Archives de catégorie : droit pénal

Jugés pour le meurtre d’une policière sur le périphérique

logoParisien-292x75Nelly Terrier, 22/11/2001

PLUS DE DIX ANS après les faits, le meurtre gratuit de la policière Catherine Choukroun, tuée sur le périphérique dans la nuit du 19 au 20 février 1991, sera à partir d’aujourd’hui devant la cour d’assises de Créteil qui siège en juridiction d’appel L’an passé, lois du premier examen de l’affaire par la cour d’assises de Paris, en septembre, il y avait trois accusés dans le box Aziz Oulamara, dit Jacky, 40 ans, Marc Petaux surnommé Marco, 42 ans, et Nathalie Delhomme, alias Johanna, 37 ans. Les deux premiers, videurs d’hôtels de passes dans la rue Saint-Denis, avaient été reconnus coupables du meurtre et condamnés à vingt années de réclusion criminelle. La troisième, une ancienne prostituée, avait été acquittée alors qu’elle était poursuivie pour complicité.

Ne seront donc présents aujourd’hui dans le box que Oulamara et Petaux, qui nient tous deux être auteurs des faits et crient à l’erreur judiciaire. Face à eux s’assoiront des parties civiles. Devraient être là Gilles Choukroun, le mari de la victime, qui élève seul leur petite fille, et Emile Hubbel, le collègue de Catherine Choukroun, blessé à ses côtés le soir du drame.

Deux thèses s’affronteront.

Celle de l’accusation, suivie par les jurés en première instance et fondée en partie sur les premiers aveux de Oulamara, rétractés depuis. Ce dernier avait raconté en novembre 1997 au juge d’instruction, peu de temps après son arrestation, que le soir du drame, lui-même, Marco et Johanna étaient partis tous trois en voiture pour acheter de l’héroïne. C’est alors qu’ils avaient aperçu la voiture de police, embusquée sur le bas-côté du périphérique, et que Petaux serait descendu faire un carton. Comme ça, gratuitement

Zones d’ombre

La seconde version est celle racontée lors du premier procès par Johanna, chargeant Oulamara et innocentant Petaux. Un des moments forts de l’audience pourrait donc être l’audition comme témoin de Nathalie Delhomme, l’ex-accusée acquittée. Mais viendra-t-elle dire à la barre aujourd’hui ce qu’elle avait fini par avouer l’an passé ? Elle avait raconté s’être trouvée à l’arrière de la voiture d’où étaient parfis les coups de feu mortels et avait précisé :« Il n’y avait pas Marc Petaux sinon je m’en souviendrais (…)», ajoutant encore: « Le passager avant (NDLR : celui qui a donc tiré les coups de feu), c’était Aziz Oulamara.» Et la prostituée avait fini sa tirade d’aveux en déclarant terrorisée : « Si je raconte tout ça, c’est pour qu’un innocent ne parte pas en prison. Mais je risque gros, pour mon enfant et moi-même. Il y a des gens du milieu dans le public, ils ne me lâcheront pas. »

Ce second procès permettra-t-il d’éclaircir les zones d’ombre qui subsistaient dans ce dossier, notamment les liens entre Oulamara et Delhomme, tous deux mis en examen pour l’assassinat en 1987 d’un ancien souteneur de la prostituée ?

Des rabatteurs au tribunal de Bobigny

logoParisien-292x75 G.T, 15/11/2001

DE FUTURES prostituées sont-elles recrutées aux abords du palais de justice de Bobigny ? Révélée au printemps dernier par « le Parisien » et « Aujourd’hui en France », la présence de rabatteurs à la sortie du tribunal de grande instance de Seine-Saint-Denis est bien plus qu’une simple rumeur. Connues depuis longtemps, mais jamais révélées au grand jour, les approches des supposés proxénètes intéressent désormais ta justice. Un magistrat instructeur enquête sur des faits présumés de « proxénétisme en bande organisée » et d’arrestation, enlèvement et séquestration de mineurs de 15 ans ».

Pourquoi Bobigny ? C’est là que les mineurs étrangers sont présentés à la justice, après leur transit par la zone d’attente de Roissy (Val-d’Oise). Dans la majorité des cas, ils quittent libres le palais, orientés vers un juge des enfants. Dehors, les fameux, rabatteurs les guettent. Ce « recrutement » pourrait expliquer l’apparition de prostituées mineures, souvent des Africaines, sur les trottoirs parisiens.

Étrange manège

Des associations d’aide aux étrangers ont ainsi remarqué la présence d’individus extérieurs au tribunal qui abordent les adolescentes. Certains personnels du palais (greffiers, juges, interprètes…) ont également noté cet étrange manège, qui n’a pas échappé non plus à des avocats et des policiers. « Tout le monde a connaissance de ces agissements et personne ne bouge », déplorait début novembre Stéphane Maugendre, avocat du Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti), organisme qui a porté plainte. Aujourd’hui, cette indifférence n’est plus de mise.

Soupçons de proxénétisme autour du tribunal

 Julien Constant et Pascale Egré, 01/11/2001

LP/Philippe de Poulpiquet
LP/Philippe de Poulpiquet

SIMPLE RUMEUR pour certains, solide soupçon pour d’autres, l’information courait les couloirs du palais de justice de Bobigny depuis près de deux ans : l’audience dite du 35 quater, où comparaissent les étrangers en situation irrégulière interceptés à l’aéroport de Roissy et en demande d’admission sur le territoire, servirait de plaque tournante à un réseau de prostitution impliquant des jeunes filles, africaines et mineures pour la plupart, avec la complicité éventuelle d’une poignée d’avocats (« le Parisien » du 4 avril 2001) .

Secret de polichinelle mais bien gardé «pour ne pas nuire à l’enquête», la nouvelle d’une instruction lancée le 16 mai dernier par le juge Olivier Géron pour des faits présumés de « proxénétisme en bande organisée » et « d’arrestation, enlèvement et séquestration de mineurs de 15 ans », a éclaté hier au grand jour. Ce alors même que, de source proche du dossier, les investigations menées depuis cinq mois et demi par les brigades des mineurs de Paris et de Bobigny, notamment sur les liens éventuels entre trois avocats et des « proxénètes » présumés, n’ont rien donné.

Des « rabatteurs » aux audiences

« Cette « révélation » est une façon d’enterrer un dossier encombrant, tardivement et visiblement mal engagé », tempêtait hier un magistrat de Bobigny. « D’évidence, l’institution judiciaire n’a pas pris la mesure de sa responsabilité et n’a pas mis tous les moyens en œuvre pour vérifier des rumeurs de faits d’une extrême gravité », estime pour sa part Stéphane Maugendre, avocat du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). C’est au nom de cette association qu’une plainte contre X s’interrogeant sur la présence de « rabatteurs » au tribunal avait été déposée en mars dernier, un mois et demi avant que le parquet n’ouvre à son tour une information judiciaire et que les deux dossiers ne soient joints. Bien auparavant, le procureur du parquet des mineurs, Jean-Claude Kross, avait alerté le procureur général de la cour d’appel de Paris et l’ensemble du tribunal et tenté, sans résultats, sa propre enquête.

« Ici les étrangères valent de l’or »

Au final, et faute de preuves, restent les observations effectuées, depuis des mois, par les magistrats, les policiers de la PAF, les interprètes, les avocats et les militants des associations de défense des droits des étrangers. « Manèges pas clairs », présence « d’hommes extérieurs abordant les jeunes Africaines libérées », « disparition des mineures placées en foyer au bout de quelques jours ». Autant de constats confirmés hier par de nombreux interlocuteurs au tribunal de Bobigny, où semble régner un certain malaise. « On en parle évidemment Nous savons qu’il existe des filières où ces petites jeunes filles sont exploitées par des proxénètes mais nous n’avons pas de preuve », déplore ainsi Nicole Bilger, qui présidait l’audience d’hier. La magistrate a elle aussi observé de curieux comportements autour de son audience. « Un soir j’ai entendu un avocat se faire menacer par des voyous mécontents de voir que leurs clientes seraient reconduites à la frontière et régulièrement, je vois des gens qui regardent par la fenêtre comme pour guetter la sortie de ces filles », raconte-t-elle. « Ici les étrangères valent de l’or, assène un policier de la PAF, certains de mes collègues ont déjà dénoncé ce qui se passe. Nous avons tous remarqué ces types louches qui rôdent autour d’elles. » Dans la salle, entourées par des policiers, se pressent vingt-cinq personnes d’origine africaine. Joy Mozes, 18 ans, s’assied à côté de son avocate. Originaire de Sierra-Leone, cette jolie jeune femme ressemble à une enfant. La police de l’air et des frontières (PAF) l’a interpellée samedi à Roissy sans papiers ni billet d’avion. « Tout ce qu’on sait d’elle c’est que le vol qui l’a amenée venait de Bamako (Mali). » Quelques minutes de plaidoirie plus tard, le tribunal décide d’annuler son maintien en zone d’attente, annulant une procédure non respectée faute d’interprète lors de l’arrestation. La jeune fille sera remise en liberté. Pour quel avenir et avec quelles protections ?

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Des rabatteurs devant le tribunal de Bobigny ?

images Lisa Vaturi, 01/11/2001

Des mineures africaines, prises en main dès la sortie de l’audience, se retrouvent sur les trottoirs de Paris.

Comment expliquer la recrudescence de jeunes prostituées africaines, se disant pour la plupart sierra-léonaises, sur les boulevards des Maréchaux, à Paris ? En Seine-Saint-Denis, deux phénomènes font craindre un trafic de mineures.

Depuis deux ans environ, des dizaines d’adolescentes sierra-léonaises, arrivées seules sur le territoire français via l’aéroport de Roissy et placées dans des familles d’accueil, sont déclarées en fugue. Ont-elles rejoint un réseau de prostitution ? Le premier substitut au parquet des mineurs, Jean-Claude Kross, a bien essayé d’y voir plus clair : les jeunes disparues laissent souvent derrière elles des numéros de téléphone, mais aucune n’a été retrouvée. Une information judiciaire a été ouverte.

Par ailleurs, plusieurs témoignages (de greffiers, de policiers…) font état d’un troublant manège qui se déroule… devant le tribunal de Bobigny. C’est là que les mineurs étrangers, après leur passage par la zone d’attente de Roissy, sont présentés à la justice. Le plus souvent, ils sont ensuite orientés vers un juge pour enfants mais sont libres de leurs mouvements. Or, selon l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), des jeunes femmes de nationalité sierra-léonaise seraient récupérées à la sortie du tribunal par des hommes « qu’elles ne connaissent pas ».

« L’ensemble des autorités judiciaires du département, le ministère de l’Intérieur, tout le monde a connaissance de ces agissements et personne ne bouge ! », s’indigne maître Stéphane Maugendre, l’avocat du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Le 16 mars, le Gisti a porté plainte avec constitution de partie civile pour « proxénétisme ». Dans les couloirs du tribunal, on s’interroge même sur le rôle de certains avocats dans cette affaire.

Un réseau de prostitution agirait à la sortie du tribunal de Bobigny

index 01/11/2001

UNE INFORMATION judiciaire a été ouverte, le 16 mai, au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), qui soupçonne l’existence, autour du tribunal, d’un réseau de prostitution recrutant des jeunes étrangères en situation irrégulière. L’affaire, révélée par Libération du mercredi 31 octobre, a été confiée aux brigades des mineurs de Paris et de Bobigny.

Le Gisti appuie sa plainte sur une campagne d’observation d’audiences qui décident du maintien ou non des étrangers en situation irrégulière en zone d’attente, réalisée entre le 27 décembre 2000 et le 2 février 2001. Plusieurs observateurs ont indiqué avoir remarqué des Africains sur les bancs du public qui se faisaient passer pour des proches des jeunes filles jugées. Le Gisti affirme que, «selon toutes vraisemblances, des rabatteurs récupéraient des jeunes femmes ou filles mineures étrangères pour alimenter un ou des réseaux de prostitution et pour les étrangers majeurs des réseaux de travail clandestin ».

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Proxénétisme à Bobigny

newlogohumanitefr-20140407-434 01/11/2001

Un Juge d’instruction du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) instruit depuis le 16 mai des faits présumés de proxénétisme en bande organisée liés notamment à l’audience dite des «35 quater » (du nom de l’article de l’ordonnance du 2 novembre 1945 régissant le droit les étrangers), sur les étrangers entrés en France en situation irrégulière, dans ce même tribunal. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) a déposé, le 20 mars dernier, une plainte contre X avec constitution de partie civile, s’interrogeant sur la présence d’éventuels «rabatteurs » à la sortie de l’audience des «35 quater».

Le proxénétisme rôde autour du tribunal

logo-liberation-311x113   Charlotte Rotman

«Manèges pas clairs.» A Bobigny, des militants de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) ont lancé une campagne d’observation aux audiences où se décide la remise en liberté ou le maintien en zone d’attente des étrangers démunis de passeport et de visa, éventuels demandeurs d’asile en France. Au fil des semaines, l’association a enquêté auprès des greffiers, des interprètes, des policiers de la PAF, la police aux frontières. Tous ces interlocuteurs font allusion à des «manèges pas clairs». Dans le public de ces audiences, les militants ont eux-mêmes remarqué la présence d’habitués, africains, au «look particulier» : gourmettes en or, vêtements voyants, pantalons en cuir, cheveux déco lorés. Des hommes décrits comme «arrogants, sûrs d’eux». Jusque-là, rien de grave. Mais les militants ont de bonnes raisons de penser qu’ils pourraient être des «rabatteurs» pour des réseaux de prostitution.

Lors de l’audience du 14 janvier 2001, un policier explique à l’un de ces enquêteurs bénévoles : «Les Africains assis sur les bancs du public sont des proxénètes.» Quelques avocats seraient de mèche. A cette même audience du 14 janvier, l’un d’eux prend violemment à partie une militante en train d’alerter une jeune Sierra-Léonaise sur les risques de prostitution. «Vous n’avez pas le droit de parler à ma cliente… Qui vous a permis ?» Le 19 janvier, un autre témoin entend, dans la salle d’audience, cette conversation téléphonique d’un avocat : «Il y en a une qui est sortie. Dis-moi combien de temps je lui dis de t’attendre… L’autre a été reconnue mineure… Il faudra la récupérer autrement.» Une militante s’étonne : «J’ai vu des individus rôder autour des étrangers. Ils se présentaient comme amis, alors que les étrangers m’ont dit ne pas connaître ces personnes qui restent des heures devant la salle d’audience.» Un autre incrédule : «Des familles d’étrangers sont présentes à la sortie de la salle. Il ne s’agit que d’hommes. S’agit-il vraiment de familles ? Comment comprendre que ceux qui, lors de l’audience, déclaraient n’avoir personne ont trouvé là un cousin, le copain d’un frère ?»

«Bonne escorte». Les cibles : des jeunes femmes, se déclarant majoritairement de Sierra Leone, vulnérables, seules, et bien souvent mineures. Difficile de leur venir en aide. Ainsi, le 26 janvier, des représentants d’associations accompagnent une trentaine d’étrangers relâchés, ils sont suivis par deux personnes se prétendant «cousins». Or, aucun des étrangers ne s’est dit parent des deux individus. Quelques jours plus tard, le 2 février, deux jeunes filles sont emmenées «sous bonne escorte», sous leurs yeux : «Visiblement, elles ne connaissaient pas les hommes qui venaient les chercher mais semblaient prévenues. Equipés de portable, très sûrs d’eux, ils passent de nombreux appels.»

Les témoignages concordent : à leur sortie du palais de justice, les jeunes Africaines remises en liberté sont attendues : une bénévole discute avec deux Sierra-Léonaises, un avocat se rapproche, assure qu’elles vont retrouver le frère de l’une d’elles, en Belgique. En aparté, les deux Africaines avouent qu’elles n’ont pas de famille en Belgique (31 janvier). «Un interprète, un greffier et un policier de la PAF ont affirmé aux observateurs que lorsque les étrangers sont remis en liberté, « des réseaux les attendent à la sortie »», souligne la plainte du Gisti.

Quand elles sont mineures, les jeunes filles sont placées, sur décision du juge des enfants, dans des foyers. Elles fuguent la plupart du temps. Munies de numéros de téléphone portable, dont certains sont bien connus par les éducateurs. 40 % des enfants placés par l’ASE, l’Aide sociale à l’enfance, ont ainsi fugué entre janvier et juillet 2001. Jean-Claude Kross, chef du parquet des mineurs, a lui-même tenté d’enquêter sur ces disparitions massives. «Il y a plusieurs hypothèses : 1, les mineurs placés en foyer s’y sentent comme en prison, ils ne réalisent pas qu’ils sont protégés ; 2, la France n’est pas leur destination ; 3, une partie des jeunes qui veulent rester ont des numéros de téléphone, ils sont probablement pris en charge. Mais par qui ?» C’est précisément ce à quoi devra répondre l’instruction en cours. «Sur les boulevards extérieurs on voit bien des petites Africaines sur le trottoir, souvent très jeunes. Mais l’enquête est difficile, elles ne parlent pas», ajoute le magistrat. Et comment savoir si ces jeunes filles sont celles qui ont été repérées à Bobigny, alors que leurs états civils ont certainement été modifiés ? «C’est une intime conviction. On reste dans le domaine de l’intuitif, pas du démonstratif», explique Jean-Claude Kross.

Sonnettes d’alarme. La plainte du Gisti, rédigée par Me Stéphane Maugendre, est sans ambiguïté : «L’ensemble du monde judiciaire de la Seine-Saint-Denis a connaissance de ces agissements.» De même, «au-delà du monde judiciaire sont informés : la PAF, le ministère de l’Intérieur, autorité de tutelle, les services de police, le conseil général de Seine-Saint-Denis, la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) et le préfet du département». «Toutes les sonnettes d’alarme ont été tirées», assure l’avocat. La plainte du Gisti, que les associations de défense des étrangers suivent de près, a été déposée en mars. Quelques semaines après, le parquet a décidé d’ouvrir une information sur trois jeunes filles disparues. «A l’évidence, le parquet n’avait pas pris la mesure de l’ampleur des éventuels dégâts, analyse Stéphane Maugendre. Quand il est susceptible de se passer des choses comme ça dans l’enceinte du palais de justice, on réagit immédiatement.»

Est-il trop tard? Peut-être. Hélène Gacon, présidente de l’Anafé, constate que «les techniques s’affinent, s’adaptent». Depuis quelques semaines des femmes semblent avoir remplacé les hommes aux habits voyants et s’imposent comme nouvelles intermédiaires à la sortie des audiences de Bobigny.

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Enquête sur un présumé réseau de prostitution via le tribunal de Bobigny

AFP, François Ausseill, 31/10/2001

Le tribunal de grande instance de Bobigny servirait-il de plaque tournante à un réseau de prostitution impliquant de jeunes étrangères, africaines et mineures pour la plupart ? Tel est l’objet d’une instruction confiée à un juge depuis le 16 mai a-t-on apprit mercredi de source proche du dossier.

A l’origine de cette enquête, une plainte contre X déposée en mars 2001 par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), s’interrogeant sur la présence d’éventuels « rabatteurs » à la sortie de l’audience dite des 35 quater sur les étrangers arrivés en France en situation irrégulière.

Cette plainte sera suivie un mois et demi plus tard par une ouverture d’information judiciaire du parquet de Bobigny alors que le responsable du parquet des mineurs. Jean-Claude Kross avait, selon le Gisti, alerté le procureur général de la Cour d’appel de Paris et que le tribunal dans son ensemble s’interrogeait depuis plus d’un an sur le devenir des jeunes filles, mineures ou non. passées par l’audience des 35 quater (du nom de l’article de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (régissant le droit des étrangers).

Saisi de la plainte avec constitution de partie civile du Gisti et de l’information judiciaire, les deux dossiers ayant été joints depuis, le juge Olivier Géron instruit, avec l’aide des brigades des mineurs de Bobigny et de Paris, des faits présumés de « proxénétisme en bande organisée » et « d’arrestation, enlèvement et séquestration de mineurs de 15 ans »

Chaque jour, dans une nouvelle salle du tribunal de Bobigny, des dizaines d’étrangers arrivés en situation irrégulière à Roissy défilent devant un juge chargé de statuer sur leur maintien en zone d’attente.

Si nombre d’entre eux sont maintenus et renvoyés dans leur pays d’origine, d’autres sont autorisés à entrer sur le territoire, et parmi eux, des jeunes filles, prises en charge dès la sortie de la salle d’audience par des individus que manifestement elles ne connaissent pas.

Ainsi, le Gisti, dont la plainte est le fruit d’une campagne d’observation de l’audience des 35 quater entre le 27 décembre 2000 et le 2 février 2001, note que « selon toutes vraisemblances des rabatteurs récupéraient des jeunes femmes ou filles mineures étrangères pour alimenter un ou des réseaux de prostitution et pour les étrangers majeurs des réseaux de travail clandestin »

« Il semble que ce soit les jeunes femmes de nationalité sierra-léonaise les plus vulnérables puisqu’il a été observé que des hommes qu’allés ne connaissaient pas, venaient visiblement les récupérer », poursuit le Gisti dans sa plainte dont l’AFP a eu copie. Il n’est qu’à fréquenter régulièrement le tribunal de Bobigny pour en effet constater aux abords de la petite salle d’audience, à l’entrée du tribunal la présence régulière d’hommes et de femmes, souvent les mêmes, d’origine africaine, qui entrent en contact avec les jeunes femme» à leur sortie de la salle ou de l’enceinte de tribunal.

Plus troublante est l’attitude de deux ou trois avocats payants spécialisés en droit des étrangers, qui à plusieurs reprises ont empêché des membres d‘associations telles que la Croix-Rouge de s’entretenir avec des jeunes filles qui venaient d’être autorisées à entrer sur le territoire.

Outre ces agissements aux abords et dans le tribunal, l’enquête porte sur les nombreuses fugues de mineures placées dans des foyers de aide sociale à l’enfance (ASE) de la Seine-Saint-Denis, avec en filigrane la même question: ces jeunes filles deviennent-elles des lucioles noires, ces jeunes prostituées d’origine africaine que l’on retrouve sur les boulevards des maréchaux à Paris?

«C’est de la poudre aux yeux»

logo-liberation-311x113 , Jacqueline Coignard

Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers, analyse les amendements proposés par le gouvernement dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne.

Que vous inspire les mesures du gouvernement?

Cela me choque qu’un gouvernement de gauche propose ce train de mesures. C’est une sorte de condensé Pleven-Peyrefitte-Pasqua, trois anciens ministres de l’Intérieur qui se sont distingués par des textes liberticides. On fait comme il y a quelques années et souvent en matière de terrorisme : on met des moyens judiciaires et juridiques à la disposition des juges, alors que ce sont les moyens matériels qui leur manquent. La législation antiterroriste existe et on a déjà pu en dénoncer les dérives. A l’occasion du procès du réseau Chalabi, notamment. Les avocats ont été contraints de boycotter les audiences, et ils ont calculé qu’au final l’ensemble des prévenus avait fait quatorze ans de détention provisoire pour rien. Ces mesures, pas plus que Vigipirate, n’empêcheront les terroristes de s’organiser. De ce point de vue, c’est de la poudre aux yeux. En revanche, elles vont favoriser des dérives très dangereuses pour les libertés publiques.

Lesquelles ?

Les rédacteurs vont si loin en matière de fouilles de véhicules et de perquisitions qu’ils précisent : si les opérations révèlent autre chose que les infractions visées dans les réquisitions du procureur, ces procédures incidentes ne pourront être frappées de nullité. En clair, le dispositif pourra être utilisé à d’autres fins que la lutte antiterroriste. C’est l’inconscient qui parle ! On couvre par avance toutes les possibilités de dérapage de la police. A la lecture de procès-verbaux, on remarque que certains services de police jouent déjà avec les limites, pour fouiller une voiture par exemple : «Regardant par la vitre du véhicule, voyons un joint de cannabis. Agissons donc en flagrance…» Il s’agit d’une pratique marginale. Mais si on leur donne la possibilité de le faire systématiquement, ils iront plus loin dans leurs pratiques quotidiennes. Les perquisitions sont possibles en enquête préliminaire, avec l’assentiment de la personne ou la présence de deux témoins. Or, je n’ai jamais vu de refus de perquisition en matière de terrorisme, dans aucune procédure. Que vise-t-on exactement ? Quant aux vigiles, ils pourront, demain, procéder à des fouilles et à des palpations de sécurité, avec le consentement de la personne. Qu’est-ce qu’un consentement dans ces conditions ? Que se passe-t-il si la personne n’obtempère pas ? Ces contrôles tomberont sur qui ? Ces dérives existent déjà avec les polices municipales. On ne doit pas donner de tels pouvoirs à des gens qui ne sont pas des policiers.

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«C’est de la poudre aux yeux»

logo-liberation-311x113  Jacqueline Coignard

INTERVIEW : Stéphane Maugendre, avocat spécialiste du droit des étrangers, analyse les amendements proposés par le gouvernement dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne.

Que vous inspire les mesures du gouvernement?

Cela me choque qu’un gouvernement de gauche propose ce train de mesures. C’est une sorte de condensé Pleven-Peyrefitte-Pasqua, trois anciens ministres de l’Intérieur qui se sont distingués par des textes liberticides. On fait comme il y a quelques années et souvent en matière de terrorisme : on met des moyens judiciaires et juridiques à la disposition des juges, alors que ce sont les moyens matériels qui leur manquent. La législation antiterroriste existe et on a déjà pu en dénoncer les dérives. A l’occasion du procès du réseau Chalabi, notamment. Les avocats ont été contraints de boycotter les audiences, et ils ont calculé qu’au final l’ensemble des prévenus avait fait quatorze ans de détention provisoire pour rien. Ces mesures, pas plus que Vigipirate, n’empêcheront les terroristes de s’organiser. De ce point de vue, c’est de la poudre aux yeux. En revanche, elles vont favoriser des dérives très dangereuses pour les libertés publiques.

Lesquelles ?

Les rédacteurs vont si loin en matière de fouilles de véhicules et de perquisitions qu’ils précisent : si les opérations révèlent autre chose que les infractions visées dans les réquisitions du procureur, ces procédures incidentes ne pourront être frappées de nullité. En clair, le dispositif pourra être utilisé à d’autres fins que la lutte antiterroriste. C’est l’inconscient qui parle ! On couvre par avance toutes les possibilités de dérapage de la police. A la lecture de procès-verbaux, on remarque que certains services de police jouent déjà avec les limites, pour fouiller une voiture par exemple : «Regardant par la vitre du véhicule, voyons un joint de cannabis. Agissons donc en flagrance…» Il s’agit d’une pratique marginale. Mais si on leur donne la possibilité de le faire systématiquement, ils iront plus loin dans leurs pratiques quotidiennes. Les perquisitions sont possibles en enquête préliminaire, avec l’assentiment de la personne ou la présence de deux témoins. Or, je n’ai jamais vu de refus de perquisition en matière de terrorisme, dans aucune procédure. Que vise-t-on exactement ? Quant aux vigiles, ils pourront, demain, procéder à des fouilles et à des palpations de sécurité, avec le consentement de la personne. Qu’est-ce qu’un consentement dans ces conditions ? Que se passe-t-il si la personne n’obtempère pas ? Ces contrôles tomberont sur qui ? Ces dérives existent déjà avec les polices municipales. On ne doit pas donner de tels pouvoirs à des gens qui ne sont pas des policiers.

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