, 23/12/2010
Des magistrats de Créteil (Val-de-Marne) et de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ont demandé aux policiers de rappeler aux gardés à vue leur droit au silence.
Des magistrats de Créteil (Val-de-Marne) ont décidé d’anticiper la réforme de la garde à vue (GAV) que le gouvernement doit rendre conforme à la Constitution et au droit européen avant le 1er juillet 2011. Dans un courrier du 6 décembre, les onze juges de Créteil demandent aux directions de la police, de la gendarmerie et des douanes de faire respecter, dès le 3 janvier, deux principes dans le cadre de leurs instructions : informer la personne en GAV de son droit à garder le silence, ce qui n’est actuellement pas obligatoire, et assurer la présence d’un avocat dès la première heure dans tous les types d’affaires, sauf décision contraire motivée du juge.
La 17e chambre correctionnelle de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a devancé elle aussi la réforme mardi soir en annulant les poursuites visant cinq personnes qui devaient être jugées en comparution immédiate. Motif : le droit au silence ne leur avait pas été notifié au cours de leur GAV.
Les trois juges de la 17e ont estimé que cette notification ne nécessite pas d’organisation particulière et peut être effective tout de suite. Les cinq prévenus ont été relâchés, mais le parquet de Bobigny a fait appel, estimant que « ni la loi ni la jurisprudence n’impose cela avant le 1er juillet ». « Soit c’est conforme, soit ça ne l’est pas, oppose Stéphane Maugendre, avocat qui a plaidé mardi avec succès à Bobigny cette nullité. Ce rappel au droit de se taire n’est pas anodin. C’est important de donner la possibilité à quelqu’un en situation de vulnérabilité de ne pas céder à une éventuelle pression psychologique. »
« Rappeler à un gardé à vue son droit au silence ne nous pose aucun souci », relève Michel-Antoine Thiers, responsable national du Snop, premier syndicat d’officiers de police. En revanche, il s’élève contre « l’injonction » des magistrats de Créteil au sujet de la présence d’un avocat dès la première heure, qui n’est aujourd’hui pas prévue par la loi dans les dossiers de trafic de stupéfiants ou de criminalité organisée par exemple. « Ces juges anticipent la loi future sans savoir ce qu’elle sera précisément. Nous, on respecte le droit tel qu’il est écrit aujourd’hui », explique Michel- Antoine Thiers, qui invite les officiers à demander à être dessaisis d’un dossier si les juges leur imposent une telle instruction.
A la chancellerie, on ne commente pas la décision de Bobigny ou l’initiative de Créteil. On rappelle simplement que les services du garde des Sceaux travaillent à la mise en conformité du régime de GAV dans les délais imposés. Cette année, ce régime a été sévèrement sanctionné par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme. Un dossier majeur, puisque au moins 800 000 personnes ont été placées en garde à vue l’an dernier.