Archives de catégorie : violences policières

Sursis requis contre les policiers à l’origine de la mort d’un Ethiopien

20minutes.fr 

Le parquet a requis hier une peine avec sursis pour deux des trois policiers de la police aux frontières, renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny. Ils sont accusés d’avoir involontairement causé la mort d’un Ethiopien, lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy. Alors qu’il se débattait, Getu Hagos Mariame, 24 ans, avait fait un malaise dans la nuit du 16 au 17 janvier 2003, avant le décollage de son avion, en raison de la forte pression des policiers pour le tenir plié sur son siège, la tête sur les genoux. Transporté dans le coma, il était mort le 18 janvier. Le procureur, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi, mais a considéré qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement « en pratiquant ce geste de compression ». Elle n’a pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal. Jugement le 23 novembre.

⇒ Lire l’article

Expulsé décédé à Roissy : sursis requis

Getu Hagos Mariame, 24 ans, est décédé lors de son expulsion en 2003. Les agents de la Police aux frontières « ont été négligents ou maladroits ».

Le procureur de la République de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a requis jeudi 28 septembre de l’emprisonnement avec sursis, sans en préciser la durée, contre deux policiers et la relaxe d’un troisième poursuivis pour homicide involontaire à la suite du décès d’un Ethiopien de 24 ans (que les autorités avaient d’abord dit somalien), embarqué de force dans un avion en janvier 2003.
Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.
Les deux premiers fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) « ont été négligents ou maladroits », a assuré l’accusation en estimant que leurs gestes ont conduit au décès de Getu Hagos Mariame. Ce dernier était arrivé le 11 janvier 2003 d’Afrique du Sud. Le 16, sa demande d’asile étant rejetée, il doit être ré-embarqué dans un vol d’Air France à destination de Johannesburg.

Mais l’homme refuse son retour, simule deux malaises en zone d’attente de l’aéroport de Roissy. De force, il est embarqué à l’arrière de l’avion avant les passagers, entre Axel Daillier, 26 ans, chef d’escorte, et Merwan Khellady, 32 ans. Le troisième fonctionnaire, David Tarbouriech, 28 ans, fait face sur la rangée précédente.« Déporté accompagné »Le « déporté accompagné », c’est ainsi qu’on les appelle, hurle, se débat. Pour le forcer à rester calme, Axel Daillier le maintient plié en deux sur son siège, Merwan Khellady tient les menottes, lui entravant les mains dans le dos. David Tarbourieh lui appuie sur la tête de temps en temps pour l’empêcher de se relever mais fera surtout le « tampon », comme il l’a expliqué, avec les passagers.

Getu Hagos Mariame serait resté dans cette position une vingtaine de minutes. Selon l’expertise médicale, cette position pliée a entraîné son décès par manque d’oxygénation. Depuis ce drame, cette « technique du pliage » est interdite.

« J’ai appliqué les consignes. On n’avait aucune formation. La consigne de ‘pliage’ était celle à faire lorsqu’un individu se rebellait », a expliqué Axel Daillier. A l’époque des faits, il était à la PAF depuis trois ans et avait déjà effectué une trentaine d’escortes.

Brusquement, le passager se calme. Leur première réflexion est qu’il simule un malaise. Mais bien vite, ils s’aperçoivent qu’il est victime d’un malaise. Le Somalien décédera à l’hôpital.

« Trois semaines pour digérer tout cela »

Pour l’accusation, il ne fait aucun doute que les gestes de Daillier et Khellady, doublé d’une « formation lacunaire », ont entraîné le décès de la victime.

L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, a estimé que les trois hommes sont allés au-delà de l’usage de la force strictement nécessaire. Et regretté qu’ils n’aient pas eu un mot à l’audience pour les parents de la victime qu’il représente.

Les trois hommes n’ont pas exprimé de regrets. « On ne peut qu’être affecté », a déclaré David Daillier. « C’est quand même assez troublant de vivre avec cela », a ajouté Merwan Khellady tandis que David Tarbouriech assurait qu’il lui avait fallu « trois semaines pour digérer tout cela ».

La défense a plaidé la relaxe. Pour Me François Cornette de Saint-Cyr, avocat de Tarbouriech, ils n’ont « fait que leur devoir », sans excès de « zèle ». Me Georges Holleaux, avocat de Merwan Khellady, a plaidé que ces policiers n’avaient pas de règles écrites en cas de reconduite. Depuis ce drame, elles existent. Après le drame, les trois fonctionnaires avaient été suspendus dix mois, avant d’être réintégrés. (AP)

⇒Lire l’article

A Bobigny, le procès du «pliage» des expulsés

  Didier Arnaud

Trois policiers sont accusés d’homicide involontaire après la mort de Mariame, 24 ans, lors de son renvoi.

La technique du «pliage», utilisée par la PAF (police aux frontières), a-t-elle été fatale à Getu Hagos Mariame, 24 ans, en janvier 2003 ? Ce geste est utilisé par les policiers lorsqu’ils veulent maintenir quelqu’un assis. Il s’agit de faire pression sur le haut des cuisses et de plier la hanche en appuyant avec son corps. La tête est alors sur les genoux. Axel Dallier, chef d’escorte, Merwan Khelladi et David Tarbouriech, âgés de 26 à 32 ans, ont «plié» Mariame en le raccompagnant dans l’avion pour Johannesburg, en Afrique du Sud. Il est mort quatre jours après sa tentative de reconduite. Les policiers comparaissaient hier devant le tribunal de Bobigny pour «homicide involontaire».

«Une force incroyable».

Le 16 janvier, le jeune homme d’origine éthiopienne ­ les autorités l’avaient d’abord dit somalien ­ est très agité lorsque les trois policiers l’accompagnent. Il gesticule, hurle, en anglais, qu’il ne veut pas rentrer, qu’il «préfère mourir». Mariame réussit à libérer son bras. A ce moment-là, les fonctionnaires le «plient». Tarbouriech : «Je l’empêchais de tourner la tête pour que le collègue ne se fasse pas mordre, il paraissait en bonne santé, il avait une force incroyable.» Khelladi : «A aucun moment nous ne l’avons complètement plié en deux, c’était une lutte perpétuelle pour le maintenir.» Le personnel de bord a d’autres perceptions. Le steward a vu un policier «assis» sur l’Éthiopien. Le «chef-avion» a aperçu un policier assis au niveau de ses épaules et un autre à hauteur des fesses, lui couvrant la bouche. Une hôtesse parle d’un «coup de genou».

A 23 h 40, brusquement, Mariame cesse de s’agiter et de crier. «Il n’y avait plus rien au niveau des menottes, il fallait faire vite», dit un des policiers. Il a les pupilles dilatées, plus de pouls. Les secours l’emportent. L’autopsie conclura que le maintien de la tête pliée sur les genoux a provoqué une compression de la carotide. Déjà, l’après-midi, il avait fait un malaise. «Simulé», dit le médecin de l’aéroport, ajoutant que le patient était «capable de se faire du mal pour ne pas repartir». Dallier se défend : «A aucun moment je ne pensais que [le pliage] pouvait tuer quelqu’un.» Me Maugendre, avocat de la partie civile, regrette : «Un homme est mort loin de chez lui des mains de la police française, j’aurais aimé juste un seul mot pour les parents de M. Mariame.»

Maladroits.

Pour la procureure, les policiers n’ont pas transgressé un règlement mais ont été négligents et maladroits. Elle a demandé une peine de prison avec sursis pour deux des policiers, pas pour Tarbouriech. Après ce drame, la formation des escortes a été revue. Ils doivent désormais tenir compte du comportement des reconduits et, le cas échéant, abandonner si ceux-ci se mettent en danger. Le «pliage» est interdit. Jugement en délibéré au 23 novembre.

⇒ Lire l’article

La justice face à une expulsion qui a tourné au drame

la-croix-logo Olivier Tallès avec Maud Pierron, 29/09/2006

IMMIGRATION Trois fonctionnaires de la police étaient jugés hier pour avoir provoqué sans le vouloir la mort d’un Éthiopien

C’est une affaire embarrassante pour la police, à l’heure de la multiplication des reconduites à la frontière. Trois policiers de la police aux frontières (PAF) de l’aéroport de Roissy-Charles-de- Gaulle ont comparu hier devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour «homicide involontaire» à l’encontre d’un ressortissant éthiopien en situation irrégulière. Les policiers, âgés de 26 à 32 ans, sont accusés d’avoir provoqué la mort de Getu Hagos Mariame, un jeune sans papiers de 24 ans, pendant son expulsion, «par le pliage de sa tête sur le cou et le thorax». Autrement dit, une forte pression pour le maintenir plié en deux sur son siège, ” dans l’avion qui devait le ramener en Afrique. C’est à la suite de cette forte pression que l’Éthiopien a fait un malaise. Transporté à l’hôpital Ballanger de Villepinte dans le coma, il est décédé deux jours plus tard.

De la France, Getu Hagos Maria¬me n’aura rien vu ou presque. Débarqué le 11 janvier à bord d’un vol en provenance de Johannesbourg, démuni de tout papier, il avait été aussitôt interpellé et maintenu en zone d’attente. Trois jours plus tard, sa demande de droit d’asile était rejetée par le ministère de l’intérieur. Sa reconduite à la frontière était alors engagée. Le gardien de la paix Axel Dallier était chargé de l’escorter pour le 16 janvier avec ses collègues David Tarbouriech et Merwann Khelladi.

On ne sait pas grand-chose de la victime. Hier, la présidente du tribunal a regretté que personne de la famille n’ait pu se déplacer pour dresser le tableau de sa personnalité ou de son passé. En dehors de son état civil – il est né en Somalie -, on sait juste que l’homme a passé quelque temps en Afrique du Sud, avant de tenter sa chance en France. «Visiblement, c’est quelqu’un qui avait très peur d’être expulsé, témoigne son avocat, Stéphane Maugendre. Il a tout fait pour être débarqué. Je m’étonne que les policiers n’aient pas renoncé. » Il est vrai qu’il a manifesté une grande résistance, avant et pendant sa reconduite à la frontière.

À deux reprises durant son séjour en zone d’attente, il a simulé un malaise, selon le médecin qui l’avait examiné. Puis Getu Hagos Mariame a tout fait pour compliquer la tâche de l’escorte. Son refus des menottes a conduit les policiers à entraver ses jambes «avec des bandes velcro au niveau des genoux et des chevilles», selon les enquêteurs. Ils l’ont porté ainsi de la zone d’attente jusqu’à son siège. À bord, la victime a opposé une très vive résistance. Des témoins rapportent qu’il se débattait sans arrêt, refusant l’attache de la ceinture abdominale du siège. Les policiers ont alors exercé une pression sur le dos et la tête de Mariame, le contraignant à se replier sur lui-même pour le cacher à la vue des passagers.

Pour le maintenir immobile pendant qu’on lui passait les menottes, le chef d’escorte a expliqué avoir utilisé «son poids» en respectant la technique dite «du pliage», dont l’usage n’est plus autorisé depuis ce drame. Hier, lui et ses collègues se sont à nouveau retranchés derrière la procédure. Ils ont démenti les propos de deux témoins de la scène, un chef de cabine et une hôtesse de l’air, lesquels ont présenté une version un peu différente. Ces derniers ont indiqué en effet que «deux policiers s’étaient assis sur la victime allongée en position de fœtus».

Quoi qu’il en soit, c’est cette pression qui a provoqué le malaise fatal. L’autopsie a conclu que le décès était dû à une compression de la carotide provoquant une raréfaction d’oxygène dans le sang. L’expert précisant que les déclarations des trois fonctionnaires, aussi bien que celles des témoins, étaient compatibles avec les causes de la mort. Mis en examen pour «maladresses et manquements à une obligation de sécurité et de prudence ayant entraîné involontairement le décès», les trois policiers ont été mis à pied pendant dix mois. Ils ont, depuis, repris du service dans l’unité qu’ils occupaient avant la mort de Getu Hagos Mariame. Hier, le procureur a requis de la prison avec sursis, sans en préciser la durée.

Trois policiers jugés pour une bavure dans un avion

images fig Stéphane Durand-Souffland, 29/09/2006

Un Éthiopien en situation irrégulière était mort étouffé après l’intervention des fonctionnaires pour le maintenir sur son siège.

RETOUR sur la mort d’un « Inad », d’un « Depa ». C’est ainsi que sont désignés, dans ce jargon administratif qui transforme l’homme en sigle pour formulaires, les « individus non admis » sur le territoire na¬tional, aussi appelés élégamment, à Roissy, « déportés accompagnés ».

Getu Hagos était l’un d’eux. Arrivé en France le 11 janvier 2003 sans passeport, cet Éthiopien de 23 ans qui était passé par l’Afrique du Sud demande l’asile politique qui lui est refusé. Le 16 janvier, tard dans la soirée, trois fonctionnaires de la Police de l’air et des frontières (PAF) le conduisent dans l’avion d’Air France en partance pour Johannesburg, qui doit décoller vers minuit. M. Hagos se débat, vocifère. L’escorte le maintient de force sur son siège. Soudain, plus un mouvement, plus un bruit : le « Depa » a perdu connaissance. 11 sera réanimé, mais décédera quelques heures plus tard.

Compression des carotides
Axel Dallier, Merwan Khelladi et David Tarbouriech comparaissaient hier en correctionnelle à Bobigny pour l’homicide involontaire de Getu Hagos. Ce sont trois gardiens de la paix très jeunes, pas très costauds, à la voix pas très forte. La présidente Feyler-Sapen décrit les derniers instants de la victime et l’intervention d’un médecin quelques heures avant le départ de l’avion. L’éthiopien semblait en proie à une crise d’épilepsie.

Simulation, conclut le praticien. L’autopsie prouvera cependant que M. Hagos souffrait d’une bronchite non décelée lors de cet examen.
Pour Me Stéphane Maugendre, avocat des parties civiles, les policiers ont abusé de la force. Selon des témoignages du personnel navigant, en effet, deux d’entre eux se seraient assis sur le passager récalcitrant. De fait, la mort de ce dernier a été causée par la compression des carotides, résultant d’une flexion prolongée du tronc. Non, réplique la défense, les policiers ont tenté de maîtriser un agité vociférant : « Il préférait mourir plutôt que partir », se souvient M. Dallier. A aucun moment, affirment les prévenus, ils ne se sont assis sur M. Hagos, de constitution athlétique, dont le malaise soudain les aurait totalement pris de court.

Le parquet estime qu’aucune charge ne peut être retenue à l’encontre de M. Tarbouriech. En revanche, Nadine Perrin requiert la condamnation de ses deux collègues à une peine de prison avec sursis, laissant le quantum à l’appréciation du tribunal et acceptant l’éventualité d’une non-inscription au casier judiciaire.

La défense, elle, plaide la relaxe pour le trio. Me Georges Holleaux, d’une grande rigueur juridique, souligne qu’à l’époque des faits, aucun règlement spécifique n’existait en matière de « reconduite en aéronef». Le drame de janvier 2003, poursuit-il, a conduit les autorités compétentes à édicter des consignes ad hoc. On lit, dans ce bréviaire : «A ne pas faire ! Plier les troncs. » Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

Mort pour avoir refusé d’embarquer

Accueil  Émilie Rive , 28/09/2006

En 2003, un jeune Éthiopien est décédé lors de son embarquement forcé à Roissy. Trois policiers de l’air et des frontières répondent de sa mort.

Mariame Getu Hagos a vingt-quatre ans quand il arrive à Roissy, le 11 janvier 2003, en provenance d’Afrique du Sud. Le refus du ministère de l’Intérieur d’accepter le dépôt d’une demande d’asile intervient le 15. Qu’il soit présenté, ensuite, comme somalien alors qu’il est éthiopien en dit long sur l’attention portée à son cas. Le lendemain, il est conduit par la police de l’air et des frontières dans un vol d’Air France pour Johannesbourg à 23 h 55. Perte de connaissance, arrêt cardio-respiratoire, réanimation, transfert à l’hôpital Robert-Ballanger de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Il y meurt le 18 janvier.

Le rapport d’autopsie est net. La mort est « consécutive à un arrêt cardio-respiratoire, dû à un appui marqué cervical, avec compression bilatérale des carotides par flexion forcée de la tête sur le cou par appui droit du sommet du crâne… » Outre les lésions « traumatiques de contention et de maintien aux poignets et aux avant-bras », l’examen externe du corps fait apparaître d’autres lésions, à l’abdomen, sur les cervicales et l’arrière du crâne.

Autant dire que la mort de ce jeune homme qui refusait d’embarquer n’était pas naturelle. Plié en deux sur son siège, il a été maintenu le visage écrasé contre ses genoux beaucoup trop longtemps. Sans doute une vingtaine de minutes. Les médecins du SAMU de l’aéroport avaient fait état dans leur rapport d’un jeune homme « très excité » qui avait simulé des malaises. La Direction générale de la police expliquait que les policiers étaient souvent confrontés « à des attitudes violentes de la part de personnes récalcitrantes ».

Le 22 janvier, les trois gardiens de la PAF, dont le plus haut gradé et plus ancien dans le service avait vingt-deux ans, et qui assuraient « l’escorte » étaient suspendus, une enquête de l’inspection générale de la police et une enquête judiciaire diligentées. Des associations, dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), portaient plainte et se constituaient partie civile. Le 23, Nicole Borvo, sénatrice communiste, saisissait la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Mariame Getu Hagos était le deuxième mort au cours d’un refus d’embarquement en quinze jours. Le procès des trois policiers s’ouvre, cet après-midi, devant la 14e chambre du tribunal de Bobigny à 13 heures.

⇒ Lire l’article

Des hommes de la PAF jugés pour la mort d’un expulsé

28/09/2006

MÊME JOUR, même tribunal mais devant d’autres magistrats, trois autres policiers seront cet après-midi face aux juges pour répondre de la mort, dans des circonstances troubles, d’un jeune clandestin éthiopien, le 18 janvier 2003 à Roissy.

 Ces trois policiers de la police de l’air et des frontières (PAF), aujourd’hui suspendus, sont jugés pour « manquement à une obligation de sécurité et de prudence ayant involontairement entraîné la mort » de Mariame Getu Hagos, cet Ethiopien de 24 ans qu’ils escortaient lors de son expulsion. En novembre 2003, le juge d’instruction saisi du dossier les avait mis en examen pour « homicide involontaire », et la famille du jeune homme dénonce toujours les violences dont il aurait été victime jusqu’à sombrer dans le coma et succomber, peu après son transport à l’hôpital. Il avait refusé d’embarquer et, selon les policiers qui contestent tout dérapage, venir à bout de sa « très forte résistance » aurait demandé des méthodes des plus musclées : les jambes entravées par des bandes Velcro, menotté, puis maintenu de force sur le siège d’avion où il se débattait, Getu Hagos aurait subi de trop fortes pressions sur les genoux voire sur la tête et le thorax. Selon des témoins, deux des policiers d’escorte se seraient même assis sur le corps du jeune homme. Eux le contestent toujours, n’admettant que la « coercition ».

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a quant à elle estimé, dans son rapport annuel, que l’Ethiopien avait « subi des violences qui l’ont plongé  dans le coma ».

⇒ Lire l’article

Sursis requis à l’encontre de policiers de la PAF jugés pour « homicide involontaire » d’un sans-papiers

index

Les faits remontent à janvier 2003. Alors qu’il se débattait pour ne pas être expulsé, Getu Hagos Mariame, 24 ans, a été victime d’un malaise, dans la nuit du 16 au 17 janvier, juste avant le décollage de son avion à l’aéroport de Roissy, en raison de la forte pression exercée par les policiers pour le tenir plié sur son siège. Transporté dans le coma, il était mort le lendemain.

Les trois policiers qui l’escortaient étaient jugés, jeudi 28 septembre, pour « homicide involontaire » par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). L’accusation a requis une peine avec sursis contre deux des trois policiers, âgés de 26 à 32 ans. Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

Pour l’avocat des parents de la famille, absente, les policiers « sont allés plus loin que la force strictement nécessaire » car « il y avait urgence à expulser M. Hagos », débarqué le 11 janvier à Roissy et qui venait d’essuyer un refus d’asile politique. En cas de défèrement de M. Hagos devant le tribunal pour refus d’embarquer, « il y avait un risque de nullité », a plaidé Me Stéphane Maugendre, expliquant que le jeune homme n’avait pas été présenté dans le délai prévu par la loi à un juge des libertés et de la détention.

Sans le suivre dans ce raisonnement, la procureure, Nadine Perrin, a demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier, le chef d’escorte, et de Merwan Khelladi. Elle a toutefois considéré qu’« ils n’avaient pas transgressé le règlement » en pratiquant le « geste de compression » à l’origine de ce décès qu’elle a qualifié de « marginal » au regard des 14 000 reconduites effectuées chaque année, à l’époque, à Roissy. La magistrate n’a cependant pas demandé de peine précise, s’en remettant à l’arbitrage du tribunal.

« J’AURAIS AIMÉ JUSTE UN SEUL MOT POUR LE PAPA ET LA MAMAN DE M. HAGOS »

Dans sa plaidoirie, l’avocate d’un policier a évoqué « le calme et le professionnalisme des trois agents » – qui ont été suspendus pendant dix mois avant d’être réintégrés dans un autre service de la PAF – face à « un personnage qui va se déchaîner », parce qu’« il n’a plus rien à perdre ». « A aucun moment, je n’ai pensé que le pliage [du corps au niveau du bassin] pouvait tuer », a pour sa part déclaré le chef d’escorte, Axel Dallier, qui dément s’être assis sur la victime, comme l’affirment trois témoins.

La vie et la personnalité de la victime – souvent appelée « le non-admis » par la présidente, ou « INAD » pour « individu non admis » dans le vocabulaire de la PAF – n’ont guère été évoquées. « Un homme est mort, loin de chez lui, entre les mains de la police française, et j’aurais aimé juste un seul mot pour le papa et la maman de M. Hagos », a déclaré Me Maugendre.

Depuis ce drame, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a recommandé l’abandon de ce geste de « pliage » enseigné à l’école de police. « Des consignes écrites ont été établies, et on a revu la formation des policiers d’escorte qui était, il faut le dire, lacunaire », a noté la procureure.

⇒ Lire l’article

France : procès d’une expulsion mortelle

11377260_1098083010205972_3295819974471160524_n Saïd Aït-Hatrit, 28/09/2006

Crédit photo : Arbeiterfotografie
Trois policiers comparaissent pour la mort accidentelle d’un jeune Ethiopien en 2003. Jeudi a débuté en France le procès de trois jeunes policiers accusés d’avoir accidentellement causé la mort d’un jeune Ethiopien, en janvier 2003, lors d’une tentative de reconduite à la frontière. En expliquant n’avoir fait ni plus ni moins qu’à l’occasion d’autres procédures du même type, ils mettent en évidence la violence parfois déployée pour expulser les immigrés clandestins.

Jusqu’où les forces de l’ordre peuvent-elles aller pour mettre en œuvre une procédure de reconduite à la frontière ? Les trois jeunes policiers de l’air et des frontières dont le procès pour homicide involontaire a démarré jeudi, au tribunal de Grande instance de Bobigny, ne le savaient pas au moment des faits qui leurs sont reprochés. Ils répondent de « maladresses et manquements à une obligation de sécurité et de prudence ayant entraîné involontairement le décès », après avoir brutalisé le 16 janvier 2003 un jeune Ethiopien âgé de 25 ans. Getu Hagos était arrivé le 11 janvier 2003 sans papiers ni billet à Roissy-Charles-de-Gaulle (Paris), dans un vol Air France, en provenance de Johannesburg (Afrique du Sud). Non admis sur le territoire français, débouté de sa demande d’asile politique, il est tombé dans le coma dans l’avion qui devait le reconduire en Afrique du Sud (en vertu de la convention de Chicago). Sa mort a été enrégistrée deux jours plus tard.

Getu Hagos s’était présenté en France sous une fausse identité, celle de Mariame, un Somalien vivant à Nairobi, au Kenya. Il avait déposé une demande d’asile en Afrique du Sud sous le même pseudonyme, Mariame, le nom de sa mère. L’autopsie effectuée sur son corps a conclu à une mort consécutive à un « arrêt cardio-respiratoire » dû à l’utilisation d’une technique dite du « pliage ». Aujourd’hui, Me Maugendre, l’avocat de la famille de Getu Hagos, attend d’abord « une déclaration de culpabilité » de la part des prévenus. Et aussi « qu’il soit montré qu’il y a une pression de la hiérarchie et du ministère de l’Intérieur pour faire du chiffre coûte que coûte, au mépris de la sécurité et de la santé des gens. » Le procureur de la République a requis de la prison avec sursis contre deux des prévenus. Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

J’ai « appliqué ce qu’on m’a dit de faire »

Le jour de sa reconduite, Getu Hagos a résisté avec énergie à son départ dès la zone d’attente. L’après-midi même, il avait été ausculté à deux reprises pour ce que le médecin a considéré comme des malaises simulés. C’est pourquoi l’escorte chargée de le ramener était composée de trois éléments et non de deux, comme le veut l’usage. Même entravé avec du velcro au niveau des jambes, des genoux et des chevilles, le jeune homme se débat car il préfère « mourir plutôt que repartir », l’a entendu dire l’un des fonctionnaire de police. Pour le maintenir sur son siège, les policiers le plient alors en deux, la tête sur les genoux, pendant plus de vingt minutes. Trois témoins alors membres du personnel de la compagnie aérienne affirment avoir vu tantôt un, tantôt deux policiers s’asseoir sur le dos de Hagos, ce que les gardiens de la paix nient. Quoi qu’il en soit, « même en retenant la version selon laquelle Axel D. ne s’était pas à proprement parlé assis sur la victime (…), le décès de [Getu Hagos] ne peut s’expliquer que par cette pression de pliage », a conclut l’expert médical, cité dans l’information judiciaire.

Le chef de l’escorte, Axel D., était âgé de 23 ans au moment des faits. Il avait déjà réalisé 65 reconduites depuis 2001, contre une trentaine pour son collègue, David T., 25 ans, et trois pour le renfort, Merwan K., âgé de 29 ans. Tous trois ont été suspendus dix mois avant d’être réintégrés dans de nouveaux services. Les cheveux blonds coupés courts, comme ses deux collègues, le regard inquiet dans son costume sombre, Axel D. s’est défendu jeudi en expliquant avoir « appliqué exactement ce que l’on [lui] a dit de faire dans ces situations », faisant référence à la « consigne du pliage ». De la même façon, pointant l’absence de formation pour ce type de mission, il a assuré qu’aucune instruction ne lui avait jamais été prodiguée sur la limite à ne pas atteindre avant d’interrompre une procédure. Lorsque l’avocat de la partie civile lui a fait remarquer l’existence d’une infraction sur le « refus d’embarquement », le policier a argué que ce n’était pas à lui mais au commandant de bord de prendre cette décision. « Certains d’entre eux, a témoigné David T., nous disent de les laisser crier, d’autres nous disent déjà au pied de l’avion de ne pas monter ».

Une formation pour éviter les accidents

Six mois après l’affaire Hagos – et celle d’un Argentin également mort durant sa reconduite – les pouvoirs publics français ont créé l’Unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention (Unesi). Les policiers candidats doivent se soumettre à une épreuve de « gestes techniques professionnels en intervention » (GTPI) avant de suivre une formation où ces GTPI sont actualisés – la « technique du pliage » est désormais prohibée – et où des gestes de premier secours sont enseignés. Mais malgré des demandes répétées, « nous ne connaissons toujours pas les consignes prodiguées dans ces formations », explique Hélène Gacon, la présidente de l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). Ce qui lui fait craindre que les techniques n’aient pas tant évolué que cela.

Dans l’une de ses publications (La frontière et le droit : la zone d’attente de Roissy sous le regard de l’Anafé), l’Anafé recense, certificat médical et « incapacités de travail » à l’appui, les violences pratiquées d’avril à novembre 2004 lors de tentatives d’éloignement. Pour justifier ces reconduites contre des personnes qui refusent farouchement de quitter le sol français, la DGPN assure qu’elles ont « un rôle dissuasif non négligeable vis-à-vis d’émigrants potentiels et constitue donc un frein, en amont [des] frontières, à l’immigration illégale. » Au contraire, estime Me Maugendre, « ça n’a absolument aucun effet dissuasif. Et je pense que rien n’a d’effet dissuasif. »

⇒ Lire l’article

Somalien mort: prison avec sursis requise contre deux policiers de la PAF

AP, Pierre-Antoine Souchard, 28/09/2006

Le procureur de la République de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a requis jeudi de l’emprisonnement avec sursis, sans en préciser la durée, contre deux policiers et la relaxe d’un troisième poursuivis pour homicide volontaire à la suite du décès d’un Somalien de 24 ans, embarqué de force dans un avion en janvier 2003.

Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.

Les deux premiers fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) policiers « ont été négligents ou maladroits », a assuré l’accusation en estimant que leurs gestes ont conduit au décès de Getu Hagos Mariame. Ce dernier était arrivé le 11 janvier 2003 d’Afrique du Sud. Le 16, sa demande d’asile étant rejetée, il doit être ré-embarqué dans un vol d’Air France à destination de Johannesburg.

Mais l’homme refuse son retour, simule deux malaises en zone d’attente de l’aéroport de Roissy. De force, il est embarqué à l’arrière de l’avion avant les passagers, entre Axel Daillier, 26 ans, chef d’escorte, et Merwan Khellady, 32 ans. Le troisième fonctionnaire, David Tarbouriech, 28 ans, fait face sur la rangée précédente.

Le « déporté accompagné », c’est ainsi qu’on les appelle, hurle, se débat. Pour le forcer à rester calme, Axel Daillier le maintient plié en deux sur son siège, Merwan Khellady tient les menottes, lui entravant les mains dans le dos. David Tarbourieh lui appuie sur la tête de temps en temps pour l’empêcher de se relever mais fera surtout le « tampon », comme il l’a expliqué, avec les passagers.
Getu Hagos Mariame serait resté dans cette position une vingtaine de minutes. Selon l’expertise médicale, cette position pliée a entraîné son décès par manque d’oxygénation. Depuis ce drame, cette « technique du pliage » est interdite

« J’ai appliqué les consignes. On n’avait aucune formation. La consigne de ‘pliage’ était celle à faire lorsqu’un individu se rebellait », a expliqué Axel Daillier. A l’époque des faits, il était à la PAF depuis trois ans et avait déjà effectué une trentaine d’escortes.
Brusquement, le passager se calme. Leur première réflexion est qu’il simule un malaise. Mais bien vite, ils s’aperçoivent qu’il est victime d’un malaise. Le Somalien décédera à l’hôpital.

Pour l’accusation, il ne fait aucun doute que les gestes de Daillier et Khellady, doublé d’une « formation lacunaire », ont entraîné le décès de la victime.

L’avocat de la partie civile, Me Stéphane Maugendre, a estimé que les trois hommes sont allés au-delà de l’usage de la force strictement nécessaire. Et regretté qu’ils n’aient pas eu un mot à l’audience pour les parents de la victime qu’il représente.

Les trois hommes n’ont pas exprimé de regrets. « On ne peut qu’être affecté », a déclaré David Daillier. « C’est quand même assez troublant de vivre avec cela », a ajouté Merwan Khellady tandis que David Tarbouriech assurait qu’il lui avait fallu « trois semaines pour digérer tout cela ».

La défense a plaidé la relaxe. Pour Me François Cornette de Saint-Cyr, avocat de Tarbouriech, ils n’ont « fait que leur devoir », sans excès de « zèle ». Me Georges Holleaux, avocat de Merwan Khellady, a plaidé que ces policiers n’avaient pas de règles écrites en cas de reconduite. Depuis ce drame, elles existent. Après le drame, les trois fonctionnaires avaient été suspendus dix mois, avant d’être réintégrés

Avocat