MADAME SIMONE, la proxénète qui a dénoncé les tueurs d’une policière
MADAME SIMONE, 71 ans, s’avance à la barre des témoins d’une démarche chaloupée. Étrange créature que cette septuagénaire à la poitrine imposante et à la chevelure d’ébène. Elle porte un gilet d’homme sur un chemisier à fleurs, un jean tombant sur des mocassins et en bandoulière, un mini-sac à main. Ce qui frappe le plus, lorsqu’elle s’avance à la barre des témoins, c’est son visage à la carnation presque transparente. Et au milieu de traits tirés et émaciés, ses deux yeux noirs et mobiles.
17 heures hier, devant la cour d’assises de Paris, tout le monde retient son souffle. Madame Simone vient témoigner au quatrième jour du procès d’Aziz Oulamara, Marc Petaux et Nathalie Delhomme, accusés tous les trois de l’assassinat de Catherine Choukroun, une policière de 27 ans tuée en février 1991 porte de Clignancourt à Paris, sur le périphérique. Ce n’est un secret pour personne — un policier l’a confirmé à l’audience jeudi dernier — qu’elle est à l’origine du « tuyau » qui a donné les accusés à la police. Ce qui, dans le milieu de la rue Saint-Denis, équivaut à une trahison. Mais-Madame Simone, qui habite, dans les beaux quartiers de Neuilly-sur-Seine grâce au fruit de vingt ans de travail dans le monde de la prostitution, a sa morale : « Ce meurtre serait un règlement de comptes, je n’aurais rien dit Mais un meurtre gratuit pour s’amuser, je ne peux l’admettre. Je fais cela pour cette dame qui avait un enfant. Pour qu’elle dorme en paix On me croit ou non, je suis honnête à ma façon. »
« Il faudra le prouver »
Et la « tenancière » comme elle se nomme elle- même, incarcérée en 1998 pour proxénétisme parce qu’elle percevait les loyers de treize studios, se met à raconter. Une nuit où elle travaillait à « encaisser les prostituées », Oulamara, qui était videur rue Saint-Denis et qu’elle connaissait depuis longtemps, lui fait des confidences. « Il n’arrêtait pas de répéter -.Je suis pire qu ’un tireur d’élite, à 100 à l’heure je vise la tête. C’était pour lui une obsession et comme j’ai fini par m’énerver, il m’a annoncé : Si tu ne me crois pas, demande à Marco. » « Et Marco, c’est Petaux ? » demande la présidente. « Bien sûr, rétorque Madame Simone. Ils étaient copains, toujours .ensemble. Petaux était dealer rue Saint-Denis à l’époque. Sur le coup, je n’ai pas fait le rapprochement avec le meurtre de la policière. Mais assez vite, il y a eu des policiers partout dans le coin. Je me suis renseignée, ils recherchaient une voiture qui pourrait être liée à l’affaire de Clignancourt »
Madame Simone mène alors l’enquête. Les rumeurs de la me attribuent le coup à Petaux et Oulamara. Elle note l’immatriculation de la voiture utilisée alors par Petaux Un numéro qui se termine par T 92, comme celui décrit par un témoin du meurtre de la policière. « Je n’étais pas sûre que c’était eux Alors j’ai demandé à Jacky (le surnom de Oulamara) : L’affaire de Clignancourt, c’est toi, hein ?» « Oui, mais ça faudra le prouver », lui aurait-il alors répondu
Madame Simone se confie alors à un flic quelle connaît bien. Mais il lui déconseille de parler sous peine de ne plus pouvoir travailler me Saint-Denis. Ce n’est que six ans plus tard qu’elle donne son renseignement à un policier des stups qui, lui, saura en faire usage.