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« Un meurtre gratuit, je ne peux l’admettre »

logoParisien-292x75 Nelly Terrier, 12/09/2000

MADAME SIMONE, la proxénète qui a dénoncé les tueurs d’une policière

MADAME SIMONE, 71 ans, s’avance à la barre des témoins d’une démarche chaloupée. Étrange créature que cette septuagénaire à la poitrine imposante et à la chevelure d’ébène. Elle porte un gilet d’homme sur un chemisier à fleurs, un jean tombant sur des mocassins et en bandoulière, un mini-sac à main. Ce qui frappe le plus, lorsqu’elle s’avance à la barre des témoins, c’est son visage à la carnation presque transparente. Et au milieu de traits tirés et émaciés, ses deux yeux noirs et mobiles.

17 heures hier, devant la cour d’assises de Paris, tout le monde retient son souffle. Madame Simone vient témoigner au quatrième jour du procès d’Aziz Oulamara, Marc Petaux et Nathalie Delhomme, accusés tous les trois de l’assassinat de Catherine Choukroun, une policière de 27 ans tuée en février 1991 porte de Clignancourt à Paris, sur le périphérique. Ce n’est un secret pour personne — un policier l’a confirmé à l’audience jeudi dernier — qu’elle est à l’origine du « tuyau » qui a donné les accusés à la police. Ce qui, dans le milieu de la rue Saint-Denis, équivaut à une trahison. Mais-Madame Simone, qui habite, dans les beaux quartiers de Neuilly-sur-Seine grâce au fruit de vingt ans de travail dans le monde de la prostitution, a sa morale : « Ce meurtre serait un règlement de comptes, je n’aurais rien dit Mais un meurtre gratuit pour s’amuser, je ne peux l’admettre. Je fais cela pour cette dame qui avait un enfant. Pour qu’elle dorme en paix On me croit ou non, je suis honnête à ma façon. »

« Il faudra le prouver »

Et la « tenancière » comme elle se nomme elle- même, incarcérée en 1998 pour proxénétisme parce qu’elle percevait les loyers de treize studios, se met à raconter. Une nuit où elle travaillait à « encaisser les prostituées », Oulamara, qui était videur rue Saint-Denis et qu’elle connaissait depuis longtemps, lui fait des confidences. « Il n’arrêtait pas de répéter -.Je suis pire qu ’un tireur d’élite, à 100 à l’heure je vise la tête. C’était pour lui une obsession et comme j’ai fini par m’énerver, il m’a annoncé : Si tu ne me crois pas, demande à Marco. » « Et Marco, c’est Petaux ? » demande la présidente. « Bien sûr, rétorque Madame Simone. Ils étaient copains, toujours .ensemble. Petaux était dealer rue Saint-Denis à l’époque. Sur le coup, je n’ai pas fait le rapprochement avec le meurtre de la policière. Mais assez vite, il y a eu des policiers partout dans le coin. Je me suis renseignée, ils recherchaient une voiture qui pourrait être liée à l’affaire de Clignancourt »

Madame Simone mène alors l’enquête. Les rumeurs de la me attribuent le coup à Petaux et Oulamara. Elle note l’immatriculation de la voiture utilisée alors par Petaux Un numéro qui se termine par T 92, comme celui décrit par un témoin du meurtre de la policière. « Je n’étais pas sûre que c’était eux Alors j’ai demandé à Jacky (le surnom de Oulamara) : L’affaire de Clignancourt, c’est toi, hein ?» « Oui, mais ça faudra le prouver », lui aurait-il alors répondu

Madame Simone se confie alors à un flic quelle connaît bien. Mais il lui déconseille de parler sous peine de ne plus pouvoir travailler me Saint-Denis. Ce n’est que six ans plus tard qu’elle donne son renseignement à un policier des stups qui, lui, saura en faire usage.

Aux assises de Paris, les confessions de « Madame Simone»

index Jean-Michel Dumay, 12/09/2000

Surnommée la « PDG de la rue Saint-Denis », Simone Darridon renseigna la police sur l’assassinat de la policière Catherine Choukroun, sur le périphérique, en 1991.

Au procès de l’assassinat de Catherine Choukroun, policière tuée sur le périphérique parisien, en 1991, Simone Darridon, soixante et onze ans, patronne de studios de prostitution et indicateur de police, est venue raconter, lundi 11 septembre, dans quelles conditions elle avait fourni, juste après le meurtre. L’information qui allait aboutir, six ans plus tard, à l’arrestation des trois personnes aujourd’hui dans le boxe des accusés. Cette déposition de « Madame Simone » a permis de mieux faire comprendre le subtil jeu de donnant-donnant entre la brigade de répression du proxénétisme et le monde de la prostitution. « Dans la rue Saint-Denis, rares sont les studios qui n’ont pas de protection, tout le monde le sait! », a-t-elle affirmé. Entendu, l’ancien patron de la « mondaine », a jugé ces pratiques acceptables « si au bout du compte le bilan est positif pour le service public »

A LA BARRE, convoquée comme témoin, Simone Darridon, soixante et onze ans, en paraissant dix de moins dans sa livrée de jean et de cuir, ne déclare pas de profession. Tout juste cette petite femme carrée aux cheveux noirs et au torse imposant parle-t-elle, entre les lignes de sa déposition, de ses « petites affaires » d’hier, dont l’un des accusés mentionna qu’elles lui valaient, ces dernières années, dans les quartiers chauds de Paris, le surnom de « PDG de la rue Saint-Denis».

Mme Darridon, pour la rue « Madame Simone », ancienne prostituée et tenancière de plusieurs studios de prostitution, fut à l’origine du « tuyau » finalement communiqué à l’aube de 1997 aux limiers de la brigade criminelle chargés d’enquêter sur l’assassinat de Catherine Choukroun, cette jeune gardien de la paix abattue en février 1991 d’une décharge de chevrotine alors qu’elle effectuait, avec un collègue, la nuit, de banals contrôles de vitesse sur le boulevard périphérique (Le Monde des 8 et 9 septembre).

Quoique erroné sur nombre de points, le renseignement, qui visait deux « videurs » d’immeubles et une ancienne prostituée toxicomane, permit finalement l’arrestation d’Aziz Oulamara, Marc Petaux et Nathalie Delhomme, qui comparaissent aujourd’hui aux assises, à Paris, avec, essentiellement contre eux, un entrelacs de déclarations de prostituées, tenancières, « julots », malfrats et autres voyous.

La raison d’un tel cadeau à la police ? « C’est un crime qui n’est pas excusable », assure le témoin, d’une voix sourde, évoquant l’acte insensé, gratuit, qui aurait été commis, selon son renseignement, sur les chemins d’un « plan de came ». « Si c’était un règlement de comptes, je la fermerais. Mais je fais ça pour cette dame [Catherine Choukroun], qu’elle dorme en paix. On n’a pas le droit de tuer, comme ça, pour rigoler. »

UN SOIR DE LIBATIONS

Face à la rumeur vertueuse, la défense bruit déjà d’une indignation à peine contenue lorsque Mme Darridon, devançant les critiques, précise, presqu’en s’excusant : « Oh ! Mais ma parole ne vaut pas grand-chose, vous savez. Je ne suis qu’une tenancière. On me traite de »balance«. Pourtant, j’ai toujours été honnête dans mon genre. » L’avocat général Philippe Bilger, qui devra bientôt sceller son accusation : « Moi, je vous crois. »

Ainsi, Mme Darridon affirme, entre autre, qu’Aziz Oulamara, un soir de libations, et bien d’autres, lui a déclaré, gestuelle à l’appui : « Moi, je suis pire qu’un tireur d’élite. Moi, je vise la tête. A cent à l’heure, je te mets une balle dans la tête. Si tu me crois pas, demande à Marco [Marc Petaux] . » Aziz Oulamara vitupère. « C’est une affaire d’argent ! Elle a livré de fausses informations pour garder ses studios ! » La défense rappelle : cinq à six studios sur les deux cents répertoriés rue Saint-Denis, d’autres rue Lebel, de cinq à dix filles par studio (des maliennes, surtout), de 8 à 10 000 francs mensuels par fille, soit 700 000 francs encaissés chaque mois, selon l’accusé. Ce qui, évidemment, représente plus que le RMI aujourd’hui annoncé.

Pressée de questions, elle concède bien : Mais elle nie avoir parlé donnant-donnant. D’ailleurs, en 1998, elle a été interpellée par la brigade de répression du proxénétisme (BRP, ex-« mondaine»), et mise en examen pour proxénétisme aggravé, alors que l’instruction de l’affaire Choukroun n’était pas achevée. A ce sujet, on la dit victime d’une guerre des polices : la crime contre la mondaine, cette même « mondaine » auprès de qui elle affirme avoir donné, juste après les faits, en 1991, le renseignement de 1997, sans qu’il ait été exploité.

« Trouvez-vous scandaleux qu’on fasse preuve de tolérance à l’égard d’un informateur ? », demande l’avocat général au commissaire Yves Castano, patron de la BRP de 1994 à juin 2000. « Non, si au bout du compte le bilan est positif pour le service public », répond celui-ci, pragmatique, en confirmant que Simone Darridon fut, « pendant un certain nombre d’années », « un indic » pour son service. Avant qu’elle ne soit répudiée, vers 1994, pour inefficacité et manque de discrétion.

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Le lourd passé des tueurs présumés de la policière

logoParisien-292x75 Nelly Terrier, 09/09/2000

JOSE DA SILVA, dit « le Gitan », porte beau : cheveux noirs lustrés, belle gueule de mâle méditerranéen, habits soignés. Hier à la barre des témoins de la cour d’assises de Paris, « le Gitan » qui a passé treize ans de sa vie derrière les barreaux pour proxénétisme, stups et vols, qui font de lui un voyou de 36 ans, parle haut et raconte avec culot que s’il n’avait pas eu « la chance » d’être incarcéré le jour de la mort de Catherine Choukroun — la femme policière tuée sur le périphérique la nuit du 11 au 12 février 1991 — il serait « probablement dans le box des accusés avec eux ». José Da Silva montre alors d’un ample geste de la main, les trois individus assis entre les gendarmes : Nathalie Delhomme — son ex-prostituée —, Aziz Oulamara et Marc Petaux, deux videurs de la rue Saint-Denis, tous trois poursuivis pour l’assassinat de la jeune gardienne de la paix.

Voilà donc un procès où la défense des accusés cite comme témoin de moralité « un mac » sorti de prison il y a quelques mois et qui livre un récit où les jurés sont invités à croire que, si « ses amis sont en tôle » aujourd’hui, ils le doivent à des aveux extorqués par les policiers sous les coups et les menaces.

Duo de choc de la rue Saint-Denis

Pourtant Nathalie Delhomme, visage de lionne fatigué, apparaît au fil des témoignages comme une prostituée à la redresse, n’hésitant pas à braquer des dealers pour se fournir en came, traficotant elle-même auprès de ses congénères du trottoir, et mise en examen dans un autre dossier — avec Oulamara et José le Gitan — pour l’assassinat de son ancien protecteur.

Oulamara et Petaux ne sont pas en reste. Duo de choc de la me Saint- Denis, sous l’emprise de l’alcool le plus souvent ils ont inventé le jeu du lance-flammes qui consiste à brûler des clients avec un aérosol auquel ils mettent le feu. « Un soir, l’un d’eux a cassé ma vitrine à coups de pied en rigolant gratuitement », rapporte, du bout des lèvres, un cafetier encore impressionné par les deux hommes. « Ils terrorisaient la rue, cherchaient la bagarre », livre un autre commerçant.

Des destins à l’opposé de celui de Catherine Choukroun évoqué la veille lorsque Gilbert Le Roy, son supérieur hiérarchique, était venu parler de la jeune gardienne de la paix disparue. « Elle travaillait de 20 heures à 3 h 30 du matin chaque nuit avait-il livré d’une voix contenue. A son retour de congé maternité, quelques mois avant sa mort, elle avait demandé à reprendre ce service de terrain pour garder elle- même sa fille dans la journée et s’éviter les frais de nourrice. Un travail dur, à placer et surveiller les radars sur le périphérique, été comme hiver. »

Ces vies si dissemblables se sont-elles tragiquement croisées, cette nuit de février 1991 ? Trois policiers de la brigade criminelle sont venus raconter comment grâce à un tuyau de mère maquerelle, ils avaient patiemment retrouvé les accusés d’aujourd’hui, des années après les faits et recueilli — à l’exception de Petaux — leurs aveux. Des aveux que contestent aujourd’hui les accusés.

Aux assises de Paris le poids des « bruits » de la rue Saint-Denis

index Jean-Michel Dumay, 08/09/2000

C’EST une déposition de fin d’audience, tard le soir, quand la fatigue guette l’entendement des jurés. Le policier « ne veut pas en faire un secret ». Contrairement à ses collègues de la brigade criminelle, avant lui, qui, par une pudeur toute professionnelle, ont avancé la protection des sources anonymes, Henri Seghair, capitaine de police, explique à la cour d’assises de Paris, jeudi 7 septembre, la genèse du « tuyau » qui relança, en 1997, l’affaire de l’assassinat de la femme policier sur le périphérique, en février 1991, à Paris. Un crime mystérieux ( Le Monde du 8 septembre), dont Emile Hubbel, policier blessé, a conservé le seul souvenir d’un « petit véhicule » approchant au ralenti, puis, quelques secondes plus tard, du poids du corps de sa collègue, Catherine Choukroun, s’affaissant sur lui, mortellement touchée par une décharge de chevrotines.

Le soir de la Saint-Sylvestre 1996, dans un restaurant, raconte posément M. Seghair, « Simone » (Simone Darridon, alias « Madame Simone ») presque septuagénaire, dont il ignorait, dit-il, le passé de prostituée et la lucrative activité de location de studios rue Saint-Denis, lui confie à titre amical « des éléments pour identifier les auteurs de l’assassinat ». « Ce n’est pas une histoire de protection policière, comme on a pu le dire », affirme le policier, qui officiait aux « stups » en Seine-Saint-Denis. « Elle m’a dit :» Tiens, je vais te faire un cadeau«. »

Parmi ces éléments : l’information selon laquelle deux « videurs » d’un immeuble de la rue Saint-Denis, déjà mêlés à l’assassinat d’un proxénète, en 1987, auraient été impliqués : un certain José, Portugais, et un Patrice, le tireur, accompagné d’une « Johanna », prostituée, que « Simone » aurait revue rue Saint-Denis, près de la voiture volée, dont elle a relevé, par la même occasion, l’immatriculation.

« Simone m’a indiqué qu’elle avait d’ailleurs déjà fourni ces renseignements, en 1991, peu de temps après les faits, à un fonctionnaire de la brigade de répression du proxénétisme. Il l’avait alors envoyée promener… » Et effectivement, constata la brigade criminelle, jamais le tuyau n’était « remonté ».

Six ans après les faits, le même renseignement allait permettre aux enquêteurs de tisser la trame de délicates et fragiles investigations, pour l’essentiel reposant sur des témoignages d’anciennes prostituées, de videurs, de malfrats, d’anciens codétenus : « les bruits », dit un directeur d’enquête, dont regorge « en permanence » la rue Saint-Denis. Alors la défense, sans attendre : « Quelle crédibilité leur accorder ? »

« ELLE A PLEURÉ»

Identifiée comme étant « Johanna », Nathalie Delhomme, ancienne prostituée trentenaire, a été arrêtée en juin 1997, chez sa sœur, dans le Vercors. « Elle était devenue une mère de famille, constate l’enquêteur qui a procédé à son interpellation. Elle avait manifestement rompu avec son passé», tout entière à son enfant d’un an et demi. « Quand je lui ai parlé de [la policière décédée] et de son bébé, elle a pleuré. »

En cinq auditions de garde à vue, la jeune femme a progressivement reconnu avoir été dans la voiture le soir des faits, à l’arrière, « défoncée par la came » : souvenirs flous d’un événement inattendu, d’une bouffée d’air soudaine, d’une fenêtre remontée par le passager avant, de lampadaires défilant à grande vitesse. Alors, elle a livré le nom d’Aziz Oulamara, un ancien « videur », à la place du passager. Il portait un foulard palestinien, comme en vit l’un des rares témoins, ce soir-là, dans une voiture suspecte. Jamais cependant, elle ne donna celui du conducteur. Ni celui de Marc Petaux, troisième accusé, auquel on oppose son ascendant, à l’époque, sur Aziz Oulamara.

Puis Nathalie Delhomme s’est rétractée, après avoir brièvement rencontré ce dernier, à l’issue de sa garde à vue et hors procédure. « Nathalie était redevenue Johanna », constate un policier. De simple témoin, elle s’est retrouvée complice présumée, détenue aujourd’hui depuis trois ans. Delhomme, Oulamara, Petaux : c’est notre « conviction policière », avancent les enquêteurs à la barre. Mais « qu’est-ce qu’une conviction policière ? » questionne la présidente, chargée, avec ses assesseurs et le jury, d’établir une vérité judiciaire.

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Deux coups de feu, une morte et trois suspects qui nient

logo-liberation-311x113 Patricia Tourancheau, 08/09/2000

La reconstitution du meurtre de la policière s’avère difficile

IMG_2081Une petite voiture noire, un passager avec un keffieh, une femme blonde, un bout d’immatriculation «… T 92», un tuyau sur une prostituée, «Choupette», et six années de recherches vaines pour le meurtre de la gardienne de la paix Catherine Choukroun à Paris, le 20 février 1991 à lh24 du matin. Les policiers de la brigade criminelle ont retracé hier l’enquête chaotique et exsangue d’éléments matériels qui les a menés à l’ex- prostituée Nathalie Delhomme alias «Johanna» (35 ans), jugée comme complice. Et à deux anciens videurs d’un immeuble de passe rue Saint-Denis: Aziz Oulamara dit «Jacky» (39 ans) et Marc Pétaux (41 ans), tous deux accusés de l’assassinat de la première femme-flic tuée en service en France, et de tentative de meurtre sur son coéquipier Emile Hubbel.

Témoin.

Ce brigadier «planque» ce soir- là aux côtés de Catherine Choukroun dans le véhicule de police stationné sur la bretelle d’accès au périphérique, Porte de Clignancourt. Ils surveillent un radar. Dans son rétroviseur, Emile Hubbel a juste aperçu «une petite voiture ralentir et s’approcher par la droite, comme pour demander un renseignement»: deux coups de feu et sa collègue meurt à ses côtés. Seul, un chauffeur de taxi, Haïm, témoigne qu’après les deux détonations, il est «doublé par une petite voiture noire, nerveuse et puissante, de même catégorie qu’une R5 ou une Austin Métro qui roule à 100- 120 km/h tous feux éteints», avec à bord: «A l’arrière, un homme et une fille de 20-25ans aux cheveux blonds, et à l’avant, un passager brun aux sourcils fournis avec, autour du cou, un foulard de type palestinien à carreaux rouges et blancs.» Le témoin, décédé depuis, avait été «frappé par le rictus de son visage qui exprimait le dédain, la haine, le mépris et la méchanceté. La voiture a emprunté la sortie Porte de Saint-Ouen».

A l’époque, Oulamara héberge, dans son pavillon à Saint-Ouen, Pétaux, qui vit avec sa sœur Zina. Un anonyme incrimine aussi un petit véhicule immatriculé «…T 92». Contrôle des 480 automobilistes flashés la nuit du crime, des voitures «.. .T 92» de couleur foncée, de mille et un tuyaux percés, de voleurs et cambrioleurs gitans. En vain. Me Hervé Témime, qui défend «l’innocence» revendiquée de Pétaux, monte à l’assaut du commissaire Guillet de la brigade criminelle. Pour l’avocat, l’heure du crime, lh24, et celle avancée par Haïm, le taxi, lh45,ne collent pas. Mais pour le commissaire: «A lh45, sur le périph, il y avait plein de voitures de secours et de police, le taxi n’aurait pas manqué de les voir.» A la barre, le commandant Vasquez, chef du groupe qui a enquêté de A à Z sur l’affaire, assure: «On a misé dès le début sur la blonde à l’arrière qui, de par sa position dans la voiture, ne pouvait être que témoin et en plus, femme.» Mais l’informateur qui l’aiguille dès 1991 sur une certaine «Choupette», «pute et toxico», s’est révélé suspect.

Interpellations.

Janvier 1997,une indicatrice remet à nouveau «la Crim» sur la piste d’une prostituée appelée «Johanna-Nathalie», présente dans une «Austin Métro noire immatriculée 9643 PT 92» qui a servi au meurtre du périph. Surtout, le tuyau précise que «Johanna-Nathalie» a été entendue par la PJ de Versailles pour le meurtre de son proxénète. Ainsi, «la Crim» identifie Nathalie Delhomme, interrogée en 1987 sur le meurtre d’Abdel Laidoudi.Le 17 juin 1997,la blonde-rousse qui a «tourné la page depuis quatre ans, mère de famille en province» est interpellée, avec des gens de la rue Saint-Denis, dont Oulamara qui était très «proche du souteneur de Delhomme». Sans plus. C’est Johanna-Nathalie qui, la première sur procès-verbal, place Aziz Oulamara comme passager avant dans la voiture. Elle se situe «avachie sur la banquette arrière, complètement défoncée et sortie de sa torpeur par un courant d’air frais». Elle indique alors aux policiers qu’elle a «vu Aziz remonter sa vitre» et a senti que «quelque chose de grave venait de se passer». Elle parle aussi de l’habituel «keffieh à pompon» d’Aziz et du videur «Momo» qui, le lendemain, peste contre «Aziz qui a encore fait des siennes hier soir».

Plaintes.

Aujourd’hui, l’accusée Nathalie Delhomme maintient juste le keffieh d’Oulamara et la rumeur de la rue sur ses vantardises d’avoir buté un flic. Pour le reste, «les policiers m’ont convaincue de la présence d’Oulamara, de prendre la place de témoin, pour récupérer mon fils, et tout s’est construit au fur et à mesure».

Oulamara, lui, se plaint de coups, de côtes et de nez cassés. Les policiers parlent d’une «interpellation musclée pour le maîtriser». Enfin, le commissaire Guillet endosse une entorse à la procédure: à l’issue de la garde à vue, Delhomme a été placée dans la même cellule qu’Oulamara, au risque d’une concertation ou d’intimidation. «On a peut-être péché par excès de confiance.» Au fil des mois, «Johanna» a nié être dans la voiture. Et Oulamara a rejeté les tirs sur Pétaux. Un témoin à charge les voit rentrer à Saint-Ouen vers 2 heures du matin tous les deux I en «205 GTI». Mais l’intime conviction du commandant Vasquez c’est que «Pétaux est le conducteur de la 205 GTI, Oulamara, le passager au keffieh est le tireur et Delhomme à l’arrière». Mais comment un «un tir à bout portant, à 50 cm de distance maximum», selon la légiste, a-t-il pu partir du siège avant droit d’une voiture qui avance, pour cibler la voiture de police située à gauche et abattre Catherine Choukroun?

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La policière souriait à son assassin

logo france soir Olivier Pelladeau, 08/09/2000

« Catherine Choukroun et moi, tous deux en uniforme, avions arrêté notre 405 siglée Police sur le trottoir, entre la bretelle d’accès de la porte de Clignancourt et le boulevard périphérique. Notre radar était placé entre les glissières centrales. Le plafonnier était allumé, l’éclairage public faible. Nous parlions de tout, de rien. J’étais au volant, elle n’avait pas voulu conduire…»

Massif, le gardien Emile Hubbel rassemble ses souvenirs douloureux. La cour d’assises de Paris, qui juge deux videurs d’hôtel de passes et une ex-prostituée camée, assassins présumés, a fait silence.

Le rescapé de la fusillade qui a coûté la vie à sa coéquipière, le 20 février 1991, vers 1 h 20, poursuit : « Un véhicule s’est engagé derrière nous sur la bretelle. Je l’ai vu dans le rétro rouler lentement, arriver par la droite, stopper un bref instant à notre hauteur. Parfois, des automobilistes flashés venaient demander l’indulgence… Catherine s’est tournée vers eux, a voulu descendre sa vitre.

Cauchemars

Elle a souri, comme si elle reconnaissait quelqu’un. Je lui ai demandé pourquoi. Elle n’a pu répondre : il y a eu une détonation, elle s’est écroulée sur moi, en sang. Pourquoi nous, pour¬quoi? Difficilement, j’ai appelé des secours à la radio. Le col¬lègue croyait à un canular… »

Le gardien Hubbel, qui se débat encore aujourd’hui entre cauchemars, dépression et handicap dû à sa blessure à l’épaule, n’a pas vu grand-chose. Catherine Choukroun masquait la voiture sombre. Il se souvient de deux hommes devant, peut-être de passagers arrière. La légiste confirme un tir de chevrotines « à 50 cm maximum ». La moelle épinière sectionnée, la gardienne « exemplaire » âgée de 27 ans, revenue de congé maternité six jours auparavant, est morte presque aussitôt.

Hubbel dit peu, sinon que l’agresseur a tiré de la voiture sans en descendre. Seul élément (bien peu vérifié par les enquêteurs), le témoignage d’un chauffeur de taxi (décédé en 1992) doublé à Clignancourt par pareille petite auto sombre en accélération, juste après avoir entendu deux détonations… mais à 1 h 45. Le passager avant, visage haineux et satisfait, portait, selon lui, un foulard palestinien rouge et blanc : tout comme celui qu’arborait rue Saint-Denis le videur (et tireur présumé) Aziz Oulamara, selon les premières dépositions de Nathalie Delhomme, l’ex-prostituée qui s’est ensuite rétractée.

Les policiers sont venus ra-conter hier l’impasse dans la¬quelle se trouvait leur enquête, avant un tuyau miraculeux en 1997. A la barre défileront aujourd’hui les acteurs de cette en- quête, issus du milieu de la drogue et de la prostitution. Les accusés persistent à nier toute implication…»

L’assassinat d’une femme policier aux assises de Paris

index Jean-Michel Dumay, 07/09/2000

L’AFFAIRE est de celles qui, pour les policiers enquêteurs, tenaient à cœur. Il y a plus de neuf ans, dans la nuit du 19 au 20 février 1991, vers 1 h 20, un véhicule de police chargé du contrôle des vitesses aux abords du périphérique, porte de Clignancourt à Paris, se trouvait être la cible de deux coups de feu tirés d’une voiture ayant ralenti à son approche. Atteinte aux vertèbres cervicales, Catherine Choukroun, gardien de la paix de trente ans et mère d’un enfant de cinq mois, décédait immédiatement. Emile Hubbel, son collègue, était blessé à l’épaule droite.

Provoquant une grande émotion – il s’agissait là du premier meurtre d’une femme policier en service -, l’affaire ne devait cependant déboucher que sur une maigre récolte d’indices. Le tir : une cartouche de chasse chargée de chevrotines. Le véhicule des agresseurs : une Renault 5, à moins que ce ne fût une Austin Metro, ou bien une Peugeot 205. Un chauffeur de taxi disait avoir entendu les deux détonations, puis avoir été doublé par un véhicule roulant à très vive allure, tous feux éteints, occupé par trois hommes et une jeune femme blonde. Le passager avant riait. Le témoin déclarait pouvoir le reconnaître. Hélas ! il décédait en septembre 1992.

Alors, six années plongèrent l’affaire au rang des dossiers mystérieux non élucidés. Puis, un renseignement anonyme, un « tuyau », allait précipiter l’instruction. Selon ce renseignement, obtenu en janvier 1997, le meurtre était le fait de deux hommes employés comme « videurs » dans un immeuble de prostitution de la rue Saint-Denis, à Paris. Circulant à bord d’une Austin Metro volée, les deux hommes se seraient rendus sur les boulevards des Maréchaux pour y acheter des stupéfiants destinés à la consommation des prostituées. Ils auraient tiré sans raison sur les gardiens de la paix. A l’arrière du véhicule se serait trouvée une certaine « Johanna », en activité dans le même immeuble que les deux individus en cause.

Renvoyés à partir de mercredi 6 septembre devant la cour d’assises de Paris pour assassinat, tentative ou complicité, deux hommes et une femme répondraient ainsi, selon la justice, aux critères du renseignement de 1997.

Ancienne prostituée toxicomane, aujourd’hui âgée de trente-cinq ans, Nathalie Delhomme, alias « Johanna », a reconnu lors de sa garde à vue qu’elle se trouvait sur la banquette arrière du véhicule le soir des faits. Mais ses dépositions n’ont cessé de varier. Désigné par cette jeune femme comme étant le tireur potentiel, Aziz Oulamara, ancien « videur » de trente-neuf ans, cinq fois condamné pour des délits (vols, proxénétisme), a, lui aussi, un temps reconnu sa participation à l’équipée. Mais il est finalement revenu sur ses déclarations. Enfin, impliqué par Aziz Oulamara, Marc Petaux, quarante et un ans, neuf fois condamné, n’a jamais cessé de clamer son innocence, précisant que « [ses] conneries s’étaient toujours arrêtées à la correctionnelle ».

« FAIRE UN TEST ADN »

Crinière rousse, voix fluette, Nathalie Delhomme est aujourd’hui « incapable de dire » le pourquoi de ses premières déclarations. Elle n’aurait pensé qu’à l’avenir de son enfant, qui, selon elle, aurait été voué à la DDASS sans ses accusations « souhaitées par les policiers ». Texte en main, Aziz Oulamara se présente comme un grand-frère modèle dans sa famille, après que son père eut tué sa mère en 1983. A toute phrase, il se dit prêt « à faire un test ADN » pour prouver son innocence (« Mais pour le comparer à quoi ? », demande la présidente, Martine Varin). Il dit être la victime d’une « rumeur de mère maquerelle », en l’occurrence « madame Simone », « la PDG de la rue Saint-Denis », propriétaire de nombreux studios loués aux prostituées, à l’origine du « tuyau » policier, semble-t-il, et qui, pour ses révélations, bénéficierait de précieuses protections.

Quant à Marc Petaux, caractère trempé, il réaffirme « ne rien avoir à voir avec cette abomination ». Cet ancien engagé au Tchad fait valoir qu’il n’a été impliqué par Aziz Oulamara qu’après avoir rapporté aux policiers des confidences de celui-ci selon lesquelles ce dernier était aussi l’auteur du meurtre, en 1987, d’un ancien souteneur de Nathalie Delhomme. « Propos de hâbleur », précise aujourd’hui Marc Petaux, auprès de qui, à l’audience, Aziz Oulamara s’est, en retour, confondu en excuses, pour l’avoir, dans la présente affaire, incriminé.

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Les assassins présumés d’une femme policier aux assises

letelegramme_logo  06/09/2000

Trois personnes comparaissent à partir d’aujourd’hui devant la cour d’assises de Paris pour avoir assassiné Catherine Choukroun, la première femme policier abattue dans l’exercice de ses fonctions en février 1991 sur le périphérique parisien. Le procès doit durer jusqu’au 15 septembre. Aziz Oulamara, 39 ans, et Marc Petaux, 41 ans, sont accusés d’« assassinat » et de « tentative d’assassinat ». Leur co-accusée, Nathalie Delhomme, 35 ans, comparaît pour « complicité d’assassinat » et « complicité de tentative d’assassinat ». Ils risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Dans la nuit du 19 au 20 février 1991 la jeune fonctionnaire de police Catherine Choukroun surveillait un radar sur le périphérique, en compagnie de son collègue Emile Hubbel. Vers 1 h 20 plusieurs coups de fusils tirés depuis une voiture arrivant de la porte de Clignancourt ont tué la jeune femme et grièvement blessé M. Hubbel. Après une enquête longue et compliquée qui n’avait pas donné de résultats jusqu’en 1997, le coup de fil anonyme d’une femme proxénète de la rue Saint-Denis a mis les enquêteurs sur la piste d’Oulamara, videur dans une boîte de nuit, et de la prostituée Nathalie Delhomme. Dès sa première garde à vue cette dernière a admis avoir été dans la voiture au moment des faits, précisant cependant qu’à l’époque elle était « camée en permanence ». Par la suite, elle est revenue sur cette déclaration, disant qu’elle l’avait faite sous la menace de ne plus revoir son fils. Elle a depuis livré plusieurs versions différentes, niant toujours son implication. « La position que Nathalie Delhomme a adoptée en garde à vue, qu’elle soit spontanée ou suggérée, ne faisait d’elle rien d’autre qu’un témoin », souligne son avocat, Me Yves Moreuil, scandalisé que sa cliente soit en détention provisoire depuis plus de trois ans. « On a voulu faire avouer un crime à Aziz Oulamara qu’il n’a pas commis », s’indigne aussi son avocate, Me Françoise Luneau, qui a porté plainte pour les conditions de garde à vue de son client. « Il a été torturé et maltraité », souligne l’avocate qui déplore les « nombreuses zones d’ombre » qui subsistent dans le dossier, construit selon elle sur « une rumeur ». « Il n’y a pas un élément matériel, pas une preuve, pas un témoin », estime aussi Me Hervé Témime qui défend Marc Petaux. Ce dernier, également videur de boîte, a été mis en cause par les déclarations d’Oulamara mais n’a jamais avoué sa participation aux faits. Il n’empêche que l’accusation a estimé détenir suffisamment d’éléments « permettant de caractériser l’existence d’un dessein homicide prémédité dans le cadre d’une co-action entre chauffeur et passager tireur, ce, avec la complicité de Nathalie Delhomme ». De plus, les accusés, tous déjà condamnés à de nombreuses repris – es, ont été décrits comme « violents » par les experts psychiatres. Ces derniers ont qualifié Oulamara de « sujet fruste à la personnalité peu affirmée, capable d’agir bien ou mal au gré des rencontres ». « Une absence de freiin dans les passages à l’acte caractéristique d’une personnalité psychopathique » a été relevée pour Petaux. « On ne sait pas quelle version ils vont nous donner. C’est une technique de défense que de brouiller les pistes », estime pour sa part Me Stéphane Maugendre, avocat d’Emile Hubbel.

Le procès de la première femme flic abattue

logo_jdd_fr1 Verena von Derschau, 03/09/2000

C’EST LÀ première femme policier tuée dans l’exercice de ses fonctions. Dans la nuit du 19 au 20 février 1991, la fonctionnaire de 27 ans, alors assise dans un véhicule de service garé à l’entrée du périphérique, surveille un radar. Soudain, elle est abattue à coups de fusil de chasse par des inconnus embarqués dans une Austin Métro arrivant de la porte de Clignancourt. Neuf ans après, le procès des deux assassins présumés de Catherine Choukroun et de leur complice s’ouvre mercredi devant la cour d’assises de Paris. Sur le banc des accusés, Nathalie Delhomme, Aziz Oulamara et Marc Petaux, tous soupçonnés d’avoir participé à l’équipée meurtrière. Ils comparaissent à la suite d’une enquête longue et qualifiée de « cafouilleuse » par la défense. Pendant six ans, de nombreuses pistes ont été explorées sans jamais aboutir.

Tout s’accélère, en janvier 1997, sur un coup de fil anonyme. Une mère maquerelle de la rue Saint-Denis informe les policiers d’une rumeur circulant dans le milieu : le crime du périph aurait été perpétré par deux videurs de bar circulant dans un véhicule volé. A bord également, une prostituée.

Les premiers soupçons des enquêteurs se portent sur Nathalie Delhomme et Aziz Oulamara. Ils avaient déjà été impliqués en 1987 dans le meurtre du souteneur de Nathalie. Dès sa première audition en garde à vue, la prostituée, accusée aujourd’hui de complicité d’assassinat, admet avoir été dans la voiture des agresseurs le 20 février 1991. Elle reconnaît qu’elle était à cette époque « camée en permanence ». Elle se rétractera par la suite, disant avoir été menacée par les policiers de ne plus revoir son fils. Nathalie est en détention provisoire depuis trois ans, << alors que la position qu’elle a adoptée en garde à vue, qu’elle soit spontanée ou suggérée, faisait d’elle rien d’autre qu’un témoin », s’indigne aujourd’hui son avocat, Me Yves Moreuil. « C’est une enquête basée sur des rumeurs et beaucoup de zones d’ombre subsistent dans le dossier », dénonce son confrère Me Françoise Luneau, défenseur d’Aziz Oulamara. Son client, qu’elle décrit comme quel-qu’un qui « s’est sacrifié pour sa famille en élevant ses quatre frères et sœurs » a également avoué le crime avant d’en livrer par la suite différentes versions.

« C’est une technique de défense », sourit Me Stéphane Maugendre, représentant d’Emile Hubbel, collègue de Catherine Choukroun, et blessé ce soir-là.  Son avocat s’attend à un procès difficile en raison de l’état psychologique très I fragile de son client. « Vous vous rendez compte, il surveillait tranquillement un radar quand sa jeune collègue s’écroule sur lui et meurt ! Et on ne sait pas quelles versions les accusés vont nous donner. Donc, il faut préparer M. Hubbel à un éventuel acquittement ».

Acquittement que compte demander Me Hervé Témime, l’avocat du troisième accusé, Marc Pétaux. « Mon client n’a jamais rien avoué. C’est Oulamara qui l’a mis en cause. Ce dossier ne contient pas un élément matériel, pas une preuve, pas un témoin. C’est un acte purement gratuit, sans mobile, qui laisse une place au vrai doute. » S’il admet le «passé tumultueux» de Marc Petaux, il refuse de voir en lui un coupable. Il met les propos d’Aziz Oulamara, dénonçant Marc Petaux, sur le compte de la vengeance. Marc Petaux a en effet témoigné à charge contre Aziz dans l’affaire du meurtre du souteneur de Nathalie.

L’accusation estime elle  qu’on peut discerner «l’existence d’un dessein homicide prémédité » et ce avec la complicité de Nathalie Delhomme. Marc Petaux,  déjà condamné à neuf reprises, et Aziz Oulamara, condamné six fois, sont  décrits comme des individus  violents. Pour leur part, les psychiatres considèrent les trois coaccusés comme  « exempts de toute anomalie mentale ». Oulamara est présenté comme une « personnalité très peu affirmée capable d’agir bien ou mal au gré des rencontres ». Quant à Marc Petaux, les experts ont relevé un « recours fréquent à la délinquance et une absence de frein dans les  passages à l’acte caractéristique d’une personnalité psychopathique ». Nathalie Del homme est traitée d’« inadaptée aux règles sociales et morales». Devant la cour d’assises de Paris, les trois! accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Le meurtrier a-t-il vu mourir sa victime ?

logoParisien-292x75 Sébastien Blanc, 10/02/1999

La cour d’assises de la Seine-Saint-Denis évoque actuellement la spécialité de Laurent  Cazorla et de sa bande : le vol au  domicile d’homosexuels (« le Parisien » d’hier). Les jurés se penchent plus précisément sur le soir où cet homme de 31 ans s’est rendu chez Pierre-Olivier Mazeau, un cuisinier habitant Noisy-le-Grand, que l’on retrouvera mort allongé sur son lit en mars 1995. Également dans le box, Pascale Leprêtre, 35 ans, est jugée pour complicité.

Deux jours de débats, un acteur  principal qui reconnaît les faits, mais une question, capitale, qui reste en suspens : l’intention homicide était- elle là ? Cazorla affirme n’être venu que pour voler, selon un procédé déjà rodé : lui et ses compères contactaient leur future victime par le biais de réseaux téléphoniques de rencontres. Une fois décroché un rendez- vous, une « chèvre » tentait de faire absorber un mélange à base de sédatif à l’homosexuel en quête d’aventure. Cazorla, quand il jouait ce rôle, se munissait d’une petite fiole contenant le produit ou préparait à l’avance des pièges à déguster. « Je lui disais, explique Cazorla, j’ai un fantasme, c’est de te faire manger de la crème Mont-Blanc à la petite cuillère. Quand ça ne marchait pas, je glissais le produit dans son verre » « Combien de temps fallait-il pour endormir votre victime ? », lui demande le président « Environ une heure et demie », répond sans hésiter l’accusé.

Des fils électriques dans le bac de douche

Une fois dans les bras de Morphée, la victime adepte des services de type 36 65 avait son logement pillé par la « chèvre » et ses complices. Ce scénario était celui prévu dans le cas de Pierre-Olivier Mazeau. Arrivé chez lui, Laurent Cazorla commence par le faire boire en instillant à petites doses, quand il a le dos tourné, du contenu de sa fiole. «Je lui ai demandé s’il était ouvert à tous les plans, raconte-t-il. Il a accepté que je l’attache. » Pieds et mains lié, Mazeau s’endort Cazorla et sa complice commencent à fouiller l’appartement. Mais, à un moment, on frappe à la porte. Cazorla plaque la tête de la victime contre un oreiller pour l’empêcher de crier. On le retrouvera mort par asphyxie. « Je l’ai juste maintenu sans chercher à l’étouffer », se défend Cazorla pour qui Mazeau ne décédera qu’après leur départ. Une possibilité que ne peut exclure le médecin expert Pierre-Olivier Mazeau a-t-il été torturé ? Sans que le mot soit prononcé, cette question s’est posée lors de l’instruction. De nombreux fils électriques coupés, retrouvés trempant dans le bac de douche rempli d’eau, ont fait penser le pire aux enquêteurs. Une lésion sur l’avant-bras de Mazeau a été analysée par un expert qui a déclaré hier : « Cette lésion est compatible avec une brûlure électrique. » Le médecin légiste a aussi relevé des griffures sur le dos de la victime Selon les accusés, ces marques ont pu être provoquées par le chien de race boxer de Pascale Leprêtre qui aurait sauté sur le dos du cuisinier alors que les deux malfaiteurs raflaient ses objets personnels.

Maître Stéphane Maugendre, avocat des parties civiles, a fini hier sa plaidoirie par ces mots : « La famille de Pierre-Olivier Mazeau n’a qu’une certitude, c’est que les accusés ont laissé leur frère pour mort II aurait eu 47 ans aujourd’hui. » Verdict attendu aujourd’hui.