avec l’AP, 23/10/2008
Alors qu’elles déposaient parallèlement un recours devant le Conseil d’Etat contre un décret du ministère de l’Immigration, plusieurs associations, dont la Cimade, ont dénoncé jeudi dans le projet de réforme de l’information des étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA) une « marchandisation de l’humanitaire » et une volonté de les « museler ».
L’ACAT-France, l’ADDE, l’ANAFE, la Cimade (Service oecuménique d’entraide), le Comede, ELENA-France, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat des avocats de France et le Secours Catholique ont indiqué jeudi qu’elles déposaient un recours devant le Conseil d’Etat contre un décret du 22 août qui remet en cause, à partir du 1er janvier 2009, le système d’information des étrangers dans les 27 CRA sur le territoire français, assuré jusqu’ici depuis plusieurs années par la seule Cimade.
D’après elles, les termes de l’appel d’offre instauré par ce décret signifient « une marchandisation de l’humanitaire ». « On ne prend plus en considération les hommes et les femmes qui sont retenus, on en fait de la marchandise qui peut être traitée par n’importe quelle personne morale, y compris des sociétés commerciales », a dénoncé notamment Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) lors d’une conférence de presse avec la Cimade et d’autres associations parties prenantes de l’action juridique.
L’appel d’offre, ouvert sur un « principe libéral » pour attribuer huit « lots » de centres de rétention, impose également des clauses de « confidentialité » et de “neutralité », que les associations ont jugé très « dangereuses », craignant leur « muselage ».
« Ce que veut très vraisemblablement le ministère de l’Immigration, c’est que la société civile n’ait plus aucun droit de regard sur ces lieux d’enfermement d’étrangers », a estimé M. Maugendre.
D’autres associatifs vont jusqu’à penser que le gouvernement voudrait privilégier des associations, non seulement moins compétentes, mais surtout moins revendicatives des droits des immigrés.
Pour la Cimade, à laquelle Brice Hortefeux reproche de détenir le « monopole » de l’information des étrangers, seule sa dimension nationale permet une véritable efficacité dans son travail, et sa mission actuelle se fait déjà en “collaboration régulière » avec d’autres associations, comme le Secours Catholique.
« Nous sommes déjà dans un partage de responsabilités et nous sommes prêts à l’étendre », a revendiqué Patrick Peugeot, président de la Cimade, soulignant la nécessité de la « complémentarité des expertises » -juridique, sociale ou médicale- de chaque association. « Or, ce décret et cet appel d’offre interdisent ce travail conjoint », a-t-il reproché.
De plus, les sommes promises par le ministère dans l’appel d’offre ont aiguisé les appétits d’associations indépendantes de la Cimade, et favorisé des candidatures non concertées. Selon le ministère de Plmmigration, près 3,88 millions d’euros ont été consacrés en 2008 à la présence associative dans les CRA et l’appel d’offre prévoit des crédits annuels entre 3 et 7 millions d’euros.
Six associations au total (CIMADE, France Terre d’Asile, Forum Réfugiés, ASSFAM, Ordre de Malte et le Collectif Respect) se sont portées candidates lors de l’appel d’offre clos mercredi.