Archives de catégorie : Avocat

La police aux frontières face à la pression du « résultat »

index Piotr Smolar, 22/02/2003

En trois semaines, deux étrangers escortés sont morts au cours de reconduites à la frontière.

S’il y a bien un corps policier où la fameuse « culture du résultat », voulue par Nicolas Sarkozy, place les fonctionnaires dans une situation impossible, c’est la police aux frontières (PAF). Son bilan statistique ? Il est mauvais. Sur les quelque 40 000 mesures d’éloignement prononcées chaque année, le taux de reconduite est inférieur à 20 %.

La pression ministérielle est donc montée depuis quelques mois, plaçant les policiers de la PAF devant un dilemme : comment embarquer de force davanta­ge d’étrangers expulsables sur des lignes régulières sans multiplier les risques de dérapage ?

En trois semaines, deux person­nes sont mortes alors qu’elles étaient escortées et placées dans l’avion du retour. Le 30 décembre, un Argentin de 52 ans, Ricardo Barrientos, décédait d’une crise cardia­que a l’aéroport de Roissy. L’autopsie a conclu à une mort naturelle. Le 18 janvier, Mariame Getu Hagos, un Éthiopien de 24 ans, devait être reconduit sous escorte à bord d’un vol en direction de l’Afrique du Sud. Ses protestations ont incité les policiers à utiliser ce qu’ils nomment les « ges­tes techniques d’intervention », afin de le maîtriser et le réduire au silen­ce : en somme, ils l’ont maintenu compressé, assis, le visage contre les genoux. Trop longtemps. Hospi­talisé dans le coma, le jeune hom­me est décédé. «Ces deux morts ne sont pas le fruit du hasard, assure Me Stéphane Maugendre, responsa­ble du Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti). On a demandé aux policiers de faire du chiffre. Pour la PAF, ça signifie reconduire plus sévèrement. »

3 OOO REFUS d’embarquement

Suivant les recommandations d’un rapport de l’inspection géné­rale des services (IGS) et désireux de sanctionner à titre d’exemple, Nicolas Sarkozy a mis à pied les trois policiers impliqués jusqu’à l’issue de l’enquête judiciaire. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur peaufine actuellement des aména­gements dans le mode d’interven­tion des policiers de la PAF, qui a dû gérer, en 2002, près de 3 000 refus d’embarquement, selon les chiffres de la direction générale de la police nationale.

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Des proxénètes recrutaient des adolescentes africaines à la sortie du tribunal de Bobigny

index Alexandre Garcia, 12/02/2003

Le tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a-t-il servi de plaque tournante à un réseau international de proxénétisme ? La rumeur a longtemps circulé mais elle s’est transformée en scandale quand le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) a déposé une plainte en mars 2001.

De janvier 2000 à juin 2001, une cinquantaine d’adolescentes africaines ont bien disparu quelques jours après leur passage au palais de justice, a confirmé, lundi 10 février, Françoise Bouthier-Vergez, présidente de la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, où sont jugées 10 personnes accusées de proxénétisme aggravé. Alors que la police constatait dans le même temps « un fort accroissement de la prostitution de jeunes Sierra-Léonaises sur le trottoir parisien », ces prévenus auraient mis la main sur des mineures sans papiers à leur sortie des audiences consacrées aux étrangers arrivés en France en situation irrégulière.

Dans sa plainte, le Gisti avait relaté la manière dont des « rabatteurs » africains assis dans les rangs du public profitaient des audiences pour entrer en contact avec ces jeunes femmes à qui ils proposaient un logement le temps de régler leurs problèmes administratifs. Ce mode de recrutement, qui, selon le Gisti, semblait connu de « l’ensemble du monde judiciaire de la Seine-Saint-Denis », a été détaillé au cours de l’instruction par trois prostituées, dont deux étaient passées par le tribunal. Régulièrement battues et menacées de mort, Grace, Queen et Victoria avaient été recrutées en Afrique puis prises en charge à leur arrivée en France par le réseau auquel elles devaient chacune rembourser 50 000 dollars (46 640 euros). Les trois femmes ont donné les noms de leurs souteneurs. A la tête de l’organisation, Edith Erhunmwunse, une Nigériane de 25 ans qui a réussi à prendre la fuite.

Le couple qui hébergeait les jeunes femmes a été interpellé en novembre 2001, avec d’autres membres de la filière. A l’audience, Herod et Joyce Opoku ont expliqué qu’ils n’ont fait qu’héberger pendant six mois trois filles « qui ne savaient pas où dormir » en leur demandant « 400 ou 500 francs pour l’électricité ». Interrogé sur sa fréquentation des éducateurs de l’aide sociale à l’enfance, Aron Kodua, l’ex-compagnon d’Edith, emprisonné depuis un an, a expliqué avoir voulu « rendre service » en accompagnant deux mineures sierra-léonaises à la gare, « qui ne sont jamais arrivées à leur foyer d’accueil », relevait la présidente. En 18 mois, 50 autres mineures ont fugué ainsi, « sans laisser aucune trace », a-t-elle soupiré.

Enquêtes inabouties, failles du système judiciaire, complicités éventuelles ? Aucune piste ne permet de trouver ailleurs que dans le réseau les causes d’une aussi longue série de disparitions. Tout juste est-il mentionné, dans un procès verbal, que les recrues d’Edith étaient prévenues à l’avance de l’aide qui leur serait apportée par un avocat au tribunal. « Je ne me souviens pas de son nom, mais si cet avocat est arrêté, Edith en trouvera un autre parce qu’elle a beaucoup d’argent », avait expliqué Victoria aux enquêteurs.

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les dix personnes soupçonnées de proxénétisme employant de jeunes Africaines ont été condamnées à des peines de prison.

LeMonde.fr 12/02/2003

Extrait: Les dix personnes soupçonnées d’avoir participé à un réseau de proxénétisme employant de jeunes Africaines ont été condamnées, mardi 11 février, à des peines de quinze mois à neuf ans et demi de prison par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis)…

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Lourdes peines pour les proxénètes

logo-liberation-311x113  Charlotte Rotman,

C’était un procès très attendu. Derrière ce qui ressemble à une banale histoire de proxénétisme, se jouait lundi et hier à Bobigny une affaire qui a remué le monde judiciaire de Seine-Saint-Denis.

Embarrassante affaire

Tracy, Joy, Déborah, Bridget, Helen, Pat, Cynthia… ces prénoms, égrenés à l’audience de la 13e chambre correctionnelle à Bobigny lundi et mardi avaient un écho particulier. Car ces jeunes filles, dont la plupart ont aujourd’hui disparu, sont toutes passées après leur arrivée à Roissy devant le juge de Bobigny. Puis ont été recrutées, mineures, par des rabatteurs.

Les scènes décrites à l’audience, à l’occasion du procès de dix prévenus, se jouaient ici même dans l’enceinte du tribunal, et aux alentours. La présidente, Françoise Bouthier-Vergez, ainsi que ses deux assesseurs ont pu eux-mêmes constater ces manèges bien huilés lors de leurs permanences à l’audience des étrangers (dite du 35 quater). Cette proximité embarrassante a sans doute motivé la gravité des peines requises par le procureur, de trois à dix ans de prison, la peine maximale pour le cerveau du réseau, une Nigériane, nommée Edith, actuellement en cavale. Ce sont ces manoeuvres qui ont suscité, en 2001, une plainte déposée par le Gisti (1) (Libération du 31 octobre 2001). «Tout le monde savait», a rappelé à l’audience Me Stéphane Maugendre, partie civile pour le Gisti et le Mrap. «La procédure elle-même poussait ces jeunes filles sur le trottoir.»

Trois prostituées

Le deuxième volet de l’affaire est parisien : il fait suite à la plainte déposée en novembre 2001 par trois jeunes filles, absentes de l’audience. Rose, Grace et Victoria, jeunes prostituées, racontent alors à la police qu’elles ont été recrutées en Afrique par Edith, qui leur a procuré des documents de voyage et les a convoyées jusqu’en France. Elles ont été défendues au tribunal de Bobigny par un avocat choisi, qui a obtenu leur entrée sur le territoire. Elles déclarent alors résider chez un couple de Ghanéens : les Opoku, qui comparaissaient hier. Victoria, Rose et Grace rapportent, à tour de rôle, aux enquêteurs qu’Edith et Herod Opoku les ont accompagnées sur leur lieu de travail, porte de Vincennes. Elles devaient régler 50 000 dollars pour rembourser leurs frais d’entrée en France par versements hebdomadaires. «Edith expliquait la procédure, disait qu’il fallait se dire de la Sierra Leone, et ne pas donner son nom ghanéen, raconte Victoria aux policiers. Elle a beaucoup d’argent, elle achètera d’autres avocats.»

La présidente cite une étude de la brigade des mineurs de Paris : sur 44 enfants sierra-léonaises placées à l’Aide sociale à l’enfance, en 1999, 24 ont fugué. «Toutes les jeunes filles ont un numéro de téléphone quand elles arrivent, explique le directeur d’un foyer à la police. Elles sont soit très coquettes habillées à l’européenne, ou très simplement. Elles n’ont pas de bagages.» Et disparaissent en quelques jours. En 2000 et 2001, on compte encore 55 fugues. Lundi et mardi, quelques maillons de cette chaîne étaient donc jugés. Dix prévenus, accusés de proxénétisme, dont deux absents du box. Le couple Opoku reconnaît avoir hébergé Rose, Grace et Victoria. «Elles étaient en galère et n’avaient pas d’endroit où dormir», dit le mari. «C’est la seule chose que l’on peut reprocher à mes clients», estime leur avocate Me Yamina Belajouza, qui déplore les huit années de prison requises contre eux. «J’ignore ce qu’elles font», tente de se défendre l’épouse. «Mais elles s’absentaient la nuit, et ne revenaient qu’au petit matin, tous les jours !», s’étonne la juge. A Arron Kodua, un ancien petit ami d’Edith, la magistrate demande des explications qu’il est bien en peine de fournir. Pourquoi est-il allé déjeuner en compagnie d’une assistante sociale avec deux jeunes filles mineures qu’il ne connaissait pas, qu’il devait accompagner à la gare St-Lazare et qu’on n’a plus jamais revues ? Pourquoi a-t-il eu des contacts téléphoniques avec des prostituées notoires ? Que faisaient chez lui des documents officiels vierges dont des ordonnances judiciaires ? Pourquoi a-t-il envoyé en Espagne, au Bénin, au Sénégal, au Niger et en Italie, par le biais de la Western Union, 443 100 francs entre janvier 1999 et le milieu de l’année 2000 ?

Le fantôme Edith

Mais la grande absente, le «fantôme de ce procès» selon le procureur, demeure Edith. Une femme que la présidente décrit comme élégante, couverte de bijoux et que certains prévenus appellent «le boss», la «mother», ou «la maquerelle». «Je pense qu’il y a une structure beaucoup plus solide qui n’a pas été démantelée. La preuve en est que des filles sont toujours sur les trottoirs à Paris», a commenté l’avocate du couple. «Cette affaire n’est pas vraiment un aboutissement mais plutôt un commencement…», a estimé Me Simon Foreman, qui au nom de la Cimade et de l’Anafé (2) a engagé le parquet à se montrer vigilant face au sort des mineures étrangères. Hier soir, le compagnon d’Edith a été condamné à huit ans et demi de prison et à l’interdiction définitive du territoire. Le couple ghanéen s’est vu infliger sept ans de prison pour le mari et cinq ans et demi pour la femme. Ils veulent faire appel. Les autres prévenus ont pris des peines de quinze mois à cinq ans et demi. A côté, de la salle d’audience, défilent Chinois, Africains, femmes et hommes, escortés par la police. Peut-être encore suivis par l’ombre d’autres proxénètes.

(1) Groupe d’information et de soutien des immigrés.

(2) Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers.

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Bouda raconté par les siens

A force de côtoyer les artistes de la culture hip-hop, le réalisateur Jean-Pierre Thorn a fini par acquérir leur sens de la formule. Son premier documentaire sur le sujet, Faire kiffer les anges montrait la passion des gosses de banlieue pour la danse hip-hop. Pour On n’est pas des marques de vélo !, Thorn reprend une expression de Bouda qui, au début du film, explique à la caméra qu’il n’a jamais été un grand bandit, juste «une petite marque de vélo». Sur une passerelle qui enjambe des lignes de chemin de fer, Bouda, le danseur en doudoune et bonnet, raconte Ahmed M’Hemdi, le délinquant-toxicomane «pour qui taper des baskets était moins grave que de voler des postes», mais qui après avoir payé sa dette à la société, se voit interdit de territoire français, ce sol qu’il a si souvent embrassé en exécutant une «coupole» (figure de breakdance). Le récit de la vie de Bouda-Ahmed, étayé des témoignages de sa famille, de lui-même ou de ses potes de quartier, sert de fil conducteur au documentaire d’une heure et demie, dénué de commentaire. Les archives photo et vidéo le montrent tout jeune à l’école, lors de la première réunion hip-hop à Aulnay-sous-Bois à 12 ans… Pour Kool Shen de NTM, Bouda c’était «la mascotte», pour ses instituteurs «un petit garçon qui roulait des mécaniques», pour sa sœur, «une future star». Chaque période de sa vie est rythmée par des chorégraphies de Farid Berki ou de son groupe Authentik’A. Devant une casse automobile, ses potes montrent les performances des breakers, Berki illustre avec un duo l’aliénation de la double peine, un danseur limitant les mouvements de l’autre. Des panneaux dessinés par le graffiti artiste, Noé, reprenant des citations de Bouda ou de ses proches, soulignent le propos : «Saloperie de Monoprix, qu’est-ce que t’as fait à ma vie ?» «Faut lui laisser une chance de vivre à ce gosse.» Le tout est touchant, beau, efficace pour démontrer l’absurdité de la double peine mais parfois trop parasité par le discours démago et paternaliste de certains intervenants. Bouda, qui joue le Gavroche durant tout le film, genre «Si je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire», rectifie le tir au bout d’une heure : «On dit toujours, c’est pas de ma faute mais faut assumer. On est responsable de ses actes.» Puis l’œil brillant : «Elle est belle mon histoire, elle part juste en vrille au milieu.».

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Le sourire retrouvé

Dans la salle, il se fond parmi les spectateurs, installe sa sœur à une bonne place, vole d’un ami à un autre. Puis, bonnet vissé sur la tête, il s’enfonce dans son fauteuil, avec un sourire aux lèvres qui semble impossible à effacer. Lundi dernier, on projetait au Forum des images On n’est pas des marques de vélo !, le film de Jean-Pierre Thorn dont Bouda est le héros. Devant l’écran, Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme, lit au public une lettre du ministère de l’Intérieur, datée du 16 janvier. Il annonce que Bouda, danseur hip-hop, victime de la double peine, est finalement assigné à résidence, et ne sera pas expulsé. Des acclamations ferventes saluent la nouvelle. Etienne Pinte, député UMP pourfendeur de la double peine au sein de la majorité, applaudit lui aussi. Bouda se lève, et salue, les bras en l’air. «On ne va pas bouder notre plaisir, continue Michel Tubiana, mais Bouda n’est qu’un arbre dans une forêt : il y a des milliers de personnes dans sa situation qui attendent.»

Né en Tunisie, il y a trente ans sous le nom d’Ahmed M’Hemdi, il s’est fait connaître sous celui de Bouda (Libération du 23 janvier) et a grandi à Dugny (Seine-Saint-Denis). Il est bébé quand il arrive en France, pour rejoindre avec ses frères et sœurs un père installé ici dans les années 50, et aujourd’hui français. Dès l’âge de 12 ans, il danse. Il n’aime pas l’école. N’y va pas. «C’était une perte de temps.» Préfère les contorsions et les assouplissements. Dans les années 80, il est souvent sur les plateaux de l’émission de Sidney H.I.P. H.O.P, qui fait découvrir la breakdance au grand public.

Il fume des joints, deale. Se fait prendre et condamner plusieurs fois. En 1994, il écope de quatre ans d’emprisonnement et de cinq ans d’interdiction du territoire français. «Il a le casier type du toxico», estime son avocat, Me Stéphane Maugendre. Le 13 janvier 1997, à sa sortie de prison, il est expulsé vers sa Tunisie natale où il passe près de neuf mois avant de craquer et de rejoindre clandestinement la France. Il reste isolé quelque temps avant de renouer avec la danse et le milieu hip-hop. Il retrouve la scène, lors de concerts de NTM ou du Secteur Ä, jusqu’à se faire repérer par Jean-Pierre Thorn, en quête de danseurs pour une comédie musicale. Mais, alors que les cinq ans d’interdiction du territoire se sont écoulés, Bouda est toujours sous le coup d’une expulsion, confirmée par un arrêté ministériel. Jean-Pierre Thorn se démène, quelques figures du hip-hop se mobilisent comme Kool Shen, cofondateur de NTM avec Joey Starr, qui en fait «une affaire personnelle», ou Sidney. Le maire vert du IIe arrondissement de Paris l’accueille pour une conférence de presse. Jack Lang écrit à Daniel Vaillant, installé place Beauvau.

Mais en 2001, le ministère de l’Intérieur considère que «son expulsion constitue toujours une nécessité impérieuse pour la sécurité publique». A l’automne dernier, au meeting contre la double peine au Zénith, Bouda, devenu un symbole, vient se montrer. A l’époque, en coulisse, à l’évocation d’une éventuelle assignation à résidence, il répondait : «Je ne crois que ce que je vois.».

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« Ils viennent toujours chercher des filles au tribunal »

 J.C. , 01/02/2003

(LP Archives, P. Le pouliquet)
(LP Archives, P. Le pouliquet)

STÉPHANE MAUGENDRE défend les intérêts du Gisti (Groupe d’information et de soutien aux étrangers), dépositaire de la plainte à la suite de laquelle une enquête avait été ouverte sur ce réseau de prostitution. Aujourd’hui, il défend les intérêts de l’association sur les bancs de la partie civile.

« Nous ne demandons pas de dommages et intérêts contre les prévenus. Notre objectif est plus large», explique Stéphane Maugendre.

Le Gisti plaide en faveur d’un véritable plan d’action pour les mineurs étrangers lorsqu’ils débarquent à l’aéroport de Roissy sans papier. « On leur applique d’abord le droit des étrangers, ils sont placés en zone d’attente avec des menottes et conduits devant un juge. Nous pensons qu’il faut d’abord les traiter comme des mineurs en danger, soutient l’avocat. Chaque année, 60 % des mineurs étrangers fuient les foyers de l’aide sociale à l’enfance dégoûtés par le parcours judiciaire qu’on leur impose. »

L’avocat du Gisti affirme que le trafic de jeunes filles africaines destinées à la prostitution n’a malheureusement pas été stoppé lors de l’arrestation des acteurs de ce réseau. « Les observateurs affirment qu’aujourd’hui d’autres proxénètes viennent toujours chercher des filles au tribunal de Bobigny », confie Stéphane Maugendre.

Selon le Gisti, sur un millier de filles mineures qui débarquent chaque année sans papier à Roissy, des centaines se retrouvent encore sur les trottoirs des boulevards des maréchaux à Paris.

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Neuf proxénètes africains a la barre

logoParisien-292x75 Julien Constant ,01/02/2003

(Le parisien, Julien Constant)
(Le parisien, Julien Constant)

NEUF MEMBRES d’un réseau international de prostitution comparaissent ce matin devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Ce réseau recrutait des jeunes femmes en Afrique de l’Ouest avant de les récupérer au tribunal de Bobigny à la sortie des audiences statuant sur l’entrée en France des étrangers. Ce procès sera marqué par l’absence d’Edith Erhunmwunse, pièce maîtresse du trafic. Cette Nigériane de 25 ans aurait pris la fuite dans le nord de l’Europe. Ses complices, tous originaires de pays anglophones d’Afrique de l’Ouest, installés dans la Seine-Saint-Denis, (ans le Val-d’Oise et à Paris, comparaissent pour proxénétisme et complicité de proxénétisme.
Recrutées au Nigeria

En mai 2001, le groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), dépose plainte auprès du doyen des juges d’instruction de Bobigny : plus de cinquante jeunes filles ont disparu des foyers de l’aide sociale à l’enfance de la Seine-Saint-Denis. A la même période à Paris, les trottoirs des boulevards des maréchaux commencent à être envahis de jeunes prostituées africaines.

L’enquête prend un tour décisif le 25 novembre 2001 lorsqu’une Nigériane, Grâce Williams, et deux Sierra-Léonaises, Rose Sako, dite « Queen », et Victoria Brown, âgées de 20 à 25 ans, toutes trois prostituées, décrivent leur calvaire aux hommes de la brigade de répression du proxénétisme de Paris.

Elles ont suivi le même chemin, qui les a menées de l’Afrique à la porte de Vincennes, à Pa-ris, après un détour par le tribunal de Bobigny. Recrutées à Lagos (Nigeria), les trois jeunes femmes, obligées de se prostituer tous les soirs, battues dès que leur rendement baissait et quotidiennement menacées de mort, devaient rembourser le prix de leur voyage, estimé à 50 000 $ (environ 50 000 €). Rose, arrivée en septembre 2001, avait déjà remboursé 24 000 $ (environ 24 000 €).

Le 26 novembre 2001, Herod Opuku, un Ghanéen de 42 ans, et sa femme, Joye, âgée de 32 ans, qui hébergeaient les filles à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), sont interpellés. Herod reconnaît que les jeunes filles vivaient chez lui. « Nous avons rencontré Edith et Aaron Kodua, son petit ami ghanéen, dans une église pentecôtiste de Sarcelles. Elle m’a demandé d’héberger ses cousines. Je ne savais pas qu’elles se prostituaient Lorsque je l’ai découvert nous étions en conflit et elles nous ont ensuite accusés de les exploiter se défend Joye, libérée après quatre mois de détention. Aaron Kodua et Benjamin Imarhiagbe, le dernier compagnon d’Edith, agé de 25 ans, seront interpellés un peu plus tard et incarcérés pour leur rôle majeur dans le trafic et l’organisation de la prostitution. L’enquête a pu établir qu’a moins douze jeunes filles étaient passées en les mains de ces proxénètes.

Trois policiers suspendus après la mort d’un clandestin

logoParisien-292x75 Julien Constant, 23/01/2003

LP/Philippe de Poulpiquet
LP/Philippe de Poulpiquet

LA MORT de Mariam Getu Hagos, un Somalien de 24 ans, pris d’un malaise lors de sa reconduite à la frontière à l’aéroport de Roissy, est suspecte. L’étranger sans papiers est décédé samedi dernier à l’hôpital d’Aulnay-sous-Bois (Seine- Saint-Denis), deux jours après avoir été embarqué de force par trois fonctionnaires de la police aux frontières (PAF).

Ces trois gardiens de la paix âgés de 27 à 28 ans, ont été suspendus mardi par le ministère de (Intérieur dans l’attente des résultats de l’en¬quête de (Inspection générale des services (IGS), la police des polices. Le même jour, le parquet a égale-ment ouvert une information judiciaire contre X pour homicide involontaire afin de faire la lumière sur la mort de ce Somalien qui suscite l’indignation de plusieurs syndicats l’Air France et d »associations.

Second décès trois semaines

Mariam Getu Hagos était arrivé, via (Johannesburg (Afrique du Sud), le 1er janvier dernier à Roissy seul et sans papiers. Le jour de sa reconduite à la frontière, « il était violent et très excité, se défend un fonctionnaire de la PAF. En milieu d’après-midi et en début de soirée, il a fait deux malaises. Il a été examiné par un médecin qui a conclu qu’il simulait ». Donc, vers 23 heures, les policiers décident d’embarquer l’homme dans le vol Air France AF 990 à destination de la capitale sud-africaine. Toujours d’après les policiers, Mariam est toujours très agité. A bord de l’appareil, il aurait réussi à libérer l’une de ses mains de l’étreinte des menottes et frappé un des membres de l’escorte. Les policiers lui font une prise pour l’immobiliser. « Cette technique, habituellement utilisée, consiste à plier son corps en deux », explique le même fonctionnaire. C’est alors qu’il avait le buste plaqué contre ses genoux que Mariam se serait trouvé mal après avoir été maintenu dans cette position pendant plusieurs minutes.

Pris en charge par le Samu alors qu’il avait perdu conscience, il est conduit à l’hôpital où il est mort samedi dernier après une phase de coma. « Au moment où il a été pris en charge à Roissy, le personnel médical a diagnostiqué une rupture d’anévrisme », assure le policier de la PAF.

Hier, le parquet n’a pas souhaité communiquer les premiers résultats de l’autopsie. Les associations de défense des étrangers, comme l’Anafé et le Gisti, soulignent qu’il s’agit du second décès dans les mêmes circonstances en trois semaines. Le 30 décembre dernier, un Argentin de 52 ans était mort officiellement d’une crise cardiaque dans l’avion qui devait le ramener chez lui « Ricardo a été attaché aux pieds et aux mains, son corps était plié en deux et on l’avait recouvert d’une couverture alors qu’il était cardiaque », s’indigne Stéphane Maugendre, avocat du Gisti qui envisage de porter plainte alors que le parquet de Bobigny a classé l’enquête sans suite.

Information judiciaire sur la mort d’un Somalien

images fig Delphine Moreau, 23/01/2003

Les trois policiers chargés de l’escorte de Mariame Getu Hagos, le sans-papiers mort après avoir fait un malaise lors d’une procédure d’expulsion à l’aéroport, de Roissy, ont été suspendus par Nicolas Sarkozy. « Il s’agit d’une mesure conservatoire qui ne préjuge en rein la suite d’une procédure dorénavant confiée à la justice » précise le ministère de l’Intérieur dans un communiqué.

Arrivé le 11 janvier à l’aéroport Charles-de-Gaulle, ce Somalien de 24 ans, dont la demande d’asile avait été refusée, devait être expulsé le 16 sur un vol à destination de Johannesburg. Accompagné à l’arrière de l’avion par trois agents de la police aux frontières (PAF), le jeune homme a tenté de se rebeller, obligeant les fonctionnaires à le maîtriser, disent-ils, avec les « techniques habituelles ».

Victime d’un malaise, Mariame Gëtu Hagos est mort deux jours plus tard. Mardi, le parquet de Bobigny a ouvert une information judiciaire contre X pour homicide involontaire.

Le compte rendu de l’autopsie n’a pas été rendu public. Selon une source proche de l’enquête, la mort du Somalien n’a pas été provoquée par une crise cardiaque spontanée. Il n’est pas exclu qu’elle soit liée à une compression du thorax conduisant à une asphyxie. En clair, les policiers auraient peut-être maintenu la victime trop longtemps dans une position inadaptée.

L’affaire déclenche les foudres des associations de défense des droits de l’homme, comme des syndicats de Roissy, d’autant qu’un Argentin est mort le 30 décembre dernier dans des circonstances similaires.

Les représentants des forces de l’ordre refusent d’être tenus pour responsables. « L’administration met la pression sur le dos des agents d’escorte pour obtenir une rentabilité maximum en terme d’expulsion indique Nicolas Couteau, secrétaire national du Syndicat général de la police FO. Mais les sans-papiers sont souvent difficiles à maîtriser le jour de leur départ. Depuis des années, nous réclamons qu ‘ils portent des ceintures de contention (sortes de camisoles. NDRL.) entre le moment où ils sont accompagnes dans l’avion et le décollage. On nous les refuse ».

Avocat