Archives de catégorie : Avocat

Enquête sur le décès d’un Ethiopien à Roissy

09/06/2004

UNE RECONSTITUTION des conditions de la mort d’un Ethiopien de 24 ans, Mariame Getu Hagos, décédé d’un malaise lors de son expulsion le 16 janvier 2003, a été organisée, hier, à l’aéroport de Roissy, par le juge de Bobigny (Seine-Saint-Denis) en charge de l’instruction.

Les trois policiers de la PAF qui assuraient l’escorte, mis en examen pour « homicide involontaire » en novembre, ont réédité les gestes accomplis. Leur version des faits – l’utilisation de gestes proportionnés à la très forte résistance de M. Hagos – aurait été contredite par les témoins de la scène, qui disent avoir vu l’un des policiers « assis sur son dos ». La Commission nationale de déontologie de la sécurité avait estimé que Mariame Getu Hagos avait « subi des violences qui l’ont plongé dans le coma ». Me Stéphane Maugendre, avocat des parents du jeune homme, a indiqué son intention de demander une requalification des faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

L’ex-employé de la piscine débouté par le tribunal

Julien Constant,  29/05/2004

LE TRIBUNAL administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a tranché. Hier le juge a rejeté les demandes de réintégration de Mourad Lamsanes. En clair, il a donné raison au maire, Patrice Calmejane (UMP), qui avait remercié en mars dernier cet employé à la piscine de Villemomble, âgé de 26 ans, à cause de l’impressionnante barbe noire qu’il refuse de couper pour des raisons religieuses.

« Je prends acte de cette décision qui confirme l’idée que mon jugement était juste, assure le maire. Je regrette d’en être arrivé à une telle extrémité avec un agent qui jusqu’ici n’avait pas fait parler de lui.»

En mars 2002, le jeune homme entrait à la piscine comme agent d’entretien. Son travail consistait à nettoyer l’eau de la piscine. Il manipulait du chlore et de l’eau de Javel et devait se protéger avec un gros masque à gaz. Le maire a expliqué que l’emploi d’un masque protecteur impliquait l’absence de pilosité ou au moins une barbe correctement taillée.

Il refuse de couper sa barbe pour des motifs religieux

Le juge a fondé sa décision sur le caractère religieux du problème laissant de côté la question technique du port du masque de protection. Il reprend à son compte l’idée que la piscine est un établissement public où le port de signes religieux ostensibles n’est pas admissible. « Monsieur Lamsanes se serait largement étendu dans la presse, sur ce que son refus de se conformer aux instructions de sa hiérarchie, relatives à l’utilisation des équipements de sécurité, était motivé par des questions religieuses, précise-t-il. En conséquence rien ne fait naître de doutes sérieux quant à la légalité de la décision de la mairie. »

Hier, Mourad Lamsanes s’est dit « très déçu par la décision du tribunal. Je ne m’attendais pas à ce qu’il aille dans le sens de la mairie. J’irais jusqu’au bout. Je vais voir avec mon avocat pour déterminer qu’elle est la meilleure stratégie à adopter. » Me Stéphane Maugendre, l’avocat de l’employé, compte déposer un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

« Je m’étonne que le juge fasse état de coupures de presse qui n’étaient pas présentes dans la procédure. L’argument est d’autant moins pertinent que ces articles ont été rédigés après la décision du maire. De plus, Lamsanes n’a fait état de ses convictions religieuses que lorsque la mairie l’y a forcé » soutient l’avocat. Me Maugendre étudie également la possibilité de revenir devant le tribunal administratif des référés avec des coupures de presse et une procédure pénale pour discrimination.

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L’employé de la piscine de devant le tribunal administratif

Julien Constant, 18/05/2004

LE TRIBUNAL administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a examiné, hier en référé, le cas Mourad Lamsanes. Cet employé à la piscine de Villemomble, âgé de 26 ans, a été remercié en mars dernier par le maire, Patrice Calmejane (UMP), à cause de l’impressionnante barbe noire qu’il refuse de couper pour des raisons religieuses.

 En mars 2002, le jeune homme entre à la piscine comme agent d’entretien. Son travail consiste à nettoyer l’eau de la piscine. Il manipule du chlore et de l’eau de Javel et se protège avec un gros masque à gaz. Le maire explique que l’emploi d’un masque protecteur implique l’absence de barbe ou une barbe correctement taillée. Mais hier à l’audience, l’avocate de la mairie a changé de registre. Elle a expliqué que l’impressionnante barbe de l’employé était « un signe ostensible » qui pourrait choquer les clients d’origine juive de la piscine. Me Stéphane Maugendre, l’avocat de l’employé, a affirmé que son client était loin d’être un extrémiste religieux dans la mesure où il avait accepté un métier où des femmes en maillot de bains se promènent sans cesse devant ses yeux. Enfin, il a précisé qu’il existe des masques à gaz dits « cagoules» destinés à protéger les employés barbus ou à lunettes. La décision du tribunal sera rendue aujourd’hui ou demain.

Licencié car barbu, il va en justice

L'Obs - Actualité ,08-05-2004

L’employé de la piscine municipale de Villemomble, non titularisé pour son refus de tailler sa barbe, va déposer un recours en annulation.

Un agent d’entretien de la piscine municipale de Villemomble (Seine-Saint-Denis) Mourad Lamsanes, licencié début avril pour son refus en tant que musulman pratiquant de tailler sa barbe, va déposer un recours en annulation au tribunal, a-t-on appris jeudi 6 mai auprès de son avocat.

« Mon client va envoyer aujourd’hui au tribunal administratif de Cergy (Val d’Oise) un recours en annulation contre l’arrêté municipal qui a mis fin à ses fonctions par suite de refus de titularisation », a annoncé Me Stéphane Maugendre.

Invoquant un « problème de sécurité », le maire UMP de la commune Patrice Calméjane avait pris un arrêté municipal le 5 avril annonçant qu’il était « mis fin aux fonctions de M. Lamsanes en qualité d’agent d’entretien ».

Le maire avait aussi expliqué que « la notice du masque de protection (qui doit être porté pour manipuler notamment le chlore, ndlr) de M. Lamsanes indique que le port du masque est incompatible avec une barbe fournie ».

Dans une lettre lui annonçant qu’il ne serait pas titularisé à l’issue de sa période d’essai, Patrice Calméjane avait écrit notamment que « l’expression extérieure d’une conviction religieuse ne peut être tolérée dans une piscine municipale ouverte à tous publics ».

Mourad Lamsanes estime être victime de discrimination, en avançant pour preuve que « la notice du masque interdit le port de lunettes ». « Or j’en porte depuis deux ans que je travaille à la piscine, personne n’a jamais rien dit », s’était-il étonné.

Dérapages policiers

 Jacky Durand

Du tabassage à la garde à vue abusive, la commission de déontologie et la police des polices relèvent une hausse des bavures de 9,10 %.

Voilà qui devrait rafraîchir la mémoire de Nicolas Sarkozy. Lui qui déclarait, le 21 novembre 2003, alors qu’il était en poste place Beauvau : «Depuis dix-neuf mois, il n’y a eu aucune bavure.» N’en déplaise à l’ex-ministre de l’Intérieur, les saisines de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS, créée en 2000) ont presque doublé en 2003. Cette commission administrative n’a pas de pouvoir de sanction mais rend des avis et des recommandations auxquels les ministres concernés sont tenus de répondre.

Tendance. Les saisines sont passées d’une vingtaine en 2001, à une quarantaine en 2002 et à soixante-dix en 2003. Certes, les chiffres sont modestes au regard de l’activité policière (275 955 infractions relevées l’année dernière) mais ils corroborent une tendance déjà observée par la police des polices : en 2003, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, compétente sur l’Hexagone) et l’Inspection générale des services (IGS, compétente à Paris) ont enregistré 611 faits allégués de violences policières contre 560 en 2002, soit une hausse de 9,10 %. «Le nombre de saisines n’a cessé d’augmenter et le rythme actuel ne faiblit pas», a dit Pierre Truche, ancien président de la Cour de cassation et actuel président de la CNDS, qui a remis hier son rapport annuel au président de la République.

De plus en plus sollicitée donc, la commission a traité 43 affaires concernant la police dite «de voie publique» mais aussi la police aux frontières. Pierre Truche a également noté que «la commission avait été saisie de façon massive de problèmes dans les prisons» avec sept décès de détenus, dont cinq suicides, pour la plupart de jeunes. «Aussi bien pour la police que pour l’administration pénitentiaire, nous constatons un défaut d’encadrement. On livre trop souvent des jeunes fonctionnaires à eux-mêmes qui n’ont pas toujours le bon réflexe et pas suffisamment d’expérience. Des réformes sont indispensables», a-t-il souligné.

Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix, et Synergie, second syndicat d’officiers de police, se sont déclarés, hier, «indignés de la polémique stérile» née de «l’exploitation» du rapport de la CNDS «visant à discréditer la police nationale». Alliance reconnaît pourtant le déficit d’encadrement des jeunes policiers (lire ci-contre).

Gazage. Les cas examinés par la CNDS vont de la garde à vue arbitraire à l’intervention pour tapage nocturne traitée comme une opération de maintien de l’ordre avec moult gazage quand ce n’est pas un tabassage en règle pour un feu rouge grillé par un conducteur en état d’ivresse. La commission s’est également penchée sur l’histoire d’un homme victime d’un malaise diabétique que les policiers croyaient en état d’ébriété. Il fut frappé puis volé par les fonctionnaires avant d’être abandonné.

Concernant la police aux frontières (PAF), la commission souligne, «avec force, la nécessaire rigueur qui doit caractériser l’enseignement et l’application de « gestes de contrainte »», après la mort de deux expulsés dans un avion qui les ramenait dans leur pays, un Argentin (décembre 2002) et un jeune Somalien (janvier 2003). Saisie par la défenseure des enfants, Claire Brisset, elle a aussi examiné le cas d’un jeune Chinois de 15 ans, victime d’une tentative illégale de réembarquement, assortie de violences, pour lequel elle a saisi la justice.

Pierre Truche s’est dit «frappé par la couleur de peau et la fréquence statistique (parmi les victimes de violences policières, ndlr) de personnes étrangères ou ayant des noms à consonance étrangère». La commission travaillera sur ce point pour le rapport de l’année prochaine, a-t-il promis.

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La double peine est morte, Vive la double peine !

, Stéphane Maugendre, Mouvements, 2004/5 no35,

Est-il politiquement correct d’analyser un acte manqué politique commis par le monde associatif ? De toute évidence une réponse positive s’impose, notamment lorsque cet acte manqué participe à la construction d’une croyance ou d’une certitude populaire, à savoir que la double peine a été abolie. D’autant plus, lorsqu’au cours d’une émission télé, un ancien ministre de « gauche », prétendu abolitionniste de cette double peine, affirme sa satisfaction de ce que la droite l’ait abolie, ou, lorsque dans les colonnes d’un quotidien du soir, un très sérieux journaliste politique cite l’abolition de cette peine, afin d’illustrer le dépassement à gauche du PS par la droite parlementaire. Et plus encore, lorsque l’on croise dans le milieu judiciaire, militant ou humanitaire, des personnes qui estiment ce combat, d’arrière garde. Cet acte manqué se fonde d’abord sur l’ignorance quasi-générale de la consistance de cette peine, qu’il faut définir. Mais cet acte manqué bien préparé, politiquement instrumentalisé par la suite, ne doit pas faire oublier que la lutte pour l’abolition de cette peine doit continuer.

La double peine, c’est d’abord un slogan politique qui correspond à plusieurs réalités juridiques matinées de réalité sociologique.

Juridiquement, c’est être banni du territoire français, en plus et après avoir exécuté une peine d’emprisonnement à laquelle on a été condamné. Cette relégation n’est applicable qu’à la seule raison de l’extranéité du condamné.

Pratiquement, les lois de la république prévoient deux formes de double peine.

On la nomme « expulsion » lorsqu’elle est administrative. Elle est alors arrêtée par le ministère de l’Intérieur sans débat préalable et contradictoire, toujours au mépris de la situation personnelle ou familiale de l’individu, jamais au regard de véritables preuves de risque pour la sécurité publique et toujours sur le seul fondement d’une condamnation pénale. Historiquement, l’Arrêté ministériel d’expulsion (AME) a toujours existé, il ressort du pouvoir régalien de l’État qui doit pouvoir se protéger ou prémunir la France des risques avérés de troubles particulièrement graves à l’ordre public. L’arrêté ministériel d’expulsion est donc préventif. Le présent propos n’est pas de remettre en cause ce pouvoir notamment lorsqu’il a un but préventif, toutefois, au fil des dernières années, un nombre croissant d’arrêtés ont été prononcés sur le seul fondement de la condamnation pénale de l’étranger.

La seconde est l’Interdiction du territoire français (ITF) que le juge pénal peut infliger, à titre de peine complémentaire d’une peine de prison, au mépris du principe d’égalité dans le traitement pénal de la délinquance. En effet, l’ITF est la seule peine du code pénal fondée sur l’extranéité d’une personne déclarée coupable. L’interdiction du territoire a été créée par le législateur pour rétablir l’égalité entre Français et étrangers devant la loi pénale. En effet, seuls les Français pouvaient se voir condamnés en plus d’une peine d’emprisonnement à une interdiction de droits civiques, civils et familiaux, les étrangers n’ayant ou n’étant pas titulaires de ces droits. Ce rééquilibrage se transforme un siècle plus tard en un dérapage. Les étrangers ont acquis quasiment tous les droits civiques, civils et familiaux et pourraient donc s’en voir interdire. Le nombre d’infractions pour lesquelles ITF peut être prononcée a considérablement augmenté puisqu’à ce jour on en compte environ 270 dans le code pénal et c’est l’une des peines les plus prononcées par les tribunaux correctionnels (10 000 à 17 000 par an).

  • Un acte manqué bien préparé

C’est dans ce contexte qu’à l’initiative de la CIMADE naît, en septembre 2001, la campagne contre la double peine « une peine . / » [une peine point barre]. Il n’a pas été facile de réunir autour d’une même plateforme (1) plus d’une centaine d’associations nationales et régionales (à noter l’absence de S.O.S. Racisme), mais il était également indispensable que cette campagne obtienne le soutien de l’ensemble du monde associatif. Certaines organisations cherchaient à obtenir une protection contre la double peine pour des catégories limitées d’étrangers (conjoints de Français, parents d’enfant français…) ou privilégiaient le cas par cas.

D’autres insistaient pour que le juge judiciaire n’ait plus le pouvoir de prononcer une quelconque ITF et que l’expulsion administrative ne puisse être prononcée que dans des cas exceptionnels.

Le consensus fut trouvé. Les buts de cette campagne consistaient d’une part, à faire connaître et à expliquer la double peine et, d’autre part, à convaincre la gauche, et notamment le PS, avant les élections du 21 avril, de la nécessité d’une réforme, persuadés que nous étions qu’elle serait victorieuse. Tout se passait comme prévu, sauf les élections. Au lendemain de celles-ci les associations ayant participé à la campagne choisissaient, malgré tout, de reprendre le lobbying, mais dirigé davantage, cette fois-ci, vers la droite parlementaire (2).

  • Une campagne et une double peine instrumentalisées

Octobre 2002 : Sarkozy annonce la mise en place d’une commission de réflexion sur la double peine (dite commission Mignon) qui, après auditions, rendrait un rapport afin de préparer un projet de réforme. Notons que cette commission a choisi, sans explication du ministère, les organisations et les personnalités à auditionner et a décidé d’écarter la LDH. Les organisations ne réagiront pas mais surtout leurs représentants (dont je faisais partie) répondront présents à chaque convocation de dernière minute de cette commission, sans recul politique, un peu le doigt sur la couture du pantalon ne voulant pas que quelque chose puisse leur échapper. Rétrospectivement, je pense que nous sommes allés « à la soupe ».

Sarkozy mettait en scène son courage à réformer la double peine face à sa majorité hostile (et à une gauche qui n’avait rien fait) et affirmait que nous ne devions pas être « extrémistes » au risque de voir cette réforme échouer. Le rapport de la dite commission était rendu et les animateurs de la campagne étaient conviés, toujours dans l’urgence, pour en prendre connaissance, injonction leur étant faite de faire des observations sans communication préalable.

Polis nous fûmes, et nous avons décidé que seul le représentant de la campagne se rendrait au ministère de l’Intérieur pour recevoir ce rapport mais que les organisations de la campagne attendraient dans un bistro proche de la place Beauvau pour prendre connaissance de celui-ci. En effet, il était hors de question de réagir à ce rapport sans une étude sérieuse. Quelques jours plus tard, encore une fois, le ministère convoquait en urgence les associations de la campagne pour qu’elles puissent faire leurs observations.

L’objectif était évident : prendre de vitesse les plus radicaux, charmer les autres pour qu’ils accompagnent le projet de loi, tout était organisé pour annoncer l’abolition de la double peine, sans véritable opposition immédiate. Complètement relayée par des médias ne se donnant pas la peine de vérifier (mis à part quelques rares d’entre eux), ou vérifiant partiellement, sans recul politique ou pratique juridique, relayée également par certaines associations ou syndicats (parfois membres de la campagne contre la double peine), cette annonce devenait réalité pour tous, y compris pour les étrangers frappés par la double peine, avant même que la loi ne soit adoptée.

Or, il y avait là matière à développer nos revendications et à pousser les politiques, nos élus, à relayer la plate-forme de la campagne.

En effet, les propositions de la mission Mignon, reprises en très grande partie par le projet de loi, écartaient toute idée d’abrogation de l’ITF aux motifs d’une part, que l’on ne peut « soutenir que la peine complémentaire d’interdiction du territoire français est la seule peine discriminatoire du droit français en ce qu’elle touche uniquement les étrangers et ne vise pas les Français » et d’autre part que « la peine d’ITF n’est pas contraire au principe d’égalité: même lorsqu’ils ont des attaches importantes avec le territoire français, les étrangers ne sont pas juridiquement dans la même situation que les Français. La nationalité les en sépare irrésistiblement et cette distinction est de nature à fonder en droit l’existence d’une peine spécifique qui ne s’applique qu’aux étrangers ».

Concernant l’arrêté ministériel d’expulsion, rien de véritablement concret n’était prévu, pas de caractère exceptionnel de l’expulsion, pas de débat contradictoire préalable, pas de recours suspensif… Seul était proposé de créer des catégories d’étrangers protégés de la double peine.

  • Une réforme cosmétique

Dès lors, certaines organisations de la campagne (comme la Ligue des droits de l’homme ou le GISTI) dénonçaient la fausseté de l’annonce sarkozienne. À leurs yeux, le projet de loi impose tellement de restrictions et de conditions que le principe annoncé d’inexpulsabilité des catégories protégées deviendrait exception.

Le projet laissait entier le problème de la double peine et replongerait ainsi dans la clandestinité des milliers de personnes qui ont toute leur vie privée ou familiale en France. Ces associations accusaient le ministère de l’Intérieur de ne s’attaquer que très superficiellement à la double peine, afin de se débarrasser de certains dossiers qui encombraient les bureaux de la rue des Saussaies et pour lesquels l’éloignement des personnes était pratiquement et réellement impossible. Elles ont donc refusé de soutenir une réforme cosmétique de la double peine dans le cadre générale de la réforme de l’immigration, l’une des plus répressives en matière de droit des étrangers depuis 1945 (4).

D’autres, sous prétexte que cette réforme venait de la droite, affirmaient qu’il fallait en accepter l’augure, clamer haut et fort qu’une brèche était percée et participer au travail législatif par la rédaction d’amendements pour certains députés sur la base du projet de loi du ministère de l’Intérieur. Si cette réforme pouvait sauver quelques centaines d’étrangers touchés par la double peine, il fallait la soutenir. Un argument non négligeable.

Convaincues que ne pas se placer clairement en opposition à cette réformette, c’était déjà enterrer la double peine, certaines organisations, dont la LDH et le GISTI, ont quitté discrètement la campagne. Cet abandon se devait discret par respect, d’une part pour le fantastique travail accompli lors de la campagne, et d’autre part pour les partenaires qui restaient. Néanmoins, on peut se poser la question de savoir si cet abandon discret n’était pas aussi une façon de consacrer la victoire du ministère de l’Intérieur.

Par ailleurs, l’instrumentalisation de ceux qui restaient ne s’arrêta pas là puisque cités à de nombreuses reprises durant les débats parle parlementaires, ils servaient de caution humanitaire à la réforme générale de la politique d’immigration particulièrement répressive du gouvernement.

La réussite politique du ministre de l’Intérieur allait jusqu’à obtenir à l’Assemblée nationale un vote à l’unanimité sur les dispositions concernant la double peine. L’abolition de la double peine était consacrée.

En désespoir de cause et parce qu’il était impossible de laisser croire à un tel mensonge, il était organisé, à l’initiative de Jean-Pierre Thorn, un débat autour de la diffusion de son film On n’est pas des marques de vélo, entre ceux qui avaient quitté la campagne et les sénateurs de gauche, afin que ces derniers déposent des amendements reprenant une partie des revendications de la plateforme. Une fois ces amendements rejetés, le débat sur la double peine tombait dans l’oubli.

  • Lutte contre l’oubli

Le bilan n’est pas brillant. Que l’on ait la satisfaction d’avoir ouvert une brèche et sauvé de la double peine quelques dizaines voire centaines de personnes ou celle de ne pas avoir voulu cautionner une telle loi, il n’en reste pas moins que le monde associatif, partie prenante dans la campagne contre la double peine doit prendre conscience de la responsabilité qu’il a en sollicitant une réforme de cette ampleur.

Ainsi, il n’a, non seulement, pas obtenu l’abolition de la double peine, mais il a participé, directement ou indirectement, à ce que le débat ne soit plus abordé avant de nombreuses années. Il a donc la charge morale de dizaines de milliers de personnes condamnées à la double peine et laissées sur le carreau de l’oubli et de la clandestinité, ainsi que de ceux qui y sont enfoncés par les effets pervers ou couperets de la loi. Déjà, après six mois d’applications de la réforme de la double peine, on peut lire sous la plume de préfets ou de procureurs, concernant des personnes de trente/trente-cinq ans vivant en France depuis l’age de trois ou quatre ans, qu’ils ne justifient pas d’une résidence habituelle depuis l’age de treize ans et que par voie de conséquence, ils ne font pas partie d’une des catégories protégées contre la double peine. De même, on a pu entendre de la bouche d’un président de tribunal correctionnel, « ah ! Monsieur vous n’êtes entré en France qu’à treize ans – vous n’entrez pas dans les catégories protégées et on va vous condamner à une interdiction du territoire français ».

Face à ces échecs prévus ou réalisés, il semble inconcevable de ne pas faire au plus vite un état des lieux (combien de doubles peines ont été prononcées, combien de condamnés entrent ou n’entrent pas dans les catégories protégées, les chiffres de non application de la loi et pourquoi ?). Par ailleurs, un devoir de suite s’impose à la représentation nationale et le législateur, dans le cadre d’un comité de suivi, devra prendre connaissance des conséquences pratiques de la loi qu’il a votée. Enfin, un droit de suite sur la campagne s’impose indéfectiblement aux organisations anciennement membres de la campagne contre la double peine avec les obligations afférentes.


  1. « La suspension de l’exécution de toutes les mesures d’éloignement prises à l’encontre des catégories protégées et plus précisément leur assignation à résidence avec droit au travail tant pour les personnes condamnées à une peine d’interdiction du territoire français, afin de leur permettre d’obtenir un relèvement de cette mesure devant les tribunaux, que pour les personnes frappées par une mesure d’expulsion dans l’attente de l’abrogation de celle-ci.

La modification de l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 de telle sorte que ne puissent être expulsés les étrangers ayant en France leurs attaches personnelles ou familiales.

La modification de l’article 23 de l’ordonnance du 02/11/1945 de façon à rendre l’expulsion exceptionnelle.

La modification de l’article 24 de l’ordonnance du 2/11/1945 : l’avis défavorable de la Commission d’expulsion de l’étranger, qui doit être consultée dans tous les cas, doit rendre l’expulsion impossible.

Un débat parlementaire, sur la base des constatations de la commission Chanet, qui devrait déboucher sur la suppression de la peine d’interdiction du territoire français. Étrangers et Français doivent encourir strictement les mêmes peines, pour respecter le principe d’égalité dans le traitement pénal de la délinquance ».

  1. Mais aussi de programmer un meeting à la Villette au mois d’octobre 2002 et de publier un ouvrage collectif « En finir avec la double peine ». Il convient ici de rendre hommage à Monsieur Étienne Pinte, Député-maire UMP des Yvelines (mais aussi Madame Delphine Bonjour, son assistante parlementaire), véritable humaniste, qui, comme après pour la lutte des intermittents du spectacle, a porté à bout de bras la plate-forme sur les bureaux de tous les intervenants politiques possibles.
  1. http://www.gisti.org/doc/actions/2003/unepeine/intervention.html

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Le journaliste Omar Guendouz a été acquitté du meurtre d’un automobiliste

index Ariane Chemin, 25/10/2003

Extrait : Le journaliste indépendant et son ami chef de bande de Seine-Saint-Denis, Victor Aboui, se sont rejeté la responsabilité du crime. Victor Aboui a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle . UN PETIT carrefour, à Gagny, en Seine-Saint-Denis. La pleine lune. Sur l’une des routes, Gilbert Ducret, 31 ans, qui raccompagne dans une R5 son beau-frère, que sa femme avait invité à dîner. Sur l’autre, une Clio conduite – sans permis – par un « journaliste » indépendant, Omar Guendouz, accompagné de Victor Aboui, un caïd du « 9-3 » – copain et sujet d’étude d’Omar Guendouz pour un reportage…

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Le journaliste acquitté, le caïd condamné

logoParisien-292x75 Elodie Soulié, 24/10/2003

Des deux accusés du meurtre de Gilbert Ducret, le 15 janvier 1995 à Gagny, l’un est ressorti libre et acquitté, l’autre est retourné en prison pour vingt ans. Hier soir, sans doute faute de preuves plus que par conviction, la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a blanchi Omar Guendouz, ce journaliste de 34 ans rendu célèbre par son enquête sur le « tueur de l’Est parisien » Guy Georges.

Et tout aussi démunie de preuves mais avec plus de conviction, la cour a « chargé » son coaccusé Victor Aboui-Ella, 31 ans, le caïd de banlieue au coup de poing facile et au casier judiciaire long comme le bras, plombé par la violence et son incapacité à « laisser un affront impuni ».

Un verdict tombé à la fin d’une dernière journée d’audience qui n’a pas donné ce qu’elle espérait à Anita Ducret : la veuve de Gilbert Ducret était venue chercher une « vérité » attendue depuis bientôt neuf ans. Hier soir, épuisée par trois journées d’audiences aussi vaines que longues, elle a quitté la cour d’assises nouée par l’effroyable sentiment d’avoir perdu son temps.

Malgré les 20 ans de réclusion infligés au meurtrier présumé de son mari, elle ne saura jamais vraiment pourquoi Gilbert, le père de deux de ses enfants, est mort un soir de janvier 1995, battu à mort sur le bitume d’un carrefour de Gagny, après un banal accident de la route.

20 ans de réclusion

Durant trois jours d’audiences « polluées par le mensonge », comme le regrette l’avocat de la famille Ducret, Me Stéphane Maugendre, et comme ils le font en réalité depuis le début de l’instruction, les deux accusés n’ont pas aidé la cour à progresser vers cette vérité que tout
le monde espérait. Ils n’ont fait que se renvoyer la faute, sans regards pour le petit banc où, coudes serrés dans une douleur qui les brise, les proches de Gilbert espéraient un aveu, une explication.

Or ni Omar Guendouz, si contrit en avouant « avoir beaucoup menti, par lâcheté et par peur » pour protéger Aboui, ni celui-ci, en répétant lapidairement n’avoir « rien vu, rien entendu, rien fait » ce soir du 15 janvier 1995, n’ont aidé à trouver cette vérité.

A l’heure de rendre leur verdict, les jurés ne pouvaient qu’être troublés par le réquisitoire de l’avocate générale, ouvertement impuissant à demander une quelconque peine contre Omar Guendouz. Mais suffisamment convaincue pour requérir 15 ans de réclusion criminelle contre Victor Aboui. «Je ne peux requérir sur de seuls sentiments, et sur les mensonges si nombreux de Guendouz, a reconnu Laure Vermeersch. Or, en l’état de ce dossier, aucun élément tangible ne m’apporte la preuve qu’il a fait quelque chose. » L’avocate générale a trouvé plus « d’éléments » contre Victor Aboui, coupable, selon elle, de l’acharnement de violence dont est mort Gilbert Ducret.

Laure Vermeersch venait d’ouvrir la porte de l’acquittement pour Guendouz, et de fermer toute issue à Victor Aboui. Me Sophie Bottai, l’avocate du journaliste, a juré que Guendouz n’était fautif que de « n’avoir pas été courageux ». Pour Me Oussedik, avocat d’Aboui, son client paie son profil de « coupable idéal », et la cour est selon lui tombée dans le nouveau piège construit par Guendouz, le « magicien du verbe » : la manipulation.

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Un journaliste aux assises

images 2Stéphanie Marteau, 17/10/2003

Le procès d’Omar Guendouz se tiendra du 21 au 23 octobre devant la cour d’assises de Bobigny. Journaliste indépendant au casier judiciaire chargé, Guendouz est un intermédiaire dont le rôle est d’introduire les journalistes de France 2 et de France-Soir auprès de caïds des cités. Il comparaît pour meurtre. Les faits remontent au 16 janvier 1995. A 1 h 15 du matin, Guendouz, au volant d’une Clio de location, sans permis de conduire, percute la R5 d’un père de famille de 30 ans, Gilbert Ducret. A la droite du journaliste, un délinquant présumé de Champs-sur-Marne, Victor Aboui Ella, éméché ce soir-là, Guendouz l’utilise pour entrer en contact avec les voyous des quartiers. En fait, ils sont amis.

Accusé libre

Les deux hommes descendent de la voiture, et les insultes fusent. Depuis son pavillon, un témoin assiste à la scène. Quand il arrive sur les lieux, le père de famille gît sur le sol, mort. « L’expertise médicale est formelle : deux coups portés avec une crosse de revolver ont fait exploser la boîte crânienne » , observe Stéphane Maugendre, l’avocat des parties civiles. Depuis huit ans, Aboui et Guendouz s’accusent mutuellement. Pour Anita Ducret, la veuve de la victime, « ils sont complices : l’un l’injuriait pendant que l’autre, par-derrière, le frappait » . Pour son avocate, Sophie Bottai, Guendouz « entretenait des relations avec des voyous qui lui nuisent aujourd’hui » … Une chose est sûre : Omar Guendouz, qui comparaîtra devant les assises en accusé libre, continue pour le moment à travailler : à France 2, la rédaction en chef s’accommode de « sa personnalité fantasque » . Et le directeur de la rédaction de France-Soir , André Bercoff, sera témoin de moralité au procès de son collaborateur.

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La double-peine loin d’être abolie

Les associations dénoncent des règles extrêmement strictes permettant d’échapper à la double-peine, qui ne concerneraient que « quelques centaines de cas ».

Des associations ont affirmé mardi que le projet de loi sur l’immigration défendu par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy n’avait pas « aboli la double peine », car les conditions imposées pour être protégé de l’éloignement du territoire restent difficiles à remplir.

« Il y a des éléments positifs dans le projet, mais il ne faut pas le monter aux nues », a affirmé Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), à l’issue d’une projection au Sénat du film de Jean-Pierre Thorn « On n’est pas des marques de vélo », sur Bouda, un jeune danseur victime de la double peine.

« Quelques centaines de cas »

Le Gisti, le MRAP et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ont affirmé qu’un grand nombre d’étrangers, qui entreront dans les catégories dites « protégées » ne pourront remplir des conditions telles que la preuve d’une résidence en France depuis l’âge de 13 ans, ou celle de subvenir aux besoins de son enfant.

« Même pour Bouda, il ne sera pas évident d’apporter la preuve administrative année après année de sa présence en France depuis l’âge de 13 ans », souligne Stéphane Maugendre.

« Le texte va régler les problèmes de quelques centaines de cas qui sont les plus ingérables pour le ministre de l’Intérieur, et Bouda fera sans doute partie des ces dossiers acceptés », dit-il, « mais pour beaucoup d’autres, cela va coincer ».

Depuis l’âge de 13 ans.

Aux termes du projet Sarkozy, l’éloignement du territoire ne pourra plus être prononcé contre l’étranger « qui justifie par tous les moyens résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans, qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans, ou depuis plus de dix ans s’il a fondé une famille, « à condition qu’il subvienne effectivement aux besoins » des enfants.

Deux exceptions seulement ont été retenues: les actes de terrorisme et les atteintes aux intérêts de l’État.

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