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Le gouvernement doit remplacer la garde à vue pour les clandestins

AFP, Pascale Julliard, 05/07/2012

La Cour de cassation a décidé jeudi que le séjour irrégulier d’un étranger ne pouvait plus suffire à son placement en garde à vue, ce qui va obliger le gouvernement à créer un nouveau dispositif pour les sans-papiers susceptibles d’être soumis à une procédure d’expulsion.
La première chambre civile de la haute juridiction avait été saisie de plusieurs pourvois formés par des étrangers qui avaient été placés en garde à vue pour le seul motif qu’ils étaient en situation irrégulière.
Dans des arrêts rendus publics par son président Christian Charruault, elle leur a donné raison, suivant en cela un avis de la chambre criminelle rendu il y a un mois.
Me Patrice Spinosi, avocat de l’association d’aide aux étrangers Cimade, s’est réjoui devant la presse de cette décision qui concerne 60.000 personnes par an.
Elle est à ses yeux « absolument fondamentale » car elle signifie que « le regard de l’ensemble de la société française a vocation à changer pour les sans papiers: il a été affirmé clairement qu’ils ne peuvent plus être assimilés à des délinquants ».
La pratique de la garde à vue était plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers, depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu, en avrilpuis en décembre 2011, deux arrêts affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne pouvait être emprisonné sur ce seul motif.
Or, la réforme entrée en vigueur en France au printemps 2011 limite le recours à la garde à vue aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.
« voie législative »
Le précédent gouvernement avait jugé l’arrêt de la CJUE compatible avec la pratique de la garde à vue. Mais, sur le terrain, les tribunaux rendaient des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.
Désormais, les personnes sans-papiers « doivent certes être raccompagnées (à la frontière) puisqu’elles ne sont pas dans une situation légale en France, mais elles doivent l’être dans le cadre d’une procédure administrative et non plus pénale » et « dans le respect du droit européen », a souligné Me Spinosi.
Il existe déjà des « solutions alternatives à la garde à vue », qui sont les vérifications d’identité et les auditions libres, mais elles sont limitées à quatre heures.
Il est donc « nécessaire qu’une réforme fondamentale soit engagée sur cette question », a estimé l’avocat.
Le ministère de l’Intérieur s’était préparé à cette décision et ne cache pas la nécessité de « passer par la voie législative » pour y répondre. « La voie réglementaire ne suffira pas », a indiqué à l’AFP l’entourage de Manuel Valls. Un texte pourrait ainsi être préparé avec présentation au Parlement sans doute « pour la rentrée ».
Il faudra « une nouvelle mesure de pré-rétention administrative, qui permettra d’arrêter la personne et de vérifier son identité, pendant une durée de huit à dix heures maximum », puis « le cas échéant, d’enclencher la procédure de retour », a estimé Me Spinosi.
« Ce qu’on peut craindre, c’est que le législateur invente une procédure d’exception, dérogatoire au droit commun », a cependant relevé Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).
« Le sentiment que j’ai, c’est qu’il y aura une demande des parquets de chercher un délit connexe », a-t-il également souligné.

Le gouvernement doit remplacer la garde à vue pour les clandestins

France-Antilles, 05/07/2012

La Cour de cassation a décidé jeudi que le séjour irrégulier d’un étranger ne pouvait plus suffire à son placement en garde à vue, ce qui va obliger le gouvernement à créer un nouveau dispositif pour les sans-papiers susceptibles d’être soumis à une procédure d’expulsion.
La première chambre civile de la haute juridiction avait été saisie de plusieurs pourvois formés par des étrangers qui avaient été placés en garde à vue pour le seul motif qu’ils étaient en situation irrégulière.
Dans des arrêts rendus publics par son président Christian Charruault, elle leur a donné raison, suivant en cela un avis de la chambre criminelle rendu il y a un mois.
Me Patrice Spinosi, avocat de l’association d’aide aux étrangers Cimade, s’est réjoui devant la presse de cette décision qui concerne 60.000 personnes par an.
Elle est à ses yeux « absolument fondamentale » car elle signifie que « le regard de l’ensemble de la société française a vocation à changer pour les sans papiers: il a été affirmé clairement qu’ils ne peuvent plus être assimilés à des délinquants ».
La pratique de la garde à vue était plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers, depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu, en avrilpuis en décembre 2011, deux arrêts affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne pouvait être emprisonné sur ce seul motif.
Or, la réforme entrée en vigueur en France au printemps 2011 limite le recours à la garde à vue aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.
« voie législative »
Le précédent gouvernement avait jugé l’arrêt de la CJUE compatible avec la pratique de la garde à vue. Mais, sur le terrain, les tribunaux rendaient des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.
Désormais, les personnes sans-papiers « doivent certes être raccompagnées (à la frontière) puisqu’elles ne sont pas dans une situation légale en France, mais elles doivent l’être dans le cadre d’une procédure administrative et non plus pénale » et « dans le respect du droit européen », a souligné Me Spinosi.
Il existe déjà des « solutions alternatives à la garde à vue », qui sont les vérifications d’identité et les auditions libres, mais elles sont limitées à quatre heures.
Il est donc « nécessaire qu’une réforme fondamentale soit engagée sur cette question », a estimé l’avocat.
Le ministère de l’Intérieur s’était préparé à cette décision et ne cache pas la nécessité de « passer par la voie législative » pour y répondre. « La voie réglementaire ne suffira pas », a indiqué à l’AFP l’entourage de Manuel Valls. Un texte pourrait ainsi être préparé avec présentation au Parlement sans doute « pour la rentrée ».
Il faudra « une nouvelle mesure de pré-rétention administrative, qui permettra d’arrêter la personne et de vérifier son identité, pendant une durée de huit à dix heures maximum », puis « le cas échéant, d’enclencher la procédure de retour », a estimé Me Spinosi.
« Ce qu’on peut craindre, c’est que le législateur invente une procédure d’exception, dérogatoire au droit commun », a cependant relevé Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).
« Le sentiment que j’ai, c’est qu’il y aura une demande des parquets de chercher un délit connexe », a-t-il également souligné.

Séjour irrégulier et garde à vue : «la fin du dévoiement de la politique pénale»

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La décision était attendue, mais elle marque un tournant important. Le séjour irrégulier ne suffit pas à justifier un placement en garde à vue, a estimé la Cour de cassation ce jeudi. Une procédure qui concerne jusqu’à 60 000 personnes par an, selon les associations. L’avocat Stéphane Maugendre, membre du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), analyse la portée de cette décision.

En préambule, une précision importante. L’avis de la Cour de cassation ne concerne que les étrangers en situation irrégulière «secs», c’est-à-dire n’ayant pas déjà fait l’objet d’arrêtés de reconduite à la frontière, ou d’Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ces derniers, en cas d’arrestation, sont passibles de trois ans d’emprisonnement.

Comment réagissez-vous à cette décision ?

C’est une sacrée bonne nouvelle qu’on revienne à une pratique normale. Depuis 1938, les autorités françaises n’arrêtent pas de mettre en place des procédures d’exception pour les étrangers, avec l’idée qu’ils seraient fraudeurs ou tricheurs. Cette décision de la Cour de cassation va unifier la jurisprudence et mettre fin au dévoiement de la politique pénale au profit de la politique administrative.

Concrètement, comment les choses se dérouleront-elles désormais ?

On va revenir à la procédure normale. Une personne qui n’aura pas ses papiers et dont on soupçonne un séjour irrégulier sera menée au commissariat pour une procédure de vérification d’identité, d’un maximum légal de quatre heures. Les policiers passeront un coup de fil à la préfecture, et, s’il s’avère que la personne n’a pas de titre de séjour en règle, le préfet aura deux choix : demander à ce qu’on la laisse repartir, ou demander à ce qu’on prépare une OQTF, voire un placement en rétention administrative. Cette procédure existe déjà. Elle avait juste été supplantée par un dévoiement de la garde à vue, qui peut aller jusqu’à 48 heures.

Vous craignez néanmoins que certains policiers se mettent à «ratisser large» pour permettre le placement en garde à vue…

Oui, c’est d’ailleurs un phénomène que l’on voit davantage ces derniers temps. On suspecte un délit connexe, en plus du séjour irrégulier, qui tient parfois très peu. Par exemple, j’ai vu récemment le cas d’un type qu’on accusait d’avoir dégradé un pantalon dans un centre commercial…

L’objectif, c’est la dépénalisation du séjour irrégulier ?

Evidemment, ça serait la suite logique. Pour cela, il faut l’abrogation de l’article 621-1 du Ceseda, qui prévoie jusqu’à un an d’emprisonnement pour le délit de séjour irrégulier. C’est du ressort du ministère de l’Intérieur. Le problème fondamental, c’est qu’on utilisait ce délit de séjour irrégulier pour placer des gens en garde à vue. C’est quand même une mesure de privation de liberté, avec de vrais délinquants, dans des endroits qui puent. Ce n’est pas une promenade de santé. Désormais, il faudra s’appuyer sur la simple procédure administrative.

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Sans-papiers : la Cour de cassation remet en cause la garde à vue

logoParisien-292x75 05/07/2012

Le séjour irrégulier d’un étranger justifie-t-il son placement en garde à vue ? Ce jeudi, la Cour de cassation a répondu par la négative. Suivant l’avis de la chambre criminelle rendu il y a un mois, cette décision de la première chambre civile de la haute juridiction oblige le gouvernement à créer un nouveau dispositif pour les sans-papiers soumis à une procédure d’expulsion.

Cette décision, qui concerne 60 000 personnes par an, est considérée comme «absolument fondamentale», par Me Patrice Spinosi, avocat de l’association d’aide aux étrangers Cimade. Selon lui, elle signifie que «le regard de l’ensemble de la société française a vocation à changer pour les sans papiers : il a été affirmé clairement qu’ils ne peuvent plus être assimilés à des délinquants».
Procédure administrative et non plus pénale

La pratique de la garde à vue est remise en cause par les associations de défense des étrangers, notamment depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en avril puis en décembre 2011, deux arrêts affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif. Par ailleurs, la réforme entrée en vigueur en France au printemps 2011 limite le recours à la garde à vue aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.

Le précédent gouvernement avait jugé l’arrêt de la CJUE compatible avec la pratique de la garde à vue. Sur le terrain, les tribunaux rendaient des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non. Désormais, les personnes sans-papiers «doivent certes être raccompagnées (à la frontière) puisqu’elles ne sont pas dans une situation légale en France, mais elles doivent l’être dans le cadre d’une procédure administrative et non plus pénale» et «dans le respect du droit européen», souligne Me Spinosi.

Le gouvernement devra soumettre une nouvelle loi

Pour remplacer la garde à vue, il existe déjà des «solutions alternatives», telles que les vérifications d’identité et les auditions libres, mais elles sont limitées à quatre heures. Il est donc «nécessaire qu’une réforme fondamentale soit engagée sur cette question», estime l’avocat de Cimade. Selon lui, il faudra «une nouvelle mesure de pré-rétention administrative, qui permettra d’arrêter la personne et de vérifier son identité, pendant une durée de huit à dix heures maximum», puis «le cas échéant, d’enclencher la procédure de retour».

Le ministère de l’Intérieur qui s’est préparé à cette décision devrait passer par une loi car «la voie réglementaire ne suffira pas», selon l’entourage de Manuel Valls. Un texte pourrait ainsi être préparé avec présentation au Parlement sans doute «pour la rentrée».

«Ce qu’on peut craindre, c’est que le législateur invente une procédure d’exception, dérogatoire au droit commun»,met en garde Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), qui anticipe «une demande des parquets de chercher un délit connexe».

Sans-papiers : Gardes à vue illégales

Clémence Glon14/062012

La chambre criminelle de la Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence européenne.

Extrait : Les commissariats ne sont pas les antichambres de l’expulsion. Mettre en garde à vue des personnes arrêtées pour situation irrégulière relève donc d’un zèle judiciaire. C’est ce qu’a conclu, mardi 5 juin, la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui avait été saisie à titre consultatif. Tenant (…)
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Sans-papiers : les policiers face à un nouveau casse-tête

Laurence De Charette

Les forces de l’ordre ne disposent plus que de quatre heures pour effectuer les vérifications d’identité.

À partir du 5 juillet prochain, les gardes à vue devraient être définitivement proscrites pour les sans-papiers. C’est à cette date en effet que la chambre civile de la Cour de cassation se prononcera définitivement sur cette question. Les hauts magistrats ayant toutefois déjà sollicité l’avis de la chambre criminelle de la même haute juridiction, ils devraient en toute logique lui emboîter le pas. Mardi en effet, cette chambre a rendu un avis qui ne va pas faciliter la tâche des autorités: elle a considéré qu’un étranger ne peut pas être placé en garde à vue s’il est seulement soupçonné de séjourner irrégulièrement sur le territoire français. En clair, les personnes interpellées à l’occasion de contrôles d’identité, par exemple, ne pourront plus être retenues 24 ou 48 heures au commissariat de police si elles ne sont mises en cause dans aucun autre délit.

Plusieurs associations se sont réjouies que la garde à vue ne puisse plus servir de «salle d’attente des décisions des préfets». Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé dans la politique de lutte contre l’immigration clandestine. Sur 100.000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60.000 sont passés par le commissariat. Près de 250 sans-papiers sont écroués.

«Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, NDLR) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République», parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Jurisprudence européenne

L’avis de la Cour de cassation découle en réalité du droit européen. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu’être en situation irrégulière ne constituait pas un délit justifiant une incarcération. Or, en droit français, ne peuvent être placées en garde à vue que les personnes qui encourent éventuellement une peine de prison.

Jusqu’à présent, le gouvernement français faisait une autre lecture de cet arrêt, estimant que la garde à vue restait malgré tout utilisable pour les sans-papiers. La Chancellerie avait confirmé sa position à travers deux circulaires, l’une du 13 décembre 2011, l’autre du 12 mai 2011… Mais, au vu de la jurisprudence européenne, les tribunaux rendaient déjà sur le terrain des décisions contradictoires, n’hésitant pas à exiger la remise en liberté de sans-papiers passés par le commissariat.

«La décision de la Cour de cassation ne nous étonne pas», explique Hassan Ndaw, directeur adjoint de Forum réfugié, une des associations qui gèrent les centres de rétention. «C’est un vrai changement de philosophie, renchérit Patrice Spinosi, avocat à la Cour de cassation, car les étrangers en situation irrégulière ne pourront plus être assimilés à des délinquants. Mais il est aujourd’hui nécessaire d’adapter la loi française…»

Désormais privés de l’instrument de la garde à vue, les policiers disposent d’un autre outil prévu par la loi, beaucoup moins contraignant toutefois: la procédure de «vérification d’identité» leur laisse quatre heures pour vérifier qu’une personne possède ou non un titre de séjour en bonne et due forme. Les personnes qui s’avèrent en situation irrégulière – les recherches se font notamment grâce à des fichiers européens pour les demandeurs d’asile – sont le plus souvent placées en rétention administrative, en vue d’une reconduite à la frontière.

Mais l’une des stratégies des sans-papiers les plus aguerris aux failles du droit peut être de ne produire aucune identité, de façon à ce qu’aucune vérification ne soit possible.

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Ce qui devrait changer avec la fin des gardes à vue des sans papiers

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C’est un premier pas de la France vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont sans papiers. Dans un avis rendu mardi 5 juin, la Cour de cassation estime que ce délit de séjour irrégulier ne saurait suffire à un placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion. La décision définitive de la chambre civile de la haute juridiction est encore attendue. Si elle entérine cet avis, quel changement marquera-t-il dans la jungle du droit des immigrés clandestins ?

  • Avant 2008

La France incarcère les sans-papiers depuis 1938, rappelle un article du Monde, et la loi prévoit un an de prison et 3 750 euros d’amende pour séjour irrégulier. D’où la possibilité de les placer en garde à vue, celle procédure ne pouvant concerner qu’une personne soupçonnée d’un délit passible d’une peine de prison.

  • En UE, la « directive retour »

En 2008, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) entre en contradiction avec cette juridiction nationale : elle estime que le séjour irrégulier d’un étranger ne justifie pas une peine d’emprisonnement. C’est la « directive retour », qui signe une « limite à la criminalisation des sans-papiers », estime David Rohi, responsable de la commission nationale éloignement de la Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués).

Celle-ci fixe en effet les différentes étapes de la procédure de retour des étrangers clandestins : en priorité, le départ volontaire de la personne arrêtée dans un délai de 7 à 30 jours ; s’il n’a pas lieu, l’éloignement forcé « en employant les mesures les moins coercitives possibles » ; et enfin, si cet éloignement est « compromis par le comportement de la personne », la rétention – « la plus courte possible », de 18 mois maximum, et séparément des prisonniers de droit commun.

En 2011, la CJUE envoie une piqûre de rappel (PDF) avec l’arrêt El Dridi – du nom d’un Algérien condamné à un an d’emprisonnement en Italie car il ne s’était pas conformé à un ordre de quitter le territoire. Même dans ce cas, souligne-t-elle, l’emprisonnement « est susceptible de compromettre la réalisation de l’objectif visant à instaurer une politique efficace d’éloignement et de rapatriement dans le respect des droits fondamentaux ».

  • En France, le flou juridique

En France pourtant, le flou juridique perdure et, malgré la directive de 2008 et l’arrêt de 2011, les gardes à vue d’étrangers clandestins aussi. Car « le gouvernement précédent a interprété la jurisprudence à son avantage, estimant que la garde à vue était toujours justifiée si d’autres mesures non coercitives avaient été tentées auparavant », souligne David Rohi.

Du coup, la pratique reste massivement employée : le séjour irrégulier est même l’un des premiers motifs de garde à vue, avec 60 000 personnes concernées en 2010, parmi 100 000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour ce délit.

60 000 gardés à vue, donc, mais seulement 200 condamnations à la prison ferme. Pour David Rohi, au-delà de la critique d’une pratique « trop brutalement coercitive », ces chiffres montrent un détournement de la procédure pénale de la garde à vue en procédure administrative : « Les policiers et procureurs savent pertinemment que dans plus de 95 % des cas, il ne s’agit pas de peine d’emprisonnement mais d’une reconduite à la frontière, administrative. En fait, ils font un usage de confort de ces gardes à vue, pratiques pour avoir le temps de prendre une décision. » 

  • Après le 5 juin 2012

Selon David Rohi, l’avis de la Cour de cassation a déjà eu au moins un effet, dans un tribunal de Toulouse. Un juge des libertés et de la détention, qui y validait toutes les garde à vue depuis des mois, en a annulé une mercredi.

A la place, la police peut avoir recours à d’autres procédures : l’audition libre dans les locaux de la police, laissée au bon vouloir de la personne contrôlée, et surtout, la possibilité de garder à disposition une personne pendant quatre heures pour vérifier son identité. Des mesures moins répressives pour « des personnes qui ne se considèrent pas comme des délinquants et sont bien souvent choquées par les gardes à vue », estime David Rohi.

La garde à vue est quant à elle limitée aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ». Ce qui pourrait, selon  Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés), entraîner des « effets pervers » : des placements pour des délits annexes plus ou moins fondés, tels qu’outrage aux forces de l’ordre, ou occupation illégale d’un lieu dans le cas d’une interpellation dans un squat.

Finalement, ce frein aux gardes à vue de sans-papiers pourrait avoir une incidence, certes sur le nombre de gardes à vue lui-même, qui avait explosé dans les années 2006-2008, mais aussi, dans une moindre mesure, sur le nombre d’expulsions. Et ce n’est pas un mal, juge David Rohi : « Après une politique d’expulsions massives, qui a concerné 62 000 personnes en 2010 et consistait bien souvent à jeter de la poudre aux yeux, dans le cas des Roms par exemple qui peuvent facilement revenir sur le territoire national, le nouveau gouvernement est invité à ne pas poursuivre une politique du chiffre. »

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Garde à vue pour séjour irrégulier, premier veto de la Cour de cassation

La Cour de cassation a fait un premier pas vers une remise en cause de la garde à vue des étrangers au seul motif qu’ils sont en séjour irrégulier, mesure à laquelle sont soumis 60.000 clandestins par an selon le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue dans le cadre d’une procédure d’expulsion.

Cet avis rendu mardi doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, qui tranchera définitivement la question à une date qui n’est pas encore connue.

« Ce serait une rupture avec l’idée que l’étranger est assimilé à un délinquant et une remise en cause de la pratique quotidienne », s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Cimade, association assistant les étrangers en rétention.

« La question est: quand vous arrêtez un étranger en séjour irrégulier, combien de temps vous pouvez le garder et sous quel mode: garde à vue ou contrôle d’identité? » a-t-il résumé.

Actuellement, le recours à la garde à vue est généralisé. Sur 100.000 étrangers ayant fait l’objet d’une procédure pour séjour illégal, 60.000 sont passés par la cellule.

« Il y a un détournement de procédure, puisqu’on utilise une procédure pénale (la garde à vue, ndlr) pour aboutir à une décision administrative (sur une éventuelle expulsion, ndlr). On utilise la garde à vue pour le confort de la police, de la préfecture et du procureur de la République », parce qu’elle laisse plus de temps (48 heures maximum), a dénoncé Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Vérification d’identité

Mais cette pratique est plus que jamais remise en cause par les associations de défense des étrangers depuis que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu en décembre 2011 un arrêt affirmant qu’un étranger en séjour irrégulier ne peut être emprisonné sur ce seul motif.

Elles estiment que la détention n’étant plus autorisée, les étrangers ne doivent pas être placés en garde à vue puisque l’importante réforme de cette mesure entrée en vigueur en juin 2011 limite son recours aux seuls cas où une personne est soupçonnée d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».

Le gouvernement français faisait jusqu’ici une autre lecture de cet arrêt, le jugeant compatible avec la pratique de la garde à vue.

D’où la saisine de la haute juridiction dans le but de trancher ce débat et mettre fin à la cacophonie judiciaire, puisque, sur le terrain, les tribunaux rendent des décisions contradictoires, tantôt favorables aux étrangers, tantôt non.

Comme la question touche à la garde à vue, qui relève du champ de la chambre criminelle, la première chambre civile de la Cour de cassation, compétente en matière de droit des étrangers, avait souhaité obtenir son avis consultatif.

« Le ressortissant d’un Etat tiers ne peut (…) être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure diligentée pour entrée ou séjour irréguliers selon la procédure du flagrant délit », écrit la chambre criminelle dans l’avis consulté mercredi par l’AFP.

Si la chambre civile suit la chambre criminelle, « les pratiques policières changeront et on va revenir à la procédure de vérification d’identité », d’une durée maximale de quatre heures, a estimé M. Maugendre.

Seuls « effets pervers » à craindre, selon lui: des placements en garde à vue pour des délits annexes plus ou moins fondés (outrage aux forces de l’ordre, occupation illégale d’un lieu si interpellation dans un squat, etc.)

Etrangers : la garde à vue en situation irrégulière

, Sonya Faure,

Voilà qui pourrait faire baisser le nombre de gardes à vue plus sûrement qu’une loi. La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé dans un avis rendu mardi que le séjour irrégulier d’un étranger ne peut suffire à son placement en garde à vue. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’entre elles sont pourtant décidées faute de titre de séjour (60 000 selon le Gisti, association de soutien aux immigrés). La Cour de cassation s’aligne sur le droit européen et sa lecture de la directive dite «retour» : être en situation irrégulière ne constitue pas un délit pénal et ne peut être le motif d’un emprisonnement.

«Rétention». L’avis, qui n’est pas définitif, n’empêchera pas les reconduites à la frontière. Mais, s’il est confirmé, les policiers ne pourront plus enfermer pendant vingt-quatre heures, voire quarante-huit, des étrangers en attendant de vérifier leurs papiers et d’organiser leur retour. «Cet avis pourrait mettre fin au dévoiement d’une procédure pénale [la garde à vue] dans le cadre d’une démarche purement administrative pour le seul confort des policiers, du parquet et de la préfecture», explique l’avocat Stéphane Maugendre, qui a bataillé au côté du Gisti devant le Conseil constitutionnel sur le même sujet – en vain.

«Si l’avis est suivi, la privation de liberté sera plus courte entre l’arrestation et la reconduite à la frontière : seul le contrôle d’identité, et donc une rétention de quatre heures, pourrait être envisagé par les policiers pour vérifier les dires de l’étranger», poursuit Patrick Spinosi, l’avocat qui a porté 5 des 7 dossiers pendants devant la Cour de cassation au nom de la Cimade.

Surtout, «il s’agit d’une remise en cause de l’approche française qui prévaut depuis 1938, ajoute l’avocat. Depuis l’entre-deux-guerres, la répression pénale a toujours été l’instrument de l’éloignement de ceux qui étaient en situation irrégulière – contrairement à d’autres pays voisins. L’étranger en situation irrégulière ne peut plus être considéré comme un délinquant».

Ubuesque. L’affaire n’est pourtant pas bouclée. La première chambre civile de la Cour de cassation devra dire si elle suit l’avis de la chambre criminelle – en toute logique, elle devrait, puisque c’est elle qui l’a sollicité. Cela mettrait fin à une situation ubuesque : «A Paris, un magistrat sur cinq annule les procédures qui s’appuyaient sur une garde à vue contraire à la directive « retour ». A Bobigny, ils sont quatre sur cinq», estime Me Maugendre.

Mais les étrangers en situation irrégulière n’en ont pas pour autant fini avec la garde à vue : les policiers doublent souvent leur arrestation d’un motif (présomption de travail clandestin, dégradation de bien, outrage…), qui la justifie.

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La Cour de cassation dit stop aux gardes à vue des sans-papiers

Carine Fouteau

Extrait : Les étrangers ne peuvent plus être placés en garde à vue au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière, selon une décision de la Cour de cassation rendue mardi 5 juin. Environ 60.000 sans-papiers sont potentiellement concernés. Cet avis est le résultat de plusieurs années de bataille juridique.

Les sans-papiers ne peuvent plus être placés en garde à vue au seul motif qu’ils sont en situation irrégulière, selon une décision de la Cour de cassation rendue ce mardi 5 juin 2012.

Cet avis de la chambre criminelle (le lire dans son intégralité) doit orienter la première chambre civile de la haute juridiction, chargée de trancher définitivement. Sauf coup de théâtre, il devrait se transformer en arrêt.

Renforçant les droits des étrangers, il est historique car il devrait mettre un terme à plusieurs mois, voire plusieurs années, d’incertitudes juridiques sur cette question. Il est aussi décisif car il devrait empêcher les policiers de recourir aux gardes à vue, d’une durée maximale de 48 heures, pour vérifier …

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Avocat