, Benjamin Bonneau ,31/01/2014
ANALYSE – Discret sur le sujet, le ministre de l’Intérieur ne veut s’aliéner aucun électorat.
L’exercice est un passage obligé. Vendredi, Manuel Valls a présenté son premier bilan en matière d’immigration. Un sujet à haut risque pour le ministre de l’Intérieur, qui, depuis son entrée en fonction, alterne entre promesses de « fermeté », – ce qui lui confère une popularité certaine à droite – et preuves « d’humanisme » – pour ne pas mécontenter la gauche. « Le gouvernement précédent résumait sa politique migratoire en une phrase : ‘ferme et humaine’. Pour Valls, c’est : ‘ferme, mais humaine’ », résume pour Europe1.fr Stéphane Maugendre, avocat et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).
« C’est vrai qu’on l’entend moins sur l’immigration »
Manuel Valls avait commencé tambour battant, notamment sur la question Rom, qui a secoué la majorité socialiste, choquée par la fermeté de son ministre de l’Intérieur. Au cœur de l’été, en plein conseil des ministres, Manuel Valls avait été jusqu’à estimer qu’il fallait « revoir la politique migratoire ». Bronca au PS. Depuis, c’est silence radio, ou presque. Les deux réformes d’envergure en préparation – la création d’un titre de séjour pluriannuel pour les étrangers résidant en France et l’accélération de la procédure d’examen de la demande d’asile ? Repoussées aux calendes grecques.
« C’est vrai qu’on l’entend moins sur l’immigration… et heureusement, car la priorité des Français est la sécurité », assure à Europe1.fr Carlos Da Silva , député de l’Essonne et membre de la garde rapprochée de Manuel Valls. Des explications qui ne convainquent pas les associations. « Il n’y a pas eu une seule vraie réforme depuis que les socialistes sont au pouvoir. Mais nous ne sommes pas déçus car on n’attendait rien d’eux », regrette ainsi Stéphane Maugendre. Carlos Da Silva rappelle certes la suppression de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, mais le président du Gisti Stéphane Maugendre réplique avec le report du droit de vote des étrangers aux élections locales, une mesure que Valls a « oublié » de défendre.
« Il ne faut pas voir de stratégie politicienne là-dedans »
Si Manuel Valls choisit la discrétion sur ce sujet, ce serait, à en croire ses détracteurs, pour ne pas prendre de risques à quelques mois des municipales. Mettre sur la table ces sujets serait favoriser une thématique chère au Front national, qui n’a pas besoin de ça pour grimper dans les sondages. « Valls accompagne la montée du FN »,a taclé Marine Le Pen, vendredi sur le JDD.fr.
Et le ministre de l’Intérieur, ambitieux, ne veut se fâcher avec personne. « Il a bien conscience de la structuration de sa popularité, qui tient aussi, et surtout, à l’électorat du centre et de la droite. Il se doit donc de donner des gages dans les deux camps », analyse le politologue Pascal Perrineau, contacté par Europe1.fr. Ce qui n’empêche pas l’UMP de dénoncer son « échec » et son « laxisme ».
Pour Carlos Da Silva, Manuel Valls n’essaye en aucun cas de satisfaire tout le monde. « Il est simplement le ministre de la République, donc il doit s’assurer que la loi est respectée, dans le sens des expulsions comme des régularisations. Il ne faut pas voir de stratégie politicienne là-dedans », assure-t-il. Et quand on lui suggère que cette discrétion sur le sujet pourrait être, aussi, un moyen de repousser toute ressemblance avec Nicolas Sarkozy, ce proche collaborateur du ministre de l’Intérieur depuis 15 ans rappelle que « Nicolas Sarkozy a déjà essayé d’attirer Manuel Valls dans ses filets, qui a refusé. Il avait fait de l’immigration un positionnement politique pour chasser sur les terres du FN. Personne ne s’attend à ce que nous épousions ces méthodes ! », lance-t-il, énervé. Pour Stéphane Maugendre pourtant, leur politique migratoire, « c’est kif kif ».
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