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Jugé pour le meurtre d’un vigile

logoParisien-292x75 Hélène Bry, 19/06/2001

IL S’APPELAIT Bienvenu. Un comble d’ironie pour ce Zaïrois sans papiers de 39 ans, mort égorgé sous une fausse identité en défendant le centre commercial de Rosny-sous-Bois contre une bande de jeunes, le 1er juillet 1998. Depuis dix ans qu’il était en France, les différentes demandes d’asile politique et de régularisation de Bienvenu avaient toutes échoué. Alors il avait fini par emprunter l’identité de son frère N’Kombe Makolo, de nationalité française, pour décrocher un emploi. Un emploi de vigile qui allait comme un gant à ce garçon baraqué, ceinture noire de judo et champion du Zaïre dans cette discipline. Aujourd’hui et demain, Fabrice Ozier Lafontaine comparaît devant la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis pour le meurtre de Bienvenu Makolo. Le procès, qui avait débuté en novembre 2000, avait été renvoyé après quelques heures de débats à la suite d’une journée « tribunal mort » des greffiers du tribunal de grande instance de Bobigny. « Je reconnais partiellement les faits », avait juste eu le temps de déclarer l’accusé avant d’être replacé en détention provisoire. « La triste vie et mort d’un sans-papiers » Avant de mourir le 3 juillet 1998 des suites de ses blessures, Bienvenu a pu confier sa version des faits aux enquêteurs. Le jour du drame, il se trouve avec deux collègues près du magasin Darty. Bienvenu repère un groupe de jeunes en train de semer la pagaille. Deux autres vigiles arrivent à la rescousse, mais il décide d’appeler la police. En attendant les renforts, les vigiles tentent de neutraliser le groupe en l’entraînant vers la sortie du centre commercial. Bienvenu a repéré un jeune qui essaie de s’éclipser. Les deux hommes se retrouvent face à face. Le fuyard sort son couteau, menace le vigile d’un « Casse-toi ou je te nique » et porte un premier coup de couteau au front, partiellement esquivé par Bienvenu. Ce dernier n’a, semble-t-il, pas vu arriver le deuxième coup, mortel, qui l’atteindra au cou. Quant à Fabrice Ozier Lafontaine, il indiquera aux enquêteurs que, le soir du drame, tout le monde avait bu dans le groupe de jeunes.

Pour Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille de Bienvenu, « c’est la triste vie et mort d’un sans-papiers, même après sa mort ». Détail sordide, en effet, l’assurance n’a toujours pas versé à la famille de la victime le capital décès au motif que l’identité de l’assuré ne correspond pas à celle du mort… « Ce qui frappe dans ce procès, ajoute l’avocat, c’est qu’on est à mille lieues de l’image que se fait Monsieur Tout-le-Monde du sans-papiers qui trafique ou qui bidouille ou travaille au noir. Là, on a un sans-papiers qui s’occupe de la sécurité de Monsieur Tout-le-Monde, dans un département comme la Seine-Saint-Denis… et qui le paie de sa vie. »

« Clandestin jusque dans la mort »

images Lisa Vaturi, 14/06/2001

Bienvenu Makolo est mort le 3 juillet 1998. Deux jours plus tôt, ce Zaïrois de 37 ans, vigile au centre commercial de Rosny, avait été blessé de deux coups de couteau lors d’une altercation entre jeunes et agents de sécurité. Il avait succombé à l’hôpital. Le procès de son agresseur aura lieu les 19 et 20 juin devant la cour d’assises de Bobigny.

Bienvenu Makolo était l’un de ces clandestins longue durée qui soulignent l’absurdité de la législation : il est mort sous le nom de son frère, N’Kombe Makolo, naturalisé français et rebaptisé Henri. C’était la seule manière pour lui, sans papiers, d’obtenir un emploi. « L’assurance de son employeur refuse de verser le capital-décès à ses proches, sous prétexte que le souscripteur n’est pas mort, s’indigne l’avocat de la famille, Me Stéphane Maugendre.

Bienvenu Makolo sera resté clandestin jusque dans sa mort. » Clandestin, il l’est déjà en 1988, quand il fuit le Zaïre et les rangs d’une armée dont il ne peut pas démissionner. Clandestin, il l’est encore lorsqu’il choisit de rester en France avec son frère et sa sœur, mal¬gré le rejet de sa demande d’asile politique. En 1997, ce colosse, ceinture noire de judo et « vedette » de la communauté zaïroise en région pari¬sienne, profite de la circulaire Chevènement pour demander sa régularisation. La procédure était en cours lorsqu’il a été agressé.

Coup de théâtre contre coup de tonnerre.

logo nouveau detective Michel Mary et dessins Sylvie Guillot, 20/09/2000

lndComme elle l’a dit à la cour, Nathalie sait ce que risquent « celles qui parlent ». »J’ai vu des filles mourir, dit-elle, j’ai vu des enfants pris en otages ». Pourtant, aujourd’hui, elle a le courage de dénoncer les assassins de Catherine Choukroun.

PARIS

Rue Saint-Denis, on l’appelle « madame Simone ». Cette ancienne prostituée, reconvertie dans le proxénétisme hôtelier, est à l’origine du «tuyau » qui a permis l’arrestation des trois assassins présumés de Catherine Choukroun, la femme policier abattue voilà neuf ans maintenant, le 20 février 1991, alors qu’elle effectuait un contrôle de vitesse sur le périphérique parisien (voir LND n° 939)… Ce lundi 11 septembre 2000, «madame Simone» est appelée à comparaître, en tant que témoin, devant la cour d’assises de Paris, que préside Mme Varin. Il est 17 heures lorsqu’elle entre dans la salle, vêtue d’un jean et d’un gilet de cuir noir. En la voyant s’avancer vers la barre, les trois accusés, Nathalie Delhomme, Aziz Oulamara et Marc Petaux, se tassent un peu plus dans leur box. L’avocat général Philippe Bilger se redresse, très attentif. Enfin, à l’invitation de la présidente, «madame Simone », petite dame de 71 ans aux yeux d’un noir profond, commence sa déposition.

— L’assassinat de Mme Choukroun, dit-elle, c’est un crime qui n’est pas excusable. A l’époque, je connaissais bien Aziz Oulamara, qui était videur rue Saint-Denis. Une nuit, alors que j’étais venue encaisser l’argent des prostituées qui occupaient mes studios, il m’a fait des confidences… Il m’a dit : « Tu sais, moi, je suis un tireur d’élite. A 100 à l’heure, je vise la tête ! » Il m’a répété ça au moins huit fois ! Puis il a ajouté: «Si tu me crois pas, demande à Marco »…

Un silence. Puis « madame Simone » reprend :
— Il insistait tellement que j’ai compris qu’il me parlait de quelque chose de grave… Je lui ai demandé : « La femme flic, c’est toi ?» Il m’a répondu : « Ça, faudra le prouver ! » Alors j’ai fait ma petite enquête. Et j’ai appris que, le soir du drame, Aziz, Marc Petaux et Nathalie Delhomme, qui se prostituait sous le prénom de Johanna, étaient partis ensemble acheter de la drogue sur le boulevard des Maréchaux… J’ai fait savoir ça aux policiers de la « Mondaine », mais ils n’en ont tenu aucun compte. Alors, six ans plus tard, le 31 décembre 1996, j’ai tout raconté à l’un de mes amis, policier à la brigade des stupéfiants de Seine-Saint- Denis…

« Ma parole ne vaut pas grand-chose, je ne suis qu’une tenancière… »

A cet instant, « madame Simone » se tourne vers Gilles Choukroun, le mari de la victime, qui est assis au banc des parties civiles.
— J’ai fait ça pour que cette dame dorme en paix, lui dit-elle. Je sais bien que ma parole ne vaut pas grand-chose, je ne suis qu’une tenancière… Mais dans mon genre, j’ai toujours été honnête !

Aziz Oulamara, un petit homme au visage mou, aux cheveux très noirs, se dresse d’un coup dans son box, l’air outré.
— C’est une affaire d’argent ! s’écrie-t-il. Elle a livré de fausses informations pour garder ses studios. Moi, je suis innocent ! Je n’ai rien à voir avec cette affaire !
— Monsieur Oulamara, intervient la présidente, je vous rappelle que vous avez passé des aveux complets devant le juge d’instruction.
La magistrate s’empare d’un procès-verbal et commence à le lire: « La nuit du drame, mon ami Marco – c’est-à-dire Marc Petaux est venu me chercher. Il était en compagnie de Johanna. Nous sommes montés tous les trois dans une Austin noire, immatriculée dans le 92. C’est moi qui conduisais. Marco était assis à côté de moi. Johanna était derrière. Ils étaient très énervés, tous les deux. A un moment, alors que nous sortions du périphérique, à la hauteur de la porte de Clignancourt nous avons vu une voiture de police arrêtée sur la bretelle. Marco m’a dit: « Ralentis! » Et quand nous nous sommes retrouvés à sa hauteur, Johanna lui a lancé :  » Vas-y ! Allume-les !  » Marco m’a fait arrêter la voiture, et il est descendu avant de tirer… »
Un lourd silence ponctue cette lecture publique…

Au banc des parties civiles, Gilles Choukroun, le mari de la jeune victime, est accablé. Mais Aziz Oulamara, lui, ne désarme pas.
— Si je suis dans ce box, lance-t-il avec hargne, c’est parce que je suis arabe !

« Madame Simone a raison. J’y étais, dans cette voiture »

Quant à Marc Petaux, alias Marco, il tourne son visage en lame de couteau vers la cour et déclare :
— Moi aussi, je suis innocent. Et jusqu’à ma mort je vous dirai que ce n’est pas moi qui ai tué cette femme policier ! J’ai servi trois ans au Tchad. J’ai vu mon adjudant mourir à côté de moi.

J’ai du respect pour l’uniforme. Jamais je n’aurais tué une femme qui en portait un!
Tandis que ses deux coïnculpés protestent à qui mieux mieux de leur innocence, Nathalie Delhomme. l’ancienne prostituée, garde le silence. Elle semble bouleversée. Comme s’il avait compris ce qui la tourmente, son avocat Me Jean-Yves Leborgne, se lève et demande la parole.
— Depuis le début de cette audience, dit-il, ma cliente nie elle aussi les faits qui lui sont reprochés… Mais je pense qu’à présent elle a une déclaration à faire à la cour.
Nathalie Delhomme, une rousse bien en chair, baisse la tète. Puis, les larmes aux yeux, elle murmure :
— C’est vrai, « madame Simone » a raison. J’y étais, dans cette voiture…
Un murmure s’élève dans la salle. C’est le coup de théâtre que tout le monde attendait un pas décisif, peut-être, vers la vérité…
— Vous avez participé au meurtre ? demande Me Leborgne.
— Non. J’étais à l’arrière, complètement défoncée. Je n’ai pas vu ce qui s’est passé. C’est un courant d’air frais, venu de la fenêtre baissée, qui m’a tirée de mon engourdissement. Les deux hommes qui étaient avec moi dans la voiture se disputaient. Le conducteur disait : « Y’en a marre ! T’as encore fait une connerie! Maintenant on est dans la merde ! »
La présidente prend le relais et demande :
— Mme Delhomme, Aziz Oulamara était-il dans la voiture ?

Sur son banc, l’intéressé s’agite… Nathalie Delhomme va-t-elle le dénoncer ? Oui. Elle hoche affirmativement la tète.
— Tenait-il le volant? intervient Mme Varin, reprenant
la direction de l’audience.
— Non, ce n’est pas lui qui conduisait.
Cette fois, dans le public, le brouhaha est vif. Car si Aziz n’était que le passager de la voiture, et pas son conducteur, cela veut dire que c’est lui qui a ouvert le feu sur Catherine Choukroun.
— Et qui conduisait ? s’enquiert encore Mme Varin. Marc Petaux ?
— Non, répond Nathalie. Petaux n’était pas lé.
— Mais dans ce cas, qui était au volant ?
—Je ne sais pas. ..
L’ancienne prostituée jette un coup d’œil en biais vers la salle.
—Je risque gros, lance-t-elle. Il y a ici des gens du milieu. Ils me font peur. Quand je me prostituais, j’ai vu des filles mourir, j’ai vu des enfants pris en otage. Je ne veux pas qu’il arrive malheur à mon petit garçon… Il n’a plus que moi, vous comprenez.

« J’ai compris que ce bébé ne connaîtrait jamais sa mère »

Après cette déposition retentissante. c’est plutôt distraitement qu’on regarde les témoins défiler à la barre. Ce sont pour l’essentiel, des proches ou des amis des accusés. Ils tentent les uns après les autres, d’innocenter Aziz Oulamara. Puis, ultime coup de théâtre, un certain Serge Schoeller, qui exerce le « métier » de cambrioleur, se présente à son tour.
— La nuit des faits, explique cet homme râblé, vêtu d’un blouson de cuir, j’étais à Saint-Ouen devant le domicile d’Aziz. A 4 heures du matin, j’ai vu Aziz et Marco arriver en voiture. Marco conduisait. Il était très énervé. D’ailleurs, il a même heurté un plot en se garant…
Et nous voilà revenus au point de départ. Marc Petaux, mis hors de cause par Nathalie Delhomme, est à nouveau incriminé par Serge Schoeller… A-t-il oui ou non participé au meurtre de la femme policier ? Les jurés devront en décider. Mais auparavant, il leur reste deux témoins à entendre.

Le premier à s’avancer est une femme vêtue d’un élégant tailleur bleu. Elle s’appelle Catherine Faure et est commissaire divisionnaire. A l’époque des faits, elle était la patronne de Catherine Choukroun.
— Catherine a travaillé deux ans à mes côtés, déclare-t-elle, très émue. Elle a su se faire apprécier et aimer Puis elle est tombée enceinte, et tout le monde s’est mise à la « chouchouter »… Je me souviens encore de la fête qu’elle avait donné pour la naissance de son bébé. A un moment elle s’est retirée discrètement dans un coin, pour l’allaiter…
Un silence.
— La nuit du drame, reprend Mme Faure, c’est moi qui suis allée prévenir son mari. Il était 5 heures du matin quand je suis arrivé chez lui. Le bébé dormait. Quand je l’ai pris dans mes bras, je me suis mise à pleurer. Parce que j’ai compris, à ce moment-là, qu’il ne connaîtrait jamais sa mère…

« Quand j’ai vu son visage, j’ai su que c’était grave »

hubbelCatherine Faure regagne sa place, dans le public. La présidente décide alors de faire entendre un enregistrement aux jurés. C’est l’appel au secours d’Emile Hubbel, le gardien de la paix qui accompagnait Catherine Choukroun… On entend d’abord le grésillement d’un poste de radio, puis, soudain, des cris à glacer le sang :
— Au secours ! Au secours ! On a été attaqués !
— Allô! Allô! répond la voix du policier qui reçoit l’appel. Ce n’est pas une farce, au moins ? – Répétez, vous êtes presque inaudible.
– Répétez…
Des cris, de nouveaux – ceux d’Emile Hubbel, qui vient de voir sa collègue tuée d’une balle dans le cou et qui est lui-même blessé.
— Au secours! On est porte de Clignancourt I
Puis l’autre voix reprend :
— D’accord, j’ai compris. On vous envoie des secours…

C’est fini. Dans la salle, on pleure. Les jurés ont des mines bouleversées. Et dans cette atmosphère terrible, Gilles Choukroun, le mari de Catherine, s’avance à la barre… Grand, les cheveux courts, élégant dans son cos¬tume gris, il essuie une larme d’un re¬vers de main.
— J’ai connu Catherine en 1980, dans un club de vacances, dit-il. Nous nous sommes mariés , le 26 mai 1984. A l’époque, elle était secrétaire médicale, mais cela ne lui plaisait pas. C’est moi qui lui ai suggéré de passer le concours d’entrée dans la police. Elle a tout de suite adoré son nouveau métier. Nous avons acheté un petit F2, à Brunoy. Le 7 octobre 1990, Estelle est née.
Catherine était folle de joie. Elle a décidé de travailler de nuit, pour pouvoir s’occuper de la petite…
Gilles Choukroun s’interrompt. Et c’est d’une voix altérée, presque brisée, qu’il reprend :
— Le 20 février 1991, à 5 heures du matin, j’ai été réveillé par les aboiements de mon chien. Je me suis levé et je suis allé à la fenêtre. Il y avait une voiture avec un gyr¬phare, en bas. C’était Mme Faure. Quand j’ai vu son visage, j’ai tout de suite compris que c’était grave… Ensuite, je suis resté seul avec ma petite fille de quatre mois. Heureusement qu’elle était là.
Et l’homme conclut au bord des larmes :
— Ce soir, c’est tout ce que j’ai en vie de vous dire..

« Le tapin, la came. Voilà sa vie ! »

Jeudi 14 septembre, 14 heures. C’est l’heure des réquisitions et des plaidoiries. Après les parties civiles, c’est Philippe Bïlger, l’avocat général, qui se lève.
— J’aurais voulu un peu plus de clarté. Il y a trop de questions et pas assez de réponses, mais la vérité en a quand même jailli. Née d’une rumeur, la vantardise d’Oulamara se révéle une implacable vérité, puissante et vrai, ce n’est pas un ragot. L’avocat général conclut en disant : — En ce qui concerne Petaux, je n’ai qu’une quasi-certitude ! Pour Oulamara, en revanche, j’ai la certitude absolue que c’est lui qui a tiré. Il est désarmant de bêtise dans son enfermement, il ne comprend rien. C’est pourquoi je réclame vingt ans de réclusion criminelle contre Petaux et Oulamara, et pas plus de cinq ans pour Johanna.

Me Moreuil et Me Leborgne vont plaider pour Johanna Le premier stigmatise le manque de preuves et parle longuement de la vie de la jeune femme : « le tapin à l’âge de 17 ans pour un homme qu’elle aimait, puis la came, le trottoir, et encore la came. Voilà sa vie. »

Me Leborgne prend alors la parole. Il rappelle que ce crime est gratuit, qu’il n’a aucun mobile, que la justice n’a réuni aucun témoignage crédible, aucune preuve.
« Mais la nature a horreur du vide, et les enquêteurs vont donner de l’importance à une rumeur, véhiculée par une vieille mère maquerelle. Nathalie n’a confessé qu’un vague souvenir. Je vous demande de l’acquitter, que le jour se lève enfin pour elle. »

Les jurés ont finalement suivi les réquisitions de l’avocat général

Me Sophie Obadia plaide à présent pour Petaux.
— Durant ces deux semaines de procès, on a fait rentrer par la porte de la cour d’assises toute la rue Saint-Denis jusqu’à sa PDG « madame Simone », ironise-t-elle. Vous mettez artificiellement mon client en compagnie des deux autres, ce soir-là, c’est une construction qui ne repose sur rien. Je pense que si Marc avait été dans cette voiture, les choses ne se seraient pas passées comme cela On lui reproche de ne pas avoir d’alibi en octobre 97, mais qui peut répondre à une telle question ? Je vous demande de l’acquitter.

Me Hervé Temime parle aussi pour Petaux:
— Si vous avez un doute concernant Marc Petaux, Monsieur l’avocat général, il faut l’acquitter. Car pour condamner, il faut des preuves.

Mais les jurés n’ont pas admis ce raisonnement. Après huit heures et demie de délibéré, la cour rend son verdict Marc Petaux écope de vingt ans de réclusion, tout comme Aziz Oulamara. Quant à Johanna. elle est acquitté.

Vingt ans de réclusion pour deux des accusés du meurtre de la policière

index Jean-Michel Dumay,

L’HOMME fixe longuement l’avocat général Philippe Bilger. Un léger balancement en signe de dénégation fait osciller sa tête. Puis les yeux se ferment. Comme sur une interrogation, sur le vertige de la peine. Bien qu’aucun élément matériel n’ait jamais été retenu contre lui, bien qu’il ait toujours nié sa participation, et bien qu’il ait été formellement innocenté à l’audience par l’une de ses coaccusés, qui reconnaissait, elle, avoir été présente au moment des faits, Marc Petaux, quarante et un ans, ancien videur de la rue Saint-Denis, est condamné, vendredi 15 septembre, à vingt ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Paris.

Avec lui, Aziz Oulamara, trente-neuf ans, ancien videur également, est aussi condamné à vingt ans, le montant conforme des réquisitions. Après plus de huit heures de délibéré, tous deux sont reconnus coauteurs de l’assassinat de Catherine Choukroun, gardienne de la paix tuée dans la nuit du 19 au 20 février 1991 d’une décharge de chevrotines, et de la tentative d’assassinat sur Emile Hubbel, son collègue chargé, avec elle, de contrôler ce soir-là les vitesses, porte de Clignancourt, sur le périphérique parisien.

« PAS DE CERTITUDE ABSOLUE »

Nathalie Delhomme, trente-cinq ans, ancienne prostituée, est, elle, après trois ans de détention provisoire, acquittée. L’avocat général avait demandé au maximum cinq ans. Innocentant Marc Petaux mais certifiant la présence d’Aziz Oulamara à la place du passager avant, supposée celle du tireur, cette jeune femme avait finalement confirmé à l’audience, en pleurs, ses premières déclarations de garde à vue, en 1997, indiquant qu’elle se trouvait bien à l’arrière du véhicule des agresseurs, alors qu’elle était droguée à l’héroïne ( Le Monde du 15 septembre). Dans leurs plaidoiries, Mes Laurent Moreuil et Jean-Yves Le Borgne ont donc fait valoir que, dans cet état, elle n’avait pu être tout au plus qu’un « témoin privilégié », pas une complice.

« Une affaire mal achevée », a synthétisé Me Le Borgne, évoquant ce dossier concernant la première policière tuée en service, qu’un « tuyau » obtenu d’une tenancière avait relancé en 1997 après six ans de recherches restées infructueuses, faute d’éléments matériels et de témoins directs. Une affaire teintée d’incertitudes, dont l’issue judiciaire porte aujourd’hui au malaise.

Car l’avocat général, requérant contre Marc Petaux sur le fondement d’éléments essentiellement psychologiques, et non factuels, avait reconnu lui-même « n’avoir pas de certitude absolue » sur la participation de cet accusé, selon lui, conducteur du véhicule. Il avait évoqué une « plausibilité » confinant à la « quasi-certitude ».

Mes Sophie Obadia et Hervé Temime, conseils de Marc Petaux, ont donc exhorté la cour d’assises à ne pas s’en tenir à l’éventuelle « antipathie » suscitée par leur client, déjà neuf fois condamné pour des faits de moyenne délinquance, et à rejeter l’argumentation de l’accusation qui estimait que son implication au côté d’Aziz Oulamara relevait d’une « nécessité psychologique », le premier ayant eu, de coutume, un ascendant sur l’autre, et les deux, selon des témoignages, ne se quittant pas.

Ces défenseurs ont bataillé de même pour mettre à bas la seule déposition d’Aziz Oulamara impliquant Marc Petaux, aux apparents relents de vengeance à propos d’une autre affaire, mais à laquelle Mes Stéphane Maugendre et Michèle Launay, conseils des parties civiles, ont entendu donner crédit. Enfin, ils ont tenté de contrecarrer l’idée, hypothétiquement suggérée par le réquisitoire, que des pressions dans les coulisses de l’audience aient pu conduire au témoignage de Nathalie Delhomme – qualifié de « pantalonnade » par l’avocat général – innocentant Marc Petaux.

Avant eux, et avant Mes Lemière et Luneau plaidant pour l’acquittement d’Aziz Oulamara, Me Le Borgne avait encore relevé qu’avec le temps l’intime conviction traditionnellement demandée aux juges lui paraissait être devenue, parfois, une forme de « tu le fais comme tu le sens ». Mes Temime et Obadia ont annoncé l’intention de Marc Petaux de se pourvoir en cassation, ce qui, compte tenu de l’entrée en vigueur de la réforme de la cour d’assises, au 1er janvier 2001, devrait lui permettre de convertir ce pourvoi en appel, afin d’être rejugé.

 ⇒ Voir l’article

Vingt ans pour les tueurs de la policière

logoParisien-292x75 Nelly Terrier, 17/09/2000

IMG_2126EN CONDAMNANT hier soir Aziz Oulamara et Marc Petaux. les deux anciens videurs de la rue Saint-Denis, à vingt ans de réclusion criminelle chacun, pour l’assassinat de Catherine Choukroun, la jeune gardienne de la paix tuée sur le périphérique dans la nuit du 9 au 10 février 1991, et en acquittant l’ancienne prostituée Nathalie Delhomme, les jurés de la cour d’assises de Paris n’ont pas cru aux dénégations des deux principaux accusés.

Quelques heures avant que la cour se retire pour délibérer, la présidente, Martine Varin, avait demandé aux accusés de se lever. La salle des assises avait fait silence. Sur les bancs du public, avaient pris place, non loin les uns des autres, des policiers de la brigade criminelle et des voyous du milieu, venus en voisins, les premiers du quai des Orfèvres, les seconds de la me Saint-Denis.

Aucune preuve matérielle

S’y trouvaient aussi la famille d’Oulamara. Son frère Madgid et sa sœur Yasmina lancent des regards affectueux à ce grand frère qui les a élevés et qui est aujourd’hui perdu au loin dans le box des accusés. Marc Petaux prend la parole : « Je suis totalement innocent et je continuerai à nier, toujours. » Aziz Oulamara, ensuite, se lève : « Quand mon père a tué ma mère il y a quelques années, je me suis dit que j’allais lui faire la peau. J’en ai pas eu le courage, je suis trop lâche. Alors, comment aurais-je pu commettre un tel acte ? »

Enfin, Nathalie Delhomme, qui, mercredi dernier, avait avoué sa présence à l’arrière de la voiture des tueurs et accusé Oulamara d’être le passager, s’interroge : « Je suis bouleversée. Et si le souvenir que j’ai raconté, ce n’était pas ce soir-là ? » Phrase déroutante, à l’image de ce dossier où aucune preuve matérielle et aucun témoin direct ne sont venus supporter l’accusation. Jeudi, l’avocat général, Philippe Bilger, avait requis vingt ans de prison contre les deux hommes et cinq ans contre l’ancienne prostituée. Pour l’accusation, le trio était ensemble dans la voiture cette nuit de février, parti en virée pour un «plan came».

Petaux était au volant Oulamara, à ses côtés, aurait tiré sur la policière, gratuitement, juste pour briller devant son copain. « Oulamara recherchait l’admiration de Petaux, a assuré l’avocat général. Il voulait faire le beau devant lui. Il était prêt à tout même au crime. »

Accusé d’être le tireur par Oulamara, Petaux n’a jamais avoué et n’a contre lui qu’un témoin fragile, Serge Schoelcher, cambrioleur multirécidiviste, qui l’a vu rentrer à quatre heures du matin Ce qui est loin d’être une preuve d’assassinat. L’avocat général avait avoué : « J’ai une certitude de culpabilité », pour Oulamara, je n’ai qu’une quasi-certitude pour Petaux.

Plaidant l’acquittement la défense avait tenté d’exploiter les fragilités de ce dossier. Me Jean-Yves Leborgne, avocat de Nathalie Delhomme, avait trouvé des mots émouvants, pariant de celle qui, « violée à huit ans par son demi-fière, était devenue pute, puis droguée, pour oublier les hommes qui lui passaient dessus ». Et d’expliquer aux jurés que ses aveux l’innocentaient qu’elle avait été témoin malgré elle, et qu’elle au-rait eu intérêt à se taire si elle avait été impliquée. Les défenseurs de Marc Petaux avaient rappelé que les charges qui pesaient sur leur client étaient faibles. La tâche avait été plus rude pour ceux d’Oulamara qui, chaque jour d’audience passant s’était retrouvé de plus en plus isolé.

La vérité était dans la rue Saint-Denis.

images Sylvie Véran, 17/09/2000

petauxLe verdict est tombé : deux condamnations et un acquittement. Mais le mystère du meurtre gratuit de la gardienne de la paix Catherine Choukroun demeure toujours aussi opaque

Esther ne saura probablement jamais pourquoi sa maman a été assassinée. Pourquoi en cette nuit du 19 au 20 février Î991, deux petits voyous de la rue Saint-Denis, accompagnés d’une prostituée à moitié camée, ont tiré soudain sur une voiture de police, tuant sur le coup la gardienne de la paix Catherine Choukroun, blessant gravement son collègue Emile Hubbel ? Deux tirs de fusil de chasse au canon scié : une morte, un handicapé à vie, un veuf, une orpheline de quatre mois. Pour¬quoi ? Tout au long du procès des « tueurs du périphérique » qui s’est tenu du 6 au 15 septembre devant la cour d’assises de Paris cette question obsédante est restée sans réponse.

Pas de mobile apparent, pas de preuves matérielles, pas d’arme du crime. Un témoignage oculaire déterminant mais qui émane d’une personne décédée aujourd’hui. Soit près de dix ans après les faits, une kyrielle de personnages hauts en couleur mais guère plus crédibles que les trois accusés : c’est avec ce dossier en de nombreux points discutables, qualifié par un avocat de la défense de poignée de sable qui file entre les doigts, que les jurés ont dû se forger une intime conviction. Ces derniers ont reconnu Aziz Oulamara, 39 ans, et Marc Petaux, 41 ans, coupables de l’assassinat de Catherine Choukroun, 27 ans à l’époque, et de la tentative d’assassinat à l’encontre d’Emile Hubbel, 41 ans. Les deux hommes ont pris vingt ans de prison. Tandis que Nathalie Delhomme,35 ans, considérée comme leur complice par l’accusation, a finalement été acquittée.

Mais pour en arriver à ce verdict relativement sévère (les deux hommes risquaient la perpétuité) et motivé par un fort faisceau de présomptions, il aura fallu huit jours de débats fastidieux ponctues de faux rebondissements, de moments de terrible émotion et parfois de rires difficilement contenus. Car c’est une véritable cour des Miracles qui a défilé dans la salle d’audience. Le joli monde de» putes, des julots, des proxos, des maquerelles de la rue Saint-Denis. Aucunement gêné de prêter serment et de mentir illico. Devant le sourire poli de la présidente Martine Varin, le regard passablement agacé de l’avocat général Philippe Bilger, l’air ébahi des parties civiles et la fascination rodée de dégoût d’un public disparate ou brillaient quelques crinières dorées du 2e arrondissement flanqués de petits truands à la mine faussement patibulaire.

Dans le box des accusés, Aziz Oulamara, alias Jacky, et Marc Petaux, dit « le légionnaire ou Marco » tous deux anciens videurs des bordels de la rue Saint-Denis, ressemblent presque à des enfants de chœur. Le premier a le visage pâle et mou, le deuxième, des traits lisses et coupés au couteau. Dés le début de l’audience, ils clament leur innocence et mettent ainsi en place une ligne de défense qui ne variera pas. À leurs côtes, Nathalie Delhomme, 35 ans, chevelure rousse, yeux rougis par les pleurs, et dont le nom de trottoir fut d’abord Chloè, puis Johanna, fait figure de pauvre chose ravagée par des années de passes et de came. Mais elle ait néanmoins trouver le mots pour jurer qu’elle connaît à peine Jacky, qu’elle n’a jamais fréquenté Marco, et qu’elle n’est donc pour rien dans cette affaire. Il est exactement 1h24 du matin, le 20 février 1901, lorsque le poste central de la brigade du périphérique parisien reçoit par radio un appel provenant d’une des équipés de pose et de surveillance de radars. Au micro un homme pleure et s’exprime d’une voie suraiguë et inintelligible. Le standardiste met quelques minutes a comprendre qu’au événement grave vient de se produire sur la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt. Lorsque les secours arrivent sur le ruban de béton désert Il est déjà trop tard. La passagère avant de la voiture de police baigne dans son sang le corps affaissé sur l’épaule du conducteur. Une balle a traversé le cou de Catherine Choukroun de part en part, coupant la carotide et la moelle épinière. Une autre est profondément logée dans l’épaule droite d’Emile Hubbel.

A cet instant commence une enquête qui va durer près de six ans et mobiliser un nombre considérable de policiers. Avant que la brigade criminelle n’arrête enfin les meurtriers présumés de la première femme flic tuée en service.

C’est un chauffeur de taxi qui va permettre de donner dès les premières heures de l’instruction un visage aux assassins. Henri Haïm roule sur le périphérique à hauteur de la porte de Clignancourt lorsqu’il perçoit deux détonations. Quelques secondes plus tard, il voit arriver dans son rétroviseur une petite voiture de couleur sombre dont les feux sont éteints. Celle-ci le dépasse à grande vitesse, se rabat sur la droite et sort rapidement à la porte de Saint-Ouen. A son bord, selon M. Haïm, trois hommes et une jeune femme blonde assise à l’arrière. Le taxi remarque également que le passager avant porte un foulard de type palestinien et semble rire méchamment avec les autres occupants du véhicule.

Un second témoignage, anonyme cette fois, corrobore une partie des déclarations du chauffeur de taxi et indique que la voiture est une 205 GTI de couleur noire, et dont l’immatriculation se termine par « T92 ». Emile Haïm, qui déclare pouvoir reconnaître formellement le porteur du keffieh, décède hélas fin 1992.

Les investigations vont se poursuivre sans qu’un autre élément puisse permettre d’identifier le ou les auteurs des faits. Seule certitude des enquêteurs : il s’agit d’un crime purement gratuit.

Au début du mois de janvier 1997, un informateur dénonce auprès d’un policier de la brigade des stupéfiants de Seine-Saint-Denis deux videurs de la rue Saint-Denis, Patrice et José, ainsi qu’une prostituée prénommée Nathalie. Les vérifications effectuées autour de cette Nathalie révèlent que la jeune femme se nomme Delhomme et qu’elle est impliquée dans le meurtre en 1987 de son ancien souteneur, Abdelouahab Laidoudi, avec un certain Aziz Oulamara. Johanna et Jacky sont arrêtés en juin 1997, puis vient le tour de Marc Petaux – accusé par Johanna – au mois de septembre suivant. Entre¬temps, les premiers suspects Patrice et José, soit José Da Silva, avant-dernier souteneur de Johanna mis en examen avec elle dans l’affaire Laidoudi, sont innocentés.

Comment établir la vérité, déterminer les responsabilités de chacun des membres de ce trio infernal, démêler le magma de leurs mensonges, des aveux et des accusations sans cesse contredits, sinon en se fiant à la rumeur qui dès le lendemain de la folle équipée a commencé à enfler d’un porche à un autre de la rue Saint-Denis. Jacky, le naïf, le gentil, le videur préféré des filles mais aussi l’âme damnée de Marco, l’ex-caporal alcoolique et brutal, ne tient pas sa langue. Jacky « flambe », comme on dit là-bas. H se vante auprès de plu¬sieurs personnes de son entourage : « Marco m’a mis dans la merde » ; « On a flâné une flic » ; « Main¬tenant on n’a plus peur de personne, pas même des condés. » Tandis que Marco, simple videur remplaçant, voit sa réputation de nouveau caïd s’affirmer au fil des ans.

Tout le monde sait en effet dans la rue que le «on» employé par Jacky désigne Marc Petaux. Marco et Jacky sont inséparables. Surtout quand il s’agit de boire plus que de raison et de terroriser passants et clients. Pour plaire à Marco et pour se mettre en valeur auprès de cet homme froid, intelligent, craint des prostituées qu’il n’hésite pas à frapper, Jacky est prêt à faire n’importe quoi. Tout le monde sait aussi qu’il arrive fréquemment aux deux hommes de partir tard dans la nuit avec Johanna vers la porte de Clignancourt pour un « plan came ». Bref, pour l’ensemble des protagonistes de ce centre parisien du tapin, il ne fait aucun doute que les trois amis sont dans le coup du périphérique. Ce secret de Polichinelle gardé durant six ans par plusieurs dizaines d’habitués de la rue Saint-Denis ne serait peut-être jamais parvenu aux oreilles des policiers si une propriétaire de studios d’abattage n’avait décidé un jour de rompre la loi du silence et de balancer le tuyau.

Comme va l’expliquer à la barre Mme Simone, septuagénaire aux liftings avantageants et à la poitrine généreuse, ce tuyau qu’elle avait donné une première fois dès 1992 à un flic de la Mondaine n’est remonté qu’après qu’elle en eut «fait cadeau », le 31 décembre 1996, au fonctionnaire d.es stups de la Seine-Saint-Denis. « Parce que, dit-elle, je voulais que cette femme \puisse enfin reposer en paix. » Pour cause de guerre des po¬lices, l’enquête s’est donc enlisée, pendant que les preuves établissant la culpabilité des accusés, elles, s’envolaient. C’est donc sur la foi de témoins désignés comme « tous plus douteux les uns que les autres » par la défense, et dont certains vont pourtant permettre de dessiner une grande partie de la vérité, qu’une nasse va petit à petit se refermer sur les deux principaux prévenus : Aziz Oulamara désigné par l’accusation comme le tireur, et Marc Petaux, le conducteur, comme son complice.

Le coup de théâtre orchestré par les avocats de Johanna deux jours avant le réquisitoire et les plaidoiries ne changera pas le cours inexorable qu’ont pris les débats. Après avoir affirmé qu’elle était « allongée sur la banquette arrière, totalement défoncée » et qu’elle ne se souvenait plus de ce qui s’était passé, l’ex-prostituée devenue mère d’un petit garçon de 4 ans a demandé à prendre la parole. Devant un auditoire pétrifié par cet imprévisible rebondissement, elle a réitéré en sanglotant ses accusations contre Jacky et entièrement disculpé Marco. Pourquoi ? Mystère. «Je suis persuadé qu’on a une histoire apparente et une histoire qui se trame dans les coulisses de cette cour, a dit l’avocat général. Une histoire qui se passe ailleurs, qui lie les trois prévenus de manière telle que la justice ne peut pour l’instant la démêler. » D’une voix presque inaudible, Johanna a refusé de dire quels en étaient les instigateurs. Puis elle a prononcé cette phrase énigmatique : «Je sais que je dois m’attendre à avoir la vie dure maintenant. »

Aujourd’hui, Nathalie Delhomme est libre. Les avocats de Marc Petaux et d’Aziz Oulamara ont déclaré qu’ils allaient se pourvoir en cassation. Lundi dernier, rue Saint-Denis, quelques prostituées matinales interrogées sur le verdict affirmaient tout à trac n’avoir jamais été au courant de la tenue de ce procès. L’une d’elles, pas toute jeune, en caleçon de cuir et décolleté profond, est soudain sortie de sa réserve et s’est mise à hurler : «J’en n’ai rien à foutre de tout ça. Cela ne me regarde pas. Ce ne sont pas mes affaires ! » Preuve que dans cet immense bordel au cœur de Paris mieux vaut être sourd.

LE TÉMOIGNAGE DU MARI DE LA VICTIME : Dix ans pour une réponse

Mr Choukroun
Mr Choukroun

« Depuis l’assassinat de mon épouse, j’élève notre petite fille qui va avoir 10 ans. Nous menons une vie tranquille, la plus sereine possible, dans ma région d’origine où je me suis retiré après ce terrible événement. Parce qu’il fallait aller jusqu’au bout de la vérité, parce que je me dois d’expliquer un jour à ma fille pourquoi elle a été privée de maman, je suis venu assister à ce procès. Lorsque j’ai vu arriver en face de moi ces trois personnes qui ont totalement détruit ma vie, j’ai eu envie de hurler et de leur sauter dessus. Mais quand on croit comme moi en la justice, il est impossible de manifester sa haine dans un tel lieu. Durant tous les débats, je me suis senti comme paralysé. Figé par une colère intérieure qui montait de jour en jour et que je ne pouvais exprimer.

Cela fait dix ans que je m’interdis d’exploser, que j’attends ce moment où l’on doit m’expliquer pourquoi mon épouse a perdue la vie. Et pour toute réponse, j’ai vu défiler un monde surréaliste, dominé par l’argent sale, la violence, les mensonges. Je n’aurai pas obtenu ce que je cherchais désespérément en venant ici.

Mais depuis la lecture de la sentence, j’ai au moins le sentiment que justice a été rendue. »

Vingt ans pour les assassins de la policière

images fig Philippe du Tanney, 16 et 17/09/2000

Catherine Choukroun (Photo Credo)
Catherine Choukroun (Photo Credo)

Catherine Choukroun avait 27 ans quand elle est morte. Elle venait d’avoir une fille, Estelle, et avait postulé pour un service de nuit afin de mieux s’en occuper. Elle était la plus jeune femme gardien de la paix à être affectée a la compagnie des contrôles radars du boulevard périphérique. Selon l’avocat de sa famille, Me Michèle Launay, Catherine Choukroun était « chouchoutée» par ses collègues et couvée par la hiérarchie car c’était un bon élément. C’est ce Jeune fleuron de la police moderne que des voyous avalent pris par hasard pour cible, dans la nuit du 19 au 20 février 1991. simplement pour assouvir une haine viscérale des représentants de l’ordre.

Hier soir, après huit heures et demie de délibéré, la cour d’assises do Paris, présidée par Mme Martine Varin, a reconnu coupables d’assassinat et do tentative d’assassinat Aziz Oulamara et Marc Petaux et les a condamnés à vingt ans de réclusion criminelle chacun. L’ancienne prostituée Nathalie Delhomme, qui était accusée de complicité, a été acquittée.

Cette nuit de 1991, Catherine Choukroun était assise vers 1 heure à côté de son collègue Emile Hubbel, conducteur d’un break de police stationné au bord de la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt.

Elle s’apprêtait à baisser sa vitre pour répondre à l’automobiliste qui s’était arrêté sur sa droite, apparemment pour demander un renseignement. Deux coups de feu avaient claqué. Tuée sur le coup, par un plomb de chevrotine qui lui avait déchiqueté la moelle épinière, la jeune femme s’effondrait sur son collègue, lui-même blessé à l’épaule par un autre plomb.

La soudaineté de l’attaque et l’explosion des vitres sous les impacts avaient empêché ce dernier de repérer les agresseurs. Le « tuyau » qui mettra, six ans plus tard seulement, les enquêteurs sur la piste des auteurs de ce crime sans mobile apparent n’a pas fini de susciter des polémiques.

En 1997. une prostituée de 35 ans. Nathalie Delhomme, avoue qu’elle était dans la voiture des tueurs. Sur ses indications, le videur d’un immeuble de passe, Aziz Oulamara, alias Jacky, 39 ans, est arrêté. Et raconte la scène. « En voyant les policiers, on a dit.« On va se les faire ! » Il impliquait alors comme tireur Marc Petaux, 41 ans, dit « Marco le légionnaire ». Seul ce dernier niera toujours tout en bloc. Jacky l’aurait accusé uniquement parce qu’il avait rapporté à la police des confidences sur le meurtre d’un souteneur de Nathalie Delhomme…

Me Hervé Temime et Sophie Obadia, les avocats de Marc Petaux, ont plaidé hier son acquittement : « Il n’a aucun alibi parce qu’on le lui demandé six ans après mais il n’avait pas de raison de se trouver dans une voiture avec Nathalie Delhomme, qu’il ne connaissait pas », affirment-ils. « Jamais Marc Petaux, qui est beaucoup plus intelligent que Jacky, n’aurait tiré sur des policiers ou l’aurait laissé faire »,
a plaidé Me Obadia.

Pour Me Temime, le dossier « manque tragiquement de preuves ». Selon l’avocat, Petaux n’est mis en cause pour la nuit du crime qu’essentiellement par Serge Schoeller, un faux témoin, selon lui, qui a une mémoire trop étonnante pour être authentique : « Ce repris de justice, sept fois condamné, prétend six ans plus tard se souvenir heure par heure du jour de sa sortie de prison, le 19 février 1991, alors que cela fait partie de ses nombreux souvenirs de taulard»

L’avocat relève encore que ce témoin capital se trompe dans la description de la voiture avec laquelle Oulamara et Petaux seraient revenus selon lui chez eux, à Saint-Ouen, vers 4 heures, alors que les faits ont eu lieu non loin de là, à une 1 h 20 du matin. Et puis Nathalie Delhomme, tout en confirmant la présence d’Oulamara comme passager et tireur, a affirmé lors d’une précédente audience que Petaux n’y était pas. « Vous ne pouvez risquer de commettre une erreur judiciaire », a lancé Me Temime aux jurés avant de rappeler : « M. l’avocat générale a lui-même reconnu qu’il n’avait pas une certitude absolue contre Marc Petaux. »

En écartant le maximum, la réclusion criminelle à perpétuité. Philippe Bilger avait réclamé vingt ans de réclusion criminelle tant à l’encontre de Marc Petaux, comme coauteur de l’assassinat et de la tentative d’assassinat en tant que conducteur, que du tireur présumé, Aziz Oulamara, en raison de ses faiblesses intellectuelles.

S’attachant à la psychologie des accusés, le magistrat avait estimé qu’il était vraisemblable qu’Oulamara, excité par l’alcool et la drogue qu’il venait d’acheter avec la prostituée héroïnomane, ait voulu épater son mentor et son idole, le « grand Marco ». Mais l’avocat général avait prévenu les jurés que, pour lui, la culpabilité de Petaux était « au pire plausible, au mieux une quasi-certitude ». et qu’il appartenait aux jurés, avant de décider de le condamner, d’avoir une totale conviction.

A l’issue du verdict Me Temime, avocat de Marc Petaux. a annoncé qu’il faisait appel. Depuis juin dernier, la plupart des pourvois en cassation formés contre des verdicts d’assises sont selon la nouvelle loi transformés en appel. Ce qui veut dire que ce procès pourrait de nouveau être repris devant une autre cour d’assises.

Condamnés à 20 ans

logo france soir Olivier Pelladeau, 16/09/2000

Les tueurs présumés du périph ont nié jusqu’au bout le meurtre de la policière Catherine Choukroun

Après plus de 7 heures de délibéré jusqu’à tard dans la soirée et dans le calme, Aziz Oulamara et Marc Petaux ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de la policière Catherine Choukroun. Nathalie Delhomme, elle, considérée comme complice, a été acquittée. La famille Choukroun, très émue, et Emile Hubel, le collègue survivant, ont exprimé leur «soulagement» et leur «apaisement».

Aux jurés de la cour d’assises de Paris qui se retiraient pour délibérer, Marc Petaux et Aziz Oula¬maja, ont juré « devant Dieu » leur innocence. Une dernière fois hier, Nathalie Delhomme a assuré qu’elle avait dit « ce qu’elle savait »: en substance, elle n’a pas couvert Petaux en affirmant que celui-ci n’était pas avec elle et Oulamara dans le trio qui a tiré sur une patrouille de police, le 20 février 1991 sur le boulevard périphérique à la porte de Clignancourt.

On veut faire de Marc Petaux un violent sans scrupule, exerçant un ascendant sur Oulamara. Et son avocat Me Hervé Temime, après la défense d’Oulamara, d’agiter le spectre de l’erreur judiciaire. « Faute de certitude, acquittez-le ! Les charges sont incroyablement discutables. Même l’accusation ne parle que de quasi-certitude. »

«Business»

Dans la galerie des maquerelles et petits truands qui sont folkloriquement passé à la barre, Me Temime a fait notamment un sort particulier au témoignage alambiqué du « fourgue » Serge Schoeller, affirmant quitter Aziz et Marc rue Saint-Denis à minuit un quart le 19 février, et les retrouver à 4h le lendemain, près de la 205 du crime devant le pavillon des Oulamara.

« Il faut savoir rester modeste, dans ce dossier », a surenchérit Me Sophie Obadia cherchant à dissocier Petaux du « clan Oulamara ». « Petaux a oublié ce qu’il faisait le 19 février 1991 au soir. Cela n’en fait pas un coupable. » Jeudi soir, Me Jean-Yves Le Borgne, revisitant 12 ans d’une vie misérable de prostitution et de drogue pour oublier « les hommes qui lui passaient des¬sus », avait aussi plaidé l’acquittement pour Nathalie Delhomme, « simple témoin des faits ».

« Pour qu’une fois dans sa vie, on ne la traite pas comme une moins que rien, comme celle dont la parole ne vaut rien. » Il aura été entendu.

20 ans pour le meurtre de la policière.

logo-liberation-311x113Patricia Tourancheau

A l’issue de huit heures et demie d’un délibéré compliqué par l’absence de preuves matérielles, les neuf jurés et les trois magistrates ont acquitté Nathalie Delhomme, 35 ans, l’ancienne prostituée, «Joanna», du crime de complicité. Elle seule avait avoué sa présence dans la voiture, mais «à l’arrière, allongée, défoncée» à cause d’un snif d’héroïne, réveillée par «le courant d’air frais» provoqué par le passager avant droit, «Jacky» Oulamara, qui remonte sa vitre après les coups de feu. Les jurés n’ont pas cru qu’elle avait lancé: «Vas-y, allume les flics!», phrase que lui imputait Oulamara. La veille, l’avocat général, Philippe Bilger, avait retenu ces mots sans trop y croire, pour étayer une complicité «dérisoire», faute de pouvoir requalifier en «non-dénonciation de crime», et il avait requis une peine indulgente de cinq ans maximum. Ainsi, l’ex-pute toxico et endurcie de la rue Saint-Denis, qui s’est extirpée du milieu et de la came pour monter une boîte de retouches à la campagne, peut retrouver Tony, son fils de 4 ans.

Le doute n’a pas profité à l’accusé Marc Pétaux, 41 ans. Il a toujours juré que le meurtre gratuit de la policière de la paix, «ce n’est pas son boulet». Avant le délibéré, son avocate, Sophie Obadia, avait tenté de démontrer que «Marco», dont le casier judiciaire révèle des délits «utilitaires et lucratifs», n’a rien d’un type qui va aller faire «un carton» sur les flics: «Justement, si Marc Pétaux avait été conducteur de la voiture ce soir-là, au côté d’Aziz Oulamara, ça ne se serait pas passé comme ça! A la vue d’un véhicule sérigraphié de police, sur la bretelle d’accès au périphérique, Pétaux aurait accéléré et détalé, lui qui cherche à éviter les condés.» Me Obadia avait contrecarré la théorie de l’avocat général qui, la veille, avait expliqué le geste gratuit d’Oulamara comme «la traduction criminelle du jeu des enfants « t’es pas cap », pour forcer l’admiration de son mentor Pétaux». L’avocate s’était énervée sur la prétendue «nécessité psychologique» de l’un avec l’autre pour commettre ce crime: «Non, Oulamara n’est pas le factotum et le chien fou de Pétaux, mais le fou de toute la rue Saint-Denis, surnommé « Jacky la Grande Bouche », pour en rajouter, se vanter.» Puis, son second avocat, Hervé Témime, avait prédit une «erreur judiciaire en cas de condamnation», stigmatisé «le tragique manque de preuves» et démonté «les charges non seulement insuffisantes, mais incroyablement discutables» contre Marc Pétaux. Il avait balayé les «rumeurs» de la rue Saint-Denis et attaqué le témoignage à charge de Serge Schoeller, «multirécidiviste repris de justice» qui, le 19 février 1991, sort pour la septième fois de prison à l’âge de 31 ans et «se souvient soi-disant à la seconde, six ans et demi après les faits, du déroulé de la journée. Tu parles!» s’était exclamé Me Témime. A ces mots, sur les bancs du public, José Da Silva, ex-souteneur de la coaccusée «Joanna», petit mac gominé, assidu pendant les huit jours d’audience, a rigolé. Il s’est tourné vers Madjid Oulamara, le petit frère d’Aziz, d’un air entendu. Yasmina Oulamara, éducatrice de jeunes enfants, qui câlinait sa fillette de 4 ans sur ses genoux, envoyait des baisers à son frère aîné Aziz, qui se trouvait bien seul dans le box des accusés. Comme il a été seul à être le coupable évident dans la fameuse «petite voiture noire» repérée après les coups de feu porte de Clignancourt. Me Témime avait semé le doute sur le véhicule suspect: une 205 Peugeot noire ou une Austin Metro? Un chauffeur de taxi et un automobiliste anonyme, tous deux témoins des faits, ainsi que les renseignements de «Madame Simone» ont aiguillé plutôt sur la voiture de «Joanna», l’Austin. Or, pour le témoin à charge Schoeller, le tandem Pétaux-Oulamara serait rentré à Saint-Ouen à bord d’une «205 Peugeot», «entre 3 h 30 et 4 h 30 du matin», alors que le crime du périphérique a eu lieu cette même nuit à 1 h 24. Le conducteur du taxi, lui, avait vu la voiture suspecte, juste après les détonations, sortir porte de Saint-Ouen, à quelques encablures de là. «Alors, ce que voit Schoeller, au mieux 2 heures et 6 minutes après le meurtre, ce n’est pas le retour des tueurs», dit Me Témime, qui avait réclamé l’acquittement de Pétaux, en vain.

⇒ Voir l’article

Crime du periph : l’heure des comptes

logo france soir Olivier Pelladeau, 15/09/2000

L’assassinat de la policière Catherine Choukroun et la tentative contre son coéquipier Emile Hubbel, sur le boulevard périphérique, le 20 février l991? «Un acte antisocial, un jeu tragiquement gratuit, la traduction criminelle du «t’es pas cap » des enfants ».

Au terme de sept audiences, l’avocat général Philippe Bilger a distribué les rôles. Il a requis hier, devant la cour d’assises de Paris, vingt ans de réclusion criminelle contre les videurs d’immeubles de passes Aziz Oulamara et Marc Petaux, et au plus cinq ans contre l’ex-prostituée Nathalie Delhomme.

Manipulation

On attendait de voir quelle lecture ferait l’avocat général du revirement de mercredi, Delhomme revenant finalement à ses aveux en garde à vue : elle était présente dans la 205 des criminels, à l’arrière, camée. C’est Oulamara qui a tiré. Elle ignore qui conduisait mais ce n’est pas Petaux.

«Manipulation», a balayé hier Philippe Bilger, qui sent dans ce procès une histoire apparente et une histoire cachée, expliquant les revirements au gré des implications respectives dans d’autres affaires. Lui a I la certitude qu’Aziz Oulamara, lâché par ses coaccusés, est le tireur », « au mieux la quasi-certitude » que Marc Petaux conduisait la 205, et l’idée que Nathalie Delhomme, consciente et complice, encourageait depuis le siège arrière.

« Oulamara sans Petaux, il n’y a pas d’acte criminel. Car il fallait à Oulamara, chien fou pétri d’admiration, être sous le regard de l’autre», ce Petaux brutal, voleur, jouisseur, qui nie aujourd’hui jusqu’à des faits prouvés, parce que lâcher une miette reviendrait à s’impliquer.

L’avocate de la famille Choukroun avance qu’il s’agissait pour les deux d’un rite de passage pour prendre du galon dans le milieu.

Nier, c’est oublier les vantardises d’Aziz dans la rue Saint- Denis (« On a fumé un flic ») ou les propos « crédibles » d’un fourgue. Le gardien Emile Hubbel, selon son avocat, Me Maugendre, « revoit, lui, depuis dix ans, des silhouettes dans une voiture sombre, entend deux coups de feu, découvre sa collègue en sang… il attend la vérité ».

Le verdict, prononcé aujourd’hui, en apportera une, après les plaidoiries de la défense commencées hier soir.

Le poignant témoignage du mari de la policière

«Après cette bombe atomique, il y a ma deuxième vie, plus triste, plus dure. Celle d’un homme seul avec une fille de six mois à l’époque. Si Estelle n’avait pas été à mes côtés, je ne serais plus là Je serais devenu fou. Elle m ’a sauvée. » Tard mercredi soir, Gilles Choukroun, 42 ans, est venu confier aux jurés son remords et son désespoir après l’assassinat de son épouse policière. Il tapote la barre, s’arrête au cœur d’une phrase et glisse, effondré, que si Catherine a passé le concours de gardien, c’est après qu’il a vu par hasard une annonce à la Préfecture. Il lui en parle, comme ça. pie enregistre, postule. Fini les petits boulots, le secrétariat médical, l’école Pigier. « Elle voulait un travail actif. La police l’a changée. C’était une fille sportive, généreuse. C’était une vie simple, heureuse. J’étais employé de banque. Elle aimait son métier, ses collègues. Elle voulait progresser, passer officier. »« Le 20 juillet je me suis réveillé à 5 heures. Dans le brouillard, j’ai vu le gyrophare d’une voiture de police. Je revois sa chef, qui n’ose me dire que Catherine est morte. Le monde s’écroulait je tremblais, j’ai pensé à notre fille endormie au-dessus. » Près de lui, le gardien survivant Hubbel sanglote, encore bouleversé par l’audition de l’enregistrement du trafic radio du 20 février. Quatre minutes irréelles. Blessé, pleurant, sa collègue agonisante sur l’épaule, Hubbel appelle des renforts. Le central croit à une blague avant de réaliser.

Avocat