Archives de catégorie : Avocat

Drame de l’immigration : colère d’associations après un non-lieu qui blanchit l’armée

  Franck Johannès,

Le cimetière des bateaux sur l'Ile italienne de Lampedusa, en octobre 2013.
Olivier Jobard/MYOP pour Le Monde

Ils étaient 72, dont vingt femmes et deux bébés, à bord d’un Zodiac à la dérive, à la fin du mois de mars 2011, au large de la Libye en pleine guerre civile. Trente-huit bâtiments de guerre, dont nombre de français, croisaient dans les parages dans le cadre de l’opération « Unified Protector » de l’OTAN, quand le Zodiac est tombé en panne.

Les naufragés ont réussi à lancer un message de détresse le 27 mars, relayé toutes les quatre heures par les garde-côtes italiens. Mais ils ont dérivé quinze jours, sans aucun secours : 63 personnes sont mortes de faim et de soif. Deux survivants ont porté plainte à Paris le 18 juin 2012 pour « non-assistance à personne en danger ». La juge Sabine Kheris a estimé, vendredi 6 décembre, qu’il n’y avait pas lieu d’instruire l’affaire, comme l’avait requis le parquet le 15 novembre.

Deux rapports minutieux

La plainte, soutenue par quatre associations (Migreurope, la Fédé­ration internationale des droits de l’homme, la Ligue dés droits de l’homme et le Groupe de soutien aüx travailleurs immigrés, le Gis- ti), était pourtant solidement étayée par deux minutieux rap­ports sur l’affaire, de l’université; de Londres et de la commission des migrations de l’Assemblée européenne. Le 27 mars, un avion français a même pris une photo

du canot avant qu’il ne tombe en panne. Un hélicoptère, de nationa­lité inconnue, a largué des bis­cuits et des bouteilles d’eau avant de disparaître, un navire de guerre a fait plusieurs fois le tour du canot avant de s’éloigner. Une première plainte au parquet de Paris a été classée sans suite après avis du ministère de la défense, qui a indiqué qu’il n’y avait pas de bateaux français dans les parages. Les associations ont déposé une nouvelle plainte, auprès cette fois de la juge d’ins­truction, qui a rendu à son tour vendredi une ordonnance de non- lieu. « On croit rêver, proteste Me Stéphane Maugendre, le prési­dent du Gisti. Le ministère de la défense, principal mis en cause, dit qu’il n’était pas là et on le croit sur parole. Ça ne se passerait jamais comme ça dans un dossier de droit commun. » Les associations ont l’intention de faire appel.

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Mort de migrants en Méditerranée: une juge écarte la responsabilité de l’armée française

AFP,  06/12/2013

PARIS – Une juge parisienne a écarté vendredi toute responsabilité de l’armée française dans la mort de 63 migrants sur leur canot en Méditerranée, suscitant la colère des rescapés de ce drame survenu au moment de l’intervention en Libye en 2011.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour fuir la Libye en guerre et rallier l’Europe, avaient déposé en juin à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour non assistance à personne en danger.

Soutenus par quatre ONG, ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, la juge d’instruction Sabine Kheris a cependant rendu vendredi une ordonnance de non-lieu ab initio, c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.

La magistrate a considéré que les faits dénoncés par les plaignants ne pouvaient avoir été commis par la marine française, selon la source judiciaire.

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes.

A court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

La juge Kheris a estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue.

Elle a notamment fondé son raisonnement sur le manque de précision du témoignage des rescapés, certains faisant état selon elle de la présence d’un porte-avion français, d’autres n’étant pas formels sur son pavillon.

Elle s’appuie par ailleurs sur une enquête menée par le Conseil de l’Europe qui n’a pas permis d’identifier les navires qui auraient croisé la route des naufragés.

Elle cite en outre les démarches du parquet de Paris auprès du ministère de la Défense, qui avaient notamment amené le ministère public à classer en novembre 2012 une première plainte.

A deux reprises, l’état-major a écarté la présence de navires ou d’aéronefs français dans la zone de dérive du canot, qui a été modélisée par des chercheurs d’une université de Londres.

L’avocat des plaignants, Stéphane Maugendre, a vu un scandale absolu dans ce non-lieu, et annoncé à l’AFP qu’il ferait appel.

Ce drame est l’objet de plaintes similaires en Espagne, en Italie, et très récemment, en Belgique. Des demandes d’information ont aussi été adressées par les associations aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et à l’Otan.

« Les victimes ont vu leur dernière heure arriver »

logoParisien-292x75Frédéric Naizot, 06/12/2013

« Les victimes ont vu leur dernière heure arriver » : Me Stéphane Maugendre, avocat de la Poste, dont plusieurs employés ont été séquestrés par les accusés.

«Il sentira à vie la sensation de l’arme froide sur sa tempe. » Hier après-midi, Me Stéphane Maugendre, a résumé dans sa plaidoirie tout l’impact d’un braquage, vécu par une des victimes du trio. L’avocat de la Poste, intervenait hier dans le cadre du procès des trois braqueurs qui comparaissent depuis mardi devant la cour d’assises du Val-d’Oise.

En trois mois, entre fin 2010 et début 2011, ils avaient commis sept attaques à main armées, séquestrant les employés des deux Carrefour de Puiseux-Pontoise et de Magny-en-Vexin, comme les employés de la Poste de Boissy-l’Aillerie.

« C’est une agression violente même s’il n’y a pas de coups », a rappelé l’avocat. « C’est vrai, les accusés s’étaient mis des limites. Ne pas charger l’arme ou en utiliser une factice. Mais les victimes ne le savaient pas. Ce qu’on ressent quand on voit une arme braquée sur soi, c’est que sa dernière heure est arrivée. »

Faisant allusion au braquage de la poste d’Orgemont, à Argenteuil, dont le procès s’est tenu il y a un mois, et qui n’a plus jamais rouvert après l’attaque, il estime aussi les accusés responsables pour partie d’un service public qui se désagrège. « Les victimes portent en elles le fardeau de la souffrance » a ajouté l’avocate d’une vingtaine de salariés de Carrefour, qui a rappelé les propos entendus par les employés séquestrés : « Celui qui bouge, je le tue » lance ainsi Luc B., dans le frigo de Magny-en-Vexin où il tient en joue les salariés.

Pas de réelles explications

Mais après trois jours d’audience, la cour d’assises n’a toujours pas compris ce qui a conduit les accusés, qui se sont connus grâce à leur passion pour la musique, à se lancer dans les braquages.

L’un d’eux, Johnny G., a parlé d’une dette de 10 000 €, liée ou non à de la cocaïne. L’hypothèse d’un besoin d’argent pour acquérir le matériel onéreux d’un studio de musique a été aussi évoquée. « C’est la crise », a de son côté avancé Luc B. Un jeune décrit comme ayant une personnalité complexe, à la fois intelligent et immature, capable de trafic en tous genres entre la France et la Martinique, puis de braquages, après avoir pourtant réussi son bac en candidat libre et avoir engrangé les années d’études musicales classiques à Cergy, au conservatoire, avec succès. « Un grand gâchis », souligne la présidente. Verdict ce soir.

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Affaire Leonarda : comment la famille veut faire annuler son expulsion

 , Thomas Prouteau

Crédit : RTL.fr

DOCUMENT RTL – Dans un document de 17 pages, l’avocate des Dibrani détaille les motifs du recours contre l’expulsion de Leonarda et de sa famille.

L’avocate de la famille Dibrani a déposé un recours le 28 octobre au soir afin de contester l’obligation de quitter le territoire français dont Leonarda et sa famille font l’objet. Dans ce document de 17 pages, que RTL a pu consulter, Me Brigitte Bertin détaille les motifs de cette contestation.

Selon le premier élément avancé par Brigitte Bertin, la décision d’expulser la famille Dibrani repose sur des arguments qui se sont avérés erronés depuis. En cause notamment, le lieu de naissance des enfants. Il s’agit de l’Italie et non du Kosovo, comme le supposait l’administration. Pour l’avocate, peu importe que le père ait menti à ce propos : le recours considère que le préfet devait faire sa propre enquête.

Une demande de titres de séjour pour les deux parents

Le document affirme également que l’expulsion aurait gravement compromis la stabilité des enfants, alors qu’il est démontré par Brigitte Bertin qu’ils n’avaient connu qu’une vie de misère en Italie. Ce dernier point constitue selon elle une violation claire de la convention internationale des droits de l’enfant.

Enfin, le recours soulève la question du pays de destination, le Kosovo, où tout démontre que la minorité rom, à laquelle appartiennent Leonarda et sa famille, est discriminée. Là encore, la préfecture du Doubs a commis, selon l’avocate, un abus de pouvoir. Celle-ci demande donc un titre de séjour pour chacun des deux parents. S’ils l’obtiennent, ils pourront alors revenir en France avec leurs six enfants. Le tribunal administratif de Besançon dispose d’un délai de trois mois pour rendre sa décision.

Plusieurs scénarios sont possibles

Selon Maitre Stéphane Maugendre, avocat spécialisé dans le droit des étrangers contacté par RTL, un éventail de décisions s’offre aux magistrats. Ils peuvent d’une part rejeter en bloc le recours. Dans ce cas, la famille Dibrani aura encore une possibilité de faire appel.

Les magistrats peuvent d’autre part annuler toute ou partie de la procédure. En effet, le recours vise à la fois les obligations de quitter le territoire français délivrées (OQTF) au père et à la mère de Leonarda les 19 et 21 juin dernier par la préfecture du Doubs et le refus de titre de séjour délivré le même jour.

Le tribunal administratif peut donc annuler soit l’une ou l’autre des OQTF, soit les deux, soit le refus de séjour. Dans ce dernier cas, « des titres de séjour seront délivrés à toute la famille », selon maitre Stéphane Maugendre. Dans les autres cas de figure, « cela est également probable mais cela peut se révéler plus compliqué », indique-t-il également.

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Sarkozy et Valls : quelles différences ?

images Nathalie Bensahel, 27/10/2013

En abrogeant les circulaires du précédent gouvernement, Manuel Valls a eu tort de ne pas renouveler les dispositions protégeant les écoles des interventions policières.

6568601« Humanité et fermeté. » Depuis la campagne présidentielle en 2012, c’est sur cette ligne de crête que s’organise la politique d’immigration voulue par François Hollande. Mise en œuvre et incarnée par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, cette politique revendique « une vraie rupture » avec la brutalité du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais, tout en valorisant la naturalisation « comme pierre angulaire d’un processus d’intégration », elle répète et martèle que la France ne peut pas accueillir tout le monde. Voilà pour la théorie, qui fait forcément le grand écart entre la générosité d’une France terre d’accueil et le refus assumé de régulariser tous les nouveaux entrants.

Dans la pratique, et en attendant l’examen d’une nouvelle loi sur l’immigration, c’est par une série de circulaires que le ministre de l’Intérieur applique sa politique, affichant à la fois des lignes de rupture avec le gouvernement précédent… et une forme de continuité.

Les points de rupture

Dès le 6 juillet 2012, par une première circulaire, Manuel Valls donne instruction aux préfets de ne plus placer en centre de rétention les familles qui sont en voie de reconduite à la frontière lorsque les enfants sont mineurs mais de les assigner à résidence. « Si on peut éviter de rajouter à ces enfants un traumatisme – le centre de rétention à un autre l’expulsion -, c’est tout de même mieux », explique Stéphane Maugendre, du Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (Gisti). Le ministre supprime au même moment la circulaire Guéant sur l’interdiction faite aux étudiants étrangers de chercher du travail en France à la fin de leurs études. Humanité encore lorsque, par la circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d’admission au séjour des étrangers, Manuel Valls définit des critères plus « objectifs », moins « aléatoires et kafkaïens » à l’examen des dossiers de régularisation.

Enfin, en abrogeant « le délit de solidarité » (autrement dit la pénalisation de l’aide au séjour irrégulier) par la circulaire du 11 mars 2013, en supprimant aussi « la politique du chiffre » sarkozienne (fixation d’un nombre de personnes à éloigner dans chaque département), Valls a voulu montrer qu’il y avait un avant et un après-Sarkozy.

Des consignes d’expulsion aussi strictes qu’avant

Certes. Mais en ce qui concerne la politique dite « d’éloignement », si les objectifs quantitatifs ne sont plus mis en avant, les consignes d’expulsion inscrites dans la circulaire de mars 2013 sur la lutte contre l’immigration irrégulière sont tout aussi strictes qu’avant. La preuve par les chiffres du ministère de l’Intérieur après que la droite eut dénoncé « la faiblesse d’une gauche qui n’expulse plus ses ressortissants illégaux » : au 31 août 2013, on comptait déjà 13 510 retours contraints, soit un chiffre supérieur à ceux de 2009 et 2011. Et si 2012 reste une année « exceptionnelle » après la mise en place de l’aide au retour des Roms (38 000), les reconduites s’élèveront probablement à 20 000 à la fin de l’année. Ce qui fait dire aux associations de défense des immigrés (RESF, Gisti, Cimade) qu' »entre Valls et Sarkozy, il n’y a pas de différences majeures, juste une inflexion ».

« La preuve par l’affaire Leonarda », affirme Brigitte Wieser, de RESF (Réseau Education sans Frontières), qui se souvient des années 2003-2004, où la police de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, coinçait les parents et les enfants en situation irrégulière à la sortie des écoles.

Sanctuarisation des écoles abrogée…

Après une série d’incidents violents, Sarkozy avait donné instruction aux préfets, par la circulaire du 31 octobre 2005, de protéger toutes les enceintes scolaires lors des démarches d’expulsion. Or c’est ce texte qui a été abrogé par celui du 28 novembre 2012, et Manuel Valls n’a pas renouvelé cette disposition sur « la sanctuarisation de l’école ». Pour quelle raison ? « Ce n’était plus le sujet, explique un dirigeant socialiste. Depuis 2005, les écoles étaient protégées des interventions policières, et les dérapages étaient peu fréquents. Sauf que ça a dérapé en grand…. »

D’où la rédaction en urgence de la nouvelle circulaire du 19 octobre 2013 sur « l’interdiction de l’intervention des forces de police dans le cadre scolaire lors d’une procédure d’éloignement ». Suffira-t-elle à éteindre l’incendie ?

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La gauche fait-elle mieux (ou pire) que la droite ?

L’affaire Leonarda suscite l’émotion dans l’opinion publique, divise la gauche et révèle l’absence d’une politique migratoire socialiste.

« Rien ne me détournera de mon cap. » Dans un entretien accordé au Journal du dimanche, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, persiste et signe. Pour lui, l’expulsion de ­Leonarda Dibrani, cette jeune fille rom de 15 ans interpellée lors d’une sortie scolaire, le 8 octobre, dans le Doubs, et renvoyée au Kosovo avec toute sa famille, est parfaitement justifiée. C’est aussi l’avis d’une majorité de Français (entre 65 et 70 % selon les sondages). Pourtant, cette décision, qui a suscité une vive émotion dans l’entourage de l’adolescente et au sein des associations, est loin de faire l’unanimité. Elle a mis au jour les divisions profondes qui traversent la gauche sur les questions d’immigration. Elle a aussi contribué à affirmer un peu plus la posture du ministre de l’Intérieur qui, depuis le début de son mandat, entend montrer un visage de fermeté.

Le président de la République lui-même s’est senti obligé de monter au créneau le 19 octobre, lors d’une intervention télévisée. Mais au lieu de calmer le jeu, sa proposition de faire revenir la collégienne en France, sans sa famille, pour qu’elle puisse poursuivre ses études, n’a fait que relancer la polémique.

Descendus dans les rues de la capitale, juste avant la dispersion des vacances, les milliers de lycéens qui ont réclamé le retour de Leonarda et d’un lycéen arménien de 19 ans, Khatchik Khachatryan, expulsé quelques jours plus tôt, ont déjà annoncé leur intention de manifester le 5 novembre, le lendemain de la rentrée scolaire… L’affaire est donc loin d’être close.

Un traitement plus digne des immigrés Certains voient en Manuel Valls ie digne héritier de Nicolas Sarkozy : déploiements de force contre les Roms, politique de démantèlement des camps, discours stigmatisants, maintien du plafond des 30 000 régularisations par an, poursuite des expulsions massives… « Le président de la République et son gouvernement espèrent séduire l’opinion par leur fermeté à l’encontre des étrangers, faute de lui apporter satisfaction par des mesures favorables en matière sociale, économique ou fiscale, juge l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). C’est un discours implicite qui murmure aux Français que le pouvoir les protège malgré tout de l’adversité puisqu’il frappe les étrangers. Devenir xénophobe pour essayer d’être populaire, tel est désormais le programme, exactement comme celui de Sarkozy en campagne. »

Le réquisitoire est sévère et demande à être nuancé. Il est sans doute le fruit d’une désillusion. En effet, tors de sa campagne présidentielle, François Hollande avait annoncé le changement. Rien de révolutionnaire pourtant, juste un traitement plus digne des immigrés. 18 mois plus tard, la promesse a été partiellement tenue. Avec l’abrogation de la circulaire Guéant, les étudiants étrangers sont désormais mieux traités.

Le « délit de solidarité » existe toujours, mais il est davantage circonscrit. L’accès aux soins via l’aide médicale d’État (Ame) a été facilité. Les critères de régularisation ont été mieux définis. Une circulaire de juillet 2012 a limité l’enfermement des familles, alors qu’un an plus tôt des centaines d’enfants avaient été placés en centre de rétention. En août 2012, une autre circulaire stipule que plus aucune évacuation de campement de Roms ne pourra se faire sans la recherche préalable d’une solution d’hébergement. Enfin, les procédures de demande d’asile ont été allégées, épargnant aux intéressés des allers-retours incessants dans les préfectures.

La déception des associations

Pour autant, le rythme de reconduite aux frontières n’a pas faibli, les conditions de régularisation sont toujours aussi strictes et le gouvernement n’a nullement l’intention de fermer les centres de rétention. Ce qui déçoit les associations impliquées dans l’accueil des migrants, qui estiment que, tout compte fait, cette politique « s’inscrit dans la continuité de la précédente ».

Sur le terrain, la machine à refouler poursuit son œuvre. Comme en témoigne l’histoire de Rose, cette jeune Ivoirienne de 16 ans qui, durant l’été, a essayé de rejoindre sa mère qui vit en France en situation régulière. Séparée d’elle depuis plusieurs années et ne supportant plus l’attente interminable (six ans) de l’instruction de la procédure de regroupement familial, elle décide de la rejoindre le 7 juillet en voyageant sous une autre identité. À l’aéroport d’Orly, la police aux frontières (Paf) lui refuse l’accès au territoire et la place en zone d’attente en vue de son renvoi vers le Maroc, son pays de transit. En dépit de documents d’état civil attestant de sa minorité, la Paf choisit de s’en remettre aux résultats – notoirement imprécis – d’un test osseux pour la déclarer majeure. Faute d’assistance juridique, Rose a été refoulée, ligotée et sanglée, vers le Maroc, où elle n’a aucune attache, avant même la décision définitive du juge.

Des zones de non-droit

Pire encore, dans les centres de rétention administrative, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) a eu connaissance le mois dernier du placement en rétention de nombreux immigrés gravement malades qui, sans l’intervention associative, auraient été expulsés alors qu’ils ne peuvent se soigner dans leur pays d’origine. L’un d’eux a été refoulé le 13 septembre. « Des histoires comme celles-là, il en arrive presque tous les jours, même si elles ne sont pas aussi médiatisées que celle de Leonarda », commente Jean-François Martini, du Gisti, qui dénonce la poursuite d’une pratique d’enfermement des mineurs dans les zones d’attente. Des espaces clos situés près des aéroports qui, selon les associations, deviennent des zones de non-droit.

Réunies au sein de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), des associations ont publiquement désapprouvé l’installation d’un tribunal juste à côté du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (77), le plus grand de France, où sont emprisonnés des étrangers en attente d’éloignement forcé. Situé à proximité immédiate des pistes de l’aéroport de Roissy, dans les locaux d’une caserne de CRS, ce tribunal accueille depuis le 14 octobre les audiences du juge des libertés et de la détention, et potentiellement celles du juge administratif, chargés de se prononcer sur le maintien en rétention des étrangers que l’administration veut éloigner de notre territoire. Jusqu’ici, ces audiences se tenaient au sein du tribunal de Meaux situé à une trentaine de kilomètres, dans un lieu de justice commun à tous les justiciables. Très peu desservies par les transports en commun, ces annexes judiciaires seront difficilement accessibles aux familles et aux avocats. Ce sont plus de 3 000 personnes placées au CRA du Mesnil-Amelot et près de 7 000 maintenues en zone d’attente de Roissy qui seront susceptibles d’être présentées chaque année devant ces tribunaux d’exception.

« Ces projets, initiés par la majorité précédente, sont indignes d’une justice respectueuse des standards internationaux les plus fondamentaux, s’indigne Laurent Giovannoni, du Secours catholique. La délocalisation de ces audiences dans des lieux de police heurte les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice et compromet la publicité des débats, garantie pourtant essentielle du droit à un procès équitable. » Alors, dans le domaine de l’immigration, la gauche fait-elle pire que la droite ? « Le problème de la gauche, c’est qu’elle n’assume pas les mesures de progrès qu’elle a mises en œuvre et que du coup, elle laisse le champ libre au discours martial de Manuel Valls, regrette Guy Aurenche, président du CCFD-Terre solidaire. Cela fait 40 ans qu’on utilise les étrangers de manière politicienne. Je n’ai jamais entendu de communication positive sur le sujet. »

Un sujet à haut risque

Un avis partagé par Alain Richard, fondateur des Cercles de silence : « Au lieu de tenir un discours responsable et pédagogique, le gouvernement brosse l’opinion publique dans le sens du poil. Car, il faut bien le dire, les Français sont de plus en plus xénophobes, et cela m’inquiète. » Pour montrer son souci de respecter les valeurs républicaines, Manuel Valls vient d’adresser une nouvelle circulaire aux préfets durcissant l’interdiction faite aux forces de l’ordre d’intervenir dans le cadre scolaire ou périscolaire, lors des expulsions d’étrangers en situation irrégulière.

« Encore une », soupire Jean-François Martini pour qui « ces circulaires n’ont pas force de loi et sont peu ou mal appliquées, comme celles sur les expulsions de campements de Roms ». Une loi sur l’immigration et le droit d’asile redéfinissant la politique migratoire de la France devrait être discutée dans les mois qui viennent. Mais sûrement pas avant les municipales. Le sujet est trop risqué. Cette loi aurait dû être mise en place dans les six premiers mois du mandat de François Hollande, regrette Laurent Giovannoni. Maintenant, avec une opinion publique chauffée à blanc, cela va devenir très difficile. »

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Droit du sol : ce que dit la loi

L'Obs - Actualité  Celine Rastello  23/10/2013

Que dit aujourd’hui la loi sur les modalités d’acquisition de la nationalité française, que l’UMP veut durcir pour les enfants nés en France de parents étrangers ?

Jean-François Copé assure « ne pas vouloir remettre en cause le droit du sol ». Pourtant, la proposition de loi que l’UMP compte présenter d’ici la fin de l’année prévoit bel et bien une réforme du droit du sol et, comme l’a annoncé son président, la fin de l’acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers.

« Quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière, on n’a pas vocation à y rester et il n’est pas possible d’obtenir la nationalité française. Les enfants nés de parents étrangers en situation régulière ne peuvent pas obtenir la nationalité française de manière automatique. Ils doivent en faire la demande », estime notamment Jean-François Copé. En s’attaquant ainsi au droit du sol, il remet en cause l’un des fondements du pacte républicain et de la législation française sur la nationalité. A quelles conditions un enfant né en France de parents étrangers peut-il demander la nationalité française ? « Le Nouvel Observateur » fait le point.

  • Pas de « droit du sol simple »

La loi Guigou du 16 mars 1998 relative à la nationalité a rétabli l’automaticité de l’obtention de la nationalité française aux enfants nés en France de parents étrangers. Elle ne précise pas si les parents doivent ou non être en situation régulière au moment de la demande de l’enfant. Avant cela, la loi Méhaignerie du 22 juillet 1993, qui avait réformé le code de la nationalité, avait supprimé cette automaticité : les jeunes nés en France de parents étrangers devaient explicitement faire une demande entre 16 et 21 ans.

Pour autant aujourd’hui, « il n’y a pas en France de droit du sol simple », insiste Marie Henocq, coordinatrice de la commission migrants pour la Cimade (association de solidarité avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile), puisqu' »un enfant naissant en France de parents étrangers n’est pas Français du seul et simple fait d’être né en France ». Le président du Gisti (Groupe d’informations et de soutien des immigrés), Stéphane Maugendre (avocat), confirme : « Le bon sens populaire voudrait que né en France, on est automatiquement Français. Ce n’est pas vrai ».

  • A 18 ans : Français « automatiquement » et de plein droit si…

Aujourd’hui, en vertu du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française automatiquement quand il atteint ses 18 ans, s’il réside en France à cette date et s’il y a vécu pendant au moins cinq ans (de façon continue ou discontinue) depuis l’âge de 11 ans.

« En pratique, une instruction détaillée et poussée est réalisée pour vérifier la réalité de la présence de l’enfant et ses conditions de séjour » commente l’avocat spécialisé dans la défense des droits des étrangers Bruno Vinay. « Un seul voyage dans le pays d’origine au-delà des vacances scolaires peut être de nature à compromettre cette présence. »

Sinon, la personne pourra faire une demande de naturalisation à l’âge de 18 ans.

« En théorie. Rarissime en pratique, dès lors que toute naturalisation suppose que soit satisfait le critère incontournable de l’autonomie financière au cours des trois dernières années ainsi qu’une intégration professionnelle » poursuit Bruno Vinay.

  • Avant 18 ans : Français sur demande si…

Tout enfant né en France de parents étrangers peut aussi acquérir la nationalité française avant sa majorité. Ses parents peuvent la demander quand l’enfant atteint 13 ans, s’il vit en France depuis ses 8 ans. A 16 ans, l’adolescent peut réclamer seul la nationalité française s’il a vécu en France (de façon continue ou discontinue) pendant au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans.

  • Le « double droit du sol »

Le droit du sol ne s’applique qu’aux enfants nés de deux parents étrangers. Selon le Code civil, si l’un des deux est Français, c’est le droit du sang qui s’applique, ou l’obtention de la nationalité via la filiation, qui domine en France. L’enfant obtient automatiquement la nationalité française à sa naissance, quel que soit son lieu de naissance, que ses parents soient mariés ou non, dès lors que le parent français apparaît sur l’acte de naissance.

« On ne peut parler d’automaticité que dans deux cas : quand un des parents est Français ou qu’il est né sur un territoire français, dans le cadre du ‘double droit du sol' » explique aussi Stéphane Maugendre. Tout enfant né en France d’au moins un parent étranger naît français si ce parent est lui-même né en France. Ce qui concerne notamment les enfants dont les parents sont nés en Algérie avant 1962. « C’est ce qu’on appelle le ‘double droit du sol‘ » précise Bruno Vinay. « Il signifie : ‘je suis né en France de parents nés sur un territoire qui était français à l’époque de leur naissance' ».

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Leonarda hesita em aceitar oferta de Hollande para regressar a França

© ARMEND NIMANI/AFP

A rapariga cigana de 15 anos expulsa com a família para o Kosovo quer saber mais sobre as condições em que poderia entrar em França para estudar.

Afinal, Leonarda, a adolescente cigana expulsa de França com a família, talvez esteja disposta a aceitar a proposta do Presidente François Hollande e regressar para estudar. “Hesito em regressar ou não. Da primeira vez, já tinha dúvidas, mas escondi-as”, disse à televisão francesa Canal Plus.

A rapariga de 15 anos disse a este canal de televisão que tentou contactar com as autoridades francesas através da embaixada em Pristina, para saber em que condições poderia regressar ao país onde viveu durante os últimos quatro anos e meio, antes de ter sido expulsa, a 9 de Outubro, para o Kosovo – país de onde apenas o seu pai é originário. Ali, Leonarda não pode continuar os seus estudos, pelo menos nos próximos tempos, pois não fala sérvio nem albanês.

No sábado, o Presidente François Hollande tinha oferecido a Leonarda Dibrani a possibilidade de regressar a França para estudar – mas sozinha, sem a família. A proposta foi fortemente criticada, até mesmo no seio do Partido Socialista. O primeiro-secretário do PS, Harlem Désir, disse que preferia que regressasse toda a família de Leonarda, pouco depois de Hollande ter feito a estranha oferta à adolescente.

Do lado de organizações que lidam com imigrantes, a ideia do Presidente francês sofreu também críticas. Vindo sozinha, Leonarda ficaria totalmente a cargo do Estado, que teria de se responsabilizar por lhe dar abrigo, alimentação, educação, presumindo que Leonarda não tem familiares em França. “Ficaria uma menor isolada. É uma solução completamente aberrante, criada unicamente em função das sondagens de opinião”, disse ao Le Monde Stéphane Maugendre, advogado do Grupo de Informação e Apoio dos Imigrantes (Gisti).

Agora Leonarda, que continua a ser alvo de grande interesse mediático, deixou escapar que o “não” imediato que deu a Hollande não é assim tão sentido. Embora num telefonema com a AFP tenha sido mais evasiva do que nas declarações ao Canal Plus, relata a agência noticiosa francesa.

Além disso, Leonarda não desiste dos seus irmãos e dos seus pais: “Regressar sem a minha família, só posso dizer que a resposta é ‘não’. Espero que o senhor Hollande mude de opinião e diga ‘sim’ à minha família.”

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Hollande sob fogo por convidar Leonarda a regressar a França para estudar

Affaire Leonarda : Dati, Copé et Pierre Laurent disent-ils vrai?

, Le vrai du faux, 21/10/2013

Rachida Dati, ancienne ministre de la Justice et eurodéputée PPE:

« Le président de la République viole la Constitution en disant cela. Comment peut-il défaire ce qui a été décidé par des magistrats, c’est impossible. »

Faux

Le chef de l’Etat peut, et c’est justement la Constitution qui le permet, proposer à titre exceptionnel ce qu’on appelle un visa de souveraineté pour des raisons de solidarité ou humanitaire.

D’après Rabah Hached, avocat spécialiste des droits des étrangers, c’est ce droit que François Hollande a utilisé la semaine dernière en annonçant l’accueil de 500 réfugiés syriens. Et c’est ce même droit que le chef de l’Etat pourrait proposer à Leonarda si la jeune femme accepte de revenir en France sans sa famille. Elle bénéficierait
alors d’un visa de retour.

Mais François Hollande est-il en train de défaire une décision de magistrats, comme l’annonce Rachida Dati ?

Si tous les recours déposés par la famille de Leonarda devant les tribunaux ont été épuisés, « la décision des magistrats concernent les parents de l’adolescente et pas l’adolescente elle-même« , affirme Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

Deuxièmement, la mesure d’éloignement de la famille, c’est-à-dire l’expulsion à proprement parler, a été prise par la préfecture du Doubs. C’est une décision strictement administrative et non judiciaire. François Hollande a donc le droit de revenir dessus.

Jean-François Copé, président de l’UMP

« La jeune Leonarda revient en France, elle pourrait alors demander automatiquement le regroupement familial pour l’ensemble de sa famille. »

Faux

Le regroupement familial est un dispositif très encadré en France. D’abord, il n’est pas accessible pour les mineurs et Leonarda a 15 ans. Ensuite, il permet à une personne de faire venir en France son conjoint et ses enfants mais pas ses parents ou ses frères et sœurs.

Il faut également remplir toute une série de critères : habiter en France depuis au moins 18 mois, avoir des revenus de 1800 euros minimum (hors prestations sociales), bénéficier d’un logement d’au moins 18m2 pour un couple, 32 m2 pour une famille avec un enfant et 5m2 en plus pour chaque enfant supplémentaire.

Bref Leonarda n’aurait aucune chance de faire venir sa famille en France via le regroupement familial.

Pierre Laurent, président du Parti communiste français

« C’est une décision choquante et qui est d’ailleurs contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant dont la France est signataire. »

Partiellement vrai

Que dit cette Convention internationale des droits de l’enfant ?

Article 9 – 1 « Les Etats veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré… « 

Jusque là, Pierre Laurent a raison puisque Leonarda a déjà répondu qu’elle ne rentrerait pas en France sans sa famille. Mais la suite dit ceci : »… à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.« 

Quant à l’article 3-1, il précise que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (…) l’intérieur supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale« .

Or l’intérêt supérieur de l’enfant est une notion assez floue. En l’occurrence, quel est l’intérêt supérieur de Leonarda ? Finir sa scolarité en France ou rester avec sa famille au Kosovo. Sur ce point, la question reste ouverte.

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