Archives de catégorie : droit des étrangers

Deux policiers jugés après un décès lors d’une reconduite à la frontière

index Nicolas Weill, 24/05/1999

POUR la première fois, des policiers ont comparu, jeudi 20 mai, pour répondre du décès d’un étranger au cours d’une tentative d’éloignement forcé du territoire. Poursuivis pour homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Nanterre, le commissaire principal Eric Brendel et le lieutenant jean-Paul Manier étaient en service, le 24 août 1991, à l’aéroport de Roissy pour procéder à la reconduite à la frontière d’Arumugan Kanapathillai, un Sri-Lankais Ide trente-trois ans arrivé en France sans visa, le 9 août, sous le nom d’Arumum. Le lendemain, l’homme décédait à l’hôpital des suites d’un malaise survenu dans l’avion, alors que les policiers tentaient de le renvoyer vers Colombo.

Sur la victime elle-même, l’audience en apprendra bien peu, huit ans après les faits. Tout au plus sa veuve, mère d’une petite fille d’une dizaine d’années, elle- même déboutée du droit d’asile en Allemagne, viendra évoquer l’appartenance de son mari au parti des Tigres tamouls, son enlèvement et la terreur que lui inspirait l’idée d’un retour au Sri Lanka, synonyme, selon lui, de mort (Le  Monde du 2 octobre 1998).

Mais, bien plus que le décès d’un homme, le procès, dans lequel plusieurs associations de défense des droits des étrangers étaient parties civiles, a mis en cause les pratiques « musclées » de reconduite à la frontière.

Les débats ont été l’occasion de décrire en détails les conditions dans lesquelles s’effectuent ces éloignements quand ceux-ci sont soumis à une logique administrative de rendement Le 24 août 1991, après une première tentative avortée d’embarquement, Arumum, menotté par derrière, puis aux pieds et bâillonné avec une bande Velpeau, est installé avec les deux policiers de son escorte au fond de l’appareil UTA à destination de Colombo. C’est alors que les deux policiers tentent de le maîtriser et de l’empêcher de crier qu’il se débat et est pris d’un malaise.

Pourquoi un bâillon? Cette question hantera le procès comme elle a hanté l’instruction. Une bataille d’experts et plusieurs autopsies n’ont pas permis d’établir que cet accessoire, dont aucun texte n’a jamais autorisé l’usage, ait pu causé la mort d’Arumum, qui souffrait de faiblesse cardiaque.

«L’aspect psychologique est important, a expliqué Eric Brendel à la barre, pour tenter de justifier l’usage du bâillon. C’est le moyen de montrer au réembarqué, souvent réticent, que la police est prête à assurer le départ » Les deux policiers ont évoqué les conditions de plus en plus difficiles de ces opérations. Avocat des prévenus, Me Binet a mis en cause la fréquence des blessures et des morsures subies par les policiers de la part de « réembarqués » tentant leur va-tout pour rester sur le territoire français, ou paniqués à l’idée de retourner dans une région où ils estiment leur vie en danger.

DÉSHUMANISATION

« Nous n’avons rien fait de plus qu’à l’ordinaire, se justifie Eric Brendel. Notre situation était difficile : si nous restions cois, il n’y avait plus d’escorte. Il fallait exécuter une mission, un point c’est tout. » « C’était soit cela soit une admission sur le territoire qui mettait en route une pompe aspirante, et ça n’était pas notre vocation », appuie M. Lallemand, un témoin, officier de police qui servait en 1991 sous les ordres d’Eric Brendel.

Me Gilles Piquois, défenseur de la veuve du Sri-Lankais, a dénoncé la déshumanisation du processus de reconduite : « C’est de la violence inhumaine qui n’a rien de psychologique. Les reconduits ne sont pas des délinquants, a-t-il souligné. Nous sommes en présence de fonctionnaires qui n’ont pas respecté les textes. Il est naturel qu’un officier de police dise non à des ordres illégaux. »

Il demandera une « rente d’éducation » pour la fille de la veuve d’Arumum. Le premier substitut Hervé Garrigues a terminé son réquisitoire en laissant ouverte la possibilité de la relaxe. « Mais si le tribunal condamne, ajoute-t-il, je ne serai pas choqué si les prévenus sont dispensés de peine. »

Jugement le 24 juin.

⇒ Voir l’article

Expulseurs assassins

Pajol, mai 1999

Le 24 août 1991, Arumugam Kanapathipillai, demandeur d’asile tamoul était assassiné par des policiers de la PAF (Police de l’Air et des Frontières) lors de la deuxième tentative d’expulsion vers le Sri Lanka. Arrivé à l’aéroport de Roissy le 9 août et maintenu en zone internationale, son admission sur le territoire avait été refusée par le Ministère de l’intérieur alors que sa femme et sa fille étaient réfugiée en Allemagne.

Menotté aux poignets et aux chevilles, bâillonné par une bande velpeau et sanglé au siège par la ceinture de sécurité du Boeing 747 UTA, il avait tenté d’échapper au renvoi vers la mort dans un ultime sursaut. Profitant du retrait momentané de son bâillon il s’était mis à se débattre et à crier: « No Sri Lanka, no Sri Lanka! », pour attirer l’attention des passagers. Le commissaire Brendel et l’officier Manier, escortant le condamné, « n’ont fait qu’appliquer les instructions » et essayèrent de réprimer ses cris en le maîtrisant et l’étouffant à l’aide d’une couverture. Après 20 minutes d’effort pour se dégager, son coeur s’arrêta et Arumugam perdit connaissance.

Réanimé sur place il mourut le lendemain matin à l’hôpital.

Huit ans après les faits les policiers sont passés en procès devant la 12eme chambre du tribunal de Nanterre le 20 mai 1999. Lors de l’audience ils purent justifier de manière odieuse leur acte en expliquant qu’ils « n’avaient pas commis de faute » et qu’il « fallait exécuter une mission ».

Le procureur a conclu son réquisitoire en réclamant une condamnation
accompagnée d’une dispense de peine. Verdict le 24 juin.

Arumugan est donc le triste prédécesseur de Semira Adamu, nigériane de vingt ans assassinée lors de son expulsion de Belgique, le 22 septembre 1998 et deMarcus O., nigérian lui aussi, étouffé le ler mai 1999 lors de son expulsion d’Autriche; victimes de l’Europe forteresse.

Pour que de tels meurtres ne se reproduisent plus,

OUVERTURE DES FRONTIERES,

LIBERTE DE CIRCULATION !

⇒ Voir l’article

Prison pour les sans-papiers rebelles de Roissy

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman,

Pour les sans-papiers et leurs supporters, cette décision avait valeur de test. Hier, neuf Maliens, qui s’étaient soustraits à une mesure de reconduite à la frontière le 28 mars 1998 à l’aéroport de Roissy, ont été condamnés par la cour d’appel de Paris à des peines de deux à six mois d’emprisonnement et, pour six d’entre eux, à une interdiction du territoire français comprise entre trois et cinq ans. L’arrêt n’a surpris personne: en novembre, un autre Malien, Cheikne Diawara, embarqué sur le même vol, avait été condamné à un an de prison ferme. L’histoire de ce vol Paris-Bamako n’est pas très claire. Le 18 mars 1998, onze Maliens sont interpellés lors d’une occupation de l’église Saint-Jean de Montmartre par un groupe de sans- papiers. A l’époque, cette occupation, destinée à attirer l’attention sur la régularisation très problématique des sans-papiers célibataires en vertu de la circulaire Chevènement promulguée l’été précédent, est loin de faire l’unanimité au sein des collectifs.

Parmi les sans-papiers entraînés dans l’aventure, figurent en effet des Africains, vivant en paix depuis de longues années dans des foyers du 18e arrondissement parisien. Donc théoriquement régularisables. Mais exposés à une reconduite en cas de «rencontre» avec la police. Ce sera le cas.

Pugilat. Parmi les occupants, onze Maliens sont arrêtés, placés en rétention et reconduits à la frontière. Une reconduite qui tourne au pugilat entre policiers et sans-papiers. Et à la controverse. Selon les sans-papiers et quelques témoins, passagers payants sur ce vol, les policiers emploient la force, quelques coups bas et des coussins sur le visage des reconduits, pour les contraindre au calme. Selon Stéphane Maugendre, avocat des Maliens et vice-président du Gisti (Groupement d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), les passagers auraient alors pris le parti des sans-papiers, rapidement débarqués du vol, le pilote ne voulant pas décoller dans ces conditions. Un rapport des Renseignements généraux fait, au contraire, état de la résistance musclée des Maliens. C’est ce rapport, basé sur des témoignages indirects, qui a été pris en considération par l’accusation depuis le début de l’affaire.

Le 8 juin 1998, le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint- Denis), estimant que ce rapport ne prouve rien, relaxe les Maliens. Le 26 novembre, à la surprise générale, l’un d’entre eux, Cheikne Diawara, est condamné en appel à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire pour refus d’embarquer. Il s’est pourvu en cassation.

Mouvement effiloché. La condamnation de ses neuf camarades était donc attendue sans illusions, ce 18 mars. Ce troisième anniversaire de l’occupation de l’église Saint-Ambroise et le début du mouvement des sans-papiers a confirmé l’effilochement de ce mouvement, qui n’arrive pas à surmonter ses divisions internes et le manque d’appuis extérieurs. Parmi ces derniers, le Parti communiste, qui a saisi l’occasion pour développer son programme sur l’immigration: respect du droit d’asile, droit de vote aux élections locales et européennes pour les immigrés en France depuis plus de cinq ans, suppression de la double peine et arrêt des expulsions.

Sur le parvis de l’église Saint- Ambroise, les représentants du PCF ont été pris à partie par des anciens de Saint-Bernard. «Nous n’acceptons pas que vous parliez à notre place», leur ont-ils lancé, rappelant aux communistes qu’ils ont longtemps traités les sans-papiers de «manipulés» par l’extrême gauche. Un nouvel éclat qui laisse mal augurer de la manifestation «unitaire» et européenne de soutien aux sans- papiers, le 27 mars à Paris.

⇒ Voir l’article

Des sans-papiers sous le couperet.

logo_site Christophe Kanteheff, 28/01/1999

Pour avoir refusé d’être expulsés, dix Maliens risquent des peines exorbitantes au regard de la jurisprudence.

Les dix Maliens qui passent I jeudi 28 devant la douzième chambre de la cour d’appel de Paris connaîtront-ils le même sort que leur compatriote Diawara Siriné. Celui-ci, jugé à part, en novembre dernier en compagnie d’un co-prévenu, s’est vu infliger par la même juridiction un an de prison ferme pour avoir refusé d’embarquer sur un vol Paris-Bamako. Ayant accepté volontairement de comparaître et s’étant rendu au délibéré alors que rien ne l’y obligeait, il fut arrêté et incarcéré sur le champ. Tous sont impliqués dans la même affaire qui a pour point de départ le 28 mats 1998.

Prison ferme

Ce jour-là, douze Maliens, qui ont participé une semaine auparavant à l’occupation d’une église du XVIII ème arrondissement, sont emmenés à Roissy.  Là, des militants des JRH les fameux « trotskistes anglais » dénoncés dès le lendemain par Jean-Pierre Chevènement exhortent les passagers à ne pas accepter de voyager aux côtés d’hommes entravés. Dans l’avion, les Maliens sont pieds et poings menottés et, selon eux, bâillonnés et attachés aux fauteuils. Ce sont les réactions des passagers, disent-ils, qui les ont encourages à se rebeller.

En première instance, au mois de juin, le tribunal correctionnel de Bobigny les relaxe tous, fait rarissime pour des étrangers en situation irrégulière. Il conclut à la nullité de la procédure pour absence de procès-verbal constatant les délits qui leur sont reprochés, celui de rébellion notamment. Mais, à la surprise générale, le procureur de la République lait appel et requiert quatre mois de prison ferme.

Comme on l’a vu, le président de la cour d’appel, Gérard Gouyette, a trouvé cette peine trop laxiste. Pour motiver la culpabilité de Diawara, il s’est appuyé sur un rapport des RG rédigé par un commissaire qui n’était pas à Roissy. Celui-ci prétend que les policiers de l’escorte qui n’ont pas été appelés à témoigner directement, attestent que les Maliens ont insulte l’État français et ses représentants, et ont poussé les passagers à l’émeute. Ce rapport est jugé sans « valeur probante » par le Syndicat de la magistrature, Me Stéphane Maugendre a retrouve des passagers et produira jeudi aux débats leur témoignage écrit, montrant que la réalité fut tout autre. Face à un président qui a motivé le mandât de dépôt à l’audience contre Diawara par un article de la Déclaration des droits de l’homme, aucun argument rationnel ne devra être épargné.

Le sans-papier restera en prison

images fig Pierre-Antoine Souchard, 16/01/1999

Sirine Diawara, malien, s’était opposé à son expulsion.

Sirine Diawara restera en prison. Sa demande de remise en liberté, formulée jeudi par ses avocats, a été rejetée hier par la 12e chambre de la cour d’appel de Paris. Au motif, entre autres, qu’elle constituerait un trouble à l’ordre public.

La condamnation, le 26 novembre, de ce Malien en situation irrégulière à un an d’emprisonnement par.cette même chambre pour refus d’embarquer, avait provoqué de vives réactions de la part des associations de soutien aux sans- papiers et de certains syndicats de magistrat.

Jeudi, à l’audience, ses deux avocats, Mes Dominique Noguères et Stéphane Maugendre, avaient pourtant pris soin de dédramatiser le débat. A l’appui de cette demande de remise en liberté, ils présentaient des garanties de représentation financière et d’hébergement. Celle-ci avait fait défaut à Sirine Diawara qui s’était vu infliger un mandat de dépôt lors de la première audience.

Un professeur de la faculté de droit de Paris s’engageait par écrit à héberger gratuite-ment le Malien en situation irrégulière.

Désapprobation

Une somme de 7 000 francs, recueillie auprès de différentes personnalités comme Serge Blisko, vice-président de l’Assemblée nationale, ou du cinéaste Bertrand Tavernier, était consignée sur un compte. En début d’audience, les deux avocats ont demandé la présence d’un interprète afin que leur client « puisse s’exprimer pleinement et librement ». Requête refusée peu après que le président leur ait demandé : « Est-ce qu’il était accompagné d’un interprète lorsqu’il achetait des oranges ou du pain ? »

Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a fait savoir que cette décision « est révélatrice du sens que le gouvernement désire donner à sa politique d’immigration : le déni du droit de vivre dignement ».

Sirine Diawara avait été interpellé après l’expulsion de l’église des Abbesses en mars 98. Conduit dix jours plus tard à l’aéroport de Roissy, il était installé, en compagnie d’une dizaine d’autres Maliens, dans| un vol d’Air Afrique à destination de Bamako (Mali). Une| quinzaine de passagers de ce vol avait manifesté leur désapprobation face aux méthodes! employées par les policiers. « Débarqués », les Maliens! étaient poursuivis pour refus! d’embarquer. Le tribunal correctionnel de Bobigny les avait relaxés, mais le parquet avait fait appel de cette décision.

La mobilisation s’étend pour Diawara Cheikne.

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

 Tandis que Diawara Cheikne, condamné à un an de prison pour refus d’embarquer, purge sa peine à Fleury-Mérogis, la liste des signataires qui demandent sa libération s’allonge (lire Libération du 18 décembre). «Cette affaire constitue un déni de justice», estiment-ils, constatant que le jeune Malien, débarqué le 28 mars d’un vol d’Air Afrique avec onze compatriotes à cause des protestations des passagers, n’avait manifesté aucune résistance.

Les signataires de la pétition et les avocats de Diawara rappellent que la procédure, annulée en première instance et poursuivie sur appel du parquet, ne s’appuie sur aucun témoignage direct, mais uniquement sur un rapport des Renseignements généraux «bourré de contradictions». Diawara Cheikne, ajoutent-ils, n’est pas un délinquant: il vivait en France depuis une dizaine d’années dans un foyer d’immigrés lorsqu’il a été arrêté, alors qu’il participait à l’occupation par les sans-papiers de l’église Saint-Jean-de-Montmartre.

Parmi les 450 signataires figurent aussi bien des élus Verts et communistes, comme Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, ou Patrick Braouezec, maire (PCF) de Saint-Denis, que des cinéastes, comme Bertrand Tavernier, Tony Marshall et Romain Goupil. La pétition est également signée par Henri Leclerc, président de la Ligue des droits de l’homme, par Joseph Rossignol, maire (PS) de Limeil-Brévannes, par Alain Krivine et le philosophe Daniel Bensaïd, par des enseignants et médecins. Et par de nombreuses personnalités: anciens médiateurs de Saint-Bernard (Monique Chemillier-Gendreau, Raymond et Lucie Aubrac, Jean-Pierre Vernant), Yves Cochet (vice-président de l’Assemblée nationale), le dessinateur Siné, des syndicalistes et les présidents du Gisti, de SOS-Racisme, de la Fasti, ainsi que la chanteuse Catherine Ribeiro et le biologiste Jacques Testard. Un pourvoi en cassation a été déposé par Stéphane Maugendre (vice-président du Gisti) et Dominique Noguères (Ligue des droits de l’homme), les avocats de Diawara. Et une demande de remise en liberté sera faite en janvier.

⇒ Voir l’article

Appel. Liberté pour Diawara Cheikné.

Le 28 mars, douze Maliens, installés de force dans un avion d’Air Afrique, avaient dû être débarqués, les passagers ayant vivement manifesté leur hostilité à cette expulsion. Inculpés pour refus d’embarquement (alors qu’ils n’opposaient aucune résistance), ils avaient été libérés en juin, pour vice de procédure, par le tribunal de Bobigny. Le procureur de la République avait fait appel pour deux d’entre eux le jeudi 29 octobre, réclamant de nouvelles sanctions. L’arrêt vient d’être rendu, et le juge a frappé très fort, allant au-delà des réquisitions du procureur. Alors que celui-ci n’avait demandé que (!) quatre mois d’emprisonnement, le verdict est tombé, plongeant les avocats de la défense et les associations de soutien dans la plus grande stupéfaction. Diawara Cheikné est condamné à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire. Plus grave, il a été directement arrêté à l’audience et transféré à la prison de Fleury-Mérogis. Deux rescapés d’un autre vol (celui du dimanche 29 mars) ont été condamnés à trois mois de prison ferme et trois ans d’ITF. Lors du jugement en appel, aucun témoin n’a été entendu, et le verdict ne s’appuie que sur les rapports des renseignements généraux, bourrés de contradictions qui avaient été relevées par les avocats de la défense, Mes Maugendre et Noguères.

Cette affaire est un déni de justice scandaleux. Nous ne pouvons pas accepter que Diawara Cheikné moisisse un an en prison parce qu’il a été débarqué d’un avion à la suite d’un mouvement de protestation de passagers. Il n’est ni un délinquant, ni un criminel. C’est un travailleur vivant en France depuis des années, poussé hors de son pays par la misère et désireux simplement, comme des milliers d’autres, de régulariser sa situation. Nous vous appelons à vous joindre à une campagne nationale pour exiger sa libération, un nouveau jugement en cassation dans les plus brefs délais et l’arrêt des poursuites en appel dans cette affaire.

⇒ Voir l’article

Pas de papiers mais de lourdes peines.

logo-liberation-311x113  Béatrice Bantman

Quatre Maliens condamnés en appel pour avoir refusé d’être expulsés.

La Ligue des droits de l’homme «très choquée», le Syndicat de la magistrature «indigné», les Verts dénonçant «des peines sans précédent» et le Mrap «une déclaration de guerre contre les sans-papiers et une provocation». La polémique sur les sans-papiers s’est déplacée sur le terrain juridique après les peines très lourdes infligées jeudi par la cour d’appel de Paris à quatre Maliens qui avaient refusé d’embarquer sur un vol Paris-Bamako. L’un d’entre eux, Sirine Diawara, condamné à un an de prison ferme, a été arrêté à l’audience et incarcéré dans l’heure. Et la 12e chambre de la cour d’appel a dû être évacuée devant le raffut provoqué par ce jugement dans le public. Le 28 mars, douze Maliens, qui avaient occupé l’église Saint-Jean-de- Montmartre, étaient expulsés vers Bamako. Par la méthode ultraforte. Plus tard, (Libération du 2 octobre), ils racontaient les coussins placés devant leur bouche pour les empêcher de crier, les coups au ventre et au sexe. D’autres, qui acceptaient de partir, n’auraient pas été autorisés à aller chercher leurs bagages. Des procédés que la Diccilec, l’ex-Police de l’air et des frontières, avait affirmé ne jamais utiliser depuis le scandale belge de Semira Adamu, morte il y a deux mois, étouffée par un coussin dans l’avion qui la ramenait au Niger. Finalement, devant l’indignation des passagers, les douze hommes étaient débarqués de l’avion. En juin, le tribunal correctionnel de Bobigny avait annulé la procédure et relaxé les douze hommes, considérant qu’il n’existait pas de procès-verbal constatant formellement les infractions retenues contre eux. En condamnant quatre de ces hommes à des peines de trois mois à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire français, la cour d’appel a dépassé les réquisitions de l’avocat général qui, le 29 octobre, réclamait quatre mois de prison et cinq ans d’interdiction du territoire. «Des peines exorbitantes au regard de la jurisprudence», pour leur avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, et «une logique d’exemplarité où la sévérité le dispute à la démesure», pour le Syndicat de la magistrature. Ils critiquent notamment la prise en compte par la cour d’un rapport des Renseignement généraux établi par un fonctionnaire qui n’a pas assisté aux incidents de l’embarquement, mais a seulement interrogé les policiers chargés de l’expulsion. Ce rapport indique que les prévenus «avaient reçu les conseils détaillés d’associations et de groupuscules d’extrême gauche [« ] de porter des coups aux fonctionnaires d’escorte pour tenter de les blesser». Ce que les douze hommes ont toujours contesté.

L’affaire se situe dans un contexte symbolique qui explique peut-être la lourdeur des peines. Car au lendemain des faits, le 29 mars, un incident similaire s’était reproduit à Roissy. Le ministre de l’Intérieur avait alors dénoncé «l’incivisme fondamental» des organisations de soutien aux sans- papiers. «Ce jugement est un avertissement à ces organisations», estime ainsi Stéphane Maugendre. «Une répression accrue à l’encontre des sans-papiers ne saurait tenir lieu de politique d’immigration», ont indiqué les Verts dans un communiqué.

⇒ Voir l’article

Un an de prison ferme pour un sans-papiers ayant refusé d’embarquer

index Philippe Bernard, 

UN AN DE PRISON ferme. Pour s’être rebellé contre sa reconduite à la frontière, Diawara Sirine, un Malien sans papiers de trente ans va passer un an en prison. Son arrestation inattendue, à l’audience de la cour d’appel de Paris, jeudi 26 novembre, a provoqué la stupeur et la colère des militants des comités de soutien présents, qui rapprochent cette décision des récentes déclarations de fermeté de Lionel Jospin.

La salle a du être évacuée. Visiblement, les magistrats de la douzième chambre présidée par Jean Gouyette ont voulu faire un exemple, s’agissant d’une personne sans casier judiciaire et d’un délit pour lequel le « tarif » courant est de trois mois ferme. Trois autres Maliens, qui comparaissaient pour les mêmes faits, ont été respectivement condamnés à six mois pour l’un et trois mois pour les deux autres. Tous sont interdits du territoire français pour cinq ans. En première instance, le 8 juin, tous avaient bénéficié d’une relaxe, le tribunal correctionnel de Bobigny ayant constaté des irrégularités dans les procès verbaux de police. Le parquet avait fait appel et réclamé une peine de quatre mois de prison (Le Monde du 31 octobre).

Les faits remontent au 28 mars, lorsque douze Maliens en situation Irrégulière, avaient été conduits à Roissy vers un avion d’Air-Afrique à destination de Bamako. Dix jours plutôt, il faisaient partie du groupe qui avait occupé l’église Saint-Jean-de-Montmartre (Paris 18 ème) avant d’en être évacués par la police et d’être interpellés.

C’est l’époque où, à l’aérogare de Roissy, un groupe d’extrême-gauche, bientôt rejoint par des syndicats, des militants de gauche et des personnalités, incitait les passagers à refuser de voyager eh compagnie de sans-papiers reconduits. Une escorte de vingt- trois policiers avait été chargée d’accompagner les douze Maliens. « Les étrangers ont été entravés avant de monter dans l’avion pour éviter que des blessures inutiles soient infligées aux escorteurs », indiquent le rapport des Renseignements généraux qui a inspiré la décision des juges.

Selon la police, les douze sans- papiers ont du être portés jusqu’à la cabine puis ont manifesté « bruyamment et violemment » leur refus de partir. Quarante minutes plus tard, rembarquement des passagers ordinaires a compliqué la situation. «Plusieurs d’entre eux ont affirmé leur solidarité avec les reconduits », affirme le rapport.

Le scénario rapporté par les Africains diffère notablement. Ils affirment avoir été entravés aux chevilles et aux poignets, puis attachés aux sièges, une corde passée au niveau du torse s’ajoutant à la ceinture de sécurité. Une situation qui rendait impossible, selon eux, les « coups » dont on les accuse. Ils affirment enfin ne s’être rebellés qu’après y avoir été encouragés par les passagers. D’ailleurs, ils n’ont pas été poursuivis pour rébellion mais seulement pour refus d’embarquer et pour séjour irrégulier, souligne l’un de leurs avocats, Me Stéphane Maugendre. Le rapport des RG, lui, désigne Diawara Sirine comme « l’un des plus violents ». « Il a, avec son corps, porté des coups aux fonctionnaires d’escorte, affirme le document. Il a proféré une kyrielle de propos outrageants et insultants envers l’État français (…). Enfin il a menacé de mort(…)tous les fonction- mires lorsqu’ils seraient arrivés à Bamako ».

Les associations de défense des droits de l’homme ont réagi avec virulence contre la décision de la Cour d’appel de Paris. « Provocation, (…)indissociable de l’option brutale et inhumaine retenue par le premier ministre » », tonne le Mrap. Le syndicat de la magistrature, lui, exprime sa « vive indignation » et dénonce des «peines exorbitantes». La Ligue des droits de l’Homme (LDH) se dit «très choquée » et « inquiète » devant ce «refus complet d’ouverture ». Me Maugendre, l’avocat de Diawara Sirine conclut simplement : « en quinze ans de pratique du droit des étrangers Je n’ai jamais vu ça ».

⇒ Voir l’article

Prison ferme pour un refus d’embarquement.

Accueil  Emilie Rive,  27/11/1998

La cour d’appel de Paris a condamné hier un Malien à un an de prison ferme « pour refus d’embarquement ». Une décision « qui dépasse toute mesure par rapport aux faits » dénonce son avocat. Associations et Syndicat de la magistrature protestent.

LA cour d’appel de Paris a condamné, hier matin, quatre Maliens sans-papiers à des peines de trois mois à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction du territoire pour « refus de se soumettre à une mesure de reconduite à la frontière ». Un mandat d’arrêt a été délivré à l’audience à l’encontre de Sirine Diawara, trente ans, condamné à un an de prison ferme, qui a été immédiatement incarcéré.

Les 26 et 28 mars dernier, à l’aéroport de Roissy, une escorte de plusieurs policiers en civil embarquaient, menottes aux poignets et aux pieds et bâillonnés, douze Maliens dans un appareil d’Air Afrique en partance pour Bamako. Un témoin, à l’époque, racontait: « Les CRS se sont mis à trois, parfois à cinq, pour faire monter chaque expulsé. Le bus des passagers est arrivé un quart d’heure seulement avant l’heure d’envol. Ils sont montés, puis descendus après avoir discuté avec le commandant de bord. Les sans-papiers ont été ensuite redescendus et les passagers sont partis avec plus de trois quarts d’heure de retard. » Les passagers avaient été alertés par des tracts distribués par les associations pour les droits de l’homme.

Les douze Maliens avaient été arrêtés lors de l’évacuation, par les forces de police, des églises Notre-Dame-de-la-Gare et Saint-Jean-de-Montmartre, qu’ils occupaient à Paris pour demander leur régularisation. Ils devaient passer en jugement le lendemain des faits, mais Me Maugendre, l’un de leurs avocats, avait demandé le report. Il remarquait que les dossiers instruits comportaient des questions « bizarres »: « On a fait dire aux gens qu’ils n’ont pas subi de violences policières. Comme si on se protégeait à l’avance contre toute poursuite… » « Il y a des dossiers qui seraient régularisables selon la loi Chevènement, poursuivait l’avocat, leur titulaires ayant travaillé dix, douze ans en France, sans interdiction de territoire ni casier judiciaire pour d’autres faits. »

Au procès, en juin, les Maliens avaient contesté avoir résisté à l’embarquement, indiqué qu’ils ne voulaient pas partir sans bagages et protesté contre les méthodes des policiers. Le tribunal correctionnel de Bobigny, le 8 juin, les avait relaxés pour vice de procédure. En appel, l’avocat général avait requis des peines de quatre mois de prison et d’interdiction du territoire.

Hier, deux d’entre eux ont été condamnés à trois mois de prison ferme, les deux autres à six mois et un an de prison ferme. Concernant ces derniers, la cour d’appel a pris en compte une note des renseignement généraux établie par un fonctionnaire qui n’a pas assisté à l’embarquement, mais fut interrogé après coup par les policiers. Elle fait état de « voies de fait, violences et injures à agents de la force publique ». La salle a été évacuée après les protestations du public. « Je suis outré, s’indigne Me Maugendre. C’est une répression sans commune mesure avec les faits et une volonté contraire à tout apaisement sur ce dossier. C’est la première fois en quinze ans que je vois une condamnation aussi sévère. »

Le MRAP parle de « décision inique » et de  » déclaration de guerre juridique contre les sans-papiers et leurs soutiens ». De son côté, le Syndicat de la magistrature exprime sa « plus vive indignation ». Il rappelle que « les faits reprochés aux intéressés ne portaient que sur une situation d’irrégularité sur le sol français (qui ne constituait qu’une contravention jusqu’en 1981) et sur le refus d’embarquer de ces derniers. »

⇒ Voir l’article

Avocat