Enquête sur un présumé réseau de prostitution via le tribunal de Bobigny

AFP, François Ausseill, 31/10/2001

Le tribunal de grande instance de Bobigny servirait-il de plaque tournante à un réseau de prostitution impliquant de jeunes étrangères, africaines et mineures pour la plupart ? Tel est l’objet d’une instruction confiée à un juge depuis le 16 mai a-t-on apprit mercredi de source proche du dossier.

A l’origine de cette enquête, une plainte contre X déposée en mars 2001 par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), s’interrogeant sur la présence d’éventuels « rabatteurs » à la sortie de l’audience dite des 35 quater sur les étrangers arrivés en France en situation irrégulière.

Cette plainte sera suivie un mois et demi plus tard par une ouverture d’information judiciaire du parquet de Bobigny alors que le responsable du parquet des mineurs. Jean-Claude Kross avait, selon le Gisti, alerté le procureur général de la Cour d’appel de Paris et que le tribunal dans son ensemble s’interrogeait depuis plus d’un an sur le devenir des jeunes filles, mineures ou non. passées par l’audience des 35 quater (du nom de l’article de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (régissant le droit des étrangers).

Saisi de la plainte avec constitution de partie civile du Gisti et de l’information judiciaire, les deux dossiers ayant été joints depuis, le juge Olivier Géron instruit, avec l’aide des brigades des mineurs de Bobigny et de Paris, des faits présumés de « proxénétisme en bande organisée » et « d’arrestation, enlèvement et séquestration de mineurs de 15 ans »

Chaque jour, dans une nouvelle salle du tribunal de Bobigny, des dizaines d’étrangers arrivés en situation irrégulière à Roissy défilent devant un juge chargé de statuer sur leur maintien en zone d’attente.

Si nombre d’entre eux sont maintenus et renvoyés dans leur pays d’origine, d’autres sont autorisés à entrer sur le territoire, et parmi eux, des jeunes filles, prises en charge dès la sortie de la salle d’audience par des individus que manifestement elles ne connaissent pas.

Ainsi, le Gisti, dont la plainte est le fruit d’une campagne d’observation de l’audience des 35 quater entre le 27 décembre 2000 et le 2 février 2001, note que « selon toutes vraisemblances des rabatteurs récupéraient des jeunes femmes ou filles mineures étrangères pour alimenter un ou des réseaux de prostitution et pour les étrangers majeurs des réseaux de travail clandestin »

« Il semble que ce soit les jeunes femmes de nationalité sierra-léonaise les plus vulnérables puisqu’il a été observé que des hommes qu’allés ne connaissaient pas, venaient visiblement les récupérer », poursuit le Gisti dans sa plainte dont l’AFP a eu copie. Il n’est qu’à fréquenter régulièrement le tribunal de Bobigny pour en effet constater aux abords de la petite salle d’audience, à l’entrée du tribunal la présence régulière d’hommes et de femmes, souvent les mêmes, d’origine africaine, qui entrent en contact avec les jeunes femme» à leur sortie de la salle ou de l’enceinte de tribunal.

Plus troublante est l’attitude de deux ou trois avocats payants spécialisés en droit des étrangers, qui à plusieurs reprises ont empêché des membres d‘associations telles que la Croix-Rouge de s’entretenir avec des jeunes filles qui venaient d’être autorisées à entrer sur le territoire.

Outre ces agissements aux abords et dans le tribunal, l’enquête porte sur les nombreuses fugues de mineures placées dans des foyers de aide sociale à l’enfance (ASE) de la Seine-Saint-Denis, avec en filigrane la même question: ces jeunes filles deviennent-elles des lucioles noires, ces jeunes prostituées d’origine africaine que l’on retrouve sur les boulevards des maréchaux à Paris?