Archives de catégorie : Sans-papiers

Double langage et espoirs déçus

DNA_Logo 15/04/2008

Les possibilités de régularisation par le travail mises en avant par le gouvernement ont suscité chez de nombreux travailleurs sans papiers des espoirs souvent déçus, dénoncent des associations de défense des étrangers.

La loi du 20 novembre 2007 permet des régularisations sur présentation d’un contrat de travail, à condition que le recrutement se fasse dans un des « métiers en tension » dont les listes diffèrent pour les ressortissants des 10 pays nouveaux membres de l’Union européenne et pour ceux des pays tiers. Deux mois et demi après l’entrée en vigueur de ces mesures, le ministère de l’immigration a affirmé ne pas tenir à ce stade de comptabilité nationale et n’a pas souhaité faire de commentaire. « Il est impensable que les chiffres ne soient pas connus par le ministère », assure Stéphane Maugendre, avocat du Gisti, « puisque l’un des buts des mesures de régularisation annoncées est de faire sortir les sans-papiers de l’ombre pour les ficher et éventuellement les expulser comme cela a déjà été pratiqué avec la circulaire Sarkozy » de juin 2006 sur les parents d’enfants scolarisés (moins de 7 000 régularisations sur 30 000 dossiers déposés).

«Arrêté au guichet»

« Des travailleurs sans papiers se précipitent dans mon cabinet tous les jours et veulent aller à la préfecture pour se faire régulariser, nous les mettons en garde », poursuit Me Maugendre, « en leur disant qu’ils peuvent même se faire arrêter au guichet ». C’est ce qui est arrivé le 14 mars à la préfecture de Meaux (Seine-et-Marne), à un travailleur turc venu déposer une demande de régularisation, soutenu par son employeur et par un avis favorable de la Direction départementale du travail. Placé en rétention, ce sans-papiers a finalement été élargi par un juge des Libertés.

Pour Didier Inowlocki, intervenant au centre de rétention de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour la Cimade, cette affaire est « révélatrice du double langage du gouvernement et de la dimension de piège de ces mesures. On fait venir des dizaines de milliers de gens en préfecture mais le nombre de dossiers acceptés est dérisoire ». Dans sa circulaire du 7 janvier, le ministre de l’immigration, Brice Hortefeux, demandait aux préfets une « diligence particulière » pour les demandes de régularisation déposées par un employeur dans des secteurs « tendus » tout en écrivant que « ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires », les sans-papiers ayant, selon lui, « vocation à regagner leur pays d’origine ». La préfecture de Seine-Saint-Denis a communiqué le bilan des deux premiers mois d’application :  sur 1 600 demandes de régularisation déposées depuis janvier, pour les ressortissants européens, 285 contrats de travail sont considérés comme entrant dans le champ des dernières mesures et 257 ont été acceptés. Pour les étrangers des pays tiers, 16 contrats de travail ont été enregistrés et seuls quatre ont abouti à la délivrance de cartes de séjour d’un an.

Les régularisations par le travail suscitent des espoirs souvent déçus, selon des associations

AFP, Isabelle Ligner, 04/04/2008

Les possibilités de régularisation par le travail mises en avant par le gouvernement ont suscité chez de nombreux travailleurs sans papiers des espoirs souvent déçus, dénoncent des associations de défense des étrangers et des employeurs, parlant de « double langage » voire de « piège ».

La loi du 20 novembre 2007 permet des régularisations sur présentation d’un contrat de travail, à condition que le recrutement se fasse dans un des « métiers en tension » dont les listes diffèrent pour les ressortissants des 10 pays nouveaux membres de l’Union européenne et pour ceux des pays tiers (listes déclinées par région).

Deux mois et demi après l’entrée en vigueur de ces mesures, le ministère de l’immigration, questionné jeudi à la mi-journée par l’AFP sur un premier bilan de cette loi, a affirmé ne pas tenir à ce stade de comptabilité nationale et n’a pas souhaité faire de commentaire.

« Il est impensable que les chiffres ne soient pas connus par le ministère », assure Stéphane Maugendre, avocat du Gisti, « puisque l’un des buts des mesures de régularisation annoncées est de faire sortir les sans-papiers de l’ombre pour les ficher et éventuellement les expulser comme cela a déjà été pratiqué avec la circulaire Sarkozy » de juin 2006 sur les parents d’enfants scolarisés (moins de 7.000 régularisations sur 30.000 dossiers déposés).

« Des travailleurs sans papiers se précipitent dans mon cabinet tous les jours et veulent aller à la préfecture pour se faire régulariser, nous les mettons en garde », poursuit Me Maugendre, « en leur disant qu’ils peuvent même se faire arrêter au guichet ».

C’est ce qui est arrivé le 14 mars à la préfecture de Meaux (Seine-et-Marne), à un travailleur turc venu déposer une demande de régularisation, soutenu par son employeur et par un avis favorable de la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). Placé en rétention, ce sans-papiers avait été libéré par un juge des Libertés.

Mais pour Didier Inowlocki, intervenant au centre de rétention de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour la Cimade, cette affaire est « révélatrice du double langage du gouvernement et de la dimension de piège de ces mesures ». « On fait venir des dizaines de milliers de gens en préfecture mais le nombre de dossiers acceptés est dérisoire », assure-t-il.

Dans sa circulaire du 7 janvier, le ministre de l’immigration, Brice Hortefeux, demandait aux préfets une « diligence particulière » pour les demandes de régularisation déposées par un employeur dans des secteurs « tendus » tout en écrivant que « ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires », les sans-papiers ayant selon lui « vocation à regagner leur pays d’origine ».

La préfecture de Seine-Saint-Denis a communiqué à l’AFP le bilan des deux premiers mois d’application: sur 1.600 demandes de régularisation déposées depuis janvier, pour les ressortissants européens, 285 contrats de travail sont considérés comme entrant dans le champ des dernières mesures et 257 ont été acceptés. Pour les étrangers des pays tiers, 16 contrats de travail ont été enregistrés et seuls quatre ont abouti à la délivrance de cartes de séjour d’un an.

« Le gouvernement ne semble pas se soucier de la survie des PME ou de la croissance puisque depuis deux mois, on oblige au contraire à licencier dans des secteurs comme le BTP où la main-d’oeuvre est déjà très difficile à trouver et nos demandes de régularisation pour des ouvriers bosniaques par exemple, sont délivrés au compte-goutte au gré des pulsions politiques », témoigne sous couvert d’anonymat un recruteur pour un groupement d’employeurs du bâtiment.

«Si un gars travaille bien, peu importe qu’il soit noir, blanc ou jaune»

 N.P., 27/03/2008

«LA CIRCULAIRE du 7 janvier ? Connaît pas. Les patrons sont perdus face à cette avalanche de textes. Par contre, dans le BTP, il y a un problème de recrutement. Alors, quand j’ai un gars qui travaille bien, peu m’importe qu’il soit noir, blanc ou jaune. Je veux juste qu’il soit compétent.»

Pour ce patron d’une entreprise du bâtiment, la législation relative à l’immigration choisie relève du casse-tête chinois. Confrontée à une demande croissante des chefs d’entreprise, la société Migration Conseil, installée à Montreuil depuis un an, organise aujourd’hui un séminaire à leur intention sur l’emploi des ressortissants étrangers. Objectif : informer les patrons des législations en cours.
Depuis juillet, les dirigeants sont tenus de vérifier l’authenticité du titre de séjour de leurs employés. Parallèlement, l’inspection du travail a renforcé ses contrôles et la menace de sanctions pénales pèse sur les contrevenants. « Un jour, la police m’a appelé sur mon portable en me disant : Vous avez un salarié clandestin caché sur le toit d’un de vos chantiers . Le ciel m’est tombé sur la tête. Pour moi, ce gars avait des papiers ! Je ne savais pas qu’il me fallait les vérifier en préfecture. J’avais le choix entre le licencier ou risquer la prison. Je m’en suis séparé. C’était pourtant un mec sympa qui bossait bien », témoigne ce patron. Depuis la circulaire du 7 janvier 2008 qui permet aux patrons de faire une demande de régularisation pour leurs employés, les demandes affluent sur les bureaux des avocats. « Beaucoup sont prêts à garder leurs employés. Mais ils ne savent pas comment s’y prendre », témoigne l’avocat Stéphane Maugendre. Reste que les chances de régularisation sont minces. Pour les recalés de la circulaire et tous ceux qui ont été licenciés, la clandestinité est souvent au bout du chemin. « Chez moi, ce gars avait des feuilles de paie. Il cotisait à la retraite, avait la Sécurité sociale, poursuit ce patron. Je l’ai croisé il y a quelque temps chez un fournisseur. Il bossait au black, sans feuille de paie, sans rien. »

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Les salariés sans papiers affluent à la préfecture

Nathalie Perrier, 27/03/2008

De nombreux étrangers ayant un emploi espèrent être régularisés. Mais bien peu pourront profiter de la nouvelle loi qui privilégie les Européens.

DES PAPIERS contre une promesse d’embauche ou un CDI. La proposition a de quoi faire rêver les milliers de sans-papiers qui travaillent en Seine-Saint-Denis, parfois avec de vraies feuilles de paie. Depuis la publication de la circulaire du 7 janvier 2008 sur la régularisation des salariés sans papiers, les demandes affluent à la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Chaque jour, une quarantaine de dossiers sont déposés à la direction des étrangers de la préfecture de Bobigny et au bureau des étrangers de la sous-préfecture du Raincy, comme autant de bouteilles à la mer. Avec quel résultat ? Sur les 1 600 demandes effectuées, moins de 300 entrent dans le cadre de la nouvelle disposition législative.

 

Des associations s’alarment

« Deux cent cinquante-sept titres de séjour ont été accordés à des ressortissants des nouveaux Etats membres de l’Union européenne ; 4 cartes de séjour d’un an, comprenant la mention « travailleur salarié », à des salariés de pays tiers. Les 1 300 autres demandes feront l’objet d’un examen au cas par cas », précise la préfecture.

En clair, mieux vaut être « néo-européen » qu’africain… Les non-Européens ne peuvent en effet espérer être régularisés que s’ils exercent l’un des 29 métiers répertoriés dans la circulaire du 20 décembre .

Autrement dit, il leur faut être géomètre, chef de chantier, dessinateur en électricité et électronique ou encore informaticien expert. Les métiers du BTP, de la restauration, de l’hôtellerie sont par contre réservés aux Roumains, Bulgares, Polonais, Slovènes, etc.

« Ces listes sont irréalistes ! Les métiers accessibles aux salariés non européens sont des métiers qualifiés qui ne correspondent nullement aux postes non qualifiés qu’ils occupent dans la réalité. On remplace une main-d’oeuvre par une autre, en fonction de son origine », résume Violène Carrère, du Gisti (Groupement d’information et de soutien des immigrés).

Dès la promulgation de ce texte, des associations avaient mis en garde les salariés en situation irrégulière, tentés de se ruer vers les préfectures. « Nous soupçonnions un piège et nous avions raison, dénonce Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Gisti. Les sans-papiers qui se sont précipités en préfecture ne seront, pour la plupart, pas régularisés parce qu’ils ne rentrent pas dans la bonne case. Par contre, ils sont désormais fichés. » Une situation qui rappelle celle des milliers de familles déboutées dans le cadre de la circulaire de juin 2006 sur les parents d’enfants scolarisés.

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Le président confirme les quotas d’étrangers

 A.-C.J. et P.É., 09/01/2008

LE MINISTRE de l’Immigration et de l’Identité nationale a beau marteler que sa mission ne se réduit « ni à des chiffres ni à des lettres » (allusions à ses objectifs de reconduites à la frontière et aux tests ADN), hier le message de Nicolas Sarkozy à son adresse tendait plutôt à prouver le contraire.

Il a réaffirmé sa politique de contrôle de l’immigration et d’expulsion des sans-papiers, demandant à Brice Hortefeux d’aller « jusqu’au bout d’une politique fondée sur les quotas ».

« Cela fait trop longtemps qu’on en parle. Tout le monde sait que c’est la seule solution. Eh bien, il faut franchir le pas et arrêter de vouloir protéger les uns, ne pas choquer les autres », a poursuivi le président de la République, invoquant l’exemple de l’Espagne et de l’Italie en termes de reconduites massives aux frontières.
Rome a expressément démenti les propos de Nicolas Sarkozy  concernant des expulsions groupées entre les trois pays.

Des « concepts réactionnaires »

L’idée des quotas est toujours jugée inacceptable par les organisations de défense des droits de l’homme. Pierre Henry, le président de France Terre d’Asile, fait valoir que le respect des engagements de la France au niveau international et le texte même de la Constitution française empêchent légalement de pouvoir recourir aux quotas dans 85 % des cas. La députée PS Delphine Batho dénonce de son côté les « concepts réactionnaires » du président, qui viseraient uniquement à « enrayer sa chute dans les sondages ». Mais pour l’Elysée, l’« immigration choisie » passe par ces objectifs quantitatifs, qui désormais devront être débattus au Parlement. En 2007, ce ne sont non pas 25 000 personnes qui ont été reconduites à la frontière, comme le prévoyaient les objectifs annuels, mais plutôt
23 000.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy souhaite la création d’une juridiction particulière, entièrement dédiée au droit des étrangers. Jusqu’ici, ce sont les juges administratifs et judiciaires qui statuent sur le sujet. Selon le ministère de l’Immigration, sollicité à la suite de la conférence
de presse du président, il s’agirait seulement de choisir l’une ou  l’autre de ces juridictions, avec pour objectif de « simplifier les procédures ». Les syndicats de magistrats, SM (gauche) et USM (majoritaire), ont immédiatement réagi, avançant qu’une juridiction de ce type remettrait en question la Constitution même, puisque c’est le Conseil constitutionnel qui exige cette dualité.

« On ne peut pas s’affranchir de la sorte des grands principes du droit français, notamment en matière de libertés individuelles, selon Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, le Groupe d’information et de soutien des immigrés. C’est une manière de dire
Laissez-nous expulser tranquillement, sans contrôle judiciaire.»

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Régularisation par le travail : un « piège » pour le Gisti

rue89-logo Chloé Leprince, 05/01/2008

L’association alerte contre l’illusion d’une vague de régularisations qui cacherait une stratégie de fichage des clandestins.

Une série de documents émanant des directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle promet des papiers aux ressortissants étrangers démunis de titre de séjour, pourvu qu’ils aient un travail, voire une simple promesse d’embauche. En Seine-Saint-Denis, un document que s’est procuré Rue89 les invite ainsi à « se présenter à la préfecture de Bobigny ou à la sous-préfecture du Raincy avec une promesse d’embauche », en échange de quoi l’administration leur cèderait des papiers.

Une promesse des préfectures basée sur l’article 40 de la loi Hortefeux. Pour le Gisti, il ne s’agit guère plus que d’un effet déformant de la loi. L’avocat Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, n’hésite pas à parler de « piège » :

« C’est au cours de la discussion parlementaire qu’on a ouvert l’idée d’une régularisation par le travail. Mais attention : certains députés, comme Thierry Mariani, le rapporteur du texte, l’ont présentée comme un gage de générosité. Or, si c’est un signe d’ouverture, c’est aussi dangereux.

“Peu à peu, une rumeur gonfle, chez les sans-papiers, mais aussi dans les associations et chez certains travailleurs sociaux. Cette rumeur laisse entendre qu’il suffirait d’une promesse d’embauche pour avoir des papiers. Or pas du tout : c’est loin d’être systématique ! ‘

Fichage contre promesse

Pour le vice-président du Gisti, qui y voit un effet d’annonce’, il s’agit en fait avant tout de ‘ficher les célibataires comme on a fiché les parents d’enfants scolarisés, qui n’ont été que 6000 à 10000 régularisés après la circulaire Sarkozy pour 60000 sans-papiers sortis au grand jour’ :

‘On voit des gens se précipiter à la préfecture avec une promesse d’embauche alors que le texte n’est même pas applicable et que c’est la meilleure façon de se faire embarquer. Non seulement ils divulguent alors leur adresse personnelle, mais aussi le nom de leur employeur, or on sait bien que c’est souvent quelqu’un qui emploie dores et déjà des clandestins.’

Dans les faits, les poursuites sont encore rares à l’encontre des employeurs. Le parquet de Chalons-sur-Saône a, par exemple, renoncé à poursuivre Michel Millet, le notable vigneron médiatisé mi-décembre pour être monté au créneau lorsque Benali Sahnoune, son ouvrier agricole algérien, a été expulsé. Mais le Gisti avance que, depuis ‘une petite année, de plus en plus d’entreprises prennent contact pour savoir comment obtenir des papiers pour leurs salariés’. Sachant que certains, comme la CGT, avancent le chiffre -énorme- de ‘90% de sans-papiers salariés’.

Du côté des inspecteurs du travail, les syndicats montent au créneau depuis déjà plusieurs semaines pour dénoncer la prise en main des tâches des directions du travail par le ministère de l’Immigration et de l’identité nationale ‘sous couvert de lutte contre le travail clandestin’.

Le mois dernier, le ministère de l’Immigration avait rendu publiques les listes des métiers ouverts, région par région, aux non ressortissants de l’Union européenne : en tout, trente métiers -contre 129 pour les travailleurs des nouveaux pays de l‘UE- dont la plupart sont des métiers très qualifiés qui ne correspondent pas aux emplois réellement exercés’, critique Yves Veyrier, qui suit les questions liées à l’immigration pour Force Ouvrière.

Contactés à plusieurs reprises, les services de Brice Hortefeux n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

«En porte-à-faux avec le discours officiel»

Propos recueillis par A.G., 29/12/2007

LP/Frédéric Dugit
LP/Frédéric Dugit

STEPHANE MAUGENDRE, Avocat et vice-président du Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés (GISTI)

Que pensez-vous de cette circulaire ?

Stéphane Maugendre. Elle est pleine de contradictions. Une fois de plus, on fait la distinction entre pays du Sud et pays du Nord. Cela me choque, cela ne correspond pas à la réalité de l’immigration en France. En plus, ce texte est complètement en porte-à-faux avec le discours officiel. Le gouvernement jure qu’il ne veut pas voler des « cerveaux » aux pays pauvres. Sauf qu’il ne propose à leurs ressortissants que des métiers qualifiés. En outre, ce texte ne règle toujours pas la situation des Algériens et des Tunisiens, qui représentent pourtant 30 % des entrées permanentes dans notre pays. Pour eux, c’est le parcours du combattant pour travailler en France.

Désormais 150 métiers sont ouverts aux ressortissants de l’Union européenne. Est-ce un signe d’assouplissement ?

C’est une fausse ouverture… En tout cas, ce serait un leurre pour les personnes en situation irrégulière de croire que ce texte peut les aider à régulariser leur situation, même si elles exercent un emploi ou si elles ont un contrat de travail correspondant à l’un de ces métiers…
En réalité, très peu de gens des ex-pays de l’Est pourront obtenir une autorisation de travail.
Tout simplement parce que la procédure à suivre est très lourde et coûteuse pour l’employeur. Il doit faire d’abord une demande à sa direction départementale, puis contacter l’Anam (l’Agence nationale de l’accueil et des migrations) qui s’adresse ensuite à l’ambassade ou au consulat français du pays où vit la personne étrangère. Cela peut durer des mois, avant que la personne obtienne une autorisation de travail. Sans compter les taxes à payer : 1 200 €. Seules les grandes entreprises du BTP ou de l’hôtellerie peuvent se lancer dans ce genre d’aventures. Pas les PME.

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La préfecture retire sa note aux travailleurs sans-papiers

  Carole Sterlé, 26/12/2007

UNE PROMESSE d’embauche ou un CDI contre une régularisation. Pour les nombreux sans-papiers qui travaillent, parfois avec de vraies feuilles de paye, la proposition est tentante. La loi Hortefeux du 20 novembre autorise en effet cette régularisation, à titre exceptionnel, pour les sans-papiers qui travaillent dans des secteurs en manque de main-d’oeuvre.
Des dossiers se constituent en préfecture, alors que la loi n’est pas encore opérationnelle.

En Seine-Saint-Denis, une note de la Direction départementale du travail du 5 décembre informe les ressortissants étrangers qu’ils « doivent se présenter à la préfecture de Bobigny ou sous-préfecture du Raincy avec une promesse d’embauche pour examen de la situation et recevabilité de la demande ». Depuis, les téléphones des associations et avocats spécialisés ne cessent de sonner.

« Des étrangers en situation irrégulière nous demandent s’ils doivent aller faire les démarches », rapporte un avocat. Les réponses divergent. « Moi, je leur dis de ne surtout pas y aller, estime Stéphane Maugendre, avocat et vice-président du Gisti*. On surfe sur une rumeur. Et comme la loi n’est pas encore applicable, en se signalant auprès de la préfecture, ils s’exposent à une interpellation. »

La liste des « métiers sous tension » n’est toujours pas publiée

Interrogée, la préfecture de Bobigny a fait savoir que cette note avait été retirée après quelques jours. « Son affichage était prématuré puisque nous attendons les directives gouvernementales, explique-t-on au cabinet du préfet. Cette note est donc caduque, nulle et non avenue », ajoute-t-on sans préciser si des dossiers ont été constitués entre-temps. A Paris, une note similaire, datée du 22 novembre, stipule que, « dans l’attente des instructions ministérielles », la Direction départementale du travail de Paris « recevra les dossiers de demande d’autorisation de travail qui lui seront présentés ». Selon nos informations, des dossiers ont déjà été constitués.

Au ministère de l’Emploi, on indique qu’aucune directive n’a été donnée par rapport à la réalisation de ces notes, et on renvoie sur le ministère de l’Intégration et de l’Identité nationale. « Pour que la régularisation par le travail soit effective, il faut que le décret d’application soit publié. Cela ne devrait pas être très long, Brice Hortefeux souhaiterait que ce soit le plus vite possible », précisent les services du ministre de l’Intégration.

Et d’assurer qu’un « cuisinier sénégalais a été régularisé dans la région de Strasbourg, où les cuisiniers faisaient défaut ». Pour l’heure, aucune liste des métiers « en tension » pour les ressortissants d’Etats tiers (hors Europe élargie) n’est officielle.

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Sans-papiers : les soutiens sur « écoute informatique » ?

rue89-logo Chloé Leprince 22/12/2007

Un projet de loi prévoit d’autoriser la police à placer des logiciels espions notamment contre l’aide aux sans-papiers.

Et si la police était désormais habilitée à placer des logiciels espions dans les ordinateurs dans le but de surveiller en temps réel le flux informatique des particuliers et des entreprises, y compris les e-mails et les conversations téléphoniques via des logiciels comme Skype ? C’est en tout cas ce que prévoit une disposition, dévoilée la semaine dernière par la presse, de la prochaine Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi), qui doit être présentée en janvier par Michèle Alliot-Marie en Conseil des ministres.

Contactés ce samedi, les services du ministère de l’Intérieur évitent encore de communiquer plus amplement sur le sujet. « Un peu tôt » y explique-t-on. Plusieurs dispositions ont pourtant filtré et notamment ce nouveau feu vert à l’installation de « mouchards ».

Les policiers seraient autorisés à avoir recours à ces « clés de connexion » non seulement pour de la grande délinquance « dès lors que les faits sont commis en bande », précise le texte tel qu’il a filtré à ce jour -et n’a pas été démenti par le ministère. Mais aussi pour « l’aide à l’entrée et au séjour d’un étranger en situation irrégulière ».

Sur le papier, la justification s’articule bien sûr autour de la lutte contre les réseaux de l’immigration clandestine et notamment contre les passeurs. Mais, dans les faits, des associations comme RESF, par le biais de laquelle des particuliers s’organisent notamment pour assister, et parfois cacher, des parents d’enfants scolarisés qui sont en situation irrégulière, pourraient être menacées.

« Une volonté symbolique et politique plus qu’une vraie utilité »

C’est sous le contrôle du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention (JLD) que la police sera habilitée à contrôler en temps réel le contenu des ordinateurs des gens placés sur « écoute informatique ». Un JLD interrogé par Rue89 se montre « plutôt sceptique » :

« Cette disposition traduit bien sûr la pression accrue sur la lutte contre l’immigration clandestine. Partout, dans les services de police, les préfectures, les gendarmeries, on forme des équipes spécifiquement destinées à cela. Mais, du point de vue de l’enquête, je suis dubitatif sur le lien entre ce qui peut circuler sur ces ordinateurs et les étrangers en situation irrégulière. J’ai du mal à saisir l’utilité de la chose. »

Pour ce magistrat, cette disposition nouvelle relève en fait davantage d’une volonté « symbolique ou politique » que d’une utilité réelle, alors qu’à ses yeux, on déploie déjà bien davantage d’énergie à poursuivre les sans-papiers eux-mêmes qu’à lutter contre les réseaux de passeurs.

Inquiétude des associations

La plupart des associations n’avaient pas encore relevé ce détail de la Lopsi, qui ne sera rendue publique que début 2008. Mais cette nouvelle génération de mouchards inquiète, alors que Rue89 racontait début décembre que deux salariées de France terre d’asile avaient été placées sur écoute pendant plusieurs mois avant d’être carrément placées en garde à vue pour avoir eu des conversations téléphoniques avec de jeunes clandestins qu’elles suivaient dans le cadre de leurs maraudes.

Vice-président du Gisti, l’avocat Stéphane Maugendre rappelle qu’il y a une tendance à la criminalisation générale de l’aide aux sans-papiers :

« Cette disposition serait un pas de plus mais, dès à présent, la loi sur l’aide au séjour irrégulier est tellement vaste qu’elle concerne aussi bien l’oncle qui accueille son neveu quelques jours, le petit passeur, les associations qui aident les sans-papiers, que les gros réseaux de trafic. »

Si aucun parent d’élève associé par exemple à RESF n’a encore été poursuivi, Stéphane Maugendre souligne que la pression va bien crescendo sur le terrain.

Du côté de la Cimade, Sarah Bellaïche juge « très inquiétante » la nouvelle mouture de la loi de sécurité intérieure mais constate également que l’arsenal législatif permettait déjà de donner un tour de vis supplémentaire, en poursuivant par exemple les passagers d’un avion qui s’étaient opposés à l’expulsion d’un clandestin pour « atteinte au bon fonctionnement d’un aéronef ».

Des dizaines de sans-papiers libérés par le tribunal

  Carole Sterlé, 13/12/2007

RAREMENT on aura vu autant de sourires dans la salle d’audience des étrangers au tribunal de grande instance de Bobigny. C’est dans cette petite salle surchauffée, à l’entrée du palais de justice, que sont convoqués les étrangers en situation irrégulière, interpellés en France, ou à leur descente d’avion à Roissy.

« Vous n’êtes pas maintenue en zone d’attente, explique le juge des libertés et de la détention à une jeune femme qui réclamait l’asile politique. Sous réserve de l’appel du parquet, dans quatre heures, vous serez remise en liberté. »

Les dossiers étaient si nombreux hier – quarante-quatre au total – qu’une seconde salle a été réservée aux jugements. Là encore, le scénario se répète. « Vous êtes en situation parfaitement irrégulière, précise le juge à une jeune Syrienne, qui s’est vue déboutée de sa demande d’asile. Ce n’est pas parce que je porte une robe noire que je régularise la situation. » La jeune femme, et les quarante-trois autres étrangers convoqués hier, sont ressortis libres, et heureux.

Les avocats ont trouvé une faille dans la procédure

Depuis qu’un avocat a ouvert la brèche, il y a au moins un peu plus d’une semaine, les avocats ont compris qu’en faisant valoir l’article 552-5 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), ils pouvaient obtenir la libération de leur client, au motif qu’il n’existe aucune trace tangible que les étrangers convoqués ont été régulièrement avisés de la date et de l’heure de l’audience afin de préparer leur défense. La plupart des juges des libertés et de la détention leur donnent raison.

« Si on ne restreignait pas autant le droit des étrangers dans la pratique, on n’en serait pas là. Ce sont des batailles comme celles-ci qui font avancer la jurisprudence », estime Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis et vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Quelques appels ont été formés, mais selon nos informations, tous les arrêts rendus confirment les décisions de libération. De son côté, le parquet de Bobigny n’a encore jamais fait appel de telles libérations, appel suspensif s’il est formé dans un délai de quatre heures. « Le parquet n’exclut pas de faire des appels suspensifs et le parquet général (NDLR : de la cour d’appel) n’exclut pas l’éventualité d’un pourvoi en cassation », indiquait-on hier soir à la cour d’appel de Paris, dont relève le tribunal de Bobigny. En attendant cet éventuel pourvoi, les étrangers sans papiers ressortent libres et souriants du tribunal de Bobigny.

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