Archives de catégorie : Avocat

Des images pour sauver Diop

AVT_Telerama_6680 Sophie Cachon, 04/06/1997

« Les policiers ont à respecter la loi républicaine. Ils ne l’ont pas fait, des images vidéo le prouvent », dit maître Maugendre, avocat de El Hadj Momar Diop, sans- papiers d’origine sénégalaise (à ne pas confondre avec Ababacar Diop, porte-parole des sans-papiers), jugé et condamné le 16 mai dernier à quatre mois de prison ferme et dix ans d’interdiction du territoire.

C’est lors d’une manifestation des sans-papiers au Stade de France, le 14 mai, que El Hadj Momar Diop a été interpellé. Deux versions des faits s’opposent : le sans-papiers dit avoir été frappé par les policiers, qui eux, affirment le contraire. Or, ce jour-là, les médias étaient présents. L’altercation entre les manifestants et la police a été enregistrée par au moins quatre caméras.

Jugé deux jours plus tard, Momar Diop a été reconnu coupable (coups et blessures, rébellion, séjour irrégulier) et condamné malgré des zones d’ombre dans les déclarations des policiers et des convergences évidentes dans celles des témoins. Car les preuves vidéo n’étaient pas là : quand on juge quel¬qu’un deux jours après les faits (en comparution im¬médiate), il n’est pas facile de récolter les documents (photos, cassettes), souvent dispersés dans la confusion, ou confisqués par la police. Momar Diop, qui a fait appel, est détenu à Fleury-Mérogis. «J’ai en ma possession une cassette vidéo qui montre que les violences policières sont patentes, et j’en attends une seconde», déclare l’avocat. Les sans-papiers, eux, lancent un appel pour la libération de Momar Diop. Le poids des images pèsera-t-il dans la balance d’une justice peut-être trop expéditive ?

Appel pour la libération de El Hadj Momar Diop.

Image_3_reasonably_small-du_400x400 04/06/1997

Nous soussignés .

Indignés par la violence exercés contre El Hadj Momar Diop et les insultes racistes qu’il a dû subir, alors qu’il manifestait pacifiquement, le mercredi 14 mai 1997, devant le grand Stade de France pour la régularisation des sans-papiers,

Scandalisés par la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Bobigny le 16 mai, et qui l’envoie en prison pour 4 mois, avec interdiction du territoire français pour 10 ans,

Nous demandons la libération immédiate de El Hadj Momar Diop et sa régularisation.

Pour que la justice ne devienne pas une annexe du ministère de l’Intérieur.

Quand la justice s’éveillera.

arton7300 Frédéric Pagès, 28/05/1997

Paquebot de béton et de verre, le palais de justice de Bobigny (Seine-Saint-Denis) est surchauffé ce vendredi après-midi. En comparution immédiate, la 17e chambre juge Momar Diop, membre du collectif des sans-papiers.

Extrait : MALGRÉ l’ambiance électrique, un des juges assesseurs roupille, paupières closes et bouche ouverte. Dans le box, Momar Diop, citoyen sénégalais, explique qu’il s’est fait tabasser par l’officier de police Fattore lors d’une manifestation de sans-papiers au Stade de France, à Saint-Denis. Mais les policiers ont une autre version : « L’accusé s’est blessé lui-même en se jetant contre la portière de notre voiture » (1). Pour un peu, on poursuivrait Diop pour dégradation de matériel… Après une délibération d’une demi-heure, le président Lévy revient avec ses deux assesseurs pour annoncer le verdict : « Quatre mois de prison ferme et 10 ans d’interdiction du territoire. » Soudain, le juge dormeur se réveille et tire le président par la manche. Conciliabules embarrassés.., « Six mois de prison » rectifie le président. Les avocats de la défense bondissent : « La sentence prononcée en premier est la seule légale ». Et c’est ainsi que Diop décroche un rabais de deux mois de taule… Mais la peine reste lourde, et dans la salle les amis des sans-papiers sont furieux : « Tribunal raciste! », hurlent-ils.

« Saisissez-vous de ces personnes. Elles seront poursuivies pour insulte à magistrat! », crie le président Lévy aux policiers.

Bousculade…Une voix dans le public apostrophe l’assesseur hibernateur : « Vous avez dormi tout le temps et vous osez condamner un homme ! »

La salle évacuée, le tribunal retrouve son allure de croisière, sans contestataires, avec seulement dix personnes dans les travées du public. ….

(1) Tournées durant cette manifestation, des bandes vidéo mon­trent des manifestants pacifiques et des forces de l’ordre très énervées, en particulier contre les porteurs de caméras. Un photographe de l’AP a été molesté.

Le DAL et les sans-papiers manifestent, la police matraque.

logo-liberation-311x113  B. Bantman et D. Simonnot

Quatre cassettes accablantes ont été tournées les 14 et 18 mai. Elles montrent les provocations des forces de l’ordre.

La police prise en flagrant délit de mensonge par des images vidéo?

Le visionnage de cassettes vidéo risque d’entraîner une volte-face judiciaire. L’une a été tournée le 14 mai, lors de la dispersion des sans-papiers venus manifester devant le Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Trois autres lors de l’évacuation, le 18 mai à Paris, d’un immeuble du Crédit Lyonnais occupé par des militants de Droit au logement. Dans les deux cas, les cassettes récusent sans ambiguïté les dires des policiers, qui ont justifié le caractère musclé de ces interventions par des provocations des manifestants.

Traîné à terre et roué de coups. Dans le premier cas, le sort d’un Africain sans papiers est en jeu. Le 18 mai, quatre jours après la manifestation, El Hadj Momar Diop a été condamné à quatre mois de prison ferme et dix ans d’interdiction du territoire pour violence à agent par le tribunal correctionnel de Bobigny. A son procès, Momar Diop a nié l’accusation, affirmant au contraire avoir été victime de violences policières. Plusieurs témoins ont confirmé ses dires, assurant avoir vu l’Africain poussé vers une voiture de police, traîné à terre et roué de coups. Mais les policiers entendus ont fait bloc pour se poser en victimes. L’un d’entre eux, Mario Fattore, a affirmé avoir reçu un coup de poing au visage «d’un individu de race noire» puis un coup de tête qui lui a blessé le nez et l’arcade sourcilière. Une déclaration en partie infirmée à l’audience par un certificat médical faisant bien état d’une déviation de la cloison nasale, mais précisant que le traumatisme est ancien. Cela n’a pas empêché le tribunal de condamner Momar Diop. Arrivé du Sénégal il y a plus de vingt ans, il a fait des études d’anglais en France et pourrait faire partie des immigrés dont la loi Debré prévoit la régularisation, selon son avocat Stéphane Maugendre. L’Inspection générale des services (la police des polices) a été saisie. Elle devrait disposer d’un élément édifiant avec les images tournées par un homme qui préfère rester anonyme, se souvenant peut-être du sort réservé à un photographe de l’agence Associated Press qui, sur le stade, s’est fait confisquer sa pellicule par la police. Plainte pour faux témoignage. L’homme a filmé l’interpellation de Momar Diop alors qu’il quittait tranquillement le lieu de la manifestation. Sa cassette montre Mario Fattore l’agrippant par le bras. L’Africain ne bronche pas. On le voit seulement tenter de se dégager, sans violence, tandis qu’un policier tente de détourner l’objectif de la caméra. Finalement, on voit le sans-papiers projeté à terre par les forces de l’ordre, en accord avec les déclarations de plusieurs témoins qui ont vu Momar Diop recevoir une pluie de coups. Une plainte pour faux témoignage devrait donc être déposée cette semaine.

Dans le cas des militants de Droit au logement, trois cassettes vidéo, l’une d’un amateur et deux de France 2, contredisent la version policière donnée le 18 mai, après l’occupation par le Dal d’un immeuble du Crédit Lyonnais, dans le XVIe arrondissement. Au soir de l’évacuation, trois personnes ont été mises en examen pour «rébellion en réunion, avec arme». En l’occurrence, une hampe de drapeau avec laquelle les trois manifestants auraient chargé les CRS. Or les films montrent, au contraire et très clairement, la violence de l’intervention des policiers, sans qu’à aucun moment n’apparaisse la hampe. On voit d’abord les familles et les militants se presser vers l’entrée de l’immeuble. Garé devant les grilles, le camion loué par Emmaüs déverse des sacs de couchage et des matelas qu’on se passe de main en main. Quelqu’un crie «du calme, ne vous bousculez pas!». Puis «vite, rentrez, ils arrivent!». Les grilles se referment. Reste à l’extérieur une petite centaine de manifestants. Aux policiers, ils montrent leurs mains nues, avancent les paumes en l’air, tentent de repousser la charge. Boucliers en avant, matraques levées, les policiers cognent. Un homme est traîné, à terre, battu par trois CRS. «Au secours!», crie une femme. L’homme est emmené. Il sera l’un des trois mis en examen. «Honte à eux.» Dans un coin, le long de l’immeuble, un jeune homme est menotté et maintenu contre le mur par deux policiers. Il vacille sur ses jambes, tourne son visage. Il est en sang et hurle. De douleur ou de peur? Il est embarqué, tombe. On voit un policier en civil intervenir, calmer ses collègues et même les engueuler. Une dizaine de CRS l’entourent, masquant la scène à la caméra. «Honte à eux!», crient les manifestants. Le jeune homme, embarqué, sera le deuxième mis en examen.

Hier, Me François Breteau, avocat du Dal, annonçait qu’il allait verser ces trois films au dossier de Marie-Paule Moracchini, la juge d’instruction chargée de l’affaire. «Nous allons d’abord demander un non-lieu et ensuite porter plainte pour dénonciation calomnieuse et faux témoignages», dit l’avocat. Ces films ne font que confirmer ce que tout observateur présent sur les lieux avait pu constater.

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Des images vidéo attestent des violences policières contre les sans-papiers et le DAL

index, N. Herzberg et L. Riberolles, 25/05/1997

Extrait : Les cassettes contredisent les versions données par les forces de l’ordre . Deux cassettes vidéo tournées la semaine dernière, lors de la dispersion des sans-papiers qui manifestaient devant le Stade de France, à Saint-Denis, et lors de l’évacuation d’un immeuble parisien occupé par des militants de Droit au logement, prouvent que des violences ont été commises par les policiers. Ces images contredisent la version des forces de l’ordre, qui accusaient les manifestants de provocations.

LES ACCUSATIONS de violences policières portées la semaine dernière par plusieurs associations viennent de gagner un sérieux crédit (Le Monde du 23 mai). Deux cassettes vidéo confirment en effet que, lors de la dispersion des sans-papiers qui manifestaient devant le Stade de France, à Saint-Denis, mercredi 14 mai, comme au cours de l’évacuation d’un immeuble du Crédit lyonnais occupé par des militants de Droit au logement (DAL) place d’Iéna, dans le 16e arrondissement de Paris, la version des forces de l’ordre n’est pas conforme à la réalité. Ces images, que nous avons pu visionner, remettent en question les plaintes des policiers consignées sur procès-verbaux ou leurs témoignages devant le tribunal.

Tourné par une personne qui souhaite pour l’heure garder l’anonymat, le film, réalisé devant le Stade de France lors de la manifestation des sans-papiers, présente les premiers instants de l’opération policière. On y voit les unités de sécurité publique se munir de leur tenue d’intervention avant de s’approcher des manifestants, sous l’oeil du commissaire qui a ordonné l’évacuation. Plusieurs policiers en civil des brigades anti-criminalité (BAC) de Seine-Saint-Denis les accompagnent. Un groupe de manifestants, au milieu desquels se trouvent des enfants, quitte paisiblement les lieux à la demande des policiers, qui canalisent leur départ.

Alors qu’un Africain de grande taille El Hadj Moumar Diop passe près de lui sans le toucher, un policier le pousse sans ménagement avec un tonfa, un bâton de maintien de l’ordre d’origine japonaise utilisé dans la police française. Ce geste que rien ne semble justifier apparaît comme une provocation. Le policier attrape alors El Hadj Moumar Diop par le bras, puis se tourne de façon menaçante vers la caméra afin d’empêcher la personne qui a saisi la scène de continuer à filmer. L’image revient. Le policier tient à nouveau par le bras Moumar Diop, qui essaie de se dégager en douceur. Il l’attrape à nouveau, aidé par…

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Une manifestation nocturne en faveur des sans-papiers

index 24/05/1997

ENVIRON 700 personnes ont participé, jeudi 22 mai a Paris, une manifestation nocturne en faveur des sans-papiers qui avait tir baptisée « Paris s’illumine » par ses organisateurs. De l’église Saint-germains- des-Prés à la place de la Bastille, les manifestants ont tenté de montrer que, « malgré les mois passés, malgré les agressions policières, la flamme de (leur) lutte brille encore », résumait l’un de leurs délégués. Deux heures durant, les sans-papiers et leurs soutiens (LDH, Ras le Front, Droit devant, SUD…) ont crié leurs revendications, protégeant de la pluie battante les bougies, lanternes multicolores, flambeaux de jardin, torches électrique et autres feux de Bengale dont ils s’étalent munis pour l’occasion.

Outre la demande de régularisation, qui constitue leur principal objectif, les manifestants ont réclamé la libération d’El Hadj Momar Diop, délégué du troisième collectif de sans papiers, condamné a quatre mois de prison et dix ans d’interdiction du territoire pour «violences sur agent de la force publique », à la suite de l’occupation, le mercredi 14 mai, du Stade de France à Saint-Denis (Le Monde du 23 mai).

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Désordres policiers

index édito, 23/05/1997

UN photographe de presse et un journaliste qui affirment avoir été matraqués par des policiers, avant que le premier se voie confisquer des films. Un cameraman, au même moment, empêché de filmer, les conditions d’intervention des forces de l’ordre, le 14 mai, au Stade de France, occupé par deux cents étrangers sans papiers, sont vivement contestées. Violences, passage à tabac, « Injures racistes », selon plusieurs témoins, auraient accompagné cette évacuation musclée. Une nouvelle fois, en quelques mois, se trouve mise en cause la façon dont sont conduites des opérations de maintien de l’ordre,

Cela avait déjà été le cas à Marseille, le 11 mars, à l’issue d’une importante manifestation contre le Front national, la po¬lice était alors violemment inter¬venue, utilisant matraques et grenades lacrymogènes pour disperser le cortège. Les affrontements avalent duré deux heures. Plus de deux cents plaintes de particuliers ont par la suite été déposées, un comité de soutien aux manifestants dénonçant la mise en place par la police, ce soir-là, « d’une souricière, d’une nasse à manifestants ». Devant l’émoi provoqué dans la ville, une enquête était confiée à l’Inspection générale de la police nationale, chargée d’établir d’« éventuelles responsabilités policières ». Sans attendre ses résultats, le préfet délégué pour la sécurité et la défense, Michel Sappin, devait reconnaître, le 29 avril, « une erreur opérationnelle de commandement » dans la façon dont avait été encadrée la manifestation.

Une polémique semblable a suivi la manifestation qui s’est tenue à Strasbourg au moment du congrès du front national, le 29 mars, les forces de l’ordre sont, cette fols, mises en cause pour avoir levé trop tôt certain dispositifs de sécurité, la nuit s’étant achevée par de violents incidents provoqués en centre-ville par quelques dizaines de mystérieux casseurs.

Cette multiplication d’incidents, ces accusations répétées de violences policières – des militants de Droit au logement ont également protesté contre la façon dont ils ont été évacués, dimanche 18 mai, d’un Immeuble occupé à Paris – laissent planer de graves soupçons sur des opérations conduites sous la responsabilité des préfets et des directeurs départementaux de la sécurité publique. Jean-louis Debré, ministre de l’Intérieur, toujours prompt à soutenir sans réserve ses fonctionnaires, n’a pas eu un mot pour rappeler les exigences des lois de la République, ni même pour réaffirmer que les opérations de maintien de l’ordre ne sauraient supporter un manque de rigueur et de professionnalisme.

Les années 70 avaient été rythmées de ces débordements policiers empreints de violence. A l’époque, le ministre de l’intérieur Raymond Marcellin s’était forgé en la matière une solide réputation. Il serait déplorable qu’un tel climat puisse renaître, alors même qu’en haut lieu on redoute la multiplication des conflits sociaux.

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La police accusée de violences lors d’une intervention au stade de France

index, Nathaniel Herzberg, 

Extrait : L’AFFAIRE semble tristement classique : une occupation, une échauffourée, un manifestant poursuivi pour « rébellion » et « coups et blessures à agent », et un procès. Témoignage contre témoignage, certificat médical contre certificat médical. La justice donne raison aux policiers et condamne le militant.

Pourtant, cette aventure, qui vient de conduire El Hadj Moumar Diop à la prison de Fleury-Mérogis, pourrait bien se transformer en cas d’école. Depuis sa condamnation, vendredi 16 mai, par le tribunal de Bobigny à quatre mois de prison ferme et dix ans d’interdiction du territoire, sa situation sert désormais d’emblème aux soutiens des sans-papiers. Plus une déclaration sans une mention de son cas.

Sa demande de libération devrait figurer en tête des revendications de la manifestation nocturne des sans-papiers, jeudi 22 mai, à Paris. Enfin une pétition, signée par près de 300 personnalités (cinéastes, comédiens, universitaires), associations ou syndicats, dénonce « la violence et les insultes racistes qu’il a dû subir » en espérant « que la justice ne devienne pas une annexe du ministère de l’intérieur ».

Il y a d’abord le déroulement des faits qui sont reprochés…

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Double appel contre les brutalités policières.

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Les signataires demandent la libération de Momar Diop.

Le temps des pétitions est revenu. Thème imposé: la violence policière. Exemples choisis: l’évacuation brutale, dimanche 18 mai, d’un immeuble parisien investi par des militants et des sans-logis et l’arrestation musclée d’un sans-papiers, mercredi 14 mai, lors d’une manifestation au Grand Stade de Saint-Denis (93). Conséquence judiciaires: des manifestants molestés par les forces de l’ordre se retrouvent condamnés ou mis en examen.

Deux appels ont déjà été signés par plus de 300 personnalités, associations ou syndicats pour protester contre les brutalités policières et réclamer la libération de Hel Hadj Momar Diop, interpellé au Grand Stade et condamné à quatre mois de prison pour, entre autres délits, «violences à agent». Tous les témoins affirment pourtant qu’il a été roué de coups par les policiers. Parmi les signataires, «indignés par la violence et les insultes racistes» subies par ce Sénégalais, qui vit en France depuis plus de vingt ans, figurent des cinéastes dont Manuel Poirier (prix du Jury au Festival de Cannes), Jacques Audiard ou Enki Bilal, des écrivains comme Dan Franck ou Jean Vautrin, des comédiens, dont Annie Duperey, ainsi que des chercheurs, des universitaires tels Léon Schwartzenberg, des élus dont le sénateur-maire (PCF) d’Aubervilliers, l’ancien ministre Jack Ralite. Tous demandent la libération immédiate et la régularisation de Diop «pour que la justice ne devienne pas une annexe du ministère de l’Intérieur».
Parallèlement, un appel unitaire contre la répression et les violences policières circule depuis hier pour dénoncer l’attitude brutale des forces de police, dimanche, lors de la tentative d’occupation d’un immeuble place d’Iéna, inoccupé depuis six ans et appartenant au Crédit Lyonnais. «Trois militants, qui protégeaient pacifiquement des matraques les familles et leurs enfants, ont été victimes de violences, arrêtés, placés en garde à vue et mis en examen pour rébellion à agent avec arme par destination», rappelle le texte, qui souligne que de nombreux témoignages et images filmées confirment que cette accusation est dénuée de tout fondement et n’est qu’un «montage policier».
Une manipulation du même style est évoquée à propos de l’arrestation et de la condamnation de Diop. Lors de la manifestation devant le Grand Stade, un photographe de l’agence Associated Press a été molesté et une de ses pellicules a été saisie, tandis que la caméra d’un jeune homme qui avait filmé la scène a été confisquée. «Si la version de la police est aussi claire, pourquoi a-t-on fait disparaître les preuves?», interroge Stéphane Maugendre, l’avocat d’El Hadj Momar Diop. Le Syndicat national des journalistes dénonce pour sa part ces violences qui empêchent l’exercice de la profession. Pourtant, deux jours plus tard, au procès de Diop, les versions contradictoires des policiers et un certificat médical qui relevait que la déviation de la cloison nasale dont se plaignait un des policiers était un traumatisme ancien, n’ont pas empêché le président du tribunal de condamner le prévenu pour violence à agent. «Ces violences s’attaquent à des mouvements de chômeurs, de « sans droits et d’exclus, qui s’expriment par les seuls moyens en leur possession: les manifestations, les marches et les occupations. Ils visent aussi les militants associatifs, les citoyens qui leur apportent leur soutien et les journalistes qui font leur travail d’information», conclut l’appel.

Coups durs pour un sans-papiers

logo-liberation-311x113 David Dufresne, 19/05/1997

Interpellé mercredi, brutalisé par la police selon des témoins, il écope de dix ans d’interdiction du territoire.

Quatre mois de prison ferme, 4000 francs d’amende et dix ans d’interdiction du territoire, c’est la condamnation qu’a prononcée, vendredi Soir, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny à l’encontre de El Hadj Momar Diop. Porte-parole du troisième collectif des sans-papiers, d’origine sénégalaise, El Hadj Momar Diop avait été interpellé mercredi à proximité du Stade de France (Seine-Saint-Denis), où lui et les siens avaient choisi de manifester dans un «lieu symbolique». La justice avait retenu plusieurs inculpations contre lui: infraction à la législation relative aux étrangers, rébellion et violence à agent. Selon la police, il aurait, en se débattant dans le car, blessé un agent. Pour de nombreux témoins, c’est au contraire les forces de l’ordre qui ont agi avec une «extrême brutalité». Incarcéré à Fleury-Mérogis, le sans-papiers se réserve le droit de faire appel.

Dès samedi, un comité de soutien en sa faveur s’est constitué et un appel, lancé dans la foulée, a déjà recueilli une centaine de I signatures, dont plusieurs de cinéastes et d’écrivains. Rendu public demain, l’appel demande notamment sa «libération immédiate pour que la justice ne devienne pas une annexe du Ministère de l’intérieur». Et une réunion doit décider, mercredi, d’une campagne nationale «voire internationale», selon Madjiguène Cissé, déléguée de la coordination nationale des sans-papiers. De son côté, Reporters sans frontières a écrit à Jean-Louis Debré pour lui demander l’ouverture d’une enquête sur les conditions de l’interpellation, lors de la manifestation des sans-papiers mercredi, de Gaél Cornier, photographe de l’agence Associated Press. « Molesté » à coups de matraque et de bouclier, le photographe s’était vu saisir une de ses pellicules et avait été retenu quatre heures au commissariat central de Saint-Denis.

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