G.V., 25/04/2010
Droite et gauche se sont écharpées tout le week-end sur le délicat dossier de Liès Hebbadj, dont Brice Hortefeux veut déchoir la nationalité française. Le débat politique sur le voile intégral s’est invité dans tous les talk-shows dominicaux.
En plein débat sur le voile intégral, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a émis des soupçons sur Liès Hebbadj, mari d’une femme verbalisée pour avoir conduit en niqab, envisageant qu’il soit déchu de sa nationalité (lire: Lies Hebbadj, cible de Brice Hortefeux). Depuis cette proposition, le débat, sensible, sur le voile intégral en France s’est enflammé, chaque politique y allant de sa petite phrase.
Le PS a dégainé en premier, critiquant l’instrumentalisation d’un fait divers et les fondements juridiques de cette requête. Ceux qui évoquent une déchéance de nationalité sont « de très bons communicants pour monter des scénarios« , a déploré dimanche Julien Dray sur Radio J. « Ils sont capables de vendre des histoires clés en main auxquelles tout le monde adhère« , a ajouté le député socialiste de l’Essonne. « S’il doit y avoir une procédure, elle se fait par la justice, pas par un autre membre du gouvernement« , a souligné pour sa part François Hollande sur France 5.
Du danger de la stigmatisation
Pour Stéphane Maugendre (avocat), président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), le raisonnement que la droite va tenir « est simple: qui dit voile intégral dit nécessairement polygamie, appartenance à une mouvance islamiste, fraude aux allocations familiales (…) donc personnes dangereuses pour la France« . Et dans la ligne de mire de son communiqué, la future loi sur l’interdiction du port du voile intégral, que le gouvernement peine à mettre sur pied depuis six mois.
L’islamologue Tariq Ramadan, qui s’exprimait dimanche lors d’une conférence prévue depuis un mois à la mosquée Arrahma de Nantes, s’est montré – comme prévu – plus sévère: « Avec des politiques de cette nature, ce sont les valeurs de la France qu’on trahit. Brice Hortefeux, c’est vous qui trahissez les valeurs de la France!« , a-t-il martelé. Devant la presse, il a ensuite développé: « On a fait d’une histoire de PV à 22 euros une controverse nationale, on est dans l’instrumentalisation, dans la surenchère. (…) C’est finalement le Front National qui fait son beurre.«
Le FN se positionne
Jean-Marie Le Pen, justement, a profité d’être l’invité du Grand jury RTL-LCI-Le Figaro pour rebondir sur la polémique. Pour lui, « le plus important » n’est pas que les conjointes de cet homme « portent le voile intégral« , mais « qu’elles bénéficient de l’allocation de parent isolé« . Et renouant avec sa verve habituelle: « On est condamné à garder chez nous la racaille que nous avons fait condamner devant nos tribunaux correctionnels ou devant nos assises.«
Côté UMP, on se montre discret. Seul Jean-François Copé, fervent défenseur d’une loi sur le voile intégral, est monté au créneau: « Brice Hortefeux a tout à fait raison de mettre les pieds dans le plat« , a déclaré le patron des députés UMP sur Radio J.
Un dossier bancal confié à Eric Besson
Face à ces réactions, le ministre de l’immigration Eric Besson, qui a récupéré le dossier « Lies Hebbadj », s’est montré très prudent. « J’imagine que ça veut dire que Brice Hortefeux a sur son bureau un dossier suffisamment conséquent et solide« , a-t-il dit dimanche sur TV5-Monde et RFI, tout en récusant l’idée d’un « cadeau empoisonné« .
« Brice Hortefeux me demande d’étudier la possibilité et l’opportunité d’une procédure de déchéance » mais celle-ci « ne pourrait l’être qu’après une condamnation par la justice« , a-t-il fait valoir. Condamnation très hypothétique, a reconnu le ministre, qui a évoqué la difficulté de prouver un délit de polygamie.
L’homme peut vivre avec plusieurs femmes, les avoir « épousées » religieusement devant un imam et ne s’être marié qu’une seule fois civilement: il ne serait alors pas condamnable par la loi. De plus, le délit de polygamie ne peut provoquer la déchéance de nationalité. L’annulation de sa naturalisation peut être obtenue sur avis conforme du Conseil d’État s’il est prouvé que l’homme était déjà marié civilement au moment du mariage de 1999 et a donc obtenu sa naturalisation « par mensonge ou par fraude ».