Archives de catégorie : Avocat

Un Anglais jugé pour avoir tenté de franchir la frontière avec une fillette réfugiée

la-croix-logo Marie Boeton, 14/01/2016

Robert Lawrie comparaît, jeudi 14 janvier, pour avoir tenté de faire passer clandestinement la frontière à une enfant de la jungle de Calais.Le Gisti déplore une multiplication des procédures judiciaires à l’encontre des bénévoles et une réapparition du « délit de solidarité ».
Jon Super/AP
Jon Super/AP

Robert Lawrie fait profil bas. « J’ai fait une erreur et je m’excuserai devant le juge », explique ce père de quatre enfants. Son avocate invoque, elle, « un geste d’humanité ». L’ancien militaire anglais, très impliqué depuis l’été dernier auprès des réfugiés de Calais, comparaît devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-mer pour avoir tenté de faire franchir la frontière en octobre à Bahar, une petite Afghane de 4 ans. Le père de l’enfant l’aurait imploré d’emmener la fillette outre-Manche rejoindre le reste de sa famille.

Prison ferme à la clé

Le prévenu est poursuivi pour avoir « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger » (art. 622-1 du Ceseda). À ce titre, il encourt cinq ans de prison et une amende de 30 000 €. On imagine mal toutefois qu’une peine de prison ferme soit prononcée contre l’intéressé.

D’autant qu’il est soutenu par un large comité de soutien. Une pétition -réclamant la clémence des autorités – dépasse même les 100 000 signatures. Plusieurs responsables associatifs devraient, par ailleurs, viendront témoigner à la barre en sa faveur.

Un retour du « délit de solidarité » ?

Les associations ont longtemps dénoncé le fait que les bénévoles puissent faire l’objet de poursuites pour avoir tendu une main secourable aux réfugiés. Depuis la loi du 31 décembre 2012 cependant, ces poursuites sont strictement encadrées. S’il reste formellement interdit de participer à un réseau organisant la venue de migrants, il est désormais possible de leur « fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux (…) ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci » sans être inquiété. Les responsables associatifs se sont alors félicités de la suppression du « délit de solidarité ».

Et pourtant, le président du Gisti, déplore une multiplication des poursuites ces derniers mois. « Les militants sont à nouveau dans le viseur de la justice, dénonce Stéphane Maugendre. Aujourd’hui, c’est autour de Rob Lawrie mais, il y a peu, c’était au tour d’une retraitée de Grasse d’être condamnée pour être venue en aide à deux Érythréens. Simplement pour les avoir emmenés en voiture de Nice à Antibes. Un bénévole de Perpignan a aussi récemment été poursuivi pour avoir accueilli une famille de réfugié. On assiste, de fait, à une réapparition du délit de solidarité. »

> À lire : L’abrogation du délit de solidarité, un acte symbolique

L’aide à la circulation

Le ministère public justifie ces poursuites. « Le droit est très clair : on peut héberger un migrant ou lui donner à manger mais il reste formellement interdit de faciliter leur circulation, et a fortiori de les aider à passer la frontière », explique un magistrat. Des nuances qu’ignoreraient certains bénévoles. Notamment ceux agissant en dehors des structures associatives.

Pour sa part, Pierre Henry, le président de France terre d’asile, appelle quoi qu’il en soit la justice à être clémente lorsque « la bonne foi du prévenu est établie ».

⇒ Voir l’article

Rob Lawrie, dernier exemple de poursuite pour «délit de solidarité»

index Maryline Baumard, 14/01/2016

Un Britannique, qui avait caché une fillette afghane dans son véhicule à Calais pour la faire entrer au Royaume-Uni, est poursuivi pour avoir transporté l’enfant sans papiers sur le territoire français. Le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) juge jeudi 14 janvier Rob Lawrie.
JON SUPER/AP
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Cet ancien militaire de 49 ans, chef d’entreprise, a été arrêté le 25 octobre 2015 par la police aux frontières française avec à son bord Bahar Ahmadi, 4 ans. A la demande de son père, un Afghan rencontré dans la « jungle » de Calais, Rob Lawrie avait accepté de déposer la fillette dans la communauté afghane de Leeds, loin du bidonville de toiles et de bâches, où il ne la jugeait pas à sa place. Le prévenu, père de quatre enfants, risque cinq années de prison et une amende de 30 000 euros.

Rob Lawrie est poursuivi pour « avoir facilité, par aide directe ou indirecte, la circulation irrégulière d’un étranger en France », selon le chef de mise en examen. Or, M. Lawrie n’est pas le premier à devoir répondre de ce que les associations d’aide aux migrants ont rebaptisé le « délit de solidarité ». Depuis quelques mois, les cas se multiplient.

Lire aussi : Retour de bâton pour le Britannique qui a sorti une réfugiée de 4 ans de Calais

Confusion

Le 18 décembre 2015, une maître de conférences en retraite de 72 ans a été condamnée à 1 500 euros d’amende par le tribunal de Grasse pour avoir, elle aussi, transporté des sans-papiers. Elle avait conduit de la gare de Nice à celle d’Antibes une jeune femme et un mineur souhaitant rejoindre le nord de l’Europe. Le juge a conclu qu’elle avait « aidé au séjour de personnes en situation irrégulière ». Elle a fait appel.

Cinq mois auparavant, en juillet, un militant d’un collectif d’aide aux sans-papiers a été accusé par le substitut du procureur de Perpignan d’« aide au séjour irrégulier » pour avoir hébergé une famille arménienne entre janvier 2014 et juillet 2015. Autre lieu, autre lecture de la loi, le procureur a abandonné les poursuites dès le début du procès, estimant que « l’immunité prévue par la loi couvre l’hébergement des sans-papiers ». Le Père Riffard, curé d’une paroisse de Saint-Etienne, avait connu la même issue en appel un an auparavant, après avoir été condamné en première instance pour l’hébergement de demandeurs d’asile africains.

Pour Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, appelé à témoigner au procès de Rob Lawrie, le délit de solidarité est bien « en train de faire son retour ». L’avocat observe « que c’est le cas tous les cinq ou six ans » et que « la dernière vague remontait à 2009, sous Eric Besson [alors ministre de l’immigration] ».

« Nous demandons depuis des années la suppression de ce texte parce qu’il est incroyable que l’Etat s’oppose à une solidarité qui naît justement pour répondre à ses carences », observe M. Maugendre. L’affaire prend aussi un tour différent aujourd’hui, car on croyait le délit de solidarité gommé du droit des étrangers. Une confusion entretenue par le fait qu’en 2012, la gauche avait annoncé qu’elle retirerait ce délit, alors qu’elle s’est contentée d’élargir le champ des immunités.

« Préserver l’intégrité physique de l’enfant »

La loi du 31 décembre 2012 précise qu’« une personne échappera aux poursuites à condition que l’aide soit apportée sans aucune contrepartie directe ou indirecte, qu’elle se limite à la fourniture de prestation de restauration, d’hébergement, de soins médicaux, de conseils juridiques, et qu’elle ait pour objectif d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou de « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci », rappelle Danièle Lochak, professeur émérite de droit public à l’université de Nanterre.

L’avocate de Rob Lawrie, Lucile Abassade, plaidera qu’« il n’y a pas eu d’échange d’argent entre la famille afghane et Rob Lawrie, d’une part. D’autre part, qu’il s’agissait de préserver l’intégrité physique de cette enfant ». Sans scolarisation, sans maison, sans chauffage, avec un seul repas quotidien, la vie dans la « jungle » de Calais est extrêmement difficile pour un enfant. Bahar Ahmadi y vit pourtant toujours… La pétition demandant que Rob Lawrie n’aille pas en prison est en passe d’obtenir plus de 120 000 signatures.

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Jugé pour avoir tenté de sortir une migrante de 4 ans de la « Jungle »

newlogovecto_0_0 13/01/2016

Un Britannique comparaît ce jeudi 14 janvier devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour avoir tenté de faire passer clandestinement une fillette afghane de la « Jungle » de Calais en Angleterre.
Sipa
Sipa

Petite fille afghane, échouée dans la « Jungle »… Pour avoir tenté de la sortir clandestinement de cet immense camp sauvage, où survivent environ 6.000 réfugiés près de Calais, un Britannique comparaît ce jeudi après-midi devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.

L’affaire avait fait grand bruit fin octobre : Robert Lawrie, 49 ans, ancien soldat devenu dirigeant d’une entreprise de nettoyage, avait tenté de transporter une fillette Afghane jusqu’à Leeds, où elle avait de la famille et où lui-même vit. Mais ce père de quatre enfants avait été arrêté par la police des frontières française le 24 octobre. Les chiens de la police avaient également découvert deux Erythréens adultes présents à l’arrière de sa camionnette, cachés selon lui à son insu. Poursuivi pour aide au séjour irrégulier, il risque jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 30.000 euros.

« Bouleversé » par le sort des migrants l’été dernier, l’homme avait décidé de « faire quelque chose » en faveur des réfugiés et avait commencé à se rendre fréquemment à la « Jungle » de Calais, apportant vêtements et nourriture aux clandestins, les aidant à construire leur tente. Dans ce camp où vivent plusieurs milliers de migrants qui caressent l’espoir de rejoindre l’Angleterre, il y avait fait la rencontre de la petite Afghane et de son père. Selon Rob Lawrie, le père lui a alors demandé d’emmener son enfant de quatre ans dans le nord de l’Angleterre.

« Il ne me semblait tout simplement pas juste de la laisser là, sous une tente, dans la ‘Jungle' », s’est-il défendu lors d’un entretien à l’AFP diffusé en novembre. D’après son avocate Me Lucile Abassade, le Britannique « a agi dans l’émotion, sans réfléchir ». Rob Lawrie a reconnu avoir « fait quelque chose d’illégal… Mais je ne pense pas avoir agi illégalement sur le plan moral ».

Une pétition intitulée « «  a recueilli sur change.org environ 120.000 soutiens français et un peu plus de 50.000 sur sa correspondante anglaise. « Le tribunal devra dire si Robert Lawrie s’est conduit comme un passeur, un criminel, ou en citoyen pris de compassion pour cette situation », souligne dans un communiqué « « , un blog pro-migrants actif dans le Calaisis. Et Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, de dénoncer dans le « retour » du « délit de solidarité », dont la gauche avait pourtant annoncé en 2012 l’abrogation.

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Le parquet parisien attaque la solidarité

newlogohumanitefr-20140407-434  Émilien Urbach, 08/01/ 2016

Le Gisti, 
le SM et la ldh 
vont être jugés Pour avoir critiqué une décision de justice privant un jeune mineur étranger d’aide sociale.

«On veut faire taire un certain nombre d’associations qui pointent du doigt la manière dont le milieu judiciaire et l’Aide sociale à l’enfance traitent les mineurs isolés étrangers », regrette Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Le parquet de Paris attaque son association, ainsi que le Syndicat de la magistrature (SM) et la Ligue des droits de l’homme (Ldh), parce qu’ils auraient cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice.

Un des magistrats du parquet a vraisemblablement mal digéré les commentaires des trois organisations à la suite d’un arrêt de mars 2015 de la cour d’appel de Paris. Celui-ci refusait une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n’était pas établie » parce que des « éléments extérieurs » comme « son allure et son attitude » contredisaient les documents d’identité de l’adolescent. L’arrêt précisait pourtant que l’extrait d’acte de naissance et la carte d’identité attestant de sa minorité étaient « considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire ».

Dans un communiqué rendu public, le Gisti, le SM et la Ldh avaient alors dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux des magistrats » qui « pour rendre cette invraisemblable décision » n’ont « pas seulement renié toute humanité », mais « dû aussi tordre le droit ».

La réaction du magistrat ressemble à de la basse vengeance d’un orgueil vexé. Les défenseurs des droits des enfants étrangers sans famille seront jugés le 6 mai. Ce procès sera finalement l’occasion de « donner de l’écho à un communiqué qu’aucune agence de presse, ni radio, ni télé n’avait repris », ironise l’avocat président du Gisti, qui dans un haussement d’épaules, soupçonne « les dieux (d’être) tombés sur la tête ».

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Des associations poursuivies par le parquet

La Marseillaise, 07/01/2016

Les responsables de l’association de soutien aux immigrés Gisti, du Syndicat de la magistrature (SM) et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ont été renvoyés en procès par le parquet de Paris pour avoir critiqué une décision de justice visant un mineur étranger. « Les dieux sont tombés sur la tête ! Ce délit n’est absolument jamais poursuivi », a dénoncé le président du Gisti, Stéphane Maugendre. Le procès est prévu pour le 6 mai. Ce délit est puni de six mois de prison et 7 500 euros d’amende.

A l’origine de l’affaire, un arrêt de mars 2015 de la cour d’appel de Paris refusant une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n’était pas établie ». Les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi tordre le droit »

« On veut faire taire un certain nombre d’associations qui pointent du doigt la manière dont le milieu judiciaire et l’aide sociale à l’enfance traitent les mineurs isolés étrangers », dénonce M. Maugendre. Selon lui la décision du parquet n’aura pour effet que de « donner de l’écho à un communiqué qu’aucune agence de presse, ni radio, ni télé n’avait repris. »

Le Gisti, le SM et la LDH en procès pour avoir critiqué une décision de justice

AFP, 06/01/2016

Les responsables de l’association de soutien aux immigrés Gisti, du Syndicat de la magistrature (SM) et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ont été renvoyés en procès par le parquet de Paris pour avoir critiqué une décision de justice visant un mineur étranger, a appris mardi l’AFP de sources concordantes.

« Les dieux sont tombés sur la tête ! Ce délit n’est absolument jamais poursuivi », a dénoncé le président du Gisti, Stéphane Maugendre, à l’AFP.

Le procès est prévu le 6 mai.

A l’origine de l’affaire, un arrêt de mars 2015 de la cour d’appel de Paris refusant une mesure d’assistance éducative à un jeune Malien au motif que sa minorité « n’ (était) pas établie », selon l’arrêt rendu public par les organisations.

Selon l’arrêt, l’extrait d’acte de naissance et la carte d’identité attestant de sa minorité étaient « considérés comme authentiques par le bureau de la fraude documentaire », mais des interrogations subsistaient aux yeux des magistrats.

Les magistrats avaient demandé en vain des tests osseux, très critiqués par les associations. Ils estimaient que des « éléments extérieurs » comme « son allure et son attitude » venaient contredire les documents du jeune homme.

Dans un communiqué, les trois organisations avaient dénoncé « le raisonnement (…) doublement fallacieux » des magistrats. « Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû aussi, tordre le droit », dénonçaient la LDH, le SM et le Gisti.

Un magistrat du parquet général de Paris avait signalé le texte et une enquête avait été ouverte. Le parquet de Paris a finalement cité à comparaître les responsables de l’association, estimant que les auteurs du texte avaient « cherché à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance », a indiqué à l’AFP une source judiciaire. Ce délit est puni de six mois de prison et 7.500 euros d’amende.

« On veut faire taire un certain nombre d’associations qui pointent du doigt la manière dont le milieu judiciaire et l’aide sociale à l’enfance traitent les mineurs isolés étrangers », a dénoncé M. Maugendre.
Selon le président du Gisti, la décision du parquet n’aura paradoxalement pour effet que de « donner de l’écho à un communiqué qu’aucune agence de presse, ni radio, ni télé n’avait repris ».

Procès délit de solidarité à Nice : un verdict peu courageux et dangereux

langfr-280px-Logo-crieur.svgRéseau Education sans Frontières, 23/12/ 2015

La suppression du délit de solidarité était l’une des très rares promesses que Hollande avait fait mine de tenir. La condamnation de Claire Marsol à Nice «coupable» d’avoir aidé deux tout jeunes Erythréens montre que, finalement, les engagements de Hollande dans ce domaine ne valent pas plus que dans les autres.

Claire Marsol, maître de conférences en retraite et militante de l’association Habitat et Citoyenneté, a été condamnée le 13 décembre 2015 par le tribunal correctionnel de Grasse à 1500 € d’amende pour « aide directe ou indirecte à l’entrée, la circulation, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

Le 13 juillet dernier, alors que la police de M. Cazeneuve accomplissait sa noble mission de refoulement des réfugiés débarqués en Italie et se présentant à la frontière pour poursuivre leur exode vers l’Europe du nord, des militants d’associations de défense des droits de l’Homme étaient en gare de Nice pour observer les policiers contrôlant les voyageurs au faciès, leur demandant leurs papiers, leur interdisant l’accès aux trains et, parfois, déchirant leurs billets SNCF.

Vers 10 heures, un garçon de 15 ans, Erythréen, contrôlé et refoulé s’adressait à Claire, lui disant « Paris !» « Paris !». Une jeune femme de 22 ans se joignait à lui. Claire les prenait dans sa voiture et les conduisait à la gare d’Antibes, moins surveillée espérait-elle.

Mais, alors qu’elle montrait aux deux jeunes gens comment composter leurs billets, elle était repérée et dénoncée –oui, dénoncée—par un employé de la SNCF. Les trois « délinquants » étaient embarqués, menottes aux poignets. Claire allait subir 24 heures de garde à vue, une perquisition de son domicile puis une mise en examen.

Remise en liberté, la jeune Erythréenne reprenait immédiatement sa route vers le nord. Confié à l’ASE, le garçon de 15 ans fuguait rapidement pour, lui aussi, tenter de retrouver les siens. Des faits qui témoignent du gâchis matériel et moral que constitue la politique du gouvernement français…

Six mois plus tard, le 18 décembre, Claire Marsol comparaissait devant le tribunal correctionnel de Grasse qui n’a probablement rien de mieux à faire. Plus d’une centaine de personnes solidaires et de militants associatifs remplissaient la grande salle d’audience, surveillés par des dizaines de policiers le casque au côté. Hautain, cassant, sarcastique avec des prévenus sans beaucoup de défense, le président Alexandre Julien se montrait dès les premières affaires tel qu’en lui-même, hélas.

Face à Claire Marsol, son parti est pris dès le début : « Vous savez que la police contrôle les migrants et c’est sciemment que vous vous opposez à ces contrôles ». « Au moindre bruit, je n’hésiterai pas à faire évacuer la salle ! » clame-t-il quand une rumeur accueille son affirmation mensongère selon laquelle les mineurs isolés étrangers sont tous pris en charge par l’ASE. Un avertissement qu’il renouvellera au moment de rendre sa décision. Ni la revendication des faits par l’accusée, ni le témoignage de Stéphane Maugendre, président du GISTI qui rappelle les épisodes de la lutte contre le délit de solidarité jusqu’à la loi du 31 décembre 2012 censée le supprimer, ni celui d’Hubert Jourdan, le président d’Habitat et Citoyenneté, plusieurs fois grossièrement interrompu, n’ébranlent la conviction affichée du président : « La politique migratoire n’est pas dans le débat » et « Vous empêchez la police de faire son travail ».

Un boulevard ouvert pour le procureur qui reprend et développe les arguments suggérés par le président et, pour finir, demande une condamnation à 2000 € d’amende… avec sursis.

Décision du tribunal en forme de minable diminution des tarifs : 1500 € d’amende ferme avec un rabais de 20% si elle est réglée dans le mois.

Avec ou sans sursis, cette condamnation est évidemment inacceptable dans son principe… comme le reconnaissent sans s’en rendre compte et le procureur et le président Julien. Elle est aussi le témoignage d’une certaine pleutrerie. En effet, s’ils considèrent, comme tous leurs discours au long de l’audience tendaient à le démontrer, que Claire Marsol joue le même rôle que les passeurs… il fallait trouver le courage de lui infliger une vraie condamnation et pas une peine ridicule avec sursis ou une amende ferme et minable qu’une simple collecte à la sortie du tribunal aurait permis de payer avec intérêts. Ou alors, avoir la volonté de rendre vraiment la justice et la relaxer en affirmant publiquement, comme le demandait son avocate Sarah Benkemoun, que par ses actes, Claire Marsol a veillé à préserver la dignité de ceux qu’elle a aidés mais aussi de tous. Le tribunal s’est dérobé et a préféré se réfugier dans une peu glorieuse condamnation au rabais.

Bien entendu, l’affaire n’est pas close. Sur le plan juridique, il y aura appel. Mais elle va bien au-delà. La suppression du délit de solidarité était l’une de ses très rares promesses que Hollande ait tenue… avec les limites que l’on voit !

La condamnation des délinquants de la solidarité était intolérable sous Sarkozy. Elle l’est tout autant sous Hollande. Avec, en prime, le goût amer d’avoir été floué.

Richard Moyon, Militant RESF

⇒Voir l’article

Une bénévole condamnée pour «délit de solidarité» avec les migrants

langfr-280px-Logo-crieur.svg Michaël Haidenberg, 22/12/2015

Le délit de solidarité , qui consiste à aider des migrants dans le besoin, n’est pas mort, contrairement à ce qu’avait annoncé Manuel Valls en 2012. Une bénévole vient d’être condamnée à Grasse pour avoir tenté d’aider deux Érythréens. Ailleurs en France, les poursuites se multiplient.

Depuis 2012, on croyait le « délit de solidarité » enterré. Vendredi , il a pourtant resurgi du passé : Claire , une militante de 72 ans , a été condamnée pour avoir aidé en juillet des migrants érythréens à voyager. Le tribunal de grande instance de Grasse l’a condamnée à 1 500 euros d’amende, au grand dam d’associations d’aide aux étrangers d’autant plus inquiètes que d’autres cas de poursuites judiciaires ont émaillé l’année 2015. Ainsi, le 14janvier prochain, ce sera au tour d’un Anglais de comparaître devant le tribunal de Boulogne- sur-Mer, pour avoir voulu venir au secours d’une enfant de 4 ans résidant dans la jungle de Calais. Est-ce le signe d’un retour en arrière ? Ou faut-il parler de circonstances bien particulières ?

L’enjeu est hautement symbolique. En septembre 2012, Manuel Valls avait annoncé la suppression de ce délit qui permettait de poursuivre toute personne ayant « tenté ou facilité » le séjour d’étrangers en situation irrégulière en France : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable », expliquait celui qui était alors ministre de l’intérieur.

Ce « délit de solidarité », une expression inventée par des défenseurs des étrangers, avait connu un pic de notoriété en 2009 avec la sortie du film Welcome gui contait l’histoire d’un maître nageur souhaitant aider un jeune Afghan à rejoindre l’Angleterre par la nage, et dont les projets se trouvaient contrariés par la police.

La loi du 31 décembre 2012 n’a cependant pas tout réglé, comme le montre la condamnation de Claire. Ancienne maître de conférences en chimie , cette retraitée de 72 ans est bénévole au sein de l’association « Habitat et citoyenneté », une association d’aide aux migrants en situation précaire. Le13 juillet, elle se trouve avec d’autres militants en gare de Nice , pour traquer les contrôles au faciès effectués par la police. Elle y rencontre un mineur Érythréen de 15 ans, en provenance de Vintimille, sans argent, qui ne parle pas français, et qui lui dit seulement « Paris ». Puis, sur le parvis de la gare, elle fait la connaissance d’une autre Érythréenne, âgée de22 ans, munie d’un billet de train pour la capitale.

Tous deux font face à des policiers qui veulent visiblement les empêcher de voyager. «Après en avoir parlé avec un ami,j’ai décidé de les emmener à Antibes, où je pensais qu’il y aurait moins de policiers », raconte-t-elle. Peine perdue : un agent de la SNCF les repère, alerte la police. Claire refuse de présenter ses papiers d’identité (« c’est peut-être le seul tort que j’ai eu, mais je ne le regrette pas »). Elle est menottée , son téléphone confisqué ; fouillée, elle est placée en garde à vue pendant 24 heures, et le lendemain, elle est conduite menottes aux poignets dans son immeuble où son appartement est perquisitionné. Puis elle est convoquée au tribunal pour avoir «facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

L’article L622-1 est en effet toujours en vigueur : il prévoit qu’aider des sans-papiers est passible de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. L’article L622-4 a cependant été ajouté en 2012, et il prévoit des exemptions. Pour ne pas être condamné , il faut d’abord n’avoir touché aucune contrepartie , notamment financière. Aucun doute sur ce point : Claire, chez gui on n’a pas retrouvé d’argent en liquide, n’a jamais été un passeur.Juste une bénévole.

Pour être considéré comme innocent, il faut cependant remplir une seconde condition sur le type d’aide apporté. Le texte de loi «précise» qu’il faut avoir fourni « des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ».

Avoir conduit ces Érythréens à la gare relève-t-il d’une « aide visant à préserver leur dignité ou leur intégrité physique » ? Non, à en croire le tribunal de Grasse, qui reproche à Claire d’avoir soustrait ces migrants à un contrôle de police. Oui , selon son avocate , Me Sarah Benkemoun, qui fait appel du jugement car elle estime que ce n’est pas la question : sa cliente a empêché un mineur et une jeune femme de se retrouver en détresse , dans la rue , dans une ville qui leur était inconnue. Elle a voulu les aider à rejoindre leur famille à Dijon et Paris.

« Ils étaient en danger. Elle a eu une démarche humanitaire. Elle n’a pas aidé des fugitifs, elle ne leur a pas fabriqué de faux documents, elle ne les a pas cachés. Ils auraient d’ailleurs pu rejoindre Antibes par leurs propres moyens. Mais dans le contexte actuel, entre les attentats de Paris et les élections, plaider la solidarité n’est visiblement pas aisé. »

Claire ne comprend pas plus la décision : « Depuis 2009,j’aide des étrangers. J’ai déjà hébergé chez moi des Géorgiens, Érythréens, Soudanais, Tchadiens, et cela ne pose visiblement pas de problème. Quand j’aide un sans-papiers à se soigner et que je le conduis à l’hôpital, on me félicite. Et là, on me condamne. Ces Érythréens se sont finalement retrouvés dans la rue, on a perdu leur trace, alors qu’ils cherchaient juste à rejoindre leur famille. Tout ça pour ça. »

«Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible »

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), estime que « toute l’ambiguïté du texte de loi » éclate au grand jour. Tous les six ans, note-t-il, le délit de solidarité réapparaît. 1997 : condamnation de Jacqueline Deltombe , coupable d’avoir prêté les clefs de son appartement à un sans-papiers. 2003 : fortes mobilisations contre le projet de Sarkozy de durcir les peines encourues. 2009 : des condamnations mènent à un affrontement dur entre les militants et le ministre Éric Besson. Et maintenant 2015, avec, faute de suppression , un danger qui renaît.

Camille Six, juriste à la PSM (Plateforme de service aux migrants), estime que la loi, sujette à interprétation, l’oblige à prévenir les bénévoles : «Attention ! Ralliez-vous aux réseaux d’hébergements existants plutôt que de vous lancer seuls dans l’aventure. Car cette activité de soutien n’est pas sans risque. »

Ces ambiguïtés donnent lieu à des interprétations différentes selon les juridictions, et parfois jusqu’au sein des tribunaux. À Perpignan, Denis a hébergé à son domicile une famille arménienne (avec deux enfants de 3 et 6 ans), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Pendant ses 36 heures de garde à vue, il fut demandé à Denis : « Qui faisait la vaisselle ? » Sa réponse a fourni l’occasion d’un procès, au motif que les migrants versaient une contrepartie : ils « participaient aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».

Le 15 juillet, jour du procès, le procureur de la République de Perpignan est cependant venu en personne à l’audience pour demander la relaxe de Denis. Mais l’absence de condamnation ne signifie pas que ce type d’affaire ne laisse pas de trace. Les bénévoles, angoissés, savent qu’ils peuvent être poursuivis, longuement interrogés, ignorent au bout de combien de temps ils seront relâchés. Camille Six va jusqu’à parler d’un « harcèlement moral » des militants.

Rob Lawrie en a fait les frais. Cet ancien soldat britannique de 49 ans, père de quatre enfants, a tenté de faire passer clandestinement la frontière à Bahar, une enfant afghane de 4 ans. Il comparaîtra le 14 janvier devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer où il encourt lui aussi une peine de cinq ans de prison pour cet acte qui, selon son avocate, Me Lucile Abassade, relève pourtant de «l’aide humanitaire».

Rob, qui habite près de Leeds, connaît bien la jungle de Calais. Après avoir vu les images dans la presse du corps d’Aylan Kurdi, l’enfant syrien échoué sur une plage turque, il a décidé de faire régulièrement l’aller-retour pour aider les étrangers qui y résident : il a créé un groupe d’entraide pour récolter des vêtements et de la nourriture. Sur place, il aidait à construire des cabanes. Sur sa page Facebook, il a posté une vidéo de ce qu’il y a vu.

Il y a fait la connaissance de Bahar et de son père. À la presse britannique, il a raconté : « Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible. Les conditions étaient horribles. Cela m’a rappelé des décharges de Bombay. Et quand vous avez vu ce que j’ai vu, toute pensée rationnelle sort de votre tête. »

Son avocate détaille : « Fin octobre, il y avait une grosse vague de froid, ils étaient au milieu du bois, dans la misère. Le père de Bahar a demandé à Rob de bien vouloir emmener son enfant chez sa tante, en Angleterre. Rob a ressenti une forme d’urgence et il a craqué. »

Rob a caché la petite fille dans un des compartiments de stockage de son van, au-dessus du siège du conducteur. Mais des chiens renifleurs ont détecté deux Érythréens cachés, à son insu , à l’arrière de sa camionnette. Bahar a été découverte et Rob Lawrie arrêté. Il a prévenu : «Je m’excuserai devant le juge. Je ne dis pas : « Hé, regardez-moi, je suis un héros »,je dis : « J’ai pris la mauvaise voie, trouvons la bonne ». »

À Calais, il n’est pas le seul à venir au secours des étrangers. « Si on poursuivait tous les gens qui aident les étrangers, les tribunaux seraient pleins », explique Me Marie-Hélène Calonne, avocate spécialiste du droit des étrangers à Boulogne-sur-Mer.

Cela n’empêche pas la police de mener la vie dure à certains militants, parfois en contournant le délit de solidarité. À Calais, un arrêté interdit aux militants de s’arrêter sur le chemin des dunes, le chemin qui conduit de la ville à la plateforme Jules-Ferry. Les policiers laissent les bénévoles entrer, et une fois qu’ils stationnent, ils leur collent des PV, racontent plusieurs associations présentes sur place.

À Norrent-Fontes, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ont été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel. Les membres de l’association Terre d’errance ont voulu le reconstruire. Le maire leur a opposé le droit de l’urbanisme , qui ne posait pourtant pas de problème auparavant. Suite à deux plaintes de la mairie, ils ont été poursuivis par le procureur de Béthune pour construction illégale sur un terrain municipal ; ils encourent 3 mois de prison et 75 000 euros d’amende. Pire : à défaut de pouvoir continuer à construire, les militants ont posé une toile protégeant les migrants de la pluie. Nouvelle plainte et convocation au commissariat. « Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! », dénonce le Gisti.

Offrir une toile ou un toit n’est donc plus une sinécure. À Dijon , un militant de la Ligue des droits de l’homme a été poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers. Et le curé de Montreynaud (Saint-Étienne), pour avoir hébergé des sans-papiers dans un lieu de culte qui n’offrait pas toutes les conditions requises en matière d’hygiène et de santé publique.

Léopold Jacques, lui, après avoir été condamné en première instance, a fini par obtenir gain de cause devant la cour d’appel de Rouen. Celle-ci a estimé que ce bénévole à la Croix-Rouge et membre de France Terre d’Asile ne pouvait être condamné pour avoir aidé une Congolaise en 2011 : il avait fourni à cette femme malade des attestations d’hébergement pour qu’elle puisse bénéficier de soins médicaux en France. Léopold jacques, 70 ans, croyait en avoir enfin fini avec la justice. Le parquet a toutefois décidé de se pourvoir en cassation.

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Solidarité. Au tribunal pour avoir aidé deux exilés

newlogohumanitefr-20140407-434Emilien Urbach, 18/12/2015

Rebecca Marshall/LAIF-REA
Rebecca Marshall/LAIF-REA

Une citoyenne solidaire des réfugiés bloqués à la frontière franco-italienne comparaît aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Grasse pour avoir transporté dans son véhicule deux jeunes Érythréens. Des militants venus de toute la France viennent témoigner de leur solidarité.

Elle a voulu aider deux jeunes réfugiés. Elle doit en répondre devant la justice ! À 72 ans, Claire, maître de conférences à la retraite, comparaît aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Grasse. Sa faute ? Avoir transporté dans son véhicule deux jeunes Érythréens, de la gare de Nice jusqu’à celle d’Antibes (Alpes-Maritimes), afin qu’ils puissent prendre le train. Un geste anodin qui lui vaut d’être poursuivie pour, selon l’acte d’accusation, avoir « facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France »… En clair, d’être un passeur.

L’affaire s’est déroulée le 13 juillet dernier. Avec une vingtaine d’autres personnes, Claire, qui milite à Habitat et citoyenneté, une association d’aide aux migrants en situation précaire, est venue à la gare de Nice prêter main-forte. Et constater surtout les irrégularités commises par les forces de l’ordre à l’encontre des réfugiés, depuis la fermeture de la frontière franco-italienne, le 9 juin. De nombreuses associations témoignent en effet de contrôles au faciès systématiques à l’intérieur des trains reliant Vintimille à la France et d’expulsions, dont de nombreux mineurs isolés, vers l’Italie, en dehors de tout cadre légal.

« Je suis arrivé à la gare de Nice, à 11 heures, explique Hubert Jourdan, militant également à Habitat et citoyenneté et témoin au procès. Claire était devant les bureaux de la police aux frontières en compagnie d’un jeune Érythréen de 15 ans et d’une jeune femme à peine plus âgée. Lui voulait se rendre à Dijon et elle à Paris. Nous étions rentrés en contact avec des connaissances qu’ils avaient sur place. Bien qu’ils aient tous les deux leur titre de transport, la PAF leur a interdit d’accéder au train. On a alors décidé que quelqu’un devait les accompagner à la gare d’Antibes. » Claire se porte volontaire et fait monter les deux personnes en quête de refuge dans sa voiture. Vingt minutes plus tard, arrivée à Antibes, la police l’arrête. Après un rapide contrôle d’identité, elle est sortie du véhicule, menottée et conduite dans un commissariat de Nice. Peu après, on l’accompagne chez elle, bracelets métalliques toujours aux poignets, pour y mener une perquisition. Rien. Retour à la capitale azuréenne où elle passe 24 heures enfermée dans une des sordides cellules de la caserne Auvare… Elle en ressort avec une convocation au tribunal.

Pour Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés, cette affaire est « le signal que Manuel Valls a menti quand il affirmait que le délit de solidarité n’aurait plus court en France ». Appelé aussi à témoigner à la barre du tribunal, l’avocat compte y faire l’historique des faits qui a mené à la modification, par la loi du 31 décembre 2012, du Code des étrangers. Le texte, depuis, permet à la justice de faire la distinction entre un trafiquant qui s’enrichit sur la détresse d’un réfugié et un citoyen solidaire qui tend la main à son semblable. « La comparution de Claire est donc injustifiée au regard de la loi », souligne aussi Me Sarah Ben Kemoun, chargée de défendre la militante. Une quinzaine d’associations et syndicats se sont également donné rendez-vous à Grasse pour exprimer leur consternation. « Nous sommes des centaines à quotidiennement venir en aide à des réfugiés, rappelle Stéphane Maugendre. Si nous le faisons, c’est parce que l’État est totalement défaillant quant à l’accueil des étrangers. » Pas pour s’enrichir sur le dos des exilés.

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Calais «Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?»

logo-liberation-311x113 20/10/2015

Cinéastes, écrivains, musiciens, comédiens… Quelque 800 artistes et intellectuels français en appellent au gouvernement pour que les réfugiés soient traités dignement.

Photo Denis Charlet. AFP
Photo Denis Charlet. AFP

«Depuis des semaines, de nombreuses associations sur le terrain cherchent à alerter l’opinion publique sur les épouvantables conditions de vie réservées aux migrants et aux réfugiés de la jungle de Calais. Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite. Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?

«Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire « un appel d’air » envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. Celles-ci sont admirables mais ne peuvent pas tout. Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui, même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale. La spirale du pire est amorcée. Les discours réactionnaires ou fascisants ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse. Aujourd’hui leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français.

«Cette mise en concurrence des indigences est ignoble. Elle nous habitue à l’idée qu’il y aurait des misères défendables et d’autres non. Elle sape les fondements des valeurs constitutives de la France. Elle nie notre humanité commune. Elle nous prépare au pire. Alors que ce sont, précisément, ces mêmes associations, ces mêmes bénévoles, ces mêmes hommes et femmes de bonne volonté qui nous alertent aujourd’hui sur Calais et qui agissent depuis des années à panser toutes les misères de France. Alors que ce sont, précisément, les mêmes hommes et femmes politiques, ou les mêmes discours qui attisent le feu en soufflant sur les braises des divisions mortifères, qui, par leur action ou leur manque d’action politique, accentuent la pauvreté des plus pauvres et sont incapables de lutter efficacement contre le mal-logement ou la misère alimentaire. Aujourd’hui nous avons décidé de prendre la parole tous ensemble pour dire non à la situation réservée à ceux qui sont actuellement les plus démunis de droits en France : les exilés de Calais. Au nom de nos valeurs communes d’asile et d’universalisme. Et parce que nous serons plus forts demain pour nous battre ensemble contre les autres formes d’injustices et de misère. Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve.»

L’appel est à signer sur Change.org

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