Militants hors-la-loi

Image_3_reasonably_small-du_400x400 Par Stéphane Maugendre, président du Gisti 26/08/2008

La droite au pouvoir stigmatise les associations en lutte contre la politique d’immigration du gouvernement. Le président du Gisti s’insurge et décrypte cette dérive de criminalisation des militants.

A la suite de l’incendie qui s’est déclaré au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (77), le samedi 2 août, le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, a décidé de porter plainte contre le président d’une association. L’ Anafé, la Cimade, la LDH, la Pastorale des migrants, RESF et le Gisti ont dénoncé l’attitude du gouvernement consistant à rechercher un bouc émissaire et à se dédouaner ainsi de sa propre responsabilité quant aux conséquences désastreuses de sa politique. Au-delà, ces mêmes organisations posaient la question : “La critique de la politique de l’immigration est-elle encore possible en France ?” (voir le communiqué de ces associations sur gisti.org).

Cette question n’est malheureusement pas née d’hier, et l’initiative du ministre de l’Immigration, loin d’être isolée, s’inscrit dans un contexte qui montre que le gouvernement est décidé à s’attaquer à tous ceux qui osent s’opposer à lui. Témoin de cette dérive, les déclarations du porte-parole de l’UMP, le 24 juin dernier, qualifiant RESF et d’autres collectifs de soutien aux sans-papiers de “faiseurs de provocations” et “semeurs de désordre” lors de l’incendie du centre de rétention de Vincennes consécutif au décès, dans des circonstances non encore élucidées, d’un Tunisien âgé de 41 ans.

Témoin la publication au Journal officiel du 1er juillet 2008 du décret instituant le fameux fichier Edvige, qui permet le fichage de “toute personne âgée de 13 ans et plus (…) ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif”, de tout individu, groupe ou organisation dont l’activité est susceptible de troubler l’ordre public ainsi que toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, à l’appartenance ethnique, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses, au patrimoine, au véhicule… de ces personnes (pour signer la pétition Non à Edvige : www.no- naedvige.ras.eu.org).

Témoin, la diffusion de la note en date du 13 juin 2008 de la Chancellerie qui demande aux parquets d’informer dans les plus brefs délais la section antiterroriste de Paris de faits “susceptibles d’être attribués à la mouvance anarcho-autonome” et qui vise, parmi ces faits, les “manifestations de soutien aux étrangers en situation irrégulière” aux cours desquelles “ses membres s’expriment, parfois avec violence”.

Témoin encore la question écrite de M. Thierry Mariani (député UMP et auteur du mémorable amende-ment ADN en septembre 2007) sur le financement public du Gisti et la réponse du ministère de l’Immigration laissant entendre que des contrôles seraient prochainement diligentés sur l’emploi des fonds publics ainsi versés de façon à établir les conditions d’une reconduction éventuelle du soutien financier de l’Etat (JO des 18 septembre 2007, p. 5625, et 6 mai 2008, p. 3842). Comme si la reconduction des subventions d’une année sur l’autre n’était pas toujours subordonnée au contrôle de l’exécution des engagements pris et alors que la Cour des comptes a elle-même effectué un contrôle en 2007 sur la gestion financière du Gisti dont il est ressorti un rapport particulièrement élogieux. Derrière la question du député et la réponse ministérielle se profile donc bien, en réalité, une menace sur le financement public des associations qui expriment leur désaccord avec la politique gouvernementale. Stigmatisation, anathèmes, fichage des militants et associations, criminalisation des soutiens et maintenant dénonciation publique et médiatique des associations (qualifiées de “groupuscules d’extrême gauche”), annonce d’une plainte contre un militant – sur l’unique fondement d’un seul article de presse mettant entre guillemets des mots non-prononcés -, interdiction de manifester : décidément, tout est fait, et par tous les moyens, pour rejeter sur ceux-là les conséquences désastreuses de l’actuelle politique d’immigration.

Il va d’évidence que plus cette politique se durcira, plus la critique démocratique des associations, des syndicats et des militants se fera entendre, et plus le désir de nos gouvernants sera de nous bâillonner et de nous dénoncer – non plus pour trouble à l’ordre public mais pour trouble à l’ordre politique, au risque de mettre en danger les libertés de tous

*Gisti : Groupe d'information et de soutien des immigrés. www.gisti.org

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