Archives de catégorie : Avocat

« Les clandestins prêts à payer des fortunes »

Propos recueillis par Nelly Terrier, 13/04/2006

LP/Olivier Corsan
LP/Olivier Corsan

VICE-PRESIDENT du Gisti, Groupement d’information et de soutien aux immigrés, et avocat, Stéphane Maugendre pense que ce genre d’affaire va s’accroître « car la demande de papiers va devenir de plus en plus forte ».

Un haut fonctionnaire de la préfecture de police de Paris incarcéré pour corruption et aide au séjour irrégulier, cela vous étonne-t-il ?

Stéphane Maugendre. C’est toujours anormal qu’un fonctionnaire, quels que soient son grade et ses responsabilités, soit incarcéré pour des faits de ce genre, qui sont graves. En même temps, je dois à la vérité de dire qu’il y a régulièrement des personnes – notamment dans les services des préfectures qui délivrent des titres de séjour aux étrangers – qui sont mises en examen dans des affaires de ce genre. Pour autant, n’en concluons tout de même pas que tous les fonctionnaires sont corrompus, ce qui est loin d’être le cas.

Comment expliquez-vous la récurrence de ce genre de faits ?

Par l’appât du gain, tout simplement. Je n’ai jamais entendu parler de fonctionnaires qui délivraient de faux papiers pour des raisons humanitaires ou idéologiques. Les étrangers en situation irrégulière
vivent une telle peur au quotidien qu’ils sont prêts à payer des fortunes pour obtenir des papiers. Tous ceux que je vois dans mon cabinet d’avocat ont un travail. Ils sont payés au noir, souvent au lance-pierres. Ils vivent la trouille au ventre d’être arrêtés dans le métro, sur le chantier où ils bossent, etc. Ils ont besoin de papiers pour pouvoir vivre normalement.

Combien coûtent des faux papiers ?

Il y en a de deux sortes. Les vrais-faux sont délivrés frauduleusement par l’administration dans le cadre de filières de corruption. Ce sont de vrais papiers. Les faux sont fabriqués de toutes pièces et vendus au marché noir. Ils sont peu fiables car repérables facilement en cas de contrôle d’identité. Ils coûtent bien moins cher que des vrais-faux. Il est difficile de connaître le coût, je me suis laissé dire qu’un vrai-faux pouvait aller jusqu’à 4 000 €, voire plus. Il faut aussi savoir qu’un simple récépissé de préfecture, papier qui témoigne du fait que vous avez un dossier en cours, peut aussi faire l’objet de trafics.

Comment les filières fonctionnent-elles ?

Essentiellement via des rabatteurs qui sont introduits par le bouche-à-oreille auprès des communautés de clandestins. Ces gens montent et préparent les dossiers. Ce qu’il est urgent de comprendre, c’est que ce problème de corruption de fonctionnaires ne va pas disparaître. Au contraire, il risque de s’accroître car la demande de papiers va devenir
de plus en plus forte. La loi qui vient en lecture à l’Assemblée nationale en mai, pour réformer le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), aura pour conséquence d’augmenter le nombre de clandestins et devrait donc faire les beaux jours de la corruption et des filières d’immigration clandestine.

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Cinq ans de réclusion pour avoir dévalisé le buraliste

 B.A., 23/03/2006

CINQ ANS de réclusion. C’est la peine que les jurés de la cour d’assises de l’Oise, à Beauvais, ont infligée hier soir à Anis Drissi, S. G., Heykel Lassoued et Cyril Pépin, âgés de 23 à 25 ans, originaires de Marly-la-Ville et de Fosses. Ils comparaissaient pour le vol à main armée commis dans le bureau de tabac tenu par Patrick et Christine Delille à Plailly, le 29 octobre 2003 à 7 h 10.

L’avocate générale, Line Bonnet, avait requis de cinq à huit ans de réclusion pour les quatre braqueurs, ainsi qu’une peine de trois ans avec sursis pour Frédéric Aubé, 23 ans, pour le recel, dans la région de Bourges (Cher), des quelque 98 cartouches de cigarettes dérobées au cours du braquage.

« Il s’agit bel et bien d’une bande organisée qui a commis des actes de violence gratuite sur les commerçants et le client présent, avant de rafler 1 800 en numéraire et deux cartons de cigarettes », a-t-elle martelé dans son réquisitoire, rappelant que le braquage avait été perpétré, avec une voiture volée, quelques minutes après la livraison de la marchandise aux débitants.

Autre argument de l’accusation, la bande avait, en un temps record, ôté les codes-barres des paquets de cigarettes pour éviter qu’on découvre leur provenance frauduleuse. Mais elle avait aussi trouvé un receleur, ami d’enfance de l’un des accusés, qui a très rapidement écoulé la marchandise.

Un réquisitoire démonté point par point par l’ensemble des avocats de la défense, tous reprenant les résultats de l’expertise psychiatrique des accusés, évoqués dans la matinée et révélant surtout « des jeunes immatures, avec parfois une violence inquiétante et une intolérance à la frustration ». « Non, ces gamins n’étaient pas des professionnels, plaide Me Even, conseil d’Anis Drissi. Car, s’ils l’avaient été, ce serait les livreurs qu’ils auraient braqués pour partir avec toute la cargaison. Au départ, ils voulaient juste la caisse, ils n’avaient pas pensé à voler de la marchandise. »

« Ils ont agi de façon improvisée. Ce sont des jeunes qui avaient récemment vécu une cassure dans leur vie personnelle ou familiale, renchérit Me Maugendre, l’avocat de Cyril Pépin. Ils ont besoin d’être cadrés et de bénéficier d’un accompagnement social et professionnel lorsqu’ils sortiront de prison. C’est une garantie contre la récidive.»

« L’avocate générale se trompe sur les motivations de ces gamins, insiste Me Stepniewski, le défenseur d’Heykel Lassoued. Contrairement à ce qu’elle affirme, au moment des faits les accusés n’ont pas fait le choix de l’oisiveté. Tous avaient, pour des raisons différentes, du mal à trouver du travail. Il faut leur ouvrir la vie plutôt que de refermer sur eux la porte de la cellule. »

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Les braqueurs du tabac

 Bénédicte Agoudetsé, 21/03/2006

DANS LE BOX des accusés, Anis Drissi, S. G., Heykel Lassoued, 23 ans tous les trois, et Cyril Pépin, 25 ans, comparaissent depuis hier et jusqu’à mercredi soir devant les assises de l’Oise. Originaires de Fosses, dans le Val-d’Oise, tous sont actuellement détenus et directement impliqués dans le violent braquage du bureau de tabac de Plailly, le 29 octobre 2003. Mais aussi dans le vol et la destruction par incendie de l’Opel Corsa dérobée la veille à Chaumontel, qui leur a servi à commettre le vol à main armée.

Les propriétaires du commerce victimes de violences, Christine et Patrick Delille , se sont constitués parties civiles, tout comme la propriétaire du véhicule, retrouvé en cendres dans un chemin de terre près de Plailly dans les jours qui ont suivi le drame. Outre les sérieuses blessures à la tête qu’il s’était vu infliger, notamment à coup de crosse, le buraliste avait également dû céder les 1 700 que contenait sa caisse.
Devant ces quatre malfaiteurs, un cinquième accusé, Frédéric Aubé, 23 ans, comparaît lui, libre, pour avoir recelé et écoulé, dans la région de Bourges (Cher) où il réside, les deux cartons de cartouches de cigarettes dérobés par ses complices.

« Aucune société d’intérim ne voulait plus me proposer de contrats. Voilà pourquoi j’en suis arrivé là »

L’audience d’hier, sévèrement amputée en raison du retard du dernier accusé, a été consacrée à la personnalité des braqueurs. Leur point commun : ils se trouvaient au moment des faits « au chômage et mal dans leur peau ». « J’avais été incarcéré à tort pour un viol que je n’avais pas commis, et pour lequel j’ai obtenu un non-lieu, explique Cyril Pépin. Aucune société d’intérim ne voulait plus me proposer de contrats, et ma famille avait de gros soucis financiers. Voilà pourquoi j’en suis arrivé là. » C’est ce vigoureux colosse d’un mètre quatre-vingt-dix qui a fourni les armes du crime : le gomme-cogne (pistolet à balles en caoutchouc) subtilisé à son propre père, ainsi que le fusil factice « emprunté » à son jeune frère pour les besoins de la cause. Les biographies des autres braqueurs sont peu ou prou semblables à celles-ci, sur fond de vie dans des familles modestes mais méritantes, d’échec scolaire et d’un sérieux manque de maturité.

Aujourd’hui, la suite des débats sera notamment consacrée à l’examen des faits.

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Les braqueurs s’étaient fait cueillir à la sortie de la poste

 Damien Delseny, 23/11/ 2005

LES QUATRE braqueurs sont sans doute devenus superstitieux. Leur jeune et très brève carrière dans le banditisme s’est en effet achevée un vendredi 13 devant le bureau de poste de Louvres, cueillis un par un par les gendarmes qui les guettaient. C’était en juin 2003. Aujourd’hui et jusqu’à vendredi soir, ces quatre jeunes âgés maintenant de 20 et 21 ans et originaires de Sarcelles comparaissent devant la cour d’assises du Val-d’Oise pour ce hold-up manqué.

Canon posé sur la tempe ou la nuque
Il est 6 h 50 ce matin-là à Louvres. Les rues du village sont calmes. Pourtant, deux passants remarquent une curieuse scène devant le bureau de poste. Ils reconnaissent un employé, planté devant le distributeur automatique de billets, visiblement apeuré et accompagné par une personne encagoulée. Ils préviennent discrètement la gendarmerie. Cinq minutes plus tard, une patrouille arrive sur le secteur et interpelle immédiatement un jeune homme installé au volant d’une Renault 21 qui attend, moteur tournant, devant l’agence. Quelques secondes plus tard, les militaires aperçoivent trois autres hommes à l’intérieur du bureau qui s’enfuient par l’arrière. Une poursuite s’engage dans les rues et deux autres braqueurs sont interpellés au fond d’une impasse alors qu’ils escaladent un toit. Deux heures plus tard, alors qu’un hélicoptère tourne dans le ciel pour le localiser, le quatrième malfaiteur est arrêté caché entre deux voitures.

Les gendarmes mettent aussi la main sur une carabine 22 long rifle jetée dans un buisson et à laquelle il manque un morceau de crosse qui sera retrouvé à l’intérieur du bureau de poste.

Le symbole d’un braquage violent, comme l’ont rapporté les nombreuses victimes prises en otage dans l’agence. Car pour s’introduire dans le bureau de poste, les trois braqueurs ont profité de l’arrivée du camion de livraison du courrier vers 6 h 25. Menacés par la carabine, le chauffeur et un employé présent sur place ont d’abord été enfermés dans une pièce. Dix autres employés les ont rejoints au fil des minutes. Chaque arrivant était minutieusement fouillé et délesté de son téléphone portable. Certains affirment avoir été mis en joue, d’autres ont carrément senti le canon posé sur leur tempe ou leur nuque. Les trois braqueurs voulaient vider le coffre, mais aucun des employés présents ne pouvait l’ouvrir. Ils ont alors décidé d’attendre le responsable de l’agence. Pour occuper le temps, l’un des malfaiteurs a molesté un employé, lui dérobant sa carte bancaire avant de l’emmener retirer de l’argent au distributeur. Une « erreur » qui a causé la perte des braqueurs, remarqués par deux témoins.

Décrits comme « nerveux », les trois hommes présents dans l’agence ont laissé une impression d’à-peu-près. Il faut dire que, selon leurs propres déclarations pendant l’enquête, le hold-up avait été préparé la veille en marge d’un entraînement de foot. Les débats devant la cour d’assises vont durer trois jours. Le verdict est attendu vendredi.

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Expulsions d’étrangers

Pascale Egré, 16/11/2005

IL Y A UNE SEMAINE, Nicolas Sarkozy annonçait aux députés avoir demandé aux préfets l’expulsion « sans délai » de « 120 étrangers, pas tous en situation irrégulière » impliqués dans les violences urbaines. Samedi soir, lors d’une visite au commissariat du VIII ème, le ministre promettait qu’elles auraient lieu « peut-être dès lundi ».

« Il ne s’agit pas de faire du chiffre, c’est une question de principe », précisait-il. Et hier, il a indiqué à l’Assemblée nationale que dix procédures d’expulsion d’étrangers ayant participé aux émeutes des banlieues avaient été engagées.

Une « cellule de vigilance » pour préparer d’éventuels recours.

Mais du discours à l’application, le pas se révèle toutefois plus difficile que prévu. Vilipendé par l’opposition (PS, Verts), accueilli favorablement par les députés de la majorité – dont l’un, Jean-Paul Garraud (UMP Gironde), a même proposé de déchoir de leur nationalité des fauteurs de troubles naturalisés – cette mesure se heurte avant tout, comme l’ont souligné nombre d’associations de défense des droits de l’homme, aux termes de la loi elle-même. L’affaire de l’imam de Vénissieux, visé par trois arrêtés successifs, avait démontré à quel point le cadre de ce type d’expulsion  administrative est strict. « Il ne peut être justifié que dans des situations très rares de menace grave à l’ordre public », décrypte Marie Dufflo, du Gisti (Groupement de soutien et d’information aux immigrés). En énumérant les comportements en question (portant atteinte aux intérêts de l’Etat, ou liés à des activités terroristes, ou de provocation à la discrimination, la haine, la violence), la juriste interroge : « Une voiture brûlée entre-t-elle dans ces catégories ? »

Au-delà du flou sur leur nombre (une centaine sur les 1 500 gardés à vue selon la DGPN le 10 novembre), le profil même des émeutiers étrangers placés en garde à vue constitue en soi un obstacle, en raison des protections interdisant l’expulsion de certaines catégories d’étrangers. Dès vendredi, le Conseil national des barreaux estimait que « la plupart des jeunes » condamnés pour violences urbaines étaient « inexpulsables ». « On ne voit pas bien où ils vont les trouver, poursuit Marie Dufflo. Au minimum, ces étrangers doivent être majeurs, ne pas avoir résidé habituellement en France avant l’âge de 13 ans et ne pas y avoir de famille. » Pilier d’une « cellule de vigilance
» mise en place hier par le barreau de Seine-Saint-Denis afin de préparer d’éventuels recours contre des arrêtés pris « en urgence absolue », Me Hacene Taleb s’indigne : « M.Sarkozy est pourtant avocat ! A-t-il oublié l’esprit de la loi ? »

Saisi en référé par SOS Racisme samedi, le Conseil d’Etat avait débouté l’association de sa requête, confirmant la légalité du télégramme adressé par le ministre de l’Intérieur aux préfets, tout en estimant ses déclarations à l’assemblée « sujettes à caution au plan de la légalité ». Nombre d’associations estiment ainsi au final que « le but était avant tout d’ordre politique ». « Il a joué le symbole, le clin d’oeil aux électeurs du Front national, l’amalgame », estime Mouloud Aounit, du Mrap. « Faire des étrangers les responsables des émeutes lui permet de préparer un contexte favorable à son futur projet de loi sur l’immigration, attendu comme encore plus restrictif que le précédent », analyse Stéphane Maugendre, du Gisti. « Ni les jugements catégoriques, ni l’état d’urgence, ni les mesures expéditives d’éloignement ne favoriseront le vivre ensemble », a réagi à son tour la Cimade, en déplorant « une stigmatisation intolérable ».

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Dix émeutiers étrangers menacés d’expulsion

images fig A.-C. D. L. et M.-C. T., 16/11/2005

Le ministre de l’Intérieur a annoncé hier soir que la procédure était « engagée ».

Une semaine très exactement après avoir promis de faire « expulser sans délai » du territoire national tous les étrangers condamnés dans le cadre des violences urbaines, Nicolas Sarkozy est donc entré dans le vif du sujet. Et a mis les textes à exécution.

Hier soir, Place Beauvau, on se refusait à toute communication supplémentaire, notamment sur l’identité, les origines ou encore l’âge des individus concernés. Selon nos sources, l‘un de ces dix cas pourrait toutefois être celui d’une personne en situation irrégulière et déjà visée par un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Ces procédures sont rendues possibles par l’article L 521 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en cas de « menace grave pour l’ordre public ». Un article qui protège cependant les mineurs de toute expulsion et offre à d’autres catégories des protections juridiques, en fonction de plusieurs critères, notamment leur ancienneté d’installation sur le territoire (avant l’âge de 13 ans) ou leurs liens familiaux.

Une question de principe

Peu de temps après son annonce du 9 novembre, qui concernait également « ceux qui ont un titre de séjour », le ministre de l’Intérieur avait indiqué qu’il ne s’agissait pas « de faire du chiffre » mais que c’était « une question de principe ». « Tous ceux qui pourront être expulsés dans le cadre de la loi le seront parce qu’ils ont participé à des émeutes », avait poursuivi Nicolas Sarkozy.

En visite samedi dernier au commissariat du VIIIème arrondissement à Paris, le ministre avait même précisé qu’il « devrait y avoir des expulsions dès le tout début de semaine » ; de son côté, le porte-parole du gouvernement soulignait que « très peu de personnes » seraient concernées. Hier soir encore, une demi-heure avant que Nicolas Sarkozy ne prenne la parole dans l’hémicycle, Matignon disait ignorer l’existence de procédures en cours, non sans souligner que la mise en application de cette mesure ne relevait pas de ses compétences.

Ainsi les réactions ne se sont-elles pas fait attendre. Avocat et vice-président du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), Me Stéphane Maugendre a estimé que Nicolas Sarkozy avait fait une annonce politique à l’Assemblée nationale qui ne correspond pas à la réalité des évènements puisque la majorité des jeunes impliqués sont français ». « La loi assure des protections. Nous nous engagerons à les faire appliquer à la lettre » a-t-il encore ajouté.

Un argument que le Conseil national des barreaux (CNB), organisation qui représente l’ensemble des avocats de France, avait déjà fait valoir la semaine dernière, en soulignant que « la plupart des jeunes ayant participé aux émeutes sont inexpulsables».

Nicolas Sarkozy veut expulser les étrangers impliqués dans les violences urbaines

index,  Laetitia Van Eeckhout,  11/11/2005

Selon le ministère de l’intérieur, cette mesure ne signifie pas le retour de la double peine puisque des étrangers pourront être renvoyés même sans condamnation.

Le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, a adressé, mercredi 9 novembre, dans la soirée, un télégramme aux préfets pour leur demander d’expulser tous les étrangers interpellés dans le cadre des violences urbaines des treize derniers jours, même ceux titulaires d’un titre de séjour. « Quand on a l’honneur d’avoir un titre de séjour, le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’a pas à se faire arrêter en train de provoquer des violences urbaines ! », a-t-il lancé aux députés lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale en leur annonçant vouloir expulser les étrangers fauteurs de troubles.

Sur les 1 800 personnes  interpellées depuis le 27 octobre, 120 jeunes étrangers, dont la majorité sont en situation régulière sont directement concernés. Si l’administration peut reconduire à la frontière les personnes en situation irrégulière, elle peut aussi « engager une procédure d’expulsion sur la base d ‘arrêtés préfectoraux ou ministériels en fonction de la gravité de la menace représentée par le comportement des ressortissants étrangers », comme le rappelle le télégramme adressé par le ministre de l’intérieur aux préfets, mercredi soir.

Les associations des droits de l’hom­me ont aussitôt réagi et dénoncé unani­mement un retour de la double peine. Au-delà de l’illégalité manifeste de cette démarche, M. Sarkozy continue à s’en prendre aux étrangers et à en faire des boucs émissaires. Il avoue que, loin d’être abolie, la double peine est toujours d’actualité , dénoncent dans un communiqué commun une vingtaine d’organisations associatives et syndicales, auxquelles se sont joints le Parti communiste français, les Verts et la ligue communiste révolu­tionnaire (LCR).

Mais Place Beauvau, on ne cesse depuis hier soir de marteler le message : « On ne revient pas sur la double peine. »

Ce qu’on appelle communément « double peine », c’est l’expulsion d’un étranger condamné par les tribunaux. Or là, dans l’entourage du ministre, on assure qu’il s’agit d’une expulsion sim­ple ». Le ministère ne s’interdit ainsi pas d’expulser des personnes sans qu’elles aient été condamnées.

En fait, après avoir parlé devant les députés de personnes « condamnées », c’est-à-dire jugées par la justice, le ministre de l’intérieur semble avoir ajus­té son discours et dans la soirée on ne parlait plus que d’« interpellés », place Beauvau.

Reste que si dans le cas d’une « mena­ce grave à l’ordre public », la loi autorise le préfet ou le ministre de l’intérieur lui-même à prononcer un arrêté d’expul­sion. l’application de cette mesure est juridiquement et politiquement délica­te.

En 1994, Charles Pasqua qui était ministre de l’intérieur à l’époque, s’est heurté à la difficulté. Au lendemain des grandes manifestations contre le contrat d’insertion professionnelle (CIP), il avait renvoyé « en urgence absolue » deux manifestants algériens soupçonnés d’avoir jeté des pier­res sur des policiers à Lyon.

Mais le tribunal adminis­tratif, puis le Conseil d’État l’avaient désavoué. Et les deux Algériens renvoyés dans leur pays étaient reve­nus en France.

Depuis 1994, l’exercice est encore plus délicat. Dans sa loi du 26 novembre 2003 sur l’immigration, Nicolas Sarkozy a prévu des protec­tions particulières, contre ce type d’expulsion, pour certai­nes catégories de personnes. Ainsi notamment, les jeunes arrivés en France avant l’âge de treize ans ou ceux ayant des attaches familiales fortes bénéfi­cient d’une protection très élevée qui tend désormais quasiment impossible leur expulsion.

« Elle n’est cependant pas absolue », souligne-t-on dans l’entourage du minis­tre où l’on rappelle que la loi prévoit que cette protection peut être remise en cause par un comportement «consti­tuant des actes de provocation explicite et ‘délibérée (…) à la violence contre une per­sonne déterminée ou un groupe de personnes ». « Il s’agira d’apprécier, au cas pas cas, la gravité de l’atteinte à l’ordre publique. C’est une question d’appréciation juridique des faits », explique-t-on au cabinet du ministre.

« Le ministre de l’inté­rieur joue sur l’effet d’annonce. Nicolas Sarkozy va prendre des arrêtés d’expulsion pour montrer sa fermeté, et puis il verra si dans quelques mois les tribunaux administratifs jugent injustifiés ces mesu­res », dénonce Stéphane Maugendre, vice président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Mercredi 9 novembre, le député UMP Jean-Paul Garaud a annoncé qu’il allait déposer une proposition de loi don­nant aux tribunaux la possibilité de « déchoir de la nationalité française » les étrangers naturalisés « qui participent à la guérilla urbaine ». Selon l’élu, les fau­teurs de troubles cherchent à « détruire la nation française » et expriment « leur rejet de la France ».

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Sarkozy veut expulser les étrangers

logo-liberation-311x113 , Charlotte Rotman

Le ministère peut reconduire à la frontière les irréguliers. C’est même l’une de ses missions. Mais comment faire avec les étrangers protégés par la loi Sarkozy de 2003 en raison de l’ancienneté de leur présence en France ou de leurs liens familiaux ? L’une des modalités juridiques envisagées est de faire sauter cette protection, remise en cause par un comportement «constituant des actes de provocation explicite et délibérée (…) à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes». En langage clair, ces protections ne valent que si «le comportement ne dépasse pas le plafond». Et les «meneurs d’émeute peuvent se retrouver dans ce champ». Place Beauvau, on martèle le message : «On ne revient pas sur la double peine.» Et pourtant… la porte est désormais ouverte. «Sarkozy ne va pas s’encombrer de ses déclarations passées, il va piocher dans les notions qui l’arrangent, sans que cela colle à la réalité du texte», réagit Stéphane Maugendre, du Gisti (1).

Hier dans la soirée, le député UMP Jean-Paul Garraud a annoncé qu’il allait déposer une proposition de loi donnant aux tribunaux la possibilité de «déchoir de la nationalité française» les étrangers naturalisés «qui participent à la guérilla urbaine». Selon l’élu, ils cherchent «à détruire la nation française» et expriment «leur rejet de la France».

(1) Groupe d’information et de soutien des immigrés.

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« Sarkozy confond interpellés et condamnés »

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Stéphane Maugendre, vice-président du GISTI, propos recueillis par Simon Piel, 10/11/2005

Quelle est la réaction du GISTI aux dernières déclarations de Nicolas Sarkozy sur l’expulsion du territoire des étrangers arrêtés dans le contexte des émeutes ?

– Le GISTI va se réunir ce soir à ce sujet mais je pense que nous avoir, déjà dit l’essentiel. Quand Sarkozy parle de 120 étrangers condamnés il a tort. 120 condamnés, c’est faux. Cet ancien avocat confond interpellés et condamnés! Voici les chiffres du ministère de la Justice hier soir (mercredi 9 novembre): il y a eu 2.000 interpellations, 1.462 gardés à vue, et 329 déférés devant la justice. Il y a eu 173 condamnés définitivement à des peines de prison ferme et 32 avec sursis. De toute façon, il semblerait que le ministère ait fait une petite reculade. D’après la DGPN (Direction générale de la police nationale), parmi les 2.000 interpellations, il y aurait 6 à 8% d’étrangers. De toute façon c’est l’histoire d’une chronique annoncée. Le jour de l’Aïd, dire que ces jeunes sont corrompus par des mafias ça annonce quelque chose. Après, Villepin dit que les événements en banlieue doivent faire réfléchir sur la politique de l’immigration. Puis l’instauration du couvre-feu qui résonne historiquement de façon très symbolique. Au final, le message est: les responsables des émeutes, ce sont les étrangers.

Quels sont les textes sur lesquels le ministère de l’intérieur peut s’appuyer pour expulser les 120 étrangers évoqués par Nicolas Sarkozy ? Qu’en est-il des étrangers en situation régulière ? L’état d’urgence donne t-il des attributions particulières aux préfets en matière de procédure d’éloignement ?

Concernant la loi, pour les étrangers en situation irrégulière, il n’y a pas de problème. La loi permet la reconduite à la frontière par décision préfectorale. Pour les gens en situation régulière ça ne correspond pas à ce que j’ai pu voir. Si ce sont des mômes qui ont toutes leurs attaches sur le territoire français je ne vois pas comment ils pourraient être expulsés. Concernant l’État d’urgence, il ne donne aucune attribution particulière aux préfets en matière de procédure d’éloignement.

Concernant les déclarations de Jean-Marie Le Pen et de Jean Paul Garraud qui souhaitent que les émeutiers reconnus coupables soient déchus de leur nationalité française, quelle est la réalité de l’application d’une telle mesure ?

L’article 25 du code civil réglemente la perte de la nationalité française. L’article peut être applique si les intérêts de la France sont enjeu, mais pour un jet de cocktail molotov contre une voiture, il faut arrêter de délirer! Jean Paul Garaud veut déposer un projet de loi. Dans ce cas là on fait ça pour tout. Et puis même, autant ne pas leur donné la nationalité française. On est dans la surenchère délirante.

Certains politiques essaient sur la base d’événements sociaux et pas raciaux de recentrer ça sur l’étranger qui est l’ennemi de la France. Ils se retrouvent sur le terrain de Le Pen et ils essaient de grapiller d’éventuelles voix. Se droitiser, c’est un classique de Sarkozy. Il n’a pas pu tenir sa langue plus de dix jours. Il a remis de l’huile sur un feu qui était en train de s’éteindre.

Cinq et sept ans de prison pour les braqueurs de Poste

 Damien Delseny, 15/10/2005

APRÈS trois heures de délibéré, les jurés de la cour d’assises du Val-d’Oise ont condamné hier soir Mohamed C., 23 ans et Nicolas C., 22 ans à cinq et sept ans de prison.

Les deux copains qui ont grandi à deux pas-de-porte l’un de l’autre dans une cité d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) comparaissaient depuis jeudi pour trois braquages commis en avril et juin 2003 dans des bureaux de poste d’Osny, attaqué deux fois, et de Paris XVIIIe.

Une série qui leur avait rapporté environ 30 000 .
Un butin appréciable pour ce duo étonnant, qui n’était même pas de petits voyous avant de se lancer dans le grand banditisme. « Leur moteur, c’était l’immaturité et le désœuvrement »,a résumé Me Yann Lebras, l’avocat de Nicolas. « La rencontre aussi de deux jeunes fragilisés par leurs échecs », a-t-il ajouté. Mais aussi l’appât du gain comme l’a rappelé l’avocat général Sébastien Piève dans son réquisitoire : «Le butin amassé en trois braquages équivaut à deux ans de Smic. Deux ans de travail honnête auxquels ils ont préféré la facilité.»
L’avocat général, qui avait requis six ans de prison pour Mohamed et neuf ans pour Nicolas, a aussi insisté sur les « dégâts psychologiques réels subis par les victimes » de ces braquages. Un raisonnement partagé par Me Stéphane Maugendre qui défendait les employés victimes et la Poste : « Quand on subit cela, il en reste toujours quelque chose ». Quant aux conséquences sociales des braquages, l’avocat a eu cette formule : «Demain, à force de braquages, les guichetiers seront transformés en machines et les caissiers en distributeurs et la Poste fermera ses bureaux dans certains quartiers. Est-ce cela que l’on veut?»
A l’époque des faits, Nicolas et Mohamed ne se posaient pas toutes ces questions. Il s’agissait de prendre de l’argent pour partir en vacances ou améliorer le quotidien. Deux ans derrière les barreaux plus tard, ils jurent avoir pris du recul. « Mohamed peut compter sur sa famille pour se reconstruire », a plaidé son avocate Isabelle Gaspar. « Nicolas a ouvert une parenthèse délinquante. Mais il va la refermer », insiste Me Yann Lebras.
Une plaidoirie renforcée par la longue conclusion de Nicolas lui-même juste avant que le jury se retire : « La vie ce n’est pas ça. Maintenant je veux travailler et fonder une famille. Je veux que mes proches soient fiers car jusqu’à maintenant je n’ai su les rendre que malheureux ».

Avocat