Le président du groupe d’information et de soutien aux immigrés dénonce l' »absence totale de solidarité » de la France avec l’Italie qui fait face à un afflux important de migrants.
En accordant des permis de séjour temporaires à des milliers de Tunisiens arrivés sur son territoire, l’Italie ne respecterait pas « l’esprit » de la convention de l’espace Schengen sans frontières, selon Claude Guéant. A-t-il raison ?
– L’Italie ne viole ni le texte, ni l’esprit de la convention de Schengen. Celle-ci met en place un espace de libre circulation formé par tous les pays signataires et des règles communes pour le franchissement des frontières extérieures de cet espace. Au nom d’un principe de solidarité, chaque pays membre de Schengen doit faire respecter ces règles dans l’intérêt de tous les autres. Ce principe pèse beaucoup plus lourd pour les pays qui ont de nombreuses frontières extérieures à surveiller, comme l’Italie ou la Grèce. On notera au passage que ça ne gêne pas ceux qui n’en ont pas ou presque pas, comme la France ou la Belgique…
Mais Schengen dit aussi qu’un Etat a parfaitement le droit d’accorder le droit au séjour sur son territoire à qui il veut, même si cette personne est entrée sans visa. La France le fait parfois quand elle régularise des sans-papiers. Et, de fait, ce droit au séjour octroyé par un Etat à un étranger va faciliter sa circulation sur tout l’espace Schengen. Si l’Italie a décidé aujourd’hui d’user de cette faculté, c’est en quelque sorte « de bonne guerre », parce que la France, en affirmant haut et fort qu’elle n’accepterait pas de Tunisiens sur son sol, a fait preuve d’une absence totale de solidarité face à une situation exceptionnelle comme celle qui a suivi la révolution tunisienne. Une attitude partagée d’ailleurs par tous les Etats membres de l’Union européenne, dont le silence est criant… c’est vraiment chacun pour soi.
Claude Guéant a par ailleurs indiqué que la France allait renforcer ses contrôles. Craignez-vous une chasse aux migrants ?
– Cette chasse a déjà commencé. Depuis février, la police de Cannes a des consignes pour » interpeller les étrangers en situation illégale de nationalité tunisienne », ce qui incite clairement aux contrôles au faciès. Avant même la circulaire du ministère de l’intérieur du 6 avril qui donne des instructions en ce sens, les contrôles à la frontière ont été renforcés – ce qui, pour le coup, est tout à fait contraire à « l’esprit de Schengen » qui prévoit la suppression de ces contrôles. Et sur le terrain, il y a déjà beaucoup de témoignages qui attestent de cette traque aux Tunisiens.
Dans ce contexte, que peuvent espérer les migrants qui se sont vus délivrer un permis de séjour temporaire et qui sont aujourd’hui sur le sol français ?
– Au minimum, ceux qui veulent demander protection à la France doivent pouvoir déposer cette demande et celle-ci doit être examinée. Pour les autres, il est à craindre qu’ils ne se trouvent jetés dans la clandestinité à l’expiration du permis de séjour provisoire. Ce qui est très hypocrite, car la France, comme l’Italie et le reste de l’Europe, ont parfaitement la capacité d’absorber ces quelques milliers de Tunisiens, une goutte d’eau à l’échelle des 500 millions d’habitants de l’Union européenne. Vous verrez que dans quelques mois, on n’en parlera plus. Au lieu de crier à la menace d’invasion, l’Europe devrait prendre exemple sur la Tunisie, et ouvrir ses portes.
Une réflexion sur « Immigration : en Europe, « c’est vraiment chacun pour soi ». »
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