Archives de catégorie : droit pénal

L’octogénaire était mort «par contrat»

 Elodie Soulié, 17/01/2002

IL N’EST JAMAIS facile de dénoncer sa mère, de « balancer » ses oncles. Guère plus, sans doute, de les frôler à moins de deux mètres, tout juste séparés par la cloison boisée d’un box de cour d’assises. Depuis deux jours, les quatre meurtriers d’un octogénaire veuf des Pavillons-sous-Bois (93), une nuit de septembre 1996, répondent pourtant d’un crime resté longtemps à demi élucidé, et dont l’enquête doit son rebondissement à la conscience rongée d’une jeune fille de 17 ans.

Lyane Malbert, 40 ans, ses frères cadets David et Franck, 31 et 38 ans, et Hervé Komondy, 32 ans, risquent la prison à vie pour un assassinat commandité par l’une, accompli par les autres.

« Éliminer le problème »

Le vieil homme avait des sous, mais cet « argent à prendre » n’était pas le seul motif : Marcel Gevrey, veuf encore vert de 83 ans, avait également des soupçons. Lyane Malbert, femme de ménage si dévouée, devenue sa confidente, sa gestionnaire de comptes, voire sa maîtresse, l’escroquait insidieusement depuis des mois… profitant allègrement de sa procuration bancaire, de ses prêts gracieux et de la suave perspective d’hériter du vieil homme. Marcel l’avait d’ailleurs couchée sur son testament. Ce 2 septembre, brutalement réveillé de sa naïveté, Marcel a modifié ce testament, sommé Lyane de rembourser ses dettes, ses vols, et l’a surtout menacée de porter plainte contre elle. L’octogénaire irait « le lendemain à la police, dénoncer la malhonnête ». Il n’en n’a pas eu le temps, car lorsque Lyane est « dans le pétrin », elle appelle ses frères. Elle est la femme de tête, eux doivent « éliminer le problème », empêcher « le vieux » d’aller déposer plainte et, au passage, jouer les cambrioleurs. Les trois hommes aujourd’hui alignés dans le box ne sont rien de plus que des petits malfrats, des apprentis truands, Lyane en fait ses « bras armés ». Elle leur promet aussi un confortable pécule et, mieux encore, leur facilite la tâche en fournissant les clés du pavillon et les indications pour trouver le coffret de « la cagnotte ». Lorsqu’ils quitteront la petite maison de l’allée Virginine, Marcel Gevrey est mort. Piégé en pleine nuit, roué de coups et asphyxié sous son oreiller. Il s’était réveillé. Il avait crié. Le vol a dérapé mais, en plus, les rats d’hôtel sont déçus : trouver la « cagnotte » leur a demandé deux visites, et celle-ci ne contient qu’à peine 10 000 F, quand Lyane parlait de « 50 à 80 000 »… Hier, à l’audience, l’inimaginable commentaire d’Hervé Komondy a semblé résumer ces deux premières journées de débats : « Dans cette histoire, je me suis bien fait arnaquer. » Les quatre meurtriers de Marcel Gevrey sont aux assises et risquent la perpétuité, ils sont là comme jugés pour un petit vol, devant un tribunal correctionnel.

Un appel anonyme

Deux ans plus tard, en décembre 1998, les enquêteurs de la crim n’ont pas tous ces éléments. Ils n’ont que l’instigatrice du crime, doublée d’un escroc en jupon, soupçonnée d’avoir « plumé » l’octogénaire assassiné de plus de 600 000 F. Ils n’ont pas d’assassins. Un appel anonyme vient tout changer : la voix est faible, mais le récit précis, quand « une jeune femme » livre son trop lourd secret aux enquêteurs. La voix a 17 ans et c’est la propre fille de Lyane Malbert, l’âme torturée par le crime collectif qu’elle soupçonnait depuis l’automne 1996. Elle cite sa mère comme commanditaire, ses deux oncles et « un autre homme » comme les exécutants. Son témoignage sera comme une vanne ouverte sur la vérité. « L’affaire a rebondi », confirme un commissaire de la brigade criminelle. L’enquête sera rouverte, les frères et leur complice interpellés. Pour les enquêteurs de la criminelle, entendus hier, « le but de leur expédition transparaissait clairement » : l’assassinat, sur commande, de Marcel Gevrey.

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Les avocats dénoncent la «démagogie sécuritaire»

logo-liberation-311x113  Dominique Simonnot

«Dysfonctionnement». «L’exploitation à des fins politiques de la Justice constitue un grave dysfonctionnement de nature à nuire à la sérénité et à l’indépendance des juridictions», estiment les avocats qui «déplorent des commentaires des plus hauts représentants de la République empiétant ainsi sur le pouvoir des juges en violation de la séparation des pouvoirs». Ils défendent par ailleurs les avancées de la loi sur la présomption d’innocence. Et, en réponse aux policiers qui cognent à tour de bras sur «la loi Guigou, loi des voyous», et ont mis en place un réseau de surveillance des décisions de justice, les signataires demandent «au ministre de l’Intérieur de prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser l’ingérence de certains policiers» dans la justice.

En colère, les avocats rappellent que «les violences policières continuent de détruire le lien social dans les banlieues et que les parquets ne contrôlent pas assez les forces de l’ordre dont les violences demeurent en général impunies». Et soulignent que «le nombre d’affaires impliquant les forces de l’ordre comme auteurs de violences ou d’injures ne paraît pas avoir diminué».

Dans un second texte, les avocats prennent la défense de Jean-Paul Laurans, le président de la chambre de l’instruction parisienne. C’est lui qui avait remis en liberté, il y a un an, Jean-Claude Bonnal dit «le Chinois», depuis suspecté de six meurtres (lire ci-contre). De là s’en était suivie la polémique qui continue d’enfler. Des hommes politiques et non des moindres ­ Jospin, Forni… ­ avaient alors parlé d’une «dramatique erreur» et la ministre de la Justice s’était même vantée d’avoir «saqué» le juge qui postulait à un changement de poste. Les soussignés affirment donc leur «volonté de voir cesser ces attaques injustifiées à l’égard du président Laurans, demandent aux représentants de l’Etat de cesser de créer et d’alimenter une campagne de mise à mort de l’instruction judiciaire».

Motivés. Partie d’une trentaine d’avocats très motivés, l’initiative mêle toutes les cha pel les. Des ténors pénalistes ­ Françoise Cotta, Pierre Haïk, Jean-Yves Leborgne, Lef Forster, Hervé Témime ­ de plus jeunes talents ­ Claire Doubliez, Auda Catala, Christian Saint-Palais ­ ou des spécialistes du droit des étrangers ­ Stéphane Maugendre, Eric Plouvier. Les textes continuent de circuler par e-mail et fax. «On s’est dit qu’on ne pouvait plus continuer à se regarder dans le miroir sans rien faire. Il faut que les avocats qui sont proches de la réalité des tribunaux contrecarrent cette démagogie sécuritaire!», explique Eric Plouvier. «La gauche et la droite rivalisent d’indignité dans le débat sur la justice. Cela donne vraiment envie de monter au feu», reprend Hervé Témime. Un avocat s’amuse: «Regardez les signataires, c’est la preuve qu’on est loin de la bande de gauchistes.».

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Les avocats dénoncent la «démagogie sécuritaire»

logo-liberation-311x113   Dominique Simonnot
«Dysfonctionnement». «L’exploitation à des fins politiques de la Justice constitue un grave dysfonctionnement de nature à nuire à la sérénité et à l’indépendance des juridictions», estiment les avocats qui «déplorent des commentaires des plus hauts représentants de la République empiétant ainsi sur le pouvoir des juges en violation de la séparation des pouvoirs». Ils défendent par ailleurs les avancées de la loi sur la présomption d’innocence. Et, en réponse aux policiers qui cognent à tour de bras sur «la loi Guigou, loi des voyous», et ont mis en place un réseau de surveillance des décisions de justice, les signataires demandent «au ministre de l’Intérieur de prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser l’ingérence de certains policiers» dans la justice.
En colère, les avocats rappellent que «les violences policières continuent de détruire le lien social dans les banlieues et que les parquets ne contrôlent pas assez les forces de l’ordre dont les violences demeurent en général impunies». Et soulignent que «le nombre d’affaires impliquant les forces de l’ordre comme auteurs de violences ou d’injures ne paraît pas avoir diminué».
Dans un second texte, les avocats prennent la défense de Jean-Paul Laurans, le président de la chambre de l’instruction parisienne. C’est lui qui avait remis en liberté, il y a un an, Jean-Claude Bonnal dit «le Chinois», depuis suspecté de six meurtres. De là s’en était suivie la polémique qui continue d’enfler. Des hommes politiques et non des moindres ­ Jospin, Forni… ­ avaient alors parlé d’une «dramatique erreur» et la ministre de la Justice s’était même vantée d’avoir «saqué» le juge qui postulait à un changement de poste. Les soussignés affirment donc leur «volonté de voir cesser ces attaques injustifiées à l’égard du président Laurans, demandent aux représentants de l’Etat de cesser de créer et d’alimenter une campagne de mise à mort de l’instruction judiciaire».
Motivés. Partie d’une trentaine d’avocats très motivés, l’initiative mêle toutes les cha pel les. Des ténors pénalistes ­ Françoise Cotta, Pierre Haïk, Jean-Yves Leborgne, Lef Forster, Hervé Témime ­ de plus jeunes talents ­ Claire Doubliez, Auda Catala, Christian Saint-Palais ­ ou des spécialistes du droit des étrangers ­ Stéphane Maugendre, Eric Plouvier. Les textes continuent de circuler par e-mail et fax. «On s’est dit qu’on ne pouvait plus continuer à se regarder dans le miroir sans rien faire. Il faut que les avocats qui sont proches de la réalité des tribunaux contrecarrent cette démagogie sécuritaire!», explique Eric Plouvier. «La gauche et la droite rivalisent d’indignité dans le débat sur la justice. Cela donne vraiment envie de monter au feu», reprend Hervé Témime. Un avocat s’amuse: «Regardez les signataires, c’est la preuve qu’on est loin de la bande de gauchistes.».

Les rôdeurs de Bobigny

images Elsa Vigoureux, Décembre 2001

Dans les salles d’audience où sont jugés les sans-papiers qui arrivent à Roissy, les proxénètes repèrent leurs jeunes proies

Elles ne sont pas venues pour se plaindre, plutôt pour se battre. Rose, Victoria et Grâce ont poussé la porte d’un commissariat parisien et ont confié ce qui leur semblait l’essentiel. Pas leurs vies. Mais des histoires d’argent qui ont abouti à la mise en examen d’un couple de Ghanéens, pour « proxénétisme aggravé, falsification de documents administratifs, association de malfaiteurs, et séjour irrégulier ». Un homme de 40 ans et une femme de 30 ans tranquillement installés dans le Val-d’Oise, et pour qui les trois jeunes filles âgées de 20 à 22 ans vendaient leurs corps sur les Maréchaux. La vérité, c’est qu’elles en avaient assez de se sentir flouées, de reverser une partie trop élevée de leurs gains. Et le loyer qu’elles payaient tous les mois. C’est surtout pour ça qu’elles sont allées voir la police. Devant les enquêteurs, elles se sont prétendues sierra-léonaises pour deux d’entre elles, la troisième assurant être de nationalité nigériane. Et elles ont même présenté des papiers. Mais sans photos.

Une histoire banale et vite conclue, si l’on occulte les rumeurs qui bourdonnent dans les couloirs du tribunal de grande instance de Bobigny depuis deux ans. Le Gisti (Groupe [d’information et de Soutien aux Immigrés) a même déposé une plainte, en mars 2001, pour que la lumière soit faite sur ces « rabatteurs qui récupéreraient des jeunes femmes ou filles mineures étrangères pour alimenter un ou des réseaux de prostitution », et ce à l’intérieur même du tribunal. Comme Rose, Victoria et Grâce, des Sierra-Léonaises pour la plupart, toutes arrivées et placées en zone d’attente à Roissy. Là où, depuis quatre ans justement, le nombre de mineurs africains en situation irrégulière a triplé. Lesquels défilent ensuite à la chaîne devant des juges, à l’audience dite des « 35 quater », du nom de l’article visant les étrangers arrivés en France en situation irrégulière. En 1996, les magistrats rendaient 50O décisions en trois mois. Pour le troisième trimestre 2001, 2 500 cas ont été traités.

Quarante-cinq dossiers par jour, s’exclame juge. Si vous prenez dix minutes par personne, vous finissez votre boulot à 21 heures. Et dix minutes pour écouter l’histoire d’une vie difficile, c’est impossible. Alors on se limite à l’examen des questions de procédure. » Et les gamins sont libérés ou placés dans les foyers de ’Aide sociale à l’Enfance (ASE). Les premiers disparaissent dans la nature dès leur sortie du tribunal, tandis que 40% des seconds fuguent au bout de quelques jours. Toujours après avoir passé quelques coups de fil, parfois jusqu’aux Pays-Bas ou en Allemagne Et tout le monde connaît le « manège », au tribunal. Des greffières, des interprètes, des magistrats, des avocats, des responsables d’associations ont dénoncé ces hommes qui rôdent, et quittent souvent les lieux entourés de plusieurs jeunes filles. Ainsi, en juin 1999 déjà, le parquet des mineurs de Bobigny lançait une enquête préliminaire afin d’éclaircir la disparition de deux mineures africaines qui ont composé le même numéro de téléphone avant de fuir leur foyer d’accueil. Même scénario, moins d’un an plus tard : trois mineures se sont évaporées, nouvelle enquête. Les recherches restent vaines. Il aurait fallu le feu vert du parquet pour déployer les grands moyens, mettre en place des filatures, des écoutes téléphoniques, voire ouvrir une information judiciaire. Oser, quoi.

« Depuis la fin de l’année 1999, des proxénètes se baladent dans le tribunal pour recruter la misère du monde, au vu et au su de tous, et on attend mai 2001 pour faire quelque chose regrette Me Stéphane Maugendre, l’avocat du Gisti. Comment comprendre que la plainte soit restée six semaines sur le bureau de Jean-Paul Simonnot, procureur de la République de Bobigny, avant que ne soit ouverte une information ? Le procureur s’insurge : « il est inadmissible de penser que le parquet n’a pas rempli sa tâche. » Et répète : « Cette affaire ne pourrait aboutir que dans la mesure où des jeunes filles viendraient se confier. » Attendre donc, plutôt qu’oser.

Attendre que le hasard conduise Rose, Victoria et Grâce devant la juge Marie-Paule Moracchini, à Paris. Qu’aussitôt un employé du palais de justice fasse le rapprochement et qu’il parle de l’affaire de Bobigny. Parce que les trois jeunes filles, recrutées dès leur pays d’origine par leurs proxénètes, ont atterri à Roissy. Que deux d’entre elles ont été jugées au « 35 quater », en Seine-Saint-Denis. Elles n’ont eu qu’à traverser la passerelle bleue à la sortie du tribunal. C’était prévu comme ça, on les attendait de l’autre côté pour leur nouvelle vie. Quant à la troisième, elle a rejoint ses amies en contactant un couple de Ghanéens, après un séjour à l’hôpital. La magistrate parisienne s’est dessaisie rapidement au profit du juge Olivier Géron, qui instruit l’enquête à la suite de la plainte du Gisti, à Bobigny. La réalité de ces trois filles vient enfin heurter les rumeurs qui peinent à éclore à Bobigny. « Le fin mot est politique », confie un proche du dossier. On ne veut pas s’occuper de ces filles-là. Tout simplementI parce que ce sont des étrangères dont personne n’a rien à faire. Qu’importe qu’elles se prostituent la nuit. Le jour, elles n’ont pas de statut.

Un acquittement et vingt ans de réclusion

logoParisien-292x75 Nelly Terrier, 30/11/2001

MARC PETAUX, 42 ans, a été acquitté cette nuit par les douze jurés et les trois magistrats professionnels composant la cour d’assises d’appel de Créteil (Val¬de Marne). Son coaccusé, Aziz Oulamara, 40 ans, a été condamné, lui, à vingt de réclusion criminelle, reconnu coupable du meurtre de Catherine Choukroun, la première policière tuée dans la nuit du 19 au 20 février 1991 à Paris, sur une bretelle d’accès du périphérique.

Le jury n’a ainsi pas suivi les réquisitions de l’avocat général Pierre Kramer, qui avait demandé une peine de vingt ans à l’encontre des deux hommes, des anciens videurs de la rue Saint-Denis. Le représentant du ministère public avait fait part de sa « certitude » concernant la culpabilité d’Oulamara et de sa « quasi-certitude » quant à celle de Petaux, reprenant ainsi l’expression de Philippe Bilger. l’avocat général de la cour d’assises de Paris, qui avait obtenu le 15 septembre dernier en première instance la condamnation des deux hommes à vingt années de réclusion criminelle lors de ce premier procès. Nathalie Delhomme une ex¬prostituée, avait été acquittée. Marc Petaux doit probablement cet acquittement au bénéfice du doute et à la faiblesse de l’accusation à son égard. Pendant les cinq jours d’audience à Créteil menés fermement par le président Getti, ses deux avocats, Me Sophie Obadia et Hervé Témime, n’ont eu de cesse de démonter point par point la fragilité des charges qui pesaient contre lui. Ils ont réussi à fragiliser le principal témoin à charge, Serge Schoeller, un escroc multirécidiviste, qui aurait vu le soir des faits Oulamara, Delhomme et Petaux quitter la rué Saint-Denis et revenir dans la nuit, à Saint-Ouen. les deux hommes, énervés. Ses propos, émaillés de nombreuses contradictions, avaient été largement rendus suspects à l’audience. La seconde charge contre Petaux résidait dans les aveux d’Oulamara — rétractés ensuite — qui l’accusaient d’avoir fait le coup avec lui et d’être le tireur. Le procès a. en fait permis d’imaginer qu’Oulamara accusait Petaux par rancune à son égard, peut-être aussi pour camoufler le fait qu’il était lui. le tireur. Enfin. Petaux a certainement bénéficié du témoignage de Nathalie Delhomme, venue dire qu’elle était à l’arrière dans la voiture ce soir-là et que Petaux n’y était pas.

Ce dossier, extrêmement complexe, parasité par les rumeurs et ragots de la rue Saint-Denis, a été desservi par une enquête tronquée et rial réellement commencé que six ans après les faits lorsqu’un « tuyau » est arrivé à la brigade criminelle. La résolution de cette affaire judiciaire, après deux procès et deux acquittements reste toujours insatisfaisante-pour l’esprit tant les faits commis ce soir-là demeurent en partie mystérieux.

Affaire Choukroun : un acquittement.

images 30/11/2001

Marc Petaux a été innocenté en appel du meurtre de la policière. En première instance, il avait été condamné à vingt ans de prison pour assassinat.

La cour d’Assises d’appel du Val-de-Marne a acquitté Marc Petaux, 42 ans, et condamné Aziz Oulamara, 40 ans, à 20 ans de réclusion pour le « meurtre » de la policière Catherine Choukroun et pour la « tentative de meurtre » envers le policier Emile Hubbel, en 1991 à Paris.
Il s’agit du deuxième acquittement dans l’affaire Choukroun. Au premier procès, le 15 septembre 2000, la cour d’Assises à Paris avait acquitté Nathalie Delhomme, une ancienne prostituée héroïnomane, qui était assise à l’arrière de la voiture des meurtriers, « complétement camée ».
Petaux et Oulamara avaient été condamnés à Paris à vingt ans de réclusion, pour « assassinat » et « tentative d’assassinat », suivant les réquisitions de l’avocat général Philippe Bilger.

« Je ne suis pas coupable »

A Créteil, l’avocat général Pierre Kramer avait requis vingt ans pour assassinat et tentative.
Avant le délibéré de près de six heures, dans la nuit de jeudi à vendredi, Marc Petaux avait déclaré: « je ne suis pas coupable. Etre accusé d’un crime que je n’ai pas commis, cela me traumatise depuis quatre ans. Je veux m’occuper de mon fils. Je n’ai pas de haine, contre personne ».
Aziz Oulamara venait d’assurer : « jusqu’à la fin de mes jours, je clamerai mon innocence. Pourquoi je me serais vanté d’une chose comme ça, rue Saint-Denis, où il y a la police partout? Je suis condamné sur de faux témoignages ».
La cour d’Assises du Val-de-marne a confirmé des dommages et intérêts de 100.000 francs pour le policier Hubbel.
Le 7 décembre prochain, Me Stéphane Maugendre, du barreau de Seine-Saint-Denis, entend saisir à nouveau un Fonds de garantie qui a déjà accordé 30.000 francs d’indemnisation au policier Hubbel, avant le premier verdict, et qui lui a refusé d’accorder 100.000 francs ou un complément, cet automne, selon Me Maugendre.

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La rue Saint-Denis, plus terrifiante que les assises

logo france soir Marie Mossereau, 24/11/2001

Sous pression, Johanna la prostituée n’a pas voulu dire qui se trouvait à bord du véhicule des meurtriers de Catherine Choukroun

Ce soir-là, qui était dans la voiture ? » Le président Jean-Pierre Getti tonne. A la barre des témoins, Nathalie Delhomme, alias Johanna la prostituée, chancelle, mais ne moufte pas. «Vous avez prêté serment!», explose le président. Puis, d’une voix ferme : «Aujourd’hui, c’est jour de vérité, madame. » Johanna reste bouche bée, face au président qui la mitraille du regard. Un long silence s’installe alors dans la salle d’audience. On n’entend plus que le bourdonnement d’une chaufferie lointaine.

Le témoignage de Nathalie Delhomme était très attendu, hier, par la cour d’assise de Créteil, qui juge en appel le meurtre de sang-froid, en 1991, du gardien de la paix Catherine Choukroun. Témoin numéro 1, Johanna a reconnu avoir assisté au crime.

Cette nuit-là, Catherine Choukroun et son co-équipier sont stationnés sur le bord du périphérique parisien, porte de Clignancourt. Une voiture s’arrête à leur niveau, deux coups de feu sont tirés et la policière meurt sur le coup. En première instance, l’année dernière, l’ex-prostituée est acquittée. Marc Petaux (alias Marco) et Aziz Oulamara (alias Jacky), gros bras dans la rue Saint-Denis à Paris, considérés comme le conducteur et le passager du véhicule, sont tous deux condamnés à 20 ans de réclusion, sans que la lumière ne soit faite sur les circonstances exactes du crime.

« J’ai peur, depuis des années »

Au lendemain de ce verdict, Johanna écrit une lettre à Marco: «Je sais que tu es innocent… D’ailleurs, si j’avais su que tu étais le conducteur, je ne serais certainement pas montée dans cette voiture. » A l’époque, en effet, Johanna et Marco « ne peuvent pas s’encadrer ». Aujourd’hui, à la barre, Nathalie Delhomme, le visage rougeaud, semble pourtant incapable de réitérer ces affirmations. Elle ne peut pas davantage mettre en cause ou innocenter son compère Aziz. « J’ai peur, depuis des années, peur de n’importe quoi et de n’importe qui, et surtout des gens de la rue Saint-Denis, souffle-t-elle. Ça bouffe ma vie…»

La jeune femme se revoit «avachie» sur la banquette arrière de la voiture, « complètement camée ». Elle raconte la voix chargée de sanglots :«A un moment, on est sur le périph, je sors de ma torpeur et je comprends vaguement qu’il se passe quelque chose de grave. La fenêtre passager est ouverte et je sens de l’air frais. » C’est tout ce dont elle se souvient aujourd’hui : malheureusement pour le jury, rien de neuf. « Comment vous croire, s’impatiente le président, vous avez changé vingt fois de version!»

A demi-mot, Johanna laisse entendre qu’« on » pourrait « lui faire encaisser » le meurtre de son ancien mac, décédé en 1987, si elle ne dit pas «ce qu’on attend ». Le président résume : « Tout le monde se tient par la barbichette dans cette histoire!»

La prostituée brouille les pistes.

logoParisien-292x75 Nelly Terrier; 24/11/2001

IMG_2144LE SILENCE se fait pesant Déjà. plus de deux minutes que la salle des assises du palais de justice de Créteil est silencieuse, suspendue aux lèvres de Nathalie Delhomme, attendant une réponse qui ne vient pas. Les deux accusés Marc Petaux et Aziz Oulamara, à qui l’on reproche d’avoir gratuitement tué la policière Catherine Choukroun dans la nuit du 19 au 20 février 1991 sur le bord du périphérique, restent pétrifiés dans leur box. Le président Jean-Pierre Getti maintient la pression sur le témoin : « Nous attendons votre réponse, madame. Oui ou non, Oulamara était-il dans la voiture ? » Les secondes continuent à s’égrener dans un silence de plus en plus lourd. « Je ne sais plus », finit par murmurer Nathalie d’une voix quasi inaudible.

Le président : « Vous vous tenez tous les trois par la barbichette »

Nathalie Delhomme a la mémoire courte. L’an passé, devant la cour d’assises de Paris, alors qu’elle était dans le box des accusés et quelle risquait la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d’assassinat elle avait trouvé les mots pour attendrir les jurés et faire verser quelques larmes en racontant sa déchéance dans la prostitution et la drogue. Deux jours avant le verdict elle avait créé un effet d’audience, avouant un bout de vérité qu’elle et ses deux coaccusés s’obstinaient à nier depuis le début du procès. Malgré la présence dans la salle de gens du milieu quelle disait craindre, elle avait murmuré aux jurés être à l’arrière de la voiture d’où étaient partis les coups de feu, « complètement défoncée ».

Ensuite, elle avait dénoncé Oulamara comme passager, et donc éventuellement auteur des coups de feu. Puis elle avait disculpé Petaux, affirmant qu’il n’était pas avec eux dans le véhicule. Ces aveux lui avaient valu d’être acquittée.

Il semble que ce changement de statut, qui l’a fait passer d’accusée à acquittée, ait entraîné un changement de version. Devenue le témoin numéro un de ce second procès, sa version reste capitale, mais Nathalie Delhomme, bien qu’elle ait prêté serment de dire toute la vérité, semble habitée par d’autres préoccupations. Certes, elle persiste à innocenter Petaux. mais elle n’accuse plus Oulamara et, surtout elle dit connaître le nom du conducteur de la voiture, mais ne plus s’en souvenir. Chacun a bien compris qu’elle connaît le nom des coupables, mais qu’elle ne veut pas les dire. Ou qu’elle cherche à se protéger dans un autre dossier où elle est mise en examen pour complicité d’assassinat ce qui pourrait bien lui valoir de repasser aux assises en risquant la perpétuité. Le président l’a bien compris qui tente de résumer ce qui se joue dans la coulisse du prétoire et qui pourrait expliquer l’impossibilité de Delhomme de dire enfin tout ce qu’elle sait « Vous vous tenez tous les tous par la barbichette. lance-t-il aux accuses et à Delhomme. L ‘audience de l’an dernier avait en effet permis de savoir qu’a ce moment

Oulamara avait accusé Petaux d’être l’auteur des coups de feu sur la policière Catherine Choukroun et que Petaux avait de son coté accusé Oulamara d’être l’auteur de l’assassinat de Laïdouni, l’ancien souteneur de Delhomme. Une affaire en cours d’instruction à Evry dans laquelle Delhomme et deux caïds du milieu sont également mis en examen.

Hier, Nathalie Delhomme avait l’air pitoyable, noyée dans un passé inextricable et rattrapée par la fille qu’elle fut lorsqu’elle arpentait la rue Saint-Denis, tapinant pour s’acheter cinq grammes d’héroine par jour et nourrir ses proxénètes. Crinière rousse au vent, verbe haut, elle faisait alors sa loi auprès des autres filles dealant un peu de came entre deux passes, n’hésitant pas à se battre pour défendre son bout de trottoir. Dans le milieu de la prostitution, elle était crainte. Elle n’était plus hier qu’une femme en guerre avec sa conscience.

« Elle est tombée dans mes bras »

logo france soir Marie Nossereau, 23/11/2001

L’assassinat de la policière Catherine Choukroun est rejugé en appel. Marc Petaux et Aziz Oulamara nient farouchement les faits.

Ils étaient amis autrefois, vivaient l’un chez l’autre et formaient tous deux, une sorte de clan, bien connu dans le petit milieu de la rue Saint- Denis, de la came, des filles et des hôtels de passe.

Aujourd’hui, Aziz Oulamara et Marc Petaux sont de nouveau assis côte à côte. Mais dans le box des accusés cette fois. Et du charme puissant qui liait Aziz le voyou plutôt fruste et sans envergure, au « grand Marco », flambeur et bien trempé, il ne reste qu’un regard vide qu’ils s’adressent de temps à autre, mine de rien.

La cour d’assises du Val-de-Marne instruit depuis hier le procès en appel de ces deux hommes. L’année dernière, ils ont été reconnus coupables par la cour d’assises de Paris d’avoir froidement assassiné, dans la nuitdu 19 au 20 février 1991, Catherine Choukroun, une policière, en mission de surveillance en bordure du périphérique parisien. Cette nuit-là, une voiture de couleur sombre ralentit au niveau du véhicule des gardiens de la paix, stationné sur la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt Deux coups de feu sont tirés. Catherine Choukroun est tuée sur le coup. Son co¬équipier, légèrement blessé, n’a pas le temps de réagir.

L’année dernière, ils étaient trois dans le box des accusés : Aziz, Marco et Nathalie Delhomme, alias «Johanna», une prostituée «camée » qui connaissait bien les deux hommes. Lors du procès, Johanna est la seule, dans le trio, à reconnaître qu’elle était bien à bord de la voiture des tueurs, la nuit du crime. Ce qui fait d’elle, le seul témoin de la fusillade. Elle sera acquittée. Condamnés à vingt ans de réclusion criminelle, Aziz et Marco nient farouchement aujourd’hui être les coupables. « Je clamerai mon innocence jusqu’à mon dernier souffle », lance Aziz aux jurés, la voix crispée et nasillarde. « Et Marc Petaux est innocent », poursuit-il. «Cet appel est un appel au secours », récite à son tour Marco.

Le 20 février 1991, lorsque les enquêteurs découvrent le crime, aucun indice, aucun témoignage ne peut leur fournir une piste sérieuse. Le coéquipier de Catherine Choukroun explique à la barre : « Il faisait sombre, je n’ai rien vu. J’ai entendu le premier coup de feu et ma collègue est tombée dans mes bras. »

Pour les jurés, le président fait diffuser sur plusieurs écrans, les photos de la scène du crime. Appuie-tête et sièges détrempés du sang de la victime. Parties civiles, les parents de Catherine blêmissent.

«Le rictus du passager»

A l’époque, le seul témoignage sérieux des enquêteurs, est celui d’un chauffeur de taxi qui s’est fait dépasser par « une petite voiture de couleur sombre avec à son bord, au moins trois personnes ». « J’ai sur-tout remarqué le rictus du passager lui exprimait le dédain, la haine et le mépris », indique dans sa déposition, le taxi, décédé en 1992. Tuyaux crevés, rumeurs, coups de fil anonymes, indics plantés, vérifications à rien plus finir, l’enquête piétine jusqu’en 1997. Un renseignement anonyme permet alors aux policiers de remonter la piste de Johanna et de ses relations. Les en-quêteurs apprennent alors qu’Aziz, qui fréquente son souteneur, se | vante d’être l’auteur du « coup du périph » et d’avoir « fumé un flic ».

A partir de 1997, Nathalie Delhomme ne cesse d’avouer sa présence dans la voiture en compagnie d’Aziz et de Marco, puis de se ré¬tracter, avant d’avouer à nouveau. Elle jure que l’un des deux accusés est innocent et frétait pas dans la voiture. Mais elle ne peut pas donner le nom du véritable coupable, par peur du « milieu » et des représailles. Johanna doit témoigner ce matin devant les jurés de Créteil. Que dira-t-elle, cette fois-ci ?

deux accusés nient avoir tué la policière

logoParisien-292x75 Nelly Terrier, 23/11/2001

(LP/ Frédéric Dugit)
(LP/ Frédéric Dugit)

LA RUE SAINT-DENIS, haut lieu de la prostitution parisienne ne s’était pas déplacée hier à la cour d’assises du Val-de-marne au premier jour du procès en appel d’Aziz Oulamara, dit Jacky, 42 ans, et Marc Petaux, surnommé Marco,40 ans. Ces deux accusés ont été condamnés l’an passé par la cour d’assises de Paris à vingt ans réclusion criminelle pour l’assassinat de Catherine Choukroun, une policière gratuitement abattue sur le bord du périphérique dans la nuit du 19 au 20 février 1991.

Il y a un an pourtant se pressait dans la sale d’audience tout un petit monde étrange, où se mêlaient proxénètes et femmes de petite vertu, tous attentifs aux débats et aux nombreux témoins qui livraient à la barre des versions souvent bâties sur des rumeurs et des ragots. Aujourd’hui les mêmes font défaut : la salle d’audience est désertée et la plupart des témoins ont disparu. Le président Jean-Pierre Getti a donc été obligé de lancer hier, dès l’ouverture de l’audience plus d’une quinzaine d’avis de recherches.

Condamnés à vingt ans

En attendant les témoins, la cour entend le récit livré par les policiers de la brigade criminelle, d’une enquête qui a duré plus de six ans. Tout commence cette nuit du 19 au 20 février 1991. Les policiers Catherine Choukroun et son collègue Emile Hubbel stationnent dans une voiture de service sur le bord du périphérique, pour une opération de contrôle de vitesse. Subitement un véhicule surgit derrière eux, deux coups de feu sont tirés, la fonctionnaire s’écroule tuée sur le coup.

Le seul témoin meurt peu de temps après : un chauffeur de taxi qui a entendu les tirs et a été doublé par une Austin noire tous feux éteints, transportant deux hommes devant et une femme blonde derrière. Il faudra attendre 1997 pour que les policiers bénéficie d’un tuyau d’indic, qui donne le numéro d’immatriculation de l’Austin et précise qu’à bord roulaient, ce soir-là, des individus impliqués dans l’assassinat d’un homme en forêt de Sénart. Les policiers arrêtent alors Aziz Ouiamara, videur rue Saint-Denis, et Nathalie Delhomme. prostituée, tous deux mis en examen pour l’assassinat de l’ancien proxénète de Delhomme. Ce n’est qu’ensuite qu’ils arrêteront Marc Petaux, ami d’Oulamara, également videur rue Saint-Denis.

En première instance l’an passé, Oulamara et Petaux, qui niaient les faits, comme ils l’ont encore fait hier matin, avaient été condamnés à vingt ans de réclusion criminelle. Et Delhomme, la seule qui reconnaissait être dans la voiture d’où étaient partis les coups de feu, avait été acquittée. Elle devrait venir ce matin à la barre, comme témoin cette fois-ci. Réitérera-t-elle des aveux qui innocentaient Petaux et chargeaient Oulamara ? Des aveux qui n’avaient pas convaincu les jurés de première instance. Le mystère reste donc entier.

Avocat