deux sexagénaire sont alors conduits au commissariat. Selon les fonctionnaires, Azekri aurait craché à trois reprises sur le conducteur tandis qu’Ali tentait de donner un coup de tête à l’un d’entre eux. Arrivé au commissariat à 20H46, Azekri est pris en charge. La gardienne de la paix aurait en vain tenter de faire sortir Ali Ziri du véhicule et aurait appeler du renfort. « Ali a été expulsé du véhicule : on voit sur l’enregistrement effectué par la caméra de vidéosurveillance qu’il est dans un premier temps jeté au sol, puis saisi par les quatre membres, la tête pendante, sans réaction apparente, et emmené dans cette position à l’intérieur du commissariat selon la CNDS. Il a ensuite été emmené, soutenu par plusieurs fonctionnaires, en position allongée, jusqu’à l’intérieur du commissariat, où il a été posé au sol, les bras menottés dans le dos, comme Azekri ». La Commission affirme que les deux hommes seraient restés au sol, auraient vomi à plusieurs reprises, et que jamais les policiers ne leur auraient proposés de s’asseoir, les laissant dans leurs vomis. A 21h55, un fourgon conduira finalement les deux sexagénaires à l’hôpital. Ali n’en sortira jamais.

Les policiers jamais entendus

« Il y a eu trois juges d’instructions dans ce dossier et pourtant, il n’y a eu aucune mise en examen et aucun policier entendu,  c’est une honte! s’indigne Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri. Seule l’IGPN (police des polices, ndlr) a eu leur version des faits ». Maître Maugendre est convaincu qu’Ali, à son arrivée au commissariat, avait déjà perdu connaissance. « La CNDS comme la vidéo en atteste, quand il arrive, il ne peut peut se débattre, c’est un poids mort de 83 kilos selon les déclaration d’un policier. Comment a-t-il pu se débattre ? » s’interroge-t-il.

Technique du pliage

L’avocat est catégorique, les policiers ont utilisé la technique du pliage (l’individu est maintenu de force la tête penchée jusqu’à toucher ses genoux, dans une position qui coupe le souffle et l’empêche de respirer et donc de crier) à l’égard d’Ali Ziri. « Les fonctionnaires l’ont reconnu, pourtant, cette technique a été interdite en 2006 suite au décès d’un homme dans un avion à Roissy en 2003, rappelle  Me Maugendre. Une note avait alors été envoyée aux policiers pour leur interdire de pratiquer cette méthode ». L’avocat ajoute qu’un des rapports d’expertise confirme un arrêt cardiaque dû à une absence d’oxygène elle-même conséquente à un appui sur le dos et sur la face. « Il y a plusieurs hématomes, dont un de 17 cm sur le dos ! indique l’avocat. Les gestes portés à Ali Ziri n’ont pas été appropriés compte tenu de son état et de son âge. Quand un individu meurt alors qu’il est sous la protection de la police, toute la lumière doit être faite. L’instruction doit maintenant aller jusqu’au bout ». Si le procureur prononce un non lieu, l’avocat de la famille Ziri, Maître Stéphane Maugendre, annonce d’ores et déjà qu’il fera appel et qu’il n’hésitera pas par la suite à aller en cassation et devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’il le faut.

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Affaire Ali Ziri : vers un non-lieu très contesté

Accueil Ixchel Delaporte, 29/11/2011

Malgré les preuves accréditant la bavure policière, la justice semble pressée de refermer le dossier sur la mort de ce retraité algérien.

L ’affaire Ali Ziri se terminera-t-elle par un non-lieu ? C’est ce que redoute son collectif de soutien, qui ne cesse depuis deux ans de réclamer justice pour cet Algérien mort deux jours après un contrôle de police. Que s’est-il passé le soir du 9 juin 2009 ? Ali Ziri, retraité algérien, âgé de soixante-neuf ans, et son ami Arezki Kerfali, soixante et un ans, sont interpellés au volant de leur voiture par la police nationale d’Argenteuil. Le contrôle, plus que musclé, par trois policiers, conduit les deux hommes au commissariat. C’est pendant ce trajet que les choses tournent mal.

Pour Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri, c’est la technique policière du pliage, consistant à plaquer le torse du prévenu sur ses genoux en exerçant une pression « qui est à l’origine de l’asphyxie ayant conduit au décès d’Ali Ziri ». Une technique pourtant interdite depuis la mort en 2003 d’un jeune éthiopien expulsé par la police aux frontières. À cela s’ajoutent les conclusions de l’autopsie de l’institut médico-légal de Paris, rendues le 24 juillet 2009, relevant l’existence de 27 hématomes sur le corps de M. Ziri.

Malgré le témoignage récent d’un jeune homme en garde à vue, à charge contre les policiers et publié par le site Mediapart le 25 novembre dernier, l’enquête n’a pas avancé d’un iota. L’instruction, close depuis le 2 septembre 2011, n’a reçu aucun des policiers impliqués dans l’affaire. « Pire encore, s’emporte Arezki Semache, membre du collectif de soutien, tous les actes demandés par les avocats de la famille, comme l’audition des témoins et des policiers par un juge d’instruction et la reconstitution des faits, ont été refusés par le procureur de la République de Pontoise. » Ce dernier doit rendre ses réquisitions le 2 décembre. Le collectif de soutien à Ali Ziri organise, aujourd’hui à 18 heures, un rassemblement sur le lieu de l’interpellation d’Ali Ziri, à Argenteuil.

Argenteuil: soupçon de bavure policière

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Un rapport de la commission nationale de déontologie de la sécurité relance la thèse de la bavure policière après la mort d’Ali Ziri en juin 2009, révèle France Info.

L’homme, âgé de 69 ans, avait été arrêté avec son ami Arezki Kerfali, 61 ans, le 9 juin à bord de leur véhicule, à Argenteuil. Selon le collectif de soutien « Vérité et justice », les deux hommes auraient subi des coups de la part des policiers. Ils avaient ensuite été transportés à l’hôpital d’Argenteuil, où M. Ziri était décédé. Vingt-sept hématomes avaient été relevés sur son corps, le plus long mesurait 17 centimètres.

Une première autopsie conclut à une crise cardiaque due à un fort taux d’alcoolémie, une conclusion que contredit un nouveau rapport de la commission nationale de déontologie de sécurité. Le traitement reçu par Ali Ziri après son arrestation a été particulièrement violent, rapporte le rapport, qui s’appuie sur des images de vidéo surveillance. On y voit en effet Ali Ziri être expulsé du véhicule de police, jeté au sol, menotté, allongé par terre la tête dans le vomi.

La commission de déontologie réclame des sanctions à l’encontre des policiers visibles sur les vidéos. Arezki Kerfali doit quant à lui comparaître devant le tribunal en 2011 pour outrage à agent.

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Soupçon de bavure policière au commissariat d’Argenteuil

  Pauline Fréour, 25/06/2010

Un sexagénaire, couvert d’hématomes, était mort deux jours après son arrestation en juin 2009. La commission nationale de déontologie de la sécurité réclame des sanctions contre les policiers présents ce soir-là.

Les images tournées par la caméra de surveillance de la cour du commissariat d’Argenteuil (Val d’Oise), visionnées par la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), montrent Ali Ziri se faire jeter à terre, menotté. Il serait ensuite resté une heure allongé par terre dans le commissariat, la tête dans son vomi, avant d’être conduit à l’hôpital. Cet homme de 69 ans, arrêté le 9 juin 2009 pour un contrôle routier en compagnie d’un ami, est mort deux jours plus tard. Sur son corps, 27 hématomes ont été relevés, dont un long de 17 cm.

La première autopsie conduite en juin après le décès avait écarté la possibilité qu’un traumatisme ait entraîné la mort. Mais un mois plus tard, un juge d’instruction est saisi de l’affaire et une seconde autopsie relève un plus grand nombre d’hématomes. Les conclusions évoquent «la mort par anoxie, c’est-à-dire manque d’oxygène», expliquait alors Me Sami Skander, l’avocat de la famille Ziri.

«La responsabilité d’un policier»

Près d’un an après les faits, la CNDS, autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect de la déontologie des policiers et gendarmes, publie un rapport «accablant» sur le déroulement du drame, rapporte France Info, qui a pris connaissance du document. Au point de réclamer des sanctions contre les policiers visibles sur les vidéos et les agents présents au commissariat.

«C’est une bavure policière, affirme Me Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri, au micro de la radio. Je pense très sincèrement qu’ils n’ont pas voulu la mort de monsieur Ali Ziri, mais je pense que l’ensemble des hématomes et le décès qui s’en est suivi est de la responsabilité des policiers ou d’un policier, et que c’est donc une bavure».

Une interpellation «un peu musclée»

Secrétaire du syndicat Alliance-police nationale du Val d’Oise, Ludovic Collignon rappelle de son côté qu’Ali Ziri «était très saoul» lors de son arrestation et qu’il a fallu le sortir du véhicule de force. «Ca a été un peu musclé. L’interpellation, déjà, ne s’est pas passée dans la douceur, puis, au commissariat, ils ont dû s’y mettre à plusieurs pour l’extraire du véhicule, explique-t-il au figaro.fr. Vous savez, quand vous tenez quelqu’un par le bras de manière un peu ferme, sa peau marque, ça fait un hématome. Mais mes collègues nient formellement avoir porté des coups à M. Ziri, et les vidéos ne montrent par qu’il a été frappé ! Quant à sa position allongée au sol, c’était pour éviter qu’il ne s’étouffe dans son vomi car il était trop saoul pour tenir sur une chaise». Ludovic Collignon souligne également que l’interpellé «était conscient quand il a été conduit à l’hôpital» où «l’infirmière n’a même pas jugé utile qu’il soit vu par un médecin tout de suite».

Samedi soir, une centaine de personnes se sont réunies à Argenteuil à l’initiative du collectif Vérité et justice en mémoire du défunt, rapporte Le Parisien daté du 21 juin. Arezki Kerfali, l’ami d’Ali Ziri arrêté en même temps que lui, doit quant à lui comparaître devant le tribunal en 2011 pour outrage à agent.

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Décès suspect d’un Algérien de 69 ans

Un juge d’instruction a été saisi début juillet et une nouvelle autopsie réalisée dans l’affaire du décès le 9 juin d’un Algérien de 69 ans qui avait été arrêté par la police à Argenteuil, a-t-on appris de source judiciaire.

Après le décès d’Ali Ziri, une enquête avait été confiée au commissariat d’Argenteuil, où exercent les policiers mis en cause par les proches de la victime. Une première autopsie écartait tout décès consécutif à un traumatisme.

Mais l’affaire a été relancée début juillet. « Un juge d’instruction a été saisi durant la première semaine du mois de juillet. Une seconde autopsie a été réalisée. Les experts ont relevé des traces d’hématomes plus nombreuses que lors de la première autopsie. Les conclusions définitives seront connues dans quelques semaines », a précisé à l’AFP le parquet de Pontoise.

Ali Ziri, 69 ans, et Arezki Kerfali, 61 ans, avaient été arrêtés le 9 juin à bord de leur véhicule, à Argenteuil. Selon le collectif de soutien « Vérité et justice », les deux hommes auraient subi des coups de la part des policiers. Ils avaient ensuite été transportés à l’hôpital d’Argenteuil, où M. Ziri était décédé.

« La seconde autopsie évoque une mort par anoxie, c’est-à-dire manque d’oxygène », a détaillé Me Sami Skander, l’avocat de la famille d’Ali Ziri.

« Vingt-sept hématomes ont été relevés, le plus long mesure 17 centimètres », a souligné mercredi soir lors d’un rassemblement d’une soixantaine de personnes, Omar Slaouti, du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

« Nous demandons que les trois policiers impliqués soient suspendus, ne serait-ce que le temps de l’enquête », a expliqué Arezki Semache, un proche d’Ali Ziri.

Une information judiciaire visant l’hôpital d’Argenteuil a été ouverte pour « homicide involontaire », a ajouté Me Skander: « M. Ziri, mourant, y a été examiné après quarante minutes d’attente », a-t-il affirmé.

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Du danger d’aimer le maïs et de passer par Château-Rouge

Le 18ème du mois, janvier 2009

Interpellée, frappée, menottée, emmenée au commissariat, gardée à vue pour avoir aimé le mais et en posséder un épi, très légalement acheté d’ailleurs : c’est l’infortune subie par une dame ayant eu le malheur de se trouver à Chateau-Rouge pendant un contrôle de police, signale Nicole Borvo, sénatrice PC de Paris.

L’élue vient de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, lui demandant d’enquêter à ce propos. Elle expose la situation : le 28 septembre au matin, Madame Marchand sortait du métro Château-Rouge avec un sac contenant du poulet et du mais acheté dans un KFC de Ménilmontant. Un contrôle de police, les vendeuses à la sauvette de maïs fuient, elle reste sur place, Les policiers la contrôlent, lui disent qu’il est interdit d’acheter du maïs et l’interpellent.

Selon Nicole Borvo, elle aurait reçu des coups de pied serait tombée, aurait perdu son pagne, se retrouvant presque nue devant les badauds. Ceux-ci voulant intervenir, la police aurait fait usage de gaz lacrymogène, aspergeant une femme or son bébé sortant du métro,
Emmenée au commissariat, placée en garde à vue, mise en cellule. Mme Marchand qui est diabétique, a réclamé en vain du sucre mais a réussi à se faire emmener, menottée, à l’hôpital où on a constaté un hématome au tibia, une érosion cutanée à la cheville et des douleurs multiples au poignet, épaule et genou, poursuit Nicole Borvo dans sa lettre à la Commission.

Elle a porté plainte.

La dame a couché à l’hôpital et le 29 septembre à midi, un policier est venu lui signifier qu’elle était libre.

Elle a porté plainte le 30 septembre auprès du procureur de la République et a été entendue le 22 octobre par l’IGS.

La sénatrice demande donc à la Commission d’éclaircir les circonstances et d’établir «si les agissements des membres des forces de l’ordre présents ont constitué un manquement aux règles de déontologie de la sécurité».

Le 28 septembre, à Paris, Augusta, 53 ans.

arton7300 D. Rossigneux et Dominique Simonnot, 10/12/2008

Vers midi, au métro Château-Rouge, les vendeuses à la sauvette criaient : « Maïs tso ! Maïs tso », au lieu de « chaud », et ça m’a fait rire. Je venais d’acheter un épi au KFC Ménilmontant. J’ai vu les filles cou­rir et trois policiers s’avancer : « Vos pa­piers ! » J’ai tendu ma carte d’identité fran­çaise. Ils voulaient voir mon sac. « Il est interdit d’acheter ce maïs ! – Pourquoi ?— C’est un délit. – Mais je l’ai acheté au ma­gasin. – Vous êtes en état d’arrestation ! », coupe une policière.

J’ai discuté : « Bien que d’origine nigé­riane, je ne vends rien… Rendez-moi mes affaires. » Un policier m’a alors attrapée par le bras et envoyé deux coups de botte dans les jambes. J’ai chuté, ventre à terre, son genou appuyant sur mon dos. Je me suis débattue, mon pagne s’est ouvert, j’étais à moitié nue au milieu des badauds, qui criaient, sifflaient et filmaient. Les po­liciers leur ont lancé des lacrymos, même sur une femme et son bébé. Ils m’ont me­nottée, emmenée dans une cellule, au com­missariat du XVIIe.

A 14 heures, une policière me demande si je sais lire. J’ai répondu qu’étant di­plômée de l’American University of Texas et de l’American University of Paris, oui, je savais lire et écrire… A 17 heures, l’avo­cate est arrivée et, une heure plus tard, on m’a amenée, menottée, à l’hôpital. Le médecin a constaté des hématomes. Le lendemain, à midi, un policier est venu me libérer à l’hôpital. Je suis accusée d’« outrages et rébellion ». J’ai porté plainte.

interdit d’acheter du maïs

Accueil Laurent Mouloud, 8/12/2008

Bavure . Accusée d’avoir acheté du maïs à des vendeurs à la sauvette, une quinquagénaire sans histoire a été violemment interpellée par trois policiers. Ils la poursuivent aujourd’hui pour « outrage » !
Expérience oblige, l’avocat Stéphane Maugendre n’est pas du genre à s’enflammer à la moindre annonce de bavure. Mais là, dit-il, « les policiers ont dépassé les bornes ! ». En effet. Car, voyez-vous, sa cliente, Augusta Marchand, quinquagénaire sans histoire, a eu le tort de posséder dans son sac à main… un épi de maïs. Un fait qui lui a valu une interpellation musclée, une nuit à l’hôpital et une convocation, aujourd’hui, devant la 28e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où elle devra répondre d’« outrage » envers deux brillants pandores.
L’affaire remonte au dimanche 28 septembre. Nous sommes à Paris, en fin de matinée. Française originaire du Nigeria, Augusta n’a pu assister à la messe de 11 heures. Aussi décide-t-elle d’aller faire quelques courses. Elle passe dans un KFC, achète deux morceaux de poulet épicés et une « cobette » de maïs emballée dans un sachet. En attendant midi (diabétique, Augusta doit manger à heure fixe), elle range le tout dans son sac et reprend le métro. À la sortie de la station Château-Rouge, deux jeunes filles vendent du maïs à la sauvette. Augusta regarde dans son sac pour « comparer » avec celui qu’elle vient d’acheter, relève la tête. Les deux vendeuses s’enfuient, tandis que trois policiers approchent.
« Je n’ai pas couru, explique-t-elle. J’étais sûr de mon bon droit. » Les trois agents – deux hommes et une femme – lui demandent de montrer ses papiers et le contenu de son sac. Augusta s’exécute. « Vous savez qu’il est interdit d’acheter du maïs, c’est un délit », enchaîne un des policiers. « Mais je ne l’ai pas acheté là », répond Augusta. La policière : « Vous êtes en état d’arrestation. » Effarée, la femme proteste. Le ton monte. Des gens s’attroupent et les noms d’oiseaux volent. Un des policiers tente de menotter Augusta. Elle résiste. « Il m’a pris le bras et, sans prévenir, j’ai reçu deux coups de bottes dans les jambes », assure-t-elle. La voilà ventre à terre, un genou appuyé dans le dos, son pagne remonté, la laissant à demi-nue. C’est la confusion. Des gaz lacrymogènes sont lancés pour disperser la foule.
Évidemment, la version policière est bien différente. Eux parlent d’une femme « franchement hostile », qui aurait tenté de « liguer la foule » contre eux et se serait écriée : « J’en ai rien à foutre de votre contrôle ! Je vous emmerde ! » Un récit, selon Me Maugendre, en complet décalage avec le profil de cette catholique pratiquante, mariée à un ingénieur et mère de deux enfants en études supérieures. « Les policiers voudraient aussi nous faire croire que cette femme de cinquante-trois ans, qui se déplace difficilement, les auraient bousculés pour tenter de s’enfuir en courant ! C’est ubuesque. »
Augusta Marchand se retrouve finalement au commissariat du 18e arrondissement. Elle décrit des auditions tendues et une attitude provocante des policiers. Ces derniers auraient refusé, notamment, de lui rendre son sac à main alors qu’elle avait besoin de prendre du sucre. Augusta devra aussi patienter plusieurs heures en cellule avant d’être emmenée – menottée ! – à l’hôpital. Sur place, le médecin décide de la garder pour la nuit. Sitôt dehors, elle file à l’Hôtel-Dieu. Verdict : « douleurs multiples » au poignet droit, à l’épaule gauche, au genou droit et au tibia, ainsi qu’une « ecchymose » d’une dizaine de centimètres à la cheville gauche. Augusta Marchand a porté plainte pour « violences » auprès du procureur de la République, déclenchant une enquête de l’inspection générale des services (IGS). Alertée, la sénatrice communiste Nicole Borvo Cohen-Seat a aussi saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) sur cette affaire.
De leur côté, seulement deux des trois policiers impliqués ont porté plainte pour « outrage ». Une prudence suspecte. Tout comme est énigmatique la signature d’Augusta Marchand figurant au bas du PV de notification de garde à vue. Un document que la femme assure n’avoir jamais signé. « On m’y attribuait des phrases insultantes prononcées par des jeunes pendant l’attroupement, s’indigne-t-elle. Des mots que je n’ai jamais utilisés en vingt ans de présence en France ! » Me Maugendre a agrandi la fameuse signature. « Il s’agit d’un faux, cela ne fait guère de doute. » Quant à la « cobette » de maïs ? Augusta ne l’a pas mangée. Elle l’a conservée soigneusement dans son congélateur. Comme pièce à conviction.

Villepinte : une marche contre les « violences policières »

index Luc Bronner, 31/05/2008

A Villepinte, en Seine-Saint-Denis, dans le quartier de la Fontaine-Mallet, les murs délabrés témoignent de la permanence des tensions entre habitants et policiers. Des « nique la police » récents voisinent avec des tags similaires, à moitié effacés, issus des générations précédentes. Une colère qui a pris la forme d’une marche vers le commissariat de police, samedi 31 mai : soutenus par des associations locales et nationales, dont le MIB et les Indigènes de la République, plusieurs dizaines de jeunes de la cité ont manifesté pour réclamer l’arrêt des « brutalités policières”.
Un incident survenu le 8 mai est à l’origine de cette mobilisation. Lamba Soukouna, 29 ans, affirme que cette nuit-là des policiers l’ont frappé avec la crosse d’un flash-bail puis à coups de pieds, occasionnant six jours d’interruption temporaire de travail (ITT). Lejeune homme, décrit comme très calme » et « respecté » par le premier adjoint au maire (PS), Christophe Borgel, a déposé plainte devant l’inspection générale des services (IGS), la »police des polices ».

Selon ses déclarations, Lamba Soukouna, qui souffre de la drépanocytose, une maladie génétique grave, rentrait chez lui lorsque des policiers seraient arrivés en courant, dispersant le groupe de jeunes au pied de son immeuble – scène que confirment plusieurs témoins. « Dans le hall, ils m’ont attrapé par le bras et jeté contre le mur, raconte-t-il. Puis ils m’ont donné des coups de crosse sur la tête, et je suis tombé par terre. Ils ont continué avec des coups de pied. J’ai crié, mais ils m’ont dit « ferme ta gueule ». » Les policiers l’auraient ensuite laissé partir.

Le visage en sang, accompagné d’un proche, Lamba Soukouna se serait rendu à la gendarmerie pour déposer plainte. Sur la route, il aurait croisé les mêmes policiers, en intervention sur un accident, et se serait arrêté pour essayer de les identifier. Selon lui, ils l’auraient alors interpellé pour éviter le dépôt de plainte.

Cette version est contestée par la police. Selon le parquet de Bobigny, les policiers ont en effet expliqué avoir été pris à partie par Lamba Soukouna, qui aurait ensuite résisté à l’interpellation. Ses blessures, notamment une plaie au front, s’expliqueraient par le fait qu’il ait tenté de se débattre. Les policiers l’ont placé en garde à vue pour « outrages », « menaces » et « rébellion ».

La thèse est jugée peu crédible par l’avocat du plaignant, Me Stéphane Maugendre, qui insiste sur son état de santé précaire. Régulièrement hospitalisé – près d’une trentaine de fois sur les trois dernières années -, le jeune homme pèse moins de 50 kg pour 1,78 m. A cause d’opérations à la hanche, il ne peut pas courir et se déplace difficilement.

Le quartier de la Fontaine-Mallet est décrit comme « sensible » par les policiers. Le 24 avril, un véhicule de police avait été la cible d’une embuscade provoquée par une vingtaine de jeunes cagoulés. Des pavés avaient été jetés sur le pare-brise, blessant sérieusement au visage le conducteur. Selon une source policière, celui-ci s’est vu reconnaître quinze jours d’ITT.

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l’Etat mis en cause après l’affaire Ivan

rue89-logo Chloé Leprince 17/08/2007

Il est sept heures du matin, le 9 août, lorsque des coups retentissent à la porte de la famille Dembski-Aboueva. Calfeutrés derrière le battant, Andreï et Natalia refusent d’ouvrir à la quinzaine de policiers dans la cage d’escalier de cet immeuble d’Amiens. Sans papiers, ce couple russo-tchétchène est arrivé en France en 2004 avec Ivan, leur fils, aujourd’hui âgé de douze ans. Lorsque les voisins entendent les coups, ils tentent de raisonner la famille, qui menace de se jeter par la fenêtre.

A défaut de réussir à forcer la porte, les policiers font venir un serrurier. Les voisins racontent le bruit strident de la perceuse, les cris de panique derrière la porte. Le père se met en tête de sauter sur le balcon de l’appartement du dessous. Son épouse renonce, mais Ivan tente de suivre son père. Il tombe du quatrième étage et chute de quatorze mètres. Le collégien, scolarisé à Amiens, passera plusieurs jours dans le coma. On apprenait mardi qu’il n’était plus dans un état critique mais restait hospitalisé.

Médiatisée par les avocats de la famille, qui a choisi Maître Jacques Vergès et Maître Francis Lec, l’affaire fait office de caisse de résonance à un malaise de plus en plus nourri dans le dossier des sans-papiers. « La responsabilité de l’Etat est au cœur de ce drame. Nous demandons à l’Etat de reconnaître sa responsabilité », brocarde Maître Francis Lec qui se réfère aux textes européens en matière de droits de l’Homme et argue de la « mise en danger de la vie d’autrui ». Au moment de la perquisition, la famille avait fait appel de la décision d’expulsion devant le juge administratif, qui devait les entendre le 6 septembre, pointe Francis Lec :

Pour Réseau éducation sans frontières qui parle dans un communiqué de « chasse à l’enfant », la période estivale est particulièrement tendue : « Ce n’est pas un accident. C’est l’effet direct et inéluctable de la politique imposée aux préfectures et aux policiers par le gouvernement. » « Les sans-papiers sont peut-être moins vigilants, la Préfecture profite du fait que les militants soient parfois en vacances, et ils accélèrent le rythme avant la rentrée, pour qu’on ne puisse pas dire qu’il s’agit de familles d’enfants scolarisés », précise à Rue89 une militante de RESF en région parisienne, sur la brèche cet été.

Le gouvernement a annoncé qu’il accordait un titre de séjour de six mois à la famille d’Ivan. « Dérisoire », rétorquent ses avocats qui entendent donner valeur de symbole à cet accident et dénoncer au passage la radicalisation de la lutte contre les sans-papiers. En posant ici la question de la responsabilité de l’Etat et en menaçant de porter plainte contre les policiers intervenus le matin du 9 août, ils entendent donner à l’affaire Ivan l’écho d’une bavure. Au moment où les associations évoquent un contexte de crispation sur le terrain.

« Objectif : 25000 reconduites à la frontière en 2008 »

« Les interpellations sont de plus en plus musclées, dénonce ainsi Stéphane Maugendre, avocat de profession et vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Un étranger en situation irrégulière, ce n’est pourtant pas un terroriste ou un grand délinquant ! C’est quelqu’un qui travaille, qui mène une vie normale, qui ne terrorise pas toute une cité ! On est en plein délire : pour faire du chiffre, on emploie les grands moyens, car c’est plus facile d’aller chercher un sans-papiers chez lui que de démanteler un trafic de stup’. Depuis la circulaire de régularisation, l’an dernier, la police dispose d’une manne : près de 60000 personnes sont allées se faire ficher ! Le processus était enclenché, la chasse aux étrangers est ouverte. »

Du côté des forces de l’ordre, certains syndicats observent un durcissement des méthodes employées, et remettent en cause l’opportunité d’appréhender les sans-papiers chez eux au petit matin plutôt que de les interpeller à l’extérieur. A l’heure où les avocats de la famille d’Ivan arguent de la responsabilité de l’Etat dans l’accident, le malaise grandit chez certains policiers. « Notre boulot, c’est d’appliquer la loi. Avec l’objectif de 25000 reconduites à la frontière en 2008, les fonctionnaires sur le terrain sont poussés au zèle, et les moyens intensifiés, confirme Francis Masanet, secrétaire général adjoint de l’Unsa police. Mais le problème, c’est qu’il n’y a aucune consigne écrite : c’est le règne de l’informel. Or, quand il se produit un drame comme avec Ivan, nous sommes en première ligne malgré nous. »

Même tonalité chez certains syndicats à la préfecture de police. Pour Frédéric Guillo, responsable CGT à la préfecture de police de Paris, ce zèle se double d’une opacité sur l’activité des services chargés des étrangers en situation irrégulière :

Ces mises en garde interviennent alors que le monde associatif, Gisti et Cimade en tête, mettent aussi le curseur sur la responsabilité de l’Etat. En novembre 2006, Maître Stéphane Maugendre a obtenu du tribunal que le policier de la police de l’air et des frontières responsable de l’interpellation de Getu Hagos Mariame soit condamné pour « homicide involontaire ». A 24 ans, l’Ethiopien en situation irrégulière avait trouvé la mort, en janvier 2003, durant son expulsion, à bord d’un avion en direction de Johannesburg. Fort de cette déclaration de culpabilité prononcée par la justice, l’avocat reprend du service au nom de la famille de la victime et réclame aujourd’hui une « indemnisation ». Pour cela, il plaidera bientôt à son tour la responsabilité civile de l’Etat.

Et alors que certains syndicats de police, à l’instar de Synergie, critiquent l’inflation des rappels à l’ordre de la Commission nationale de déontologie et de sécurité, une autre histoire vient de faire surface : celle d’Abdelkader, expulsé par bateau vers l’Algérie le 8 août. D’après la Cimade, il aurait été roué de coups quelques jours plus tôt lors d’une première tentative d’expulsion, à l’aéroport de Roissy, à Paris. L’ONG autorisée à se rendre dans les centres de rétention argue elle aussi d’actes « démesurés » de la part de la police de l’air et des frontières. Arrivé sur le territoire algérien, il a déposé une plainte devant la justice française.

Avocat