ZOOM – Le député de droite, président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, préconise de systématiser l’emploi de tests osseux pour déterminer si certains migrants interpellés à la frontière franco-italienne sont majeurs ou mineurs. Une méthode polémique, toujours légale mais dont la fiabilité est très largement mise en doute.
« De jeunes adultes peuvent aisément se faire passer pour des mineurs et ainsi usurper le système », a expliqué Eric Ciotti à Nice Matin pour appuyer son discours en faveur des « test osseux sur les migrants dont l’âge serait sujet à débat ». Un discours entendu puisque selon France Bleu Azur, la préfecture des Alpes-maritimes est d’accord pour systématiser « dans les prochains jours » cette méthode à la frontière franco-italienne. Les migrants qui seraient ainsi reconnus comme majeurs pourraient alors faire l’objet d’une expulsion du territoire, seuls les mineurs étant pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, organisée par le département. La pratique, « tout à fait légale », comme l’a souligné Eric Ciotti, est pourtant sujette à caution depuis plusieurs années.
► Quel est le procédé ?
Ce test, inventé dans les années 1950 aux Etats-Unis, repose sur une radio du poignet et de la main : il s’agit d’évaluer l’état des cartilages de croissance des jeunes étrangers, pour ainsi déduire leur âge. Plus il reste de cartilage, plus il y a de chances que la personne ait moins de 18 ans. A contrario, si les os sont soudés, on peut en déduire qu’elle est majeure. Pour affiner l’analyse, les clichés sont comparés à d’autres planches de radio issues de l’atlas de référence, élaboré par les Américains Greulich et Pyle grâce à des données recueillies… dans les années 1930.
► Ces tests sont-ils fiables ?
La marge d’erreur est grande : de dix-huit mois au moins. Eric Ciotti l’a d’ailleurs pris en compte dans son argumentaire puisqu’il parle de « vérifier si la personne a plus de 21 ans », et non 18 comme l’âge de la majorité en France. Une précaution qui ne change rien pour les nombreux détracteurs de cette pratique. Le Conseil national d’éthique, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, l’Ordre des médecins, le Conseil de l’Europe… Tous ont pris position contre. « Cela relève du Moyen Âge de la science. On détermine l’âge de la personne au doigt mouillé ! », s’offusque auprès de metronews l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Cet avocat spécialiste du droit des étrangers ne voit « pas comment la justice peut encore considérer cette méthode comme une preuve » : « On sait très bien que selon les régions, on grandit de façon différente »…
Mais l’Etat continue bien de la justifier. « Si elle ne permet pas toujours une distinction nette entre 16 et 18 ans, l’expertise osseuse ne doit pas pour autant être écartée car l’Académie de médecine a noté que sont relativement rares les situations où âge de développement et âge réel comportent des dissociations, la plupart d’entre elles conduisant à une sous-estimation de l’âge réel », expliquait ainsi en 2014 le ministère de l’Intérieur, interrogé sur le sujet par une sénatrice.
► Y a-t-on souvent recours ?
Pas suffisamment au goût d’Eric Ciotti, même si la justice continue d’utiliser largement ces tests lorsqu’il y a doute sur l’âge d’un migrant. « C’est courant », confirme Stéphane Maugendre. En 2013, année où 1347 examens de ce type avaient été réalisés selon les chiffres du ministère de la Justice, Christiane Taubira avait publié une circulaire pour rappeler que l’examen osseux réalisé sur les mineurs isolés étrangers doit intervenir en dernier recours. Et en mai dernier, les députés ont adopté un amendement visant à « limiter au minimum » ces tests. Mais ceux-ci restent bien d’actualité.