Archives de catégorie : Sans-papiers

Dénoncez, vous aurez des papiers !

 Accueil  Marie Barbier avec S.Homer, 5 Février, 2009

Reuters/Pascal Rossignol
Reuters/Pascal Rossignol

Immigration . Éric Besson propose d’accorder des titres de séjour provisoires aux sans-papiers qui dénonceront leurs passeurs.

Nicolas Sarkozy l’avait rêvé en 2003, Éric Besson l’a fait : un titre de séjour pour une délation. Lors d’une « vaste opération de démantèlement d’une filière clandestine » hier matin, le nouveau ministre de l’Immigration a annoncé qu’il signerait ce matin une circulaire pour « donner aux préfets la possibilité d’accorder des titres de séjour provisoires aux clandestins victimes de filières clandestines qui décideraient de les dénoncer ». Considérant que les « immigrés illégaux » sont dans un « statut qui ne leur permet pas de dénoncer leurs tristes conditions », l’ex-socialiste assure qu’avec ce système, « ils peuvent obtenir instantanément un titre de séjour provisoire ».

Les associations de soutiens aux sans-papiers se montraient hier atterrées par cette proposition. France Terre d’asile dénonce une « proposition spectaculairement inefficace ». Son président, Pierre Henry, rappelle dans un communiqué que l’idée proposée en 2003 par Nicolas Sarkozy pour protéger les victimes des réseaux de prostitution n’a abouti, six ans plus tard, qu’à rendre moins visibles les prostituées, qui « travaillent dans des conditions nettement plus dangereuses ».

Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), se dit « stupéfait par ce type d’annonce » qu’il juge « irréaliste et irréalisable » : « À partir de quels critères auront-ils droit à un titre de séjour ? Pour avoir dénoncé un passeur ou la filière tout entière ? Et ceux qui sont arrivés il y a longtemps ? » Pour l’avocat, cette mesure traduit une méconnaissance des filières clandestines de la part du ministère : « Les trafics organisés sont extrêmement parcellisés. Entre le départ du pays d’origine et l’arrivée en France, les intervenants ne se connaissent pas les uns les autres. La plupart du temps, les gens qui passent n’ont qu’un numéro de téléphone. Jamais ils n’ont affaire aux responsables. »

Autre sujet de colère : les titres de séjours provisoires promis en échange de la délation. « C’est profondément choquant », juge Richard Moyon, du Réseau éducation sans frontières, qui dénonce par ailleurs le « terreau d’injustice nourri par Sarkozy, Hortefeux et maintenant Besson qui condamnent les gens à recourir aux passeurs».

Les associations s’inquiètent aussi des pressions que pourraient subir les sans-papiers du fait de cette nouvelle circulaire. Pour Stéphane Maugendre, les « pressions sur les familles dans les pays d’origine » pourraient s’accentuer. Richard Moyon confirme : « La mafia a des moyens de coercition, je ne suis pas sûr que cette circulaire suscite des vocations massives de délateurs. »

Même son de cloche chez Frank Fievez, de l’UNSA Police, ancien de la police de l’air et des frontières (PAF) : « Vu le peu de contact avec les intermédiaires et les pressions qui pèsent sur les familles restées au pays, demander aux sans-papiers de dénoncer les passeurs, c’est totalement irréaliste. Si l’on veut démanteler les filières, il serait plus utile de donner des moyens d’investigation à la PAF. À qui l’on ne demande pour l’instant qu’une seule chose : multiplier les reconduites à la frontière. »

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Immigration : appel à la dénonciation des passeurs

  Pascale Egré, 05/02/2009

Eric Besson déclenche « la guerre aux passeurs ». Le nouveau ministre de l’Immigration l’avait martelé le 27 janvier lors de son déplacement à Calais : « Il faut traquer ces exploiteurs, ces menteurs, ces tricheurs qui font fortune sur le dos des miséreux.»

Pour cela, il entend fournir aux préfets un « nouvel outil ». Signée ce jeudi matin à Paris, une circulaire leur permettra de délivrer des titres de séjour « aux étrangers victimes de la traite des êtres humains qui coopèrent avec les autorités judiciaires ».

Ce titre de séjour conditionné à une dénonciation serait, selon nos informations, d’une durée initiale de six mois, renouvelable « jusqu’à la fin de la procédure judiciaire ». Il serait assorti de « mesures d’accompagnement social et de soutien financier » et concernerait aussi bien les victimes d’exploitation sexuelle que d’exploitation par le travail.

Délation contre papiers ? « Non. Mon objectif premier est de démanteler les filières », s’est défendu Eric Besson hier sur Europe 1. « L’idée est d’encourager les clandestins à témoigner en leur garantissant qu’ils n’en seront pas pénalisés », insiste-t-on dans son entourage. « Une proposition spectaculairement inefficace sur le fond ! », a rétorqué l’association France Terre d’asile. « On demandait déjà aux patrons de dénoncer leurs salariés sans papiers. On demande maintenant aux salariés de dénoncer leurs patrons », s’emporte Stéphane Maugendre, président du Gisti. « Si tu me dénonces, je me venge sur ta famille, dira le passeur. Le risque de représailles sur les proches restés au pays est évident », estime-t-il.

Une difficulté d’application

La circulaire, dont le contenu sera dévoilé ce matin lors d’une visite d’Eric Besson à la préfecture de police de Paris, s’appuie sur une directive européenne et sur la loi du 18 mars 2003, qui introduisait l’infraction de traite des êtres humains dans le Code pénal français. Voulue à l’époque par Nicolas Sarkozy pour lutter contre les réseaux de prostitution, la possibilité de décrocher un titre de séjour s’adressait surtout à leurs victimes, des jeunes femmes originaires des pays de l’Est ou d’Afrique.  En pratique, selon les rares chiffres disponibles, seules 92 autorisations ont été accordées à Paris en 2008. « Toute la difficulté tient à l’application inégale de cette disposition selon les préfectures, décrypte Patrick Hauvuy, directeur de l’ALC-Nice, association de lutte contre la traite. »

A l’appui de son annonce, le ministre de l’Immigration s’est félicité hier du récent démantèlement, par les services de la police de l’air et des frontières, de deux réseaux. Hier, onze personnes dont huit organisateurs d’une filière chinoise de faux papiers ont été interpellées en région parisienne et à Paris. Le 27 janvier, huit employeurs et onze travailleurs sans papiers étaient arrêtés lors d’une opération visant 44 établissements de restauration indo-pakistanais.

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France to Illegal Migrants: Denounce Smugglers, Get Your Papers

ABC_NewsChristophe Schpoliansky, 05/02/2009

French Immigration Minister Eric Besson today signed a decree that will allow illegal immigrants to obtain temporary residence permits to stay in France in exchange for their cooperation in helping the police break up human smuggling networks.

« When an illegal immigrant is the victim of forced prostitution or is the subject of exploitation in shameful conditions and wishes to cooperate with administrative and judicial authorities, the possibility to obtain a temporary residence permit is offered to this person, » Besson told reporters after a visit to the Paris police headquarters.

An illegal immigrant, after being questioned by the police, would have « a 30-day period of thinking to allow him to escape from the influence of his exploiters and take the decision to lodge a complaint with the police, » he said.

It’s only after the illegal immigrant makes this decision that he or she will receive a temporary residence permit of at least six months, renewable until the judicial proceeding is over.

« If an actual sentencing is rendered, the victim will obtain a 10-year residence permit, » Besson added.

In addition to the residence permit, illegal immigrants will be offered social advantages, such as financial help.

This decree is criticized by several organizations dealing with illegal immigration.

« A call for denouncement is extremely shocking, » Stephane Maugendre, a lawyer and president of GISTI, an independent nonprofit organization that supports immigrants, told ABCNews.com. « A right is going to be given to people against the denouncement of something. »

The question is: Are illegal immigrants willing to cooperate, even with the promise of residence permit and the end of living underground?

This may be risky for most of these illegal immigrants.

« The smuggler will say: If you give me away to the police, I will take revenge on your family, » Maugendre said. « The risk of reprisal on the family back home is evident. »

Fear for Immigrants’ Families

This was echoed by an illegal immigrant from Afghanistan who arrived in Paris after paying close to $13,000 to smugglers. « If I give their [the smugglers] names to the police, my entire family back in Afghanistan will have problems, » he said to France 2 TV. « I’m safe here. I don’t have anything to worry about. These groups function like the Mafia. They are dangerous and very well organized. »

Shocked by opponents’ use of the term « denouncement » before full details of it were actually made public, immigration minister Besson asked, « Women who are beaten up and who are lodging a complaint, should they be accused of denouncement? These illegal immigrants, do they have to stay in their basements so that they are not accused of denouncement? »

According to the immigration ministry, 120 smuggling networks were dismantled last year in France. And 11 people, including eight organizers of a Chinese network fabricating fake IDs, were arrested Wednesday in Paris and its outskirts.

A similar law voted in 2003 encouraging prostitutes residing illegally in France to denounce their pimps in exchange for legal status did not prove to be effective. No statistics exist on this attempt but, according to several organizations quoted by Agence France Presse, fewer than 100 people came forward and received papers in the Paris area last year.

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Sans-papiers: la prime à la délation

A l’avenir, les étrangers entrés illégalement en France pourront se voir délivrer un titre de séjour… s’ils dénoncent leur passeur. Hier (mercredi 4 février), Eric Besson, le ministre de l’Immigration a annoncé sur  Europe 1 qu’il allait signer aujourd’hui (jeudi 5), une circulaire par laquelle «nous allons donner aux préfets la possibilité d’accorder des titres de séjour provisoire aux clandestins victimes de filières clandestines qui décideraient de les dénoncer». «Mettez-vous à la place de ces immigrés illégaux, explique le ministre, ils sont aujourd’hui dans un statut qui ne leur permet pas de dénoncer leurs tristes conditions puisque, justement, ils n’ont aucune titre de séjour. Ils peuvent avoir peur d’aller voir la police ou la gendarmerie». «Avec le système que nous allons mettre en place, ajoute Besson, ils savent que s’ils dénoncent ceux qui les ont mis dans cette situation, ils peuvent obtenir instantanément un titre de séjour provisoire et coopérer avec la police». Une bonne idée? Les association France terre d’asile (voir le communiqué) et SOS racisme en doutent (voir le communiqué). Stéphane Maugendre, le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) aussi. Interview.

Pourquoi contestez-vous cette mesure?

La délation, par principe, est toujours sujette à caution. Sur un plan moral, c’est moralement condamnable. Et je pense que c’est aussi assez irréalisable. Un passeur c’est quoi? Ça va de celui qui fait inscrire sur son passeport comme son fiston quelqu’un qui ne l’est pas, au membre de la famille qui fait passer la frontière clandestinement à un cousin, à des trafiquants internationaux avec une organisation extrêmement perfectionnée comprenant la traversée de plusieurs pays jusqu’à l’arrivée en France dans un hôtel, la fourniture de faux papiers, le boulot, etc. Et tout ça est parcellisé, sécurisé. Les gens ne se connaissent pas les uns les autres. Le seul intérêt serait que l’étranger dénonce tout le réseau, mais comme il ne connaît que le petit passeur en bout de chaîne, quel intérêt? Et puis il risque d’y avoir des dérives, des mesures de rétorsion sur la famille restée au pays, des réglements de compte intra-familiaux. Le type qui dénonce va mettre en péril sa vie et celle de ses proches.

Pour l’étranger, quel est le poids juridique d’une circulaire?

C’est juste une instruction. En clair, la personne ayant dénoncé son passeur et qui se verrait refuser un titre de séjour par la préfecture serait démunie. Une circulaire n’a pas force de loi. Si elle porte l’affaire devant le tribunal administratif, c’est ce que lui dira le juge. Il faut arrêter de gouverner avec des circulaires. Sarkozy y a eu recours pour la régularisation des parents sans-papiers d’enfants scolarisés, Hortefeux pour la régularisation des salariés. Qu’au moins Besson fasse une loi disant: s’il y a dénonciation, il y aura un titre de séjour.

Besson dit que «son objectif premier était de démanteler les filières», est-ce que cette mesure peut au moins avoir cet intérêt?

Les filières sont d’autant plus puissantes, gagnent d’autant plus d’argent que c’est difficile d’obtenir un visa. Plus les procédures sont longues, plus les gens entrent clandestinement en France. Besson arrive à son ministère, il faut bien qu’il annonce quelque chose. Mais cette mesure ne résoudra rien, c’est juste de l’affichage.

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Eric Besson propose des titres de séjours provisoires

Pour museler la Cimade, une copie bis d’Hortefeux

logo-liberation-311x113  Catherine Coroller

Jusque-là, une seule association, la Cimade, assistait les étrangers sur l’ensemble du territoire. Le ministère avait décidé qu’à l’avenir la France serait divisée en huit lots et que n’importe quelle personne morale pourrait poser sa candidature. Objectif : créer une concurrence entre les opérateurs et museler une Cimade jugée trop critique. Cinq associations avaient saisi le tribunal administratif. Qui leur a donc donné raison.

Exigence. Dans la version publiée vendredi, le ministère revoit ses exigences à la hausse. «Le nouvel appel d’offres tient le plus grand compte de l’ordonnance rendue par le juge des référés […] en augmentant le niveau d’exigence pesant sur les équipes intervenant dans les CRA, en termes de compétences juridiques et de maîtrise confirmée des règles spécifiques du droit des étrangers», affirment les services de Brice Hortefeux.

Pour le reste, «il n’y a rien de nouveau, déplore Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. La mission est toujours éclatée en lots, et les associations mises en concurrence». Dans un communiqué diffusé hier, la Cimade «rejette un processus qui ne peut que conduire à la disparition de l’aide apportée aux étrangers en rétention» et «étudie avec ses partenaires les moyens de contester ce nouvel appel d’offres».

Les candidats ont jusqu’au 10 février pour se faire connaître. Que vont faire les associations ? Maître de conférence en droit et militant au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Serge Slama considère que la seule réponse est de «boycotter ce marché». Cela sous-entend que les défenseurs des étrangers soient solidaires. Or, lorsque le premier appel d’offres a été lancé, deux d’entre eux, Forum réfugiés et France terre d’asile (FTA) ont décidé d’y répondre. Vendredi, Pierre Henry, le directeur de FTA disait vouloir se donner «le temps de la trêve des confiseurs pour l’étudier».

Les autres associations n’ont pas, non plus, arrêté leur position. «Techniquement et juridiquement, on ne sait pas ce qu’on va faire, explique Laurent Giovannoni. Mais au niveau politique, on ne modifie rien de notre position : le refus complet d’un dispositif qui a clairement pour but de détruire la mission d’aide aux retenus, de bâillonner les associations et de tuer la Cimade.» Même analyse du côté du Gisti. Pour son président, Stéphane Maugendre, «l’idée du gouvernement est qu’il n’y ait plus aucun regard effectif sur le quotidien dans les CRA». Or, dit-il, «à partir du moment où il n’y a pas de regards, on en arrive à l’exemple de Mayotte».

«Pas acceptables». Comme l’a reconnu Yves Jégo dans Libération du 19 décembre, les conditions de rétention dans ce dernier centre «ne sont pas acceptables». Pourtant, ce CRA ne figure pas parmi les centres concernés par l’appel d’offres du ministère. En clair, il n’est toujours pas prévu qu’une association y assiste de façon permanente les personnes incarcérées.

Pour quelle raison ? Parce que la législation applicable aux étrangers n’y est pas la même, répondait vendredi le ministère qui pourrait réexaminer la question courant 2009. Interpellé par le collectif MOM (Migrants d’outre-mer), Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a promis de dépêcher à Mayotte « dès que possible, une mission pour procéder à une analyse approfondie de la situation et faire les recommandations qui s’imposent».

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Un sans-papiers libéré rattrapé par le zèle policier

  Mourad Guichard

Lorsqu’il sort du tribunal de Bobigny, ce mardi 30 septembre, Ismaël, ressortissant congolais sans papiers, mais travaillant en France depuis sept ans, est un homme libre. Maurice Amouyal, son patron, s’est engagé à effectuer les démarches pour obtenir sa régularisation et Stéphane Maugendre, son avocat, se félicite que la cour ait assorti d’un sursis sa peine de prison pour «rébellion». Ismaël venait de refuser un embarquement vers le Congo après un mois passé au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne).

C’était sans compter sur le zèle des policiers du commissariat voisin de Mitry-Mory, les mêmes qui l’avaient arrêté trois mois auparavant. Au sortir de son lieu de travail, moins de vingt-quatre heures après sa libération, Ismaël est de nouveau arrêté et placé en garde à vue. Visiblement, les policiers ne connaissent pas la récente décision de justice.

«En droit strict, Ismaël était en état de récidive dès la sortie du tribunal», explique Stéphane Maugendre, par ailleurs président du groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). «La seule parade à cette aberration juridique est la dépénalisation pure et simple du séjour irrégulier et du refus d’embarquement.»

Pour le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) qui a suivi ce dossier, la situation d’Ismaël relève de l’ubuesque. «Voici un homme qui travaille en France depuis sept ans, paye régulièrement ses impôts jusqu’à la redevance télé et dont le patron affirme la nécessité de le garder en contrat à durée indéterminée (CDI), insiste Marie Montolieu, présidente d’un comité local parisien. Cet homme n’a pas eu la chance de travailler pour un grand restaurant parisien et de bénéficier de la publicité actuelle qui est faite pour la régularisation collective des sans-papiers.»

Ismaël, qui a été libéré jeudi dernier et qui a repris son travail le lendemain, ne comprend pas les raisons de cette deuxième garde à vue. «Dans leur ordinateur, les policiers auraient dû avoir les éléments», estime-t-il. «Durant la garde à vue, sans doute pour justifier leur prise, ils ont insisté pour que je reconnaisse que j’avais volé ce qui était contenu dans mon sac.» Résigné, son patron explique : «Nous repartons à zéro. Son CDI a été cassé et il a perdu toute son ancienneté. Il est aujourd’hui comme un nouvel entrant dans la boîte.»

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Enseignants, protestants, avocats… : la galaxie hétéroclite des soutiens

index,  Luc Bronner et Michel Delberghe, 07/08/2008

Des enseignants, des lycéens, des parents d’élèves, des juristes, des syndicalistes, des chefs d’entreprise… Le profil des militants et sympathisants engagés dans la défense des sans-papiers est assez hétéroclite, même si la plupart des associations impliquées sont classées à gauche. Cette galaxie se révèle assez mouvante avec des collectifs qui naissent et disparaissent en fonction des menaces d’expulsion repérées ici dans un établissement scolaire, là par un syndicat, plus loin par un club sportif… Trois associations ou collectifs jouent un rôle moteur, rejoints, plus récemment, par des syndicats de salariés comme la CGT. A leurs côtés, interviennent des asso­ciations comme la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature ou des organisations de l’éducation natio­nale (SUD-Education, SNES, etc.).

La Cimade. L’association, créée en 1939 par des protestants, a conservé son acrony­me d’origine lié à la guerre (qui signifie Comité inter-mouvements auprès des éva­cués) mais se présente aujourd’hui com­me un « service œcuménique d’entraide » intervenant auprès des étrangers et des migrants. Elle est chargée, depuis 1984, d’une mission officielle dans les centres de rétention administrative (CRA) pour accompagner les personnes retenues et les conseiller.

Présidée par Patrick Peugeot, elle dispo­se de moyens importants, contrôlés par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), avec 120 salariés et 1 500 bénévo­les. Le ministère de l’immigration la finan­ce à hauteur de 40 % de son budget, le res­te étant assuré par des dons, des subven­tions de collectivités locales et de fonda­tions privées. La Cimade publie des enquê­tes sur la situation des centres de réten­tion. Elle n’a pas cessé, depuis plusieurs mois, d’alerter le gouvernement sur la situation critique dans certains CRA, notamment à Vincennes (Val-de-Marne) et au Mesnil-Amelot (Seine-et-Mame).

Le Gisti. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés, crée en 1972, est une association spécialiste du droit des étran­gers. Il organise des permanences juridi­ques, assure des formations. Début 2008, il comptait 208 membres, dont 54 avocats. Cette structure, présidée par l’avocat Sté­phane Maugendre, joue un rôle important dans le combat juridique, contestant régu­lièrement les textes réglementaires devant la juridiction administrative française ou européenne. Plusieurs « grands arrêts » du Conseil d’Etat ont été obtenus sur des recours déposés par le Gisti.

RESF. Le Réseau éducation sans frontiè­res est un rassemblement informel de cen­taines de collectifs locaux, créés autour d’établissements scolaires, pour assurer la défense d’élèves mineurs menacés d’expul­sion du fait de la reconduite de leurs parents. Depuis sa création, en 2004, ce réseau a connu un développement rapide, soutenu par des syndicats d’enseignants et des associations de parents. Grâce à ses actions (parrainages, pétitions, manifesta­tions), le réseau estime avoir empêché plusieurs milliers d’expulsions. Son porte-parole national est Richard Moyon.

CGT et Droits devant !! Le mouve­ment a commencé en février par une grè­ve inédite de salariés employés avec de fausses cartes de séjour dans un grand res­taurant parisien. Depuis, la CGT et l’asso­ciation Droits devant ! ! accompagnent les actions spontanées qui ont émergé dans plus de 70 entreprises, pour l’essen­tiel en Ile-de-France, contraintes par la nouvelle loi sur l’immigration de licencier leurs salariés employés « irrégulière­ment », le plus souvent depuis plusieurs années. Au total, plus de 800 travailleurs ont été régularisés, au cas par cas dans les préfectures, parfois avec l’aide des chefs d’entreprise concernés. Pour autant, ce mouvement concerne assez peu les fem­mes qui occupent des emplois précaires dans le nettoyage et la restauration.

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Sans-papiers : le fiasco des régularisations par le travail

Carine Fouteau

Extrait : Les salariés sans papiers poursuivent leur grève «illimitée» en Ile-de-France. Malgré l’ampleur du mouvement, leur demande de régularisation collective adressée au ministre du Travail, Xavier Bertrand, reste sans réponse. La CGT menace d’élargir la grève à d’autres régions. Du côté des préfectures, chargées d’instruire les dossiers, on observe un certain cafouillage. Seules quelques dizaines de personnes munies d’un contrat de travail ont obtenu un titre de séjour depuis le début de l’année.

Couvertures, sandwiches et sonos: les quelque 300 salariés sans papiers d’Ile-de-France en «grève illimitée» se préparaient, ce mercredi dans la soirée, à une deuxième nuit d’occupation de leurs entreprises. Malgré le rassemblement organisé dans l’après-midi rue de Grenelle à Paris, le ministre du Travail ne les a pas reçus. C’est en effet Xavier Bertrand que les grévistes ont choisi d’interpeller pour demander leur régularisation, plutôt que le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, car ils se considèrent avant tout comme des salariés dont les droits ne sont pas respectés.

A Villejuif, dans le Val-de-Marne, la centaine d’Africains occupant la Maison du nettoyage ont été rejoints par des femmes, notamment des Moldaves, …

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Des patrons en lutte

rue89-logo Chloé Leprince 17/04/2008

En pleine grève des sans-papiers, un chef d’entreprise veut fédérer les patrons pour faire régulariser leurs salariés.

Johann Le Goff a 32 ans et pas la moindre carte d’électeur. Même si « ça commence à le titiller ». Pourtant, en moins de 24 heures, ce patron d’une PME de câblage informatique a débarqué dans l’actualité comme une icône chez les patrons citoyens.

Depuis un mois, il tentait de fédérer des chefs d’entreprise pour réclamer d’une même voix la régularisation de leurs salariés sans-papiers, dans des secteurs où ils affirment peiner à trouver de la main-d’œuvre.

La grève de plusieurs centaines de travailleurs sans papiers, qui a démarré hier en Ile-de-France sous les hospices de la CGT et de l’association « Droits devant ! “ lui offre une tribune toute trouvée.

Difficile de recruter depuis le durcissement de la loi

En quelques semaines, Johann Le Goff a réussi à mobiliser une trentaine d’entreprises qui sont dans son cas. Depuis qu’il a lancé sa première société, il y a sept ans, le patron de Seine-Saint-Denis affirme en effet avoir ‘de plus en plus de mal à recruter des employés’, sachant qu’il tourne avec ‘une dizaine de salariés par an’.

La première fois que ce ‘non militant’ s’est posé cette question, c’était il y a quatre ans, avec un premier salarié sans papiers. Depuis, Konex, l’entreprise de Johann Le Goff, a eu recours à de nombreux intérimaires. Le jeune patron de PME n’exclue pas que certains d’entre eux aient pu travailler sous une fausse identité.

Mais la loi s’est durcie, en juillet 2007, et les entreprises sont désormais obligées d’apporter la preuve que leurs salariés sont en règle. A l’automne, Johann Le Goff a proposé à plusieurs reprises à l’un de ses hommes, un Algérien, de le titulariser. Impossible : son salarié n’avait pas de papiers.

Pour pouvoir embaucher dans les règles cet employé, le patron de Konex est allé jusqu’à prendre un avocat qu’il paye de sa poche pour faire les démarches. Son témoignage illustre l’impasse actuelle de la régularisation par le travail, pourtant vantée par le gouvernement.

Il y a quelques mois, le câbleur informatique a contacté Jean-Claude Amara et son association ‘Droits devant ! . Alors que ce dernier manifestait sous les fenêtres du ministère du Travail ce mercredi après-midi pour médiatiser la grève de travailleurs sans-papiers, il soutient l’initiative du patron de PME. Mais garde ses distances : pour lui, c’est maintenant aux patrons de prendre leurs responsabilités’ pour obtenir que le gouvernement change de braquet :

S’il ne réclame pas qu’on régularise tout le monde, Johann Le Goff, lui, souligne que la main-d’œuvre sans papiers est souvent formée et efficace. Il dit volontiers qu’il joue sur deux tableaux :

‘Il y a la question des droits de l’homme, de la dignité de nos employés ; et puis le problème économique à une époque où nous n’arrivons plus à embaucher. Les hommes politiques ne se rendent pas compte du manque à gagner que ça représente pour nous. On est dans la vraie vie.’

‘Ca n’avance plus sur les chantiers !

A ses côtés, Djamila Sarrar rebondit. Johann Le Goff ne la connaissait pas avant de lui proposer de rejoindre le réseau Patrons solidaires’ mais la jeune femme, à la tête d’une entreprise familiale de nettoyage de façades, dresse le même constat :

‘On a perdu 40% de notre chiffre d’affaires depuis décembre, parce que ça n’avance plus sur les chantiers. Depuis la nouvelle loi, trois de nos salariés ont disparu du jour au lendemain. Pour le quatrième, nous avons découvert après avoir envoyé son dossier en préfecture qu’il n’était pas du tout en règle. Nous avons été obligés de le licencier.’

La jeune patronne et sa mère soulignent que, faute de main-d’œuvre, elles assurent elles-mêmes le nettoyage sur le chantier ‘alors que c’est un métier d’homme, en hauteur, et que nous sommes censées chercher des clients, plutôt’.

Djamila Sarrar confie qu’elle rejoint le réseau parce qu’elle en a ‘ras le bol’ :

La patronne de Netexpress, l’entreprise de nettoyage, n’a pas coupé les ponts avec le salarié qu’elle a dû licencier ‘alors qu’il payait ses impôts comme tout le monde’. Ce mercredi après-midi, il est présent dans les locaux de l’entreprise familiale, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Il veut bien parler si on l’appelle Bouba. Il a 33 ans, était cultivateur dans son pays d’origine, la Guinée-Conakry, avant de gagner la France en 2001.

Ayant perdu deux ans plus tard son statut de réfugié, il a travaillé quatre ans chez Netexpress avec de faux papiers, ‘sans avoir prévenu ses patronnes’. Depuis son licenciement, il ne travaille plus :

‘Même le travail, tu ne peux plus trouver. Avant, c’était plus simple. Aujourd’hui, c’est devenu très difficile. Beaucoup de salariés sont licenciés. Mais, si je ne travaille pas, qu’est ce que je vais faire ? Il faut payer le loyer, manger… Il faut qu’on travaille… Sinon, on va où ?

Chez les sans-papiers, le bouche à oreille va bon train : dans certains quartiers, des sociétés d’interim se seraient spécialisées dans le placement de travailleurs sans-papiers. Par exemple, dit-on, des enseignes qui ont pignon sur rue à Paris, aux abords de la gare de l’Est ou de la gare du Nord. Maryline et Djamila Sarrar ont même entendu parler d’un tarif hors compétition, à 3,80 euros de l’heure.

Vers un nouvel esclavage’

Au Gisti, Me Stéphane Maugendre confirme qu’un des effets pervers de la nouvelle législation aura été de laisser des patrons peu scrupuleux seuls employeurs de main-d’œuvre sans papiers. L’avocat y voit carrément l’émergence d’un ‘nouvel esclavage’ :

Chez Netexpress, on termine la journée de mercredi en espérant que la médiatisation permettra de ‘faire bouger les dossiers’, à commencer par celui de Bouba. Même si Maryline s’étonne, d’un sourire ironique :

‘TF1 devait passer faire un reportage. Ils ont annulé parce qu’on ne les intéressait pas : on n’emploie plus de sans papiers. Il faut savoir ce qu’on veut ! Nous, on respecte la loi, mais on ne demande pas mieux !

Avocat