Un troublant accusé accusateur

images fig Philippe du Tanney, 12/09/2000

L’assassinat du gardien de la paix Catherine Choukroun devant les assises de Paris

Aziz Oulamara a tellement menti, comme il le reconnaît lui-même, que ce dossier gravissime repose sur un énorme tas de confusions. Et la cour d’assises doit constamment s’efforcer de trier les scories pour retrouver le fil conducteur De plus en plus embourbé dans ses contradictions cet ancien « demi-sel » de la rue Saint-Denis semble vouloir se faire passer pour plus bête qu’il n’est Et du même coup relativiser la portée de ses premières accusations.

Car, si les trois accusés se retrouvent dans le box des assises comme co-auteurs (eux) et complice (elle) de l’assassinat du gardien de la paix Catherine Choukroun de la tentative sur son collègue Emile HubbeL, le 20 février 1991, c’est en grande partie sur les déclarations détaillées d’Oulamara avant qu’il ne se rétracte. En novembre 1997. il avait expliqué au Juge d’instruction qu’ils étaient tous les trois partis ce soir-là en Austin Métro à la porte de La Vilette où Nathalie Delhomme voulait acheter de l’héroïne.

C’est en revenant de la porte de Clignancourt par le périphérique, qu’ils avaient vu le véhicule de police embusqué sur la bretelle d’accès pour un contrôle radar. Nathalie et Marc Petaux lui avaient alors dit : « Ralentis, et arrête-toi près d’eux, on va se les faire ! » Toujours selon Oulamara. Marco Petaux était sorti de la petite voiture son fusil à canon scié à la main et avait fait feu à deux reprises au-dessus du capot sur les deux policiers en uniforme. « J’ai menti tout ça c’est faux, j’en voulais à Nathalie et à Marco parce qu’ils m’avaient mis en cause dans l’affaire d’Evry ». Ils sont tous trois mis en examen dans l’assassinat en 1987 d’un ancien souteneur de la prostituée.

Mais la petite voiture noire avait bien été repérée par un chauffeur de taxi. En outre, les experts en balistique sont formels : au vu des angles de tir, le tireur est nécessairement sorti de la petite voiture pour lâcher les deux décharges de chevrotine. Les prétendus mensonges d’Oulamara sont d’autant plus troublants qu’ils coïncident aussi avec les premières indications de Mme Simone.

Surnommée « le PDG rue Saint-Denis » parcequ’elle y posséderait de très nombreux studios loués grassement aux prostituées, Mme Simone Darridon est une véritable institution : « J’y connais tout le monde », dit avec un sourire poli cette accorte septuagénaire en jean et gilet noir sur un chemisier à fleurs, les cheveux d’un noir de jais soigneusement réunis en natte dans le dos. « Je voyais tous les jours Aziz et Marco, ils s’occupaient de ramasser les loyers des studios. Aziz était videur. Marco et Nathalie vendaient aussi de la drogue ». Madame Simone ne cache pas que ses activités, sur lesquelles elle reste très pudique, lui valaient des relations très suivies avec des policiers.

« Vous comprenez, Mme la Présidente, explique-t-elle à la barre, la police faisait tout à coup des recherches dans mon immeuble et J’ai même été arrêtée.J‘ai alors demandé ce qu’il cherchaient. Je leur al indiqué la seule voiture qui ne faisait pas partie de l’immeuble et c’était l’Austin noire de Nathalie Delhomme». Simone Darridon affirme quelle trouvait sympathiques les accusés à l’époque où Ils « travaillaient » ensemble mais que, lorsqu’ils ont été impliqués d’après des rumeurs selon elle, elle a été écœurée « Si J’ai parlé de cette affaire, c’est parce que tuer pour s’amuser, pour rigoler, c’est une honte Pour un règlement de comptes, je n’aurais rien dit mais là! »…