Archives de catégorie : Sans-papiers

Prison pour les sans-papiers rebelles de Roissy

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman,

Pour les sans-papiers et leurs supporters, cette décision avait valeur de test. Hier, neuf Maliens, qui s’étaient soustraits à une mesure de reconduite à la frontière le 28 mars 1998 à l’aéroport de Roissy, ont été condamnés par la cour d’appel de Paris à des peines de deux à six mois d’emprisonnement et, pour six d’entre eux, à une interdiction du territoire français comprise entre trois et cinq ans. L’arrêt n’a surpris personne: en novembre, un autre Malien, Cheikne Diawara, embarqué sur le même vol, avait été condamné à un an de prison ferme. L’histoire de ce vol Paris-Bamako n’est pas très claire. Le 18 mars 1998, onze Maliens sont interpellés lors d’une occupation de l’église Saint-Jean de Montmartre par un groupe de sans- papiers. A l’époque, cette occupation, destinée à attirer l’attention sur la régularisation très problématique des sans-papiers célibataires en vertu de la circulaire Chevènement promulguée l’été précédent, est loin de faire l’unanimité au sein des collectifs.

Parmi les sans-papiers entraînés dans l’aventure, figurent en effet des Africains, vivant en paix depuis de longues années dans des foyers du 18e arrondissement parisien. Donc théoriquement régularisables. Mais exposés à une reconduite en cas de «rencontre» avec la police. Ce sera le cas.

Pugilat. Parmi les occupants, onze Maliens sont arrêtés, placés en rétention et reconduits à la frontière. Une reconduite qui tourne au pugilat entre policiers et sans-papiers. Et à la controverse. Selon les sans-papiers et quelques témoins, passagers payants sur ce vol, les policiers emploient la force, quelques coups bas et des coussins sur le visage des reconduits, pour les contraindre au calme. Selon Stéphane Maugendre, avocat des Maliens et vice-président du Gisti (Groupement d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), les passagers auraient alors pris le parti des sans-papiers, rapidement débarqués du vol, le pilote ne voulant pas décoller dans ces conditions. Un rapport des Renseignements généraux fait, au contraire, état de la résistance musclée des Maliens. C’est ce rapport, basé sur des témoignages indirects, qui a été pris en considération par l’accusation depuis le début de l’affaire.

Le 8 juin 1998, le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint- Denis), estimant que ce rapport ne prouve rien, relaxe les Maliens. Le 26 novembre, à la surprise générale, l’un d’entre eux, Cheikne Diawara, est condamné en appel à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire pour refus d’embarquer. Il s’est pourvu en cassation.

Mouvement effiloché. La condamnation de ses neuf camarades était donc attendue sans illusions, ce 18 mars. Ce troisième anniversaire de l’occupation de l’église Saint-Ambroise et le début du mouvement des sans-papiers a confirmé l’effilochement de ce mouvement, qui n’arrive pas à surmonter ses divisions internes et le manque d’appuis extérieurs. Parmi ces derniers, le Parti communiste, qui a saisi l’occasion pour développer son programme sur l’immigration: respect du droit d’asile, droit de vote aux élections locales et européennes pour les immigrés en France depuis plus de cinq ans, suppression de la double peine et arrêt des expulsions.

Sur le parvis de l’église Saint- Ambroise, les représentants du PCF ont été pris à partie par des anciens de Saint-Bernard. «Nous n’acceptons pas que vous parliez à notre place», leur ont-ils lancé, rappelant aux communistes qu’ils ont longtemps traités les sans-papiers de «manipulés» par l’extrême gauche. Un nouvel éclat qui laisse mal augurer de la manifestation «unitaire» et européenne de soutien aux sans- papiers, le 27 mars à Paris.

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La mobilisation s’étend pour Diawara Cheikne.

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

 Tandis que Diawara Cheikne, condamné à un an de prison pour refus d’embarquer, purge sa peine à Fleury-Mérogis, la liste des signataires qui demandent sa libération s’allonge (lire Libération du 18 décembre). «Cette affaire constitue un déni de justice», estiment-ils, constatant que le jeune Malien, débarqué le 28 mars d’un vol d’Air Afrique avec onze compatriotes à cause des protestations des passagers, n’avait manifesté aucune résistance.

Les signataires de la pétition et les avocats de Diawara rappellent que la procédure, annulée en première instance et poursuivie sur appel du parquet, ne s’appuie sur aucun témoignage direct, mais uniquement sur un rapport des Renseignements généraux «bourré de contradictions». Diawara Cheikne, ajoutent-ils, n’est pas un délinquant: il vivait en France depuis une dizaine d’années dans un foyer d’immigrés lorsqu’il a été arrêté, alors qu’il participait à l’occupation par les sans-papiers de l’église Saint-Jean-de-Montmartre.

Parmi les 450 signataires figurent aussi bien des élus Verts et communistes, comme Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, ou Patrick Braouezec, maire (PCF) de Saint-Denis, que des cinéastes, comme Bertrand Tavernier, Tony Marshall et Romain Goupil. La pétition est également signée par Henri Leclerc, président de la Ligue des droits de l’homme, par Joseph Rossignol, maire (PS) de Limeil-Brévannes, par Alain Krivine et le philosophe Daniel Bensaïd, par des enseignants et médecins. Et par de nombreuses personnalités: anciens médiateurs de Saint-Bernard (Monique Chemillier-Gendreau, Raymond et Lucie Aubrac, Jean-Pierre Vernant), Yves Cochet (vice-président de l’Assemblée nationale), le dessinateur Siné, des syndicalistes et les présidents du Gisti, de SOS-Racisme, de la Fasti, ainsi que la chanteuse Catherine Ribeiro et le biologiste Jacques Testard. Un pourvoi en cassation a été déposé par Stéphane Maugendre (vice-président du Gisti) et Dominique Noguères (Ligue des droits de l’homme), les avocats de Diawara. Et une demande de remise en liberté sera faite en janvier.

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Appel. Liberté pour Diawara Cheikné.

Le 28 mars, douze Maliens, installés de force dans un avion d’Air Afrique, avaient dû être débarqués, les passagers ayant vivement manifesté leur hostilité à cette expulsion. Inculpés pour refus d’embarquement (alors qu’ils n’opposaient aucune résistance), ils avaient été libérés en juin, pour vice de procédure, par le tribunal de Bobigny. Le procureur de la République avait fait appel pour deux d’entre eux le jeudi 29 octobre, réclamant de nouvelles sanctions. L’arrêt vient d’être rendu, et le juge a frappé très fort, allant au-delà des réquisitions du procureur. Alors que celui-ci n’avait demandé que (!) quatre mois d’emprisonnement, le verdict est tombé, plongeant les avocats de la défense et les associations de soutien dans la plus grande stupéfaction. Diawara Cheikné est condamné à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire. Plus grave, il a été directement arrêté à l’audience et transféré à la prison de Fleury-Mérogis. Deux rescapés d’un autre vol (celui du dimanche 29 mars) ont été condamnés à trois mois de prison ferme et trois ans d’ITF. Lors du jugement en appel, aucun témoin n’a été entendu, et le verdict ne s’appuie que sur les rapports des renseignements généraux, bourrés de contradictions qui avaient été relevées par les avocats de la défense, Mes Maugendre et Noguères.

Cette affaire est un déni de justice scandaleux. Nous ne pouvons pas accepter que Diawara Cheikné moisisse un an en prison parce qu’il a été débarqué d’un avion à la suite d’un mouvement de protestation de passagers. Il n’est ni un délinquant, ni un criminel. C’est un travailleur vivant en France depuis des années, poussé hors de son pays par la misère et désireux simplement, comme des milliers d’autres, de régulariser sa situation. Nous vous appelons à vous joindre à une campagne nationale pour exiger sa libération, un nouveau jugement en cassation dans les plus brefs délais et l’arrêt des poursuites en appel dans cette affaire.

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Pas de papiers mais de lourdes peines.

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Quatre Maliens condamnés en appel pour avoir refusé d’être expulsés.

La Ligue des droits de l’homme «très choquée», le Syndicat de la magistrature «indigné», les Verts dénonçant «des peines sans précédent» et le Mrap «une déclaration de guerre contre les sans-papiers et une provocation». La polémique sur les sans-papiers s’est déplacée sur le terrain juridique après les peines très lourdes infligées jeudi par la cour d’appel de Paris à quatre Maliens qui avaient refusé d’embarquer sur un vol Paris-Bamako. L’un d’entre eux, Sirine Diawara, condamné à un an de prison ferme, a été arrêté à l’audience et incarcéré dans l’heure. Et la 12e chambre de la cour d’appel a dû être évacuée devant le raffut provoqué par ce jugement dans le public. Le 28 mars, douze Maliens, qui avaient occupé l’église Saint-Jean-de- Montmartre, étaient expulsés vers Bamako. Par la méthode ultraforte. Plus tard, (Libération du 2 octobre), ils racontaient les coussins placés devant leur bouche pour les empêcher de crier, les coups au ventre et au sexe. D’autres, qui acceptaient de partir, n’auraient pas été autorisés à aller chercher leurs bagages. Des procédés que la Diccilec, l’ex-Police de l’air et des frontières, avait affirmé ne jamais utiliser depuis le scandale belge de Semira Adamu, morte il y a deux mois, étouffée par un coussin dans l’avion qui la ramenait au Niger. Finalement, devant l’indignation des passagers, les douze hommes étaient débarqués de l’avion. En juin, le tribunal correctionnel de Bobigny avait annulé la procédure et relaxé les douze hommes, considérant qu’il n’existait pas de procès-verbal constatant formellement les infractions retenues contre eux. En condamnant quatre de ces hommes à des peines de trois mois à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire français, la cour d’appel a dépassé les réquisitions de l’avocat général qui, le 29 octobre, réclamait quatre mois de prison et cinq ans d’interdiction du territoire. «Des peines exorbitantes au regard de la jurisprudence», pour leur avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, et «une logique d’exemplarité où la sévérité le dispute à la démesure», pour le Syndicat de la magistrature. Ils critiquent notamment la prise en compte par la cour d’un rapport des Renseignement généraux établi par un fonctionnaire qui n’a pas assisté aux incidents de l’embarquement, mais a seulement interrogé les policiers chargés de l’expulsion. Ce rapport indique que les prévenus «avaient reçu les conseils détaillés d’associations et de groupuscules d’extrême gauche [« ] de porter des coups aux fonctionnaires d’escorte pour tenter de les blesser». Ce que les douze hommes ont toujours contesté.

L’affaire se situe dans un contexte symbolique qui explique peut-être la lourdeur des peines. Car au lendemain des faits, le 29 mars, un incident similaire s’était reproduit à Roissy. Le ministre de l’Intérieur avait alors dénoncé «l’incivisme fondamental» des organisations de soutien aux sans- papiers. «Ce jugement est un avertissement à ces organisations», estime ainsi Stéphane Maugendre. «Une répression accrue à l’encontre des sans-papiers ne saurait tenir lieu de politique d’immigration», ont indiqué les Verts dans un communiqué.

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Douze Maliens devant la cour d’appel après une tentative d’expulsion mouvementée

index   Alexandre Garcia,

AU PRINTEMPS, une série de manifestations à l’aéroport de Roissy avaient permis à plusieurs sans-papiers d’échapper à une reconduite à la frontière, des militants associatifs incitant les passagers à s’opposer à leur présence à bord.

Poursuivis pour « refus d’embarquer », douze d’entre eux ont été relaxés, le 8 juin, par le tribunal correctionnel de Bobigny à la suite d’une erreur de procédure. Plus de six mois après les faits, ces Maliens se sont à nouveau retrouvés devant des juges : ulcéré par la relaxe, le parquet, qui a fait appel, a réclamé de nouvelles sanctions, jeudi 29 octobre, devant la cour d’appel de Paris.

M. Diawara, trente ans, répond au juge d’une voix presque inaudible. Le 18 mars, il faisait partie des dizaines de sans-papiers qui ont investi l’église Saint-Jean de Montmartre, à Paris, « non pour chercher des histoires, mais pour régulariser ma situation », précise-t-il. Quand la police intervient, il ne réussit pas à s’échapper. Interpellé avec une centaine d’autres personnes, il est poursuivi pour séjour illégal « Les occupations d’églises sont pain bénit pour le Front national », commente alors le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement

MANIFESTATIONS

A l’aéroport de Roissy, les manifestations se succèdent pourtant pour protester contre les reconduites à la frontière des sans-papiers interpellés dans les églises parisiennes. Des militants d’extrême gauche, des cinéastes et des responsables politiques, syndicaux et associatifs informent les passagers des conditions de retour des expulsés. Le 28 mars, à 17 h 45, M. Diawara est  conduit sur un vol à destination de Bamako, avec onze autres Maliens, solidement encadrés par des poli- tiers. Déshabillé avant d’embarquer, puis ligoté à son siège, il ne s’oppose pas à son éloignement mais il de-mande à récupérer ses bagages.

Dans l’avion, une dizaine de passagers s’en prennent alors aux policiers et refusent de s’asseoir avant le décollage. Débarqués, les douze Maliens sont poursuivis pour refus d’embarquement, avant d’être miraculeusement relaxés : le flagrant délit n’ayant pas fait l’objet d’un procès-verbal, la procédure est frappée de nullité. Le lendemain, M. Chevènement, furieux, fustige des groupes « marxistes-léninistes internationalistes » qui viennent en aide aux sans-papiers, mais aucune poursuite n’est engagée contre les associations qui manifestent dans le hall de l’aéroport

Au même moment, les incidents qui se multiplient à bord des avions Air France obligent la compagnie à revoir à la baisse sa participation aux reconduites à la frontière et sa collaboration avec le ministère de l’intérieur.

Jeudi 29 octobre, devant la cour d’appel de Paris, l’avocat général a réclamé quatre mois d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction du territoire français pour les rescapés du vol RK 161 pour Bamako. « Le gouvernement ne veut pas admettre qu’on puisse s’opposer à la loi, commente Dominique Noguères, avocate des sans-papiers et présidente de la fédération parisienne de la Ligue des droits de l’homme. Mais on ne peut pas accepter au nom de la sécurité de traiter des personnes comme du bétail, de manière injustifiée. »

Arrêt le 26 novembre.

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Sans-papiers: confusion sur la date butoir. Inquiétudes autour de la fin des régularisations.

logo-liberation-311x113 Béatrice Bantman

 

Hier, les sans-papiers qui attendent encore les réponses de leur préfecture ont sursauté en entendant, à la radio et à la télé, que la «date butoir» pour les recours était arrivée. Alors que, sur les 142 000 dossiers déposés, 76 754 sans-papiers ont été régularisés au 31 août et 64 461 refusés, un certain nombre d’immigrés n’ont toujours pas de réponse et sont donc dans l’impossibilité de déposer les recours auxquels ils ont droit dans les préfectures et au ministère de l’Intérieur. Renseignements pris, le ministère de l’Intérieur a précisé que seuls étaient concernés les premiers recours devant les préfectures pour les dossiers expressément refusés. Les sans-papiers disposent donc de plusieurs mois avant l’épuisement des recours. Quant à leurs avocats, ils craignent que cette confusion ne nuise à la régularisation.

Hier, une centaine de sans-papiers affolés se sont donc rendus à la préfecture de Paris. «Nous ressentons une angoisse terrible face à la fin des recours car beaucoup d’entre nous n’ont toujours pas reçu de lettre de refus», explique Zhang Yi, du 8e collectif, qui regroupe environ 1 300 personnes. En fait, comme le précisent les deux circulaires du 10 et du 19 août, de nombreuses décisions de régularisation ont été notifiées avant le 15 mai. A la suite de cette notification, les sans-papiers peuvent alors former des recours «gracieux» devant les préfectures, ou «hiérarchiques» au ministère de l’Intérieur. Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti (Groupement d’aide et de soutien aux immigrés), se défend de voir dans cette annonce «un coup médiatique du ministère de l’Intérieur, qui a l’habitude de souffler alternativement le chaud et le froid». Mais Françoise Toubol-Fischer, avocate spécialisée dans le droit des étrangers, craint que les préfectures ne prennent au mot cette annonce d’une date butoir. Déjà, au ministère de l’Intérieur, qui s’est engagé à répondre à tous les recours hiérarchiques ­ 128 000 à ce jour ­, on refuse de renseigner les avocats sur le degré d’avancement des dossiers et, dans les préfectures, il est parfois impossible de faire valoir les droits des demandeurs. A titre d’exemple d’imbroglio, l’avocate cite le cas de ce jeune Mauricien en France depuis dix ans et marié l’an dernier à une Française. La circulaire du 30 septembre 1997 et, a fortiori, la loi Chevènement autorisent la régularisation des étrangers dans son cas. Le 17 novembre suivant, son dossier est rejeté, puis son recours, en avril 1998. Malgré une nouvelle lettre au préfet, on lui notifie son arrêté de reconduite à la frontière en juin. En dépit des interventions de son conseil, l’arrêté est confirmé. Et le couple attend. «Cas particulier», répond-on au ministère lorsqu’on évoque les erreurs de l’administration. S’il est expulsé, le jeune marié se consolera sans doute à l’idée qu’il est un cas particulier.

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Sans-papiers : des associations protestent contre les déclarations de M. Chevènement

index  Ariane Chemin,  03/04/1998

Le ministre de l’intérieur critique «les petits groupes d’extrême gauche»

LES PROPOS tenus par le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement, sur les personnes qui se sont opposées, le 2 mars, à Roissy, à l’expulsion de seize sans-papiers africains pour Bamako et Cotonou, ont provoqué, mercredi 2 avril, de vives réactions d’une partie de la gauche politique, syndicale et associative. Les Verts ont décidé de « parrainer » cinq cents sans-papiers, samedi, lors de leur conseil national.

Dans L’Humanité du 2 avril, Aline Pailler, député apparentée communiste au Parle­ment européen, se dit «scandali­sée».

La colère est montée dans la journée alors que M. Chevènement affinait ses accusations de la veille. A l’issue du conseil des ministres, il a d’abord dénoncé «l’intervention de petits groupes d’extrême gauche, souvent d’ailleurs instrumentés par des formations étrangères». Puis, devant le Sénat, le ministre de l’intérieur a expliqué que « la myo­pie de ceux qui soutiennent de tels comportements (…)fait le lit de l’extrême droite ». « fl est facile de faire appel à la sensibilité », a pour­suivi le ministre. «On a parfaite­ment le droit d’être trotskiste mais non de bafouer la loi ni d’inciter à la rébellion », a-t-il ajouté.

Chevènement a indiqué que « toutes les mesures » étaient prises «pour identifier les fauteurs de troubles». Soulignant que les « délits » ont été commis non seu­lement par «les distributeurs de tracts, mais par un certain nombre de passagers qui se sont interposés », M. Chevènement a aussi déclaré « possible » l’inscription de ces personnes au fichier de l’espace Schengen et leur interdiction de séjour dans ses pays membres. «Il y a beaucoup de moyens qui nous permettent de réagir, nous les étu­dions de manière détaillée», a-t-il menacé.

« LOGIQUE DE SUSPICION »

Les seize sans-papiers qui ont comparu, lundi 30 mars, devant le tribunal correctionnel de Bobigny, pour refus d’embarquement, ont été remis en liberté, après que leurs avocats eurent souligné qu’ils n’avaient pas refusé d’embarquer. Mardi, les expulsions se sont pour­suivies. Dans L’Humanité du 2 avril, Francine Bajande, photo­graphe du quotidien communiste, rapporte que «quelques militants (…) intervenaient auprès des passa­gers, sans distribuer de tracts» quand des « CRS et des policiers des renseignements généraux» ont arrêté vingt-six personnes, des militants associatifs, deux photo­graphes, et elle-même.

« Vous savez très bien que vous avez été arrêtée comme sympathi­sante », a-t-on répondu à Mme Bajande, titulaire d’une carte de presse, qui, retenue pendant trois heures à la direction du contrôle de l’immigration pour trouble à l’ordre public, demandait à exercer ses fonctions. Pierre Zarka, directeur du journal, a adressé une lettre de protestation à M. Chevènement Alain Krivine, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (troskiste), estime, mercredi, dans un communiqué, que « Jean-Pierre Chevènement perd les pédales »;

« la LCR (…) ne s’arrêtera pas devant les menaces d’un ministre qui oublie qui l’a élu ». Le député André Gérin, porte-parole du groupe communiste sur le projet de loi sur l’immigration, remarque que « l’on est toujours dans la logique de suspicion, de défiance, de répression et loin de l’abrogation des lois Pasqua-Debré ».

La fédération SUD-PTT a écrit au ministre « pour lui faire part de son indignation »; la CGT rappelle «les valeurs fondamentales (…) qui ont toujours fait l’honneur de la France ». L’association Droits devant ! ! s’insurge contre la « nou­velle facette de la politique d’immi­gration » de M. Chevènement. Enfin, la Coordination nationale des sans-papiers estime que « l’inquiétude qui se répand parmi les sans-papiers à l’approche du 30 avril -fin de l’opération de régu­larisation – ne saurait être calmée par les coups de matraque ».

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Des images pour sauver Diop

AVT_Telerama_6680 Sophie Cachon, 04/06/1997

« Les policiers ont à respecter la loi républicaine. Ils ne l’ont pas fait, des images vidéo le prouvent », dit maître Maugendre, avocat de El Hadj Momar Diop, sans- papiers d’origine sénégalaise (à ne pas confondre avec Ababacar Diop, porte-parole des sans-papiers), jugé et condamné le 16 mai dernier à quatre mois de prison ferme et dix ans d’interdiction du territoire.

C’est lors d’une manifestation des sans-papiers au Stade de France, le 14 mai, que El Hadj Momar Diop a été interpellé. Deux versions des faits s’opposent : le sans-papiers dit avoir été frappé par les policiers, qui eux, affirment le contraire. Or, ce jour-là, les médias étaient présents. L’altercation entre les manifestants et la police a été enregistrée par au moins quatre caméras.

Jugé deux jours plus tard, Momar Diop a été reconnu coupable (coups et blessures, rébellion, séjour irrégulier) et condamné malgré des zones d’ombre dans les déclarations des policiers et des convergences évidentes dans celles des témoins. Car les preuves vidéo n’étaient pas là : quand on juge quel¬qu’un deux jours après les faits (en comparution im¬médiate), il n’est pas facile de récolter les documents (photos, cassettes), souvent dispersés dans la confusion, ou confisqués par la police. Momar Diop, qui a fait appel, est détenu à Fleury-Mérogis. «J’ai en ma possession une cassette vidéo qui montre que les violences policières sont patentes, et j’en attends une seconde», déclare l’avocat. Les sans-papiers, eux, lancent un appel pour la libération de Momar Diop. Le poids des images pèsera-t-il dans la balance d’une justice peut-être trop expéditive ?

Appel pour la libération de El Hadj Momar Diop.

Image_3_reasonably_small-du_400x400 04/06/1997

Nous soussignés .

Indignés par la violence exercés contre El Hadj Momar Diop et les insultes racistes qu’il a dû subir, alors qu’il manifestait pacifiquement, le mercredi 14 mai 1997, devant le grand Stade de France pour la régularisation des sans-papiers,

Scandalisés par la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Bobigny le 16 mai, et qui l’envoie en prison pour 4 mois, avec interdiction du territoire français pour 10 ans,

Nous demandons la libération immédiate de El Hadj Momar Diop et sa régularisation.

Pour que la justice ne devienne pas une annexe du ministère de l’Intérieur.

Le DAL et les sans-papiers manifestent, la police matraque.

logo-liberation-311x113  B. Bantman et D. Simonnot

Quatre cassettes accablantes ont été tournées les 14 et 18 mai. Elles montrent les provocations des forces de l’ordre.

La police prise en flagrant délit de mensonge par des images vidéo?

Le visionnage de cassettes vidéo risque d’entraîner une volte-face judiciaire. L’une a été tournée le 14 mai, lors de la dispersion des sans-papiers venus manifester devant le Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Trois autres lors de l’évacuation, le 18 mai à Paris, d’un immeuble du Crédit Lyonnais occupé par des militants de Droit au logement. Dans les deux cas, les cassettes récusent sans ambiguïté les dires des policiers, qui ont justifié le caractère musclé de ces interventions par des provocations des manifestants.

Traîné à terre et roué de coups. Dans le premier cas, le sort d’un Africain sans papiers est en jeu. Le 18 mai, quatre jours après la manifestation, El Hadj Momar Diop a été condamné à quatre mois de prison ferme et dix ans d’interdiction du territoire pour violence à agent par le tribunal correctionnel de Bobigny. A son procès, Momar Diop a nié l’accusation, affirmant au contraire avoir été victime de violences policières. Plusieurs témoins ont confirmé ses dires, assurant avoir vu l’Africain poussé vers une voiture de police, traîné à terre et roué de coups. Mais les policiers entendus ont fait bloc pour se poser en victimes. L’un d’entre eux, Mario Fattore, a affirmé avoir reçu un coup de poing au visage «d’un individu de race noire» puis un coup de tête qui lui a blessé le nez et l’arcade sourcilière. Une déclaration en partie infirmée à l’audience par un certificat médical faisant bien état d’une déviation de la cloison nasale, mais précisant que le traumatisme est ancien. Cela n’a pas empêché le tribunal de condamner Momar Diop. Arrivé du Sénégal il y a plus de vingt ans, il a fait des études d’anglais en France et pourrait faire partie des immigrés dont la loi Debré prévoit la régularisation, selon son avocat Stéphane Maugendre. L’Inspection générale des services (la police des polices) a été saisie. Elle devrait disposer d’un élément édifiant avec les images tournées par un homme qui préfère rester anonyme, se souvenant peut-être du sort réservé à un photographe de l’agence Associated Press qui, sur le stade, s’est fait confisquer sa pellicule par la police. Plainte pour faux témoignage. L’homme a filmé l’interpellation de Momar Diop alors qu’il quittait tranquillement le lieu de la manifestation. Sa cassette montre Mario Fattore l’agrippant par le bras. L’Africain ne bronche pas. On le voit seulement tenter de se dégager, sans violence, tandis qu’un policier tente de détourner l’objectif de la caméra. Finalement, on voit le sans-papiers projeté à terre par les forces de l’ordre, en accord avec les déclarations de plusieurs témoins qui ont vu Momar Diop recevoir une pluie de coups. Une plainte pour faux témoignage devrait donc être déposée cette semaine.

Dans le cas des militants de Droit au logement, trois cassettes vidéo, l’une d’un amateur et deux de France 2, contredisent la version policière donnée le 18 mai, après l’occupation par le Dal d’un immeuble du Crédit Lyonnais, dans le XVIe arrondissement. Au soir de l’évacuation, trois personnes ont été mises en examen pour «rébellion en réunion, avec arme». En l’occurrence, une hampe de drapeau avec laquelle les trois manifestants auraient chargé les CRS. Or les films montrent, au contraire et très clairement, la violence de l’intervention des policiers, sans qu’à aucun moment n’apparaisse la hampe. On voit d’abord les familles et les militants se presser vers l’entrée de l’immeuble. Garé devant les grilles, le camion loué par Emmaüs déverse des sacs de couchage et des matelas qu’on se passe de main en main. Quelqu’un crie «du calme, ne vous bousculez pas!». Puis «vite, rentrez, ils arrivent!». Les grilles se referment. Reste à l’extérieur une petite centaine de manifestants. Aux policiers, ils montrent leurs mains nues, avancent les paumes en l’air, tentent de repousser la charge. Boucliers en avant, matraques levées, les policiers cognent. Un homme est traîné, à terre, battu par trois CRS. «Au secours!», crie une femme. L’homme est emmené. Il sera l’un des trois mis en examen. «Honte à eux.» Dans un coin, le long de l’immeuble, un jeune homme est menotté et maintenu contre le mur par deux policiers. Il vacille sur ses jambes, tourne son visage. Il est en sang et hurle. De douleur ou de peur? Il est embarqué, tombe. On voit un policier en civil intervenir, calmer ses collègues et même les engueuler. Une dizaine de CRS l’entourent, masquant la scène à la caméra. «Honte à eux!», crient les manifestants. Le jeune homme, embarqué, sera le deuxième mis en examen.

Hier, Me François Breteau, avocat du Dal, annonçait qu’il allait verser ces trois films au dossier de Marie-Paule Moracchini, la juge d’instruction chargée de l’affaire. «Nous allons d’abord demander un non-lieu et ensuite porter plainte pour dénonciation calomnieuse et faux témoignages», dit l’avocat. Ces films ne font que confirmer ce que tout observateur présent sur les lieux avait pu constater.

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Avocat