Quand la justice s’éveillera.

arton7300 Frédéric Pagès, 28/05/1997

Paquebot de béton et de verre, le palais de justice de Bobigny (Seine-Saint-Denis) est surchauffé ce vendredi après-midi. En comparution immédiate, la 17e chambre juge Momar Diop, membre du collectif des sans-papiers.

Extrait : MALGRÉ l’ambiance électrique, un des juges assesseurs roupille, paupières closes et bouche ouverte. Dans le box, Momar Diop, citoyen sénégalais, explique qu’il s’est fait tabasser par l’officier de police Fattore lors d’une manifestation de sans-papiers au Stade de France, à Saint-Denis. Mais les policiers ont une autre version : « L’accusé s’est blessé lui-même en se jetant contre la portière de notre voiture » (1). Pour un peu, on poursuivrait Diop pour dégradation de matériel… Après une délibération d’une demi-heure, le président Lévy revient avec ses deux assesseurs pour annoncer le verdict : « Quatre mois de prison ferme et 10 ans d’interdiction du territoire. » Soudain, le juge dormeur se réveille et tire le président par la manche. Conciliabules embarrassés.., « Six mois de prison » rectifie le président. Les avocats de la défense bondissent : « La sentence prononcée en premier est la seule légale ». Et c’est ainsi que Diop décroche un rabais de deux mois de taule… Mais la peine reste lourde, et dans la salle les amis des sans-papiers sont furieux : « Tribunal raciste! », hurlent-ils.

« Saisissez-vous de ces personnes. Elles seront poursuivies pour insulte à magistrat! », crie le président Lévy aux policiers.

Bousculade…Une voix dans le public apostrophe l’assesseur hibernateur : « Vous avez dormi tout le temps et vous osez condamner un homme ! »

La salle évacuée, le tribunal retrouve son allure de croisière, sans contestataires, avec seulement dix personnes dans les travées du public. ….

(1) Tournées durant cette manifestation, des bandes vidéo mon­trent des manifestants pacifiques et des forces de l’ordre très énervées, en particulier contre les porteurs de caméras. Un photographe de l’AP a été molesté.