Monsieur le Président, Mesdames du Tribunal, je suis le Conseil de Mademoiselle Valérie LOWE, pour laquelle j’interviens au titre de la commission d’office.
Une remarque préalable. Je tiens à m’inscrire en faux contre les insinuations selon lesquelles, Valérie serait une prostituée.
En effet, nous n’avons, au dossier, aucun élément qui permet de confirmer cela. Et ce n’est pas parce que Monsieur Joseph MESSENGER, qui a été arrêté avec elle dans la présente affaire, est un homme connu pour appartenir à la pègre de Sydney et fréquenter des prostituées, qu’ipso facto Valérie est une prostituée.
Regardez-la, puisque nous sommes dans les apparences !
Est-elle vêtue comme une prostituée ou comme une enfant avec une robe à carreaux, bordée de dentelle d’adolescente, qui ne découvre que ses bras menus et aucunement le haut de son corps ?
La détermination de son regard surmonté d’une crinière en bataille vous suffit-il pour confirmer sa, soi-disant, profession ?
Non, visez la position de ses mains cachées, comme si elle cachait la honte de se retrouver en garde-à-vue au commissariat de Sydney !
Non, observez comme elle est recroquevillée sur elle-même et dans un coin de l’image comme un chien battu craignant la correction comme elle craint votre jugement !
Est-ce là l’attitude d’une prostituée ?
Et puis, une prostituée s’aventurerait elle à commettre des cambriolages ? D’abord, l’année dernière, en 1921, toujours avec Monsieur Joseph MESSENGER, en volant dans un entrepôt de l’armée des bottes et des marteaux pour la malheureuse somme de 293 shillings et aujourd’hui pour une tentative de vol avec effraction, sur laquelle nous reviendrons.
Or, à l’instant, dans son réquisitoire, Madame le Procureur de la République est venue vous affirmer que justement, puisque ce couple n’en était pas à son coup d’essai et que Joseph fréquentait les prostituées, Valérie se prostituerait pour lui. Joseph étant une sorte de julot-casse-croute.
Pure déduction illogique. D’une part, nous n’avons aucun élément prouvant qu’ils sont en couple, d’autre part, il ne semble pas que Monsieur Joseph MESSENGER soit poursuivi pour proxénétisme et, enfin, il me semble difficilement croyable qu’un jeune, à peine majeur, soit le proxénète d’une fille qui est son ainée d’à peine plus d’un an que lui.
Et puis quoi, enfin, la prostitution n’est pas un délit à ce que je sache.
Venons-en à la personnalité de Valérie.
Elle est née trois ans après l’indépendance de notre pays et a donc vécu le marasme économique qui s’en est suivi.
Fille de bushrangers, elle n’a jamais fréquenté un établissement scolaire.
En 1917, déjà orpheline de mère, elle perd son père engagé dans l’armée australienne dans le conflit de la guerre en Europe. Elle a, à peine 14 ans.
Depuis, cet âge elle vie dans les rues de Sydney, travaillant à droite à gauche, mais aussi, nous l’avons vu au regard d’une précédente condamnation l’année dernière, de petits cambriolages.
Doit-on en déduire que Valérie est véritablement ancrée dans la délinquance. Non, rien n’apparait à son casier judiciaire qui prouve qu’elle ait commis des actes délictueux durant sa minorité. Bien plus, il n’y a aucune mention au fichier Stic la concernant.
De l’ensemble de ces observations, je ne pourrais que solliciter une peine de sursis avec mise à l’épreuve.
Toutefois, vous n’aurez pas à vous attarder sur la peine à prononcer, puisque que je sollicite la relaxe de Mademoiselle Valérie LOWE.
En effet, celle-ci est poursuivie de tentative de vol par effraction.
Or, les circonstances l’espèce, c-à-d le fait que la jeune Valérie LOWE soit à l’extérieur de l’habitation au moment où les services de police interviennent, n’en fait pas d’elle un auteur ou un co-auteur, mais plutôt une complice. En effet, d’une part, elle n’est pas poursuivie pour une tentative de vol en réunion et d’autre part, il n’y a aucun élément objectif qui permet d’affirmer qu’elle a participé, directement, à l’effraction.
A ce stade, je me permets de vous rappellerez l’article 121-7 du Code pénal qui dispose :
« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».
Où trouvons-nous des preuves d’une aide ou d’une assistance ?
Nul part !
Nous ne trouvons, dans ce dossier, que des bribes d’indices permettant de penser, d’avoir l’intime conviction que Mademoiselle Valérie LOWE a tenté d’aider ou d’assister Monsieur Joseph MESSENGER.
Or vous le savez, la tentative de complicité n’est pas condamnable.
Vous relaxerez donc la prévenue.