03/07/1991
Le maire de Montfermeil devant le tribunal correctionnel de Paris : Pierre BERNARD est poursuivi pour discrimination raciale pour avoir refusé d’inscrire des enfants d’immigrés dans les maternelles de sa commun.
Il y a comme un malaise: comme d’habitude lors d’un procès d’excision, on ne peut se départir d’un sentiment de gêne lorsque l’on arrive dans une Cour d’Assises ou les noirs occupent le banc d’infamie et les blancs, celui des juges. Mardi, c’était encore plus vrai à Bobigny, où la Cour d’Assises présidée par M. Yves Corneloup s’apprêtait à juger «en bloc» les parents de 16 enfants que Mme Aramata Keita est accusée d’avoir excisé entraînant la mort d’une petite fille des suites d’une hémorragie. Cette malienne de 48 ans, membre de la caste des «esclaves» et donc exciseuse, a déjà été condamnée à 5 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises de Paris le 8 mars dernier, (voir les « Huma» des 7,8 et 9 mars dernier) dans une précédente affaire d’excision.
Le malaise s’accroit encore à l’aube de l’audience quand les pères inculpés évoquent leurs professions: «OS chez Citroën, manoeuvre, plongeur, nettoyeur à la RATP, éboueur…» Les femmes sont sans profession; l’une d’entre elles est installée dans un fauteuil: elle accouchera sans doute avant la fin du procès prévu sur dix jours.
Bref, la Justice française s’apprête à juger des travailleurs immigrés pour ce que les uns nomment «acte de barbarie» et les autres «pratique coutumière». Et comme tout cela génère quand même un malaise (on le saura), la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris a trouvé le joint en décidant le régime de la «publicité restreinte» sur les débats de la Cour d’Assises, au motif qu’une des mères inculpées était mineure au moment des faits.
Mardi donc, aucun public n’était admis dans la salle d’audience de Bobigny où l’on ne manquera pas pourtant d’évoquer «l’effet dissuasif d’une sanction pénale» sur la communauté africaine pour demander des peines de prison fermes contre certains des parents.
Car de procès d’école en hésitations jurisprudentielles, la justice française a finit par trancher dans le débat qui fait s’affronter régulièrement une poignée d’avocats autour du problème de l’excision qui, rappelons le, concerne au moins cent millions de femmes de part le monde.
D’un côté donc, des femmes: Mes Weil-Curiel et Zviloff respectivement pour les associations «SOS-Femmes-Alternatives» et «Enfance et Partage au secours de l’enfance meurtrie» qui ont déjà gagné plusieurs de leurs batailles judiciaires: lorsqu’elle ont réussi par exemple à convaincre les tribunaux de criminaliser l’excision considérée désormais comme «une mutilation d’un organe»; ou encore en janvier dernier lorsque la Cour d’Assises de Paris a condamné à 5 ans de réclusion criminelle Mme Keita, la première exciseuse exerçant en France qui ait abouti dans un box. «L’excision est une coutume barbare» dont les victimes sont des fillettes innocentes expliquent-elles. Les parents connaissent l’interdit qui frappe cette pratique «moyenâgeuse». Pour sauver des dizaines de milliers de petites filles noires, les tribunaux doivent condamner pour l’exemple.
De l’autre côté de la barre, des hommes: Mes Gerphagnon, Inschauspé, Sawadogo, Maugendre, Mikowski, Elbaze, Paraiso dont la ligne de défense varie peu vis à vis de leur clients, parents africains d’enfants excisés sur le sol français: ceux-ci, disent-ils n’ont jamais eu l’intention de nuire à leurs enfants; et quand bien même ils sont censés ne pas ignorer l’interdiction que leur fait la loi, ils sont «contraints» de faire exciser leurs filles, faute de tomber sous la condamnation de la «coutume».
Le débat n’est pas prêt de se tarir: car si tous ou presque sont en France d’accord pour condamner l’acte en lui-même, les divergences sont profondes quant à la façon la plus efficace d’éradiquer l’excision.
Confrontés à ce délicat problème, plusieurs pays d’Europe ont décidé d’élaborer des législations spécifiques. Mais à l’image de la Grande-Bretagne, les textes adoptés ne sont pas appliqués. La France, au contraire n’a procédé à aucun débat législatif. Par contre elle se distingue en étant le seul pays à avoir opté pour une répression judiciaire.
Ce parti pris de la politique du bâton, s’accompagne paradoxalement du refus d’accorder un statut de réfugiée politique à des femmes africaines menacées d’être excisées sous la contrainte dans leur pays d’origine. Enfin et surtout, ce choix semble être le reflet de cet embarras bien français qui consiste à cristalliser de délicates questions de sociétés dans des affrontements stériles; la justice étant chargée d’évacuer le problème par la répression.
Le risque est évident: outre le racisme latent que l’on développe en «déniant tout caractère culturel» à ce qui ne serait que «simples tortures» (1) perpétrées par des «sauvages», le risque est grand de rendre l’excision plus clandestine encore qu’elle ne l’est aujourd’hui en France. Ce qui ne dit rien, en outre, du temps qu’il faudra pour que les femmes africaines cessent de se voir nier le droit au plaisir dans les sociétés Sarakolè et Bambara, pour ne citer que les deux ethnies concernés par le procès de Bobigny.
1. Selon «Mutilations Sexuelles» de Michel Erlich, psychiatre de l’hopital Laënnec; Collection «Que sais-je», ed. Puf. On consultera également la revue «Droits et Cultures» dont le n° 20 traite de l’excision. En vente à la librairie de l’Harmattan.
Thierry Gandillot, 08/02/1990
« On m’a dit : « Ne va pas t’installer en Seine-Saint-Denis, tu n’auras jamais de grosses affaires ». Grossière erreur : ça démarre et j’ai déjà rentré quelques clients importants. II y a un gros besoin dans ce département qui compte 160 avocats pour 1,3 million de personnes. A Paris, il y a 6 000 avocats pour 2,3 millions. » En 1989, Stéphane a gagne 80 000 francs environ, grâce à son travail de collaborateur à mi-temps et a ses clients personnels. Cette année, finie la collaboration !
Stéphane compte vivre de son propre cabinet. « Mais nous n’avons pas de secrétaire et je dors cinq ou six heures par nuit. Si ce n’est pas l’enfer, c’est parce que j’adore ça »
Stéphane, fils de médecins soixante-huitards, reconnait avoir « Ies dents longues mais pas au point de les planter dans le dos d’un confrère »
Pour la première fois depuis deux ans va prendre des vacances – une semaine de ski à la montagne. « ça m’angoisse complètement, j’ai déjà mal au dos, je travaille trop, je paierai certainement un jour… ».
Ils sont quatre dans le box des assises de Bobigny, en ce lundi 12 juin 1989. Ils sont assis côte à côte, bien sagement.
Patricia Israël, 32 ans, la seule femme du lot, est une blonde frisée, avec un visage rond et inquiet qui émerge d’un corsage blanc; c’est une prostituée. Elle est aussi la tendre amie d’un des inculpés, Jean Lafontaine, 43 ans. un grand gaillard brun. Les deux autres accusés s’appellent Laurent Debeauvais et Jean Marie. Ils sont respectivement âgés de 26 et 49 ans.
Que viennent-ils faire là, ces personnages en quête de leur destin ?
Quel crime ont-ils perpétré en commun pour être ainsi réunis devant les assises de la Seine-Saint-Denis ? Tous quatre doivent répondre de la même inculpation de vols avec violences, extorsion de signatures et destructions volontaires d’objets mobiliers ou immobiliers; Jean Lafontaine est en outre poursuivi pour proxénétisme. Une bien curieuse histoire que la leur, en vérité.
Mais avant d’aborder le détail des faits, le président Le Gall procède, selon l’usage, à l’interrogatoire de personnalité des accusés .
De Jean Marie, l’ainé du quatuor, on apprend d’abord qu’il n’a jamais connu ses parents. L’orphelinat, puis, de 13 à 17 ans, les enfants de troupe, puis l’armée… Quand il en sort, il a le grade de sergent-chef. il va alors exercer, pendant vingt ans le métier de serveur dans divers bars et restaurants. C’est un employé modèle, probe et sérieux, et sur le compte duquel on n’a obtenu que d’excellents renseignements. Coté cœur : la solitude. Oh, Jean Marie a bien vécu avec une jeune personne pendant quelques années, mais est décédée d’un cancer, a 26 ans.
Lors de son arrestation, il avait sur lui la carte d’identité de cette pauvre fille, son grand amour perdu, et il en pleure à l’audience lorsque le président signale la chose.
Un incident dans le « salon spécial» d’une boîte de Pigalle
Quant à Laurent Debeauvais. il a beaucoup souffert d’avoir perdu son père, en 1972, alors qu’il n’avait que 9 ans. A Amiens, sa ville natale, il poursuit sa scolarité jusqu ‘à l’âge de 16 ans. Ensuite, il mène une vie de déraciné : des petits boulots et, surtout, la drogue. En 1963, Debeauvais a été condamné à deux années d’emprisonnement, dont une avec sursis, pour usage et trafic de stupéfiants.
Jean Lafontaine, lui, est né au Vietnam en janvier 46. Élevè près de Clamart par une mère restauratrice, marié, divorcé, ancien gérant de discothèque, il est aujourd’hui propriétaire d’un pavillon fort cossu à Noisiel, en Seine-et-Marne. Joueur forcené, il est même allé jusqu’à perdre en une seule soirée l’équivalent du prix d’un très bel appartement ! Puis, il est passé de l’autre côté de la barrière, pour devenir croupier dans plusieurs cercles de jeux parisiens.
C’est en juin 1962 que Lafontaine a fait la connaissance de Patricia Israël et qu’ils se sont mis tous les deux en ménage. Encore un drôle de cas social que cette Patricia, elle aussi mariée et divorcée. Ballottée dès son plus jeune âge de nourrice en nourrice, de foyer en foyer, elle est allée d’un homme à l’autre, au gré des rencontres. Elle a également fait, assez souvent, des séjours en hôpital psychiatrique. Les médecins qui font examinée ont diagnostiqué chez elle «une carence affective majeure» et une nette «tendance à la dépression». Notons au passage que les mêmes experts ont estimé que Jean Marie serait «faible et incapable de se prendre en charge» et que Laurent Debeauvais présenterait «une personnalité déséquilibrée et un caractère impulsif». Seul Jean Lafontaine a été jugé «exempt de toute anomalie mentale»…
Revenons d’ailleurs un peu à cet intéressant personnage. C’est le 29 juillet 1983 qu’il devient l’heureux papa d’une petite Priscilla, première et seule enfant de Patricia. Trois ans plus tard, la jeune femme fait ses débuts d’«hôtesse dans un établissement de Pigalle, Le Calcutta.
— En quoi consistait votre travail ? s’enquiert le président.
— Mon rôle était de faire boire les clients, répond l’intéressée d’une petite voix timide, presque enfantine. Sur une bouteille de champagne à 800 francs, j’en touchais 20…
— Vous ne faisiez pas que pousser ces messieurs à boire, n’est-ce pas ?
— Non. Il y avait des enragés qui voulaient nous emmener dans un salon spécial. Pour passer un moment ensemble, c’était 700 francs…
— En d’autres termes, vous acceptiez de vous prostituer. Pourquoi ?
— On voulait s’acheter une maison au bord de la mer, Monsieur…
La réponse, faite sur un ton tellement ingénu, suscite quelques rires dans la salle.
Le président en vient aux faits. Le 30 septembre 1986, deux «enragés», comme dit l’accusée, se présentent au Calcutta. Ce sont deux copains, deux célibataires en goguette, qui partagent provisoirement le môme pavillon, à La Courneuve, au 38 de la rue Jean-Verrat, et qui pour l’heure ont décidé de s’amuser. L’un se nomme XX, l’autre Roger Sylvain-Leprince. Et c’est ce dernier qui entraîne bientôt Patricia dans le salon spécial de la boîte, pour une brève étreinte.
Mais, une fois l’acte consommé, Patricia est absolument furieuse quand elle s’aperçoit que son partenaire a subrepticement retiré son préservatif avant de la pénétrer…
Expédition nocturne et punitive vers une maison de banlieue
— Je le lui ai reproché, explique-t-elle à la cour, mais il s’est contenté de sourire. Moi, j’avais très peur d’avoir attrapé le sida. Le lendemain, je suis allée faire les examens, mais il fallait attendre quinze jours pour avoir les résultats ! Alors, le soir, quand Jean m’a emmenée en discothèque, à La Scala, je n’avais pas le moral. C’est vrai, d’habitude, je me déchaîne, mais là, ça n’allait pas…
Le suite, on la devine. Lafontaine et Patricia rencontrent Marie et Debeauvais dans le night-club, et ils racontent l’affaire. Tout ce petit monde se monte la tête en buvant du whisky, et l’on décide à l’unanimité de monter une expédition punitive. L’adresse des coupables ? On l’a : elle est inscrite sur le chèque avec lequel les deux joyeux fêtards ont réglé leur addition. Et voilà comment, le 2 octobre 1986, vers 3 heures du matin, le quatuor débarque à La Courneuve, devant le domicile d’XX. et de Sylvain-Leprince…
C’est Patricia qui réussit à se faire ouvrir la porte, en appelant de la rue les deux hommes et en se montrant seule. Mais à peine le battant est-il entrouvert que tout le groupe s’engouffre en force dans la maison. XX. est copieusement frappé, insulté, et même blessé d’un coup de couteau au visage par Debeauvais. Mais c’est surtout à Sylvain-Leprince qu’on en veut. Lafontaine gronde qu’on va lui crever les yeux à l’aide de bâtons brisés… La jeune femme, elle, le gifle, lui tire les cheveux, puis elle lui arrache son slip – c’est dans cette tenue légère que le malheureux était en train de dormir. Ensuite, elle menace de lui couper le sexe avec un gros couteau trouvé dans la cuisine. Elle finira d’ailleurs hauteur des omoplates, et par lui en¬tailler sérieusement la peau…
Ces préliminaires accomplis, la bande se met à saccager les lieux, à briser tout le mobilier qui lui tombe sous la main. Sous la contrainte, les quatre sinistres personnages obligent XX. à leur signer un chèque de 5 000 francs, et Sylvain-Leprince deux chèques de 10 000 francs chacun. Enfin, la fine équipe s’esquive dans la Mercedes de Lafontaine, en emportant les montres des deux victimes et des papiers d’identité, une carte bleue, une alliance en or, une somme de 400 francs, un trousseau de clés du pavillon, et même le magnétoscope !
Bien qu’en piteux état et sévèrement choqués – chacun d’eux se verra reconnaître une incapacité de travail de huit jours -, les deux malheureux copains agressés vont porter plainte. Et comme on sait où trouver Patricia, les «justiciers» au grand complet ne tardent pas à être arrêtés. Ils font des aveux complets…
A l’audience, XX. et Roger Sylvain-Leprince sont appelés à la barre. Ce sont deux garçons blonds, frisant la quarantaine. Ils n’ont pas l’air très à l’aise et ils n’ont pas non plus grand-chose à raconter.
— Nous avons eu très peur, dit l’un. On a frôlé la catastrophe.
— Notre petite fête, ajoute l’autre, on l’a payée très cher…
Sur ces passionnantes dépositions, la séance est levée.
« Unis dans la nuit de terreur, unis dans la punition… »
Le lendemain matin, mardi 13 juin, c ‘est le ministère public qui intervient le premier, en la personne de M. l’avocat général Madranges.
— Équipée sauvage, lance-t-il, actes de torture, brutalités odieuses infligées à deux innocents par quatre malfrats qui voulaient faire leur justice eux- mêmes Voilà en résumé l’affaire qui noua est soumise aujourd’hui. Alors, bien sûr. on dira qu’il n’y a pas eu mort d’homme. C’est vrai. Mais gardons- nous pourtant d’une sanction trop faible, qui ne pourrait qu’inciter les accusés à la récidive, Il faut tes punir, oui. mais U faut surtout les dissuader de recommencer. Et comme ils étaient unis dans cette nuit de teneur qu’ils ont toit vivre à leurs victimes, je croîs qu’ils doivent rester unis dans la sanction. Je réclama pour eux quatre le même peine de cinq années d’emprisonnement. assortie du sursis, mais aussi d’une mise à l’épreuve de cinq autres années…
C’est maintenant aux quatre avocats de la défense de prendre tour à tour la parole, en premier lieu à Me Jean-Yves Leborgne, du barreau de Paris, qui plaide de sa voix puissante pour Laurent Debeauvais.
— Nos deux fêtards n’ont-ils pas leur part de responsabilité dans ce qui s’est passé ? demande-t-il. Parce qu’on est en goguette, parce qu’on bai du champagne, on se croit tout permis et l’on ne respecte plus rien, et surtout pas les filles, naturellement. Quant à mon client, on vous l’a dit il est déséquilibre, impulsif, il a suivi ses copains comme ça, simplement pour leur faire plaisir…
— Qui est Jean Marie ? s’interroge ensuite Me Maugendre, avocat au barreau Bobigny. En quelques mots, je dirais que c’est une personne sans origines sans descendance, sans biens. N’oubliez pas : quand on l’a arrête, il avait sur lui. dans sa poche, la carte d’identité de la femme aimée, cette femme morte depuis si longtemps. Alors, je me dis, et vous vous direz aussi, que quand on est capable de nourrir une telle passion, on ne peut pas être en fièrement mauvais…
Me Humbert se lève maintenant pour défendre Patricia Israël
— Par ma voix, dit-il ma cliente demande pardon aux victimes pour le mal qui a été commis. Il faut avant de la juger, se souvenir de l’enfance sans amour qu’elle a vécue et de ses troubles nerveux. Elle a une peur phobique de la maladie. alors, le sida. n’est pas, c était trop d’angoisse, trop de colère…
— Jean Lafontaine a toujours travaillé, affirme enfin Me Madec. Il êtes joueur ? Ce n’est pas un délit et d’ailleurs, il ne l’est plus. Alors, au nom la petite qu’il a eue avec Patricia souvenez-vous qu’il est déjà reste vingt et un mois sous les verrous et que l ’ordre public, bien souvent passe par la clémence.
Trois longues heures de délibérations, et les jurés reviennent avec leur verdict ; trois ans de prison pour Laurent Debeauvais, trente mois pour Jean Lalontaine. pour qui on a pas retenu l’inculpation de proxénétisme; trente mois dont douze avec sursis pour Patricia Isreal; Enfin, deux ans dont un avec sures pour Jean Marie.
, 24/10/88
La torture continue d’être pratique courante en Turquie et les atteintes aux droits de l’homme y sont toujours aussi préoccupantes : c’est la conclusion tirée vendredi, lors d’une conférence de presse à Paris, par deux personnalités françaises qui se sont récemment rendues sur place, à l’invitation de l’Association des droits de l’homme de Turquie.
Le docteur François Martin, médecin à Dreux où il a depuis plusieurs années l’occasion de constater des traces de sévices chez des immigrés et réfugiés turcs et kurdes.et Me Stéphane Maugendre ont notamment assisté à une audience du procès de Dev-Yol, dans le camp militaire de Mamak, près d’Ankara.
Sept cent vingt trois accusés y sont jugés dans un procès qui dure depuis 1982 et la plupart des « preuves retenues contre eux ont été obtenues sous la torture ».
La délégation a également rencontré les avocats, les familles de prisonniers et des médecins de l’Association médicale. Ces derniers leur ont confirmé qu’ils continuaient à traiter quotidiennement dans un service spécialisé d’un hôpital d’Ankara, des prisonniers victimes de toutes sortes de sévices (alors que la Turquie a signé la convention européenne contre la torture en avril).
On confirme également le procès intenté il y a quelques jours par les autorités d’Ankara contre l’Association des droits de l’homme : sa dissolution a été demandée par le procureur ainsi que des peines de prison pour ses dix principaux dirigeants, pour avoir lancé, il y a plusieurs mois déjà, une campagne contre la peine de mort et pour une amnistie générale en Turquie.
Francoise Guignard, 11/10/1988
Me Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Bobigny, le docteur Françoîs Martin, médecin hospitalier à Dreux, accompagnés de Mme Magalie Molinié, journaliste, reviennent de Turquie, où ils ont enquêté sur la situation des droits de l’homme. Ils étalent invités à Ankara par l’association des droits de l’homme de cette ville : « insan Haklari Denergi» et mandatés par la fédération d’Eure-et-Loir du M.R.A.P.
Hier, ces trois témoins étaient à Dreux, à l’invitation de l’association des travailleurs turcs (A.T.T)
« Ce n’est pas par hasard qu’un médecin drouais a fait partie de cette mission », explique le docteur Martin, pneumologue au centre hospitalier : « A Dreux, vit une forte communauté turque, principalement kurde. Professionnellement, je rencontre des patients disant avoir été victimes de sévices et présentant une pathologie particulière, par exemple des tuberculoses ».
La docteur Martin était allé en Turquie en 1984. Pour le compte de la Fédération internationale des droits de l’homme, il avait essayé d’enquêter sur les conditions de détention de grévistes de la faim détenus à Ankara.
Si, en 1984, le médecin drouais s’était fait raccompagner par la* police, cette nouvelle mission, qui s’est déroulée an septembre der¬nier, a pu es dérouler normalement, Il faut dire qu’elle s’est jointe h un groupe de parlementaires allemands de la S.P.D. et des Verts.
En cinq jours, les trois français ont assisté à une des audiences publiques (seulement trois matinées par semaine) du célèbre procès de Dev Yol, qui dure depuis huit ans. Ils ont rencontré le directeur du cabinet du ministre de la Justice pendant une heure et demie, « entrevue décevante ». Ils ont vu des familles de prisonniers : « Leur détermination et leur dénuement m’ont frappée », dit notre consœur Magall Molinié. Ils ont eu contact avec l’association des’ médecins turcs, qui ne peut intervenir que dans les prisons civiles, des avocats dont deux s’occupent des procès de Dev Yol d’une part, et du P.K.T. d’autre part, ainsi qu’avec des anciens dirigeants de la principale association d’enseignants.
Un hangar pour prétoire
L’avocat français a eu du mal à reconnaître la justice tant au procès se déroulant dans un hangar, entouré de militaires en armes, qu’à travers les dossiers qui lui ont y été traduits : « Plusieurs personnes s’accusant du même crime alors que certaines sont en prison, que d’autres se trouvaient à des centaines de kilomètres. » Les conditions de la défense, l’indépendance de la magistrature, le contenu 1 de certains articles du Code pénal, tout lui parait loin des principes de la démocratie. Les trois chargés de mission français sont unanimes pour ne pas croire à la démocratie an Turquie, pays qui a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme dés 1864 et la Convention Internationale de l’ONU en 1988.
Trois français, dont François Martin, médecin à l’hôpital de Dreux,ont passé quelques Jours en Turquie, en septembre dernier. A l’invitation de l’Association des Droits de l’Homme, cette délégation s’est rendu à Ankara pour y enquêter sur la situation des Droits de l’Homme. La délégation, mandatés également par le MRAP d’Eure et-Loir, a pu assister aux premières audiences de la défense dans le procès de 723 membres présumés de l’organisation interdite Dev-Yol. est Français sont revenus avec des images chocs et des témoignages intéressants.
Une vingtaine de Turcs, résidant à Dreux, se sont retrouvés hier pour entendre les témoignages de François Martin, médecin à Dreux ; Stéphane Maugendre, avocat parisien, et de Magalie Molinier, journaliste, qui se sont rendus en Turquie pour enquêter sur les Droits de l’Homme.
A l’invitation de l’Association des travailleurs Turcs de Dreux, les trois français qui ont séjourné à Ankara dernièrement ont été écoutés avec intérêt par un auditoire, certes maigre, mais particulièrement intéressé.
François Martin devait rappeler avant d’entrer dans le vif du sujet : « Il s’agissait pour nous d’assister aux premières audiences de la défense dans le procès de 723 membres présumés de l’organisation interdite Dev-Yol auquel 74 condamnations à mort ont été requises en août 88. Notre délégation a pu s’enquérir de la manière dont sont respectées la Convention européenne des Droits de l’Homme, ratifiée en 1954 et la Convention internationale de l’ONU contre la torture, ratifiée également par la Turquie. Le 5 septembre, notre délégation a assisté à une audience du procès au camp militaire de Mamak ».
François Martin a été interpellé au cours de ce procès par plusieurs points : « 40 inculpés étaient présents dans un hangar où siégeaient on procureur, un général, quatre juges civils et deux avocats. Les deux avocats ont précisé comment quatre inculpés avaient signé des aveux préparés à l’avance. Ils ont aussi donné les noms des policiers tortionnaires ».
Le travail difficile de la défense
Le lendemain, les français faisaient le point de ce procès avec les avocats: «Il nous a été dit que parmi les 824 motifs d’inculpation de l’acte d’accusation, 823 résultent de déclarations faites sous la torture ». La délégation a également rencontré des familles de détenus, tous condamnés à mort: « Les compagnes ou épouses des condamnés nous ont précisé les sévices dont elles avaient été victimes pendant les jours de détention an centre de garde i vue avant la prison. Ces familles éprouvent actuellement de grandes difficultés à trouver un emploi, un logement et les moyens financiers pour « adoucir » les conditions de vie des détenus en prison, oh le trafic est la règle ». François Martin a également été marqué par le com¬portement de ces ramilles au cours des procès.
Le 7 septembre, les Français rencontraient le chef de cabinet du ministre de la Justice. Lors de cette réunion, la délégation a posé plusieurs questions sur la torture en Turquie : « Aucune reconnaissance de fait de torture en Turquie n’a été reconnue par M.Turcmen. Quant à la persistance d’une juridiction militaire, elle se trouverait justifiée à ses dires, par les actes d’accusation basés sur sur des faits antérieurs à septembre 1980».
La situation des Kurdes
An siège de l’association des Droits de l’Homme, la délégation française a donné mie conférence de presse : « Nos interventions avec la presse turque ont porté sur le respect des conventions internationales contre la torture, l’indépendance de la justice, le droit d’association pour les fonctionnaires ». Les Français ont également abordé la situation des kurdes : « Ceux d’origine turque ne peuvent vivre en Turquie et sont obligés de demander l’asile politique à la France on à l’Allemagne. Aucune déclaration faite par la délégation n’a été publiée dans la presse turque ».
Stéphane Maugendre, avocat, soulignait les points qui l’ont choqué : « Et notamment le déroulement d’un procès dans un hangar avec des militaires armés jusqu’aux dents, qui passent sans cesse…, sans les interdictions durant le procès. L’indépendance des magistrats m’a également surpris.
Stéphane MAUGENDRE est né en 1961, il est avocat depuis 1988.
Il a fait ses premières armes auprès de Madeleine TERRASSON et Henri LECLERC, Avocats au barreau de Paris, au cabinet Ornano.
Il a créé son cabinet en 1989 en Seine Saint Denis et est aujourd’hui associé au sein de la SELARL MINIER MAUGENDRE ET ASSOCIEES
Il est ancien membre du conseil de l’ordre des avocats du Barreau de Bobigny. Il a été enseignant (Droit Pénal, Procédure Pénale et Droit des étrangers) à l’école de Formation des Barreaux du ressort de la Cour d’Appel de Paris, juré d’examen de déontologie du CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat) et intervenant à l’Ecole Nationale de la Magistrature. Il a été président de la Commission Nationale de Droit Pénal du Syndicat des Avocats de France (SAF) et Membre du Bureau de la FIDH. (fédération internationale des droits de l’homme). Il est membre, depuis sa création, de l’association ADDE (Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers).
En octobre 1989, il est Observateur à Ankara (Turquie) lors du procès d’une centaine de membres de l’organisation kurde Dev Yol (page 44 du bulletin de liaison et d’information de l’Institut Kurde de Paris oct-nov-dec 1989).
En 1993, il est, pour la FIDH, observateur en Tunisie lors du procès d’un des responsable de l’Union Générale des Etudiants Tunisiens.
De 1994 à 1996, il est rédacteur pour les Editions du Dictionnaire permanent.
En 1989, il devient pendant quelques temps l’avocat Cheb Khaled mais, surtout pendant une quinzaine d’années et jusqu’à son décès celui de Cheikha Rimitti (Cheikha Rimitti, chanteuse algérienne, Le Monde, Véronique Mortaigne, 16.05.2006).
De janvier 2014 à avril 2015, il est coordinateur référent pour la défense pénale d’urgence du Barreau de la Seine Saint Denis
A partir de 2008, Stéphane MAUGENDRE est président du GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s), dont il est membre depuis 1985. Il aime à rappeler : «Je suis entré au Gisti pour devenir avocat et je suis devenu avocat parce que j’étais au Gisti..» (Gisti, ils restent, Libération, Anne DIATKINE, 5 août 2008)
Il est impliqué dans la défense pénale et du droit des étrangers.