Les avocats dénoncent la «démagogie sécuritaire»

logo-liberation-311x113   Dominique Simonnot
«Dysfonctionnement». «L’exploitation à des fins politiques de la Justice constitue un grave dysfonctionnement de nature à nuire à la sérénité et à l’indépendance des juridictions», estiment les avocats qui «déplorent des commentaires des plus hauts représentants de la République empiétant ainsi sur le pouvoir des juges en violation de la séparation des pouvoirs». Ils défendent par ailleurs les avancées de la loi sur la présomption d’innocence. Et, en réponse aux policiers qui cognent à tour de bras sur «la loi Guigou, loi des voyous», et ont mis en place un réseau de surveillance des décisions de justice, les signataires demandent «au ministre de l’Intérieur de prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser l’ingérence de certains policiers» dans la justice.
En colère, les avocats rappellent que «les violences policières continuent de détruire le lien social dans les banlieues et que les parquets ne contrôlent pas assez les forces de l’ordre dont les violences demeurent en général impunies». Et soulignent que «le nombre d’affaires impliquant les forces de l’ordre comme auteurs de violences ou d’injures ne paraît pas avoir diminué».
Dans un second texte, les avocats prennent la défense de Jean-Paul Laurans, le président de la chambre de l’instruction parisienne. C’est lui qui avait remis en liberté, il y a un an, Jean-Claude Bonnal dit «le Chinois», depuis suspecté de six meurtres. De là s’en était suivie la polémique qui continue d’enfler. Des hommes politiques et non des moindres ­ Jospin, Forni… ­ avaient alors parlé d’une «dramatique erreur» et la ministre de la Justice s’était même vantée d’avoir «saqué» le juge qui postulait à un changement de poste. Les soussignés affirment donc leur «volonté de voir cesser ces attaques injustifiées à l’égard du président Laurans, demandent aux représentants de l’Etat de cesser de créer et d’alimenter une campagne de mise à mort de l’instruction judiciaire».
Motivés. Partie d’une trentaine d’avocats très motivés, l’initiative mêle toutes les cha pel les. Des ténors pénalistes ­ Françoise Cotta, Pierre Haïk, Jean-Yves Leborgne, Lef Forster, Hervé Témime ­ de plus jeunes talents ­ Claire Doubliez, Auda Catala, Christian Saint-Palais ­ ou des spécialistes du droit des étrangers ­ Stéphane Maugendre, Eric Plouvier. Les textes continuent de circuler par e-mail et fax. «On s’est dit qu’on ne pouvait plus continuer à se regarder dans le miroir sans rien faire. Il faut que les avocats qui sont proches de la réalité des tribunaux contrecarrent cette démagogie sécuritaire!», explique Eric Plouvier. «La gauche et la droite rivalisent d’indignité dans le débat sur la justice. Cela donne vraiment envie de monter au feu», reprend Hervé Témime. Un avocat s’amuse: «Regardez les signataires, c’est la preuve qu’on est loin de la bande de gauchistes.».

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