Vingt ans pour les assassins de la policière

images fig Philippe du Tanney, 16 et 17/09/2000

Catherine Choukroun (Photo Credo)
Catherine Choukroun (Photo Credo)

Catherine Choukroun avait 27 ans quand elle est morte. Elle venait d’avoir une fille, Estelle, et avait postulé pour un service de nuit afin de mieux s’en occuper. Elle était la plus jeune femme gardien de la paix à être affectée a la compagnie des contrôles radars du boulevard périphérique. Selon l’avocat de sa famille, Me Michèle Launay, Catherine Choukroun était « chouchoutée» par ses collègues et couvée par la hiérarchie car c’était un bon élément. C’est ce Jeune fleuron de la police moderne que des voyous avalent pris par hasard pour cible, dans la nuit du 19 au 20 février 1991. simplement pour assouvir une haine viscérale des représentants de l’ordre.

Hier soir, après huit heures et demie de délibéré, la cour d’assises do Paris, présidée par Mme Martine Varin, a reconnu coupables d’assassinat et do tentative d’assassinat Aziz Oulamara et Marc Petaux et les a condamnés à vingt ans de réclusion criminelle chacun. L’ancienne prostituée Nathalie Delhomme, qui était accusée de complicité, a été acquittée.

Cette nuit de 1991, Catherine Choukroun était assise vers 1 heure à côté de son collègue Emile Hubbel, conducteur d’un break de police stationné au bord de la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt.

Elle s’apprêtait à baisser sa vitre pour répondre à l’automobiliste qui s’était arrêté sur sa droite, apparemment pour demander un renseignement. Deux coups de feu avaient claqué. Tuée sur le coup, par un plomb de chevrotine qui lui avait déchiqueté la moelle épinière, la jeune femme s’effondrait sur son collègue, lui-même blessé à l’épaule par un autre plomb.

La soudaineté de l’attaque et l’explosion des vitres sous les impacts avaient empêché ce dernier de repérer les agresseurs. Le « tuyau » qui mettra, six ans plus tard seulement, les enquêteurs sur la piste des auteurs de ce crime sans mobile apparent n’a pas fini de susciter des polémiques.

En 1997. une prostituée de 35 ans. Nathalie Delhomme, avoue qu’elle était dans la voiture des tueurs. Sur ses indications, le videur d’un immeuble de passe, Aziz Oulamara, alias Jacky, 39 ans, est arrêté. Et raconte la scène. « En voyant les policiers, on a dit.« On va se les faire ! » Il impliquait alors comme tireur Marc Petaux, 41 ans, dit « Marco le légionnaire ». Seul ce dernier niera toujours tout en bloc. Jacky l’aurait accusé uniquement parce qu’il avait rapporté à la police des confidences sur le meurtre d’un souteneur de Nathalie Delhomme…

Me Hervé Temime et Sophie Obadia, les avocats de Marc Petaux, ont plaidé hier son acquittement : « Il n’a aucun alibi parce qu’on le lui demandé six ans après mais il n’avait pas de raison de se trouver dans une voiture avec Nathalie Delhomme, qu’il ne connaissait pas », affirment-ils. « Jamais Marc Petaux, qui est beaucoup plus intelligent que Jacky, n’aurait tiré sur des policiers ou l’aurait laissé faire »,
a plaidé Me Obadia.

Pour Me Temime, le dossier « manque tragiquement de preuves ». Selon l’avocat, Petaux n’est mis en cause pour la nuit du crime qu’essentiellement par Serge Schoeller, un faux témoin, selon lui, qui a une mémoire trop étonnante pour être authentique : « Ce repris de justice, sept fois condamné, prétend six ans plus tard se souvenir heure par heure du jour de sa sortie de prison, le 19 février 1991, alors que cela fait partie de ses nombreux souvenirs de taulard»

L’avocat relève encore que ce témoin capital se trompe dans la description de la voiture avec laquelle Oulamara et Petaux seraient revenus selon lui chez eux, à Saint-Ouen, vers 4 heures, alors que les faits ont eu lieu non loin de là, à une 1 h 20 du matin. Et puis Nathalie Delhomme, tout en confirmant la présence d’Oulamara comme passager et tireur, a affirmé lors d’une précédente audience que Petaux n’y était pas. « Vous ne pouvez risquer de commettre une erreur judiciaire », a lancé Me Temime aux jurés avant de rappeler : « M. l’avocat générale a lui-même reconnu qu’il n’avait pas une certitude absolue contre Marc Petaux. »

En écartant le maximum, la réclusion criminelle à perpétuité. Philippe Bilger avait réclamé vingt ans de réclusion criminelle tant à l’encontre de Marc Petaux, comme coauteur de l’assassinat et de la tentative d’assassinat en tant que conducteur, que du tireur présumé, Aziz Oulamara, en raison de ses faiblesses intellectuelles.

S’attachant à la psychologie des accusés, le magistrat avait estimé qu’il était vraisemblable qu’Oulamara, excité par l’alcool et la drogue qu’il venait d’acheter avec la prostituée héroïnomane, ait voulu épater son mentor et son idole, le « grand Marco ». Mais l’avocat général avait prévenu les jurés que, pour lui, la culpabilité de Petaux était « au pire plausible, au mieux une quasi-certitude ». et qu’il appartenait aux jurés, avant de décider de le condamner, d’avoir une totale conviction.

A l’issue du verdict Me Temime, avocat de Marc Petaux. a annoncé qu’il faisait appel. Depuis juin dernier, la plupart des pourvois en cassation formés contre des verdicts d’assises sont selon la nouvelle loi transformés en appel. Ce qui veut dire que ce procès pourrait de nouveau être repris devant une autre cour d’assises.