Archives de catégorie : droit pénal

Mort d’Ali Ziri : la cour d’appel de Rennes confirme le non-lieu

Louise Fessard

Extrait : La justice française mène une guerre d’usure dans l’enquête sur la mort d’Ali Ziri, 69 ans, décédé par asphyxie le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil. La cour d’appel de Rennes vient de confirmer ce 12 décembre 2014 le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction.

La justice française semble déployer une énorme énergie à empêcher toute enquête sérieuse sur la mort d’Ali Ziri, 69 ans. Ce retraité algérien était décédé par asphyxie le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes vient de confirmer le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction. « La chambre de l’instruction a considéré, contre l’avis du parquet général de Rennes, qu’il n’y avait pas lieu à procéder aux actes complémentaires d’instruction (notamment une reconstitution) demandés par l’un des avocats des parties civiles », …

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Affaire Ali Ziri : supplément d’information requis

21/11/2014

C’était une date importante pour la famille d’Ali Ziri. Hier, une audience se déroulait à huis clos devant la chambre de l’instruction de Rennes (Ille-et-Vilaine), où l’affaire a été dépaysée. « Cela s’est très bien passé », réagit l’avocat de la famille, maître Stéphane Maugendre, au sortir de cette audience.

Le délibéré est attendu le vendredi 12 décembre. Ali Ziri, était un retraité algérien de 69 ans. Il est mort deux jours après une interpellation par la police à Argenteuil. Emmené au commissariat où il est placé en garde à vue, l’homme a fait un malaise. Transporté à l’hôpital, il est mort deux jours après. L’avocat de la famille affirme que « la technique du pliage a été utilisée ». Du côté du syndicat de police Alliance, Ludovic Collignon, secrétaire départemental, assure que « les policiers ne sont pas responsables de la mort de Mr Ziri. »
« L’avocat général à requis un supplément d’information. Donc on rouvre le dossier, détaille Me Stéphane Maugendre après son rendez-vous à Rennes. Même si l’instruction menée jusqu’à présent à été sérieuse, il a été jugé qu’elle avait deux défauts. Elle n’a pas vérifié que la technique du pliage n’a pas été utilisée. Et l’instruction n’a pas été assez attentive à la transparence vis-à-vis des parties civiles et n’a pas été assez contradictoire. L’avocat général a dit que les questions posées par l’avocat de la partie civilise était justes. Il n’est pas allé jusqu’à demander la mise en examen des policiers impliqués dans cette affaire. »

Mort d’Ali Ziri après un contrôle de police: le parquet veut relancer l’enquête

logoParisien-292x75 20/11/2014

Le parquet général de Rennes a demandé jeudi un supplément d’enquête sur la mort d’Ali Ziri, un retraité décédé après un contrôle de police à Argenteuil (Val-d’Oise), relançant cette affaire neuf mois après un arrêt de la Cour de cassation.

La chambre d’instruction de la cour d’appel de Rennes, où le dossier a été dépaysé après l’annulation d’un non-lieu par la Cour, doit dire le 12 décembre si elle suit ces réquisitions ou si elle prononce un troisième non-lieu dans cette affaire.

M. Ziri avait été contrôlé, ivre à bord d’un véhicule conduit par un ami, à Argenteuil (Val-d’Oise) en juin 2009. Les deux hommes avaient été transportés au commissariat et placés en garde à vue. Ali Ziri était tombé dans le coma et décédé deux jours plus tard.

Les policiers avaient maîtrisé ce retraité de 69 ans en lui appuyant la tête contre les genoux pendant plus de quatre minutes dans leur véhicule, selon la technique dite du « pliage ».

Cette demande de supplément d’information s’inscrit « dans la ligne définie par la chambre criminelle de la Cour de cassation », a précisé une source judiciaire.

Début 2014, la Cour de cassation avait estimé que les juges auraient dû « rechercher si les contraintes exercées » sur M. Ziri « n’avaient pas été excessives au regard du comportement de l’intéressé » et « si l’assistance fournie (par les policiers, ndlr) avait été appropriée ».
« Il faut qu’il y ait une reconstitution, c’est fondamental pour savoir si le pliage a été à l’origine de la mort », a déclaré à l’AFP Me Stéphane Maugendre, avocat de la famille de M. Ziri.

Ali Ziri a été transporté à l’hôpital une heure et demie après son arrivée au commissariat. Les proches veulent pouvoir visionner la vidéosurveillance montrant cette arrivée au commissariat.

Par ailleurs, les rapports médicaux sur les causes de la mort de M. Ziri sont contradictoires.

Une première autopsie avait conclu que des problèmes cardiaques et l’alcoolémie étaient les causes du décès. Mais une contre-expertise avait révélé la présence d’une vingtaine d’hématomes, dont certains larges de 17 cm.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait mis en cause la sincérité des déclarations des policiers impliqués dans le décès, estimant qu’ils avaient fait un usage disproportionné de la force.

Jeudi, le parquet général s’est opposé à une demande de mise en examen de trois policiers, formulée par Me Maugendre, « aucune faute » n’ayant, en l’état, été « caractérisée à leur encontre », a ajouté la source judiciaire.

Argenteuil : la justice relance l’affaire Ali Ziri, mort après un contrôle policier

20/11/2014

Argenteuil. Ali Ziri avait fait un malaise au cours de sa garde à vue.

La chambre de l’instruction d’Ille-et-Vilaine est saisie du dossier sur ce retraité algérien de 69 ans, décédé le surlendemain de son interpellation, en 2009.

L’histoire a débuté il y a plus de cinq ans. Aujourd’hui, elle est relancée devant la chambre de l’instruction de Rennes (Ille-et-Vilaine). Il s’agit du dossier Ali Ziri. « Nous espérons une véritable instruction », lançait hier Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille Ziri.

Une audience est prévue aujourd’hui à 11 h 30, à huis clos. La chambre criminelle de la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles (Yvelines) qui confirmait le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction de Pontoise. Elle a également décidé de dépayser l’affaire en Bretagne. « C’est la procédure normale, explique l’avocat. Cela aurait pu être à Paris ou ailleurs, mais pas à Pontoise, où il y a eu la première instruction. »

Ali Ziri était un retraité algérien de 69 ans. Il est décédé le 11 juin 2009, deux jours après une interpellation par la police à la suite d’un contrôle routier. Il se trouve alors en voiture avec un ami, à l’angle du boulevard Jeanne-d’Arc et de la rue Antonin-Georges-Belin, à Argenteuil. Les deux hommes, visiblement éméchés, auraient tenté de résister, contraignant les policiers à les maîtriser. Au commissariat, le chibani (NDLR : vieux travailleur immigré maghrébin) est emmené et placé en garde à vue ; il fait un malaise. Conduit à l’hôpital d’Argenteuil, il décède le 11 juin vers 22 heures.

De nombreux hématomes sur le corps de la victime

Alors qu’une première expertise concluait à une « fragilité cardiaque » et confirmait la « forte alcoolémie » du sexagénaire, une contre-expertise avait révélé la présence de « 27 hématomes allant de 12 à 17 cm » sur son corps. « Les rapports des experts sont clairs, le pliage (NDLR : technique de pression sur le corps pour immobiliser quelqu’un) a été utilisé et a contribué à sa mort, insiste l’avocat. Une des policières présentes a dit dans sa déposition : Je l’ai plié et maintenu. » Cela aurait duré « entre trois minutes et demie et cinq minutes », précise-t-il.

Aujourd’hui, M e Stéphane Maugendre souhaite que l’instruction soit menée concrètement, « ce qui n’a pas été le cas jusqu’à maintenant ». « Je demande que les policiers qui ont interpellé M. Ziri soient entendus par le juge d’instruction lui-même. Je demande une reconstitution en présence des experts et de l’ensemble des témoins. Je demande le visionnage des caméras du commissariat d’Argenteuil, qui ont filmé l’arrivée de M. Ziri », énumère-t-il. Le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri, mobilisé depuis cinq ans, attend beaucoup de la chambre de l’instruction de Rennes. « On veut savoir ce qu’il s’est réellement passé ce soir-là. Actuellement, c’est le flou total, réagissait hier un adhérent. On veut que les policiers soient auditionnés au même titre que l’ami d’Ali Ziri. Il y a quand même mort d’homme. »

Hier soir, Ludovic Collignon, secrétaire départemental du syndicat de police Alliance, se disait « surpris ». « Même les collègues impliqués dans cette affaire n’ont pas été contactés pour l’audience de demain (NLDR : aujourd’hui), insiste-t-il. Pour notre part, nous assurons notre soutien inconditionnel aux policiers qui étaient sur cette affaire. Nous savons qu’ils n’ont rien à voir avec la mort de M. Ziri. »

La chambre de l’instruction de Rennes va-t-elle confirmer le non-lieu ou ordonner une nouvelle instruction ? Affaire à suivre. De son côté, Me Stéphane Maugendre se dit prêt « à saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour que toute la lumière soit faite ».

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Tentatives de rapt : le suspect aurait juste voulu « soupeser » les jeunes filles

logoParisien-292x75 Carole Sterlé, 17/11/2014

IL N’Y A PAS, EN L’ÉTAT, suffisamment de preuves pour penser que le père de famille de 32 ans, arrêté mercredi à Drancy, a voulu enlever des écolières et collégiennes à Rosny-sous-Bois et à Bondy cet automne. C’est ce qu’ont estimé plusieurs magistrats de Bobigny — juge d’instruction et substitut du procureur — au vu de l’enquête menée par la sûreté territoriale. Aucun n’a demandé l’incarcération provisoire du suspect, qui, après deux jours de garde à vue, a été mis en examen pour « violences et atteinte sexuelle » et remis en liberté, avec un strict contrôle judiciaire.

Plusieurs témoignages de jeunes filles, parfois très jeunes, avaient mis le quartier de la Boissière de Rosny en émoi. Un homme en camionnette blanche aurait pris l’habitude de s’approcher de très jeunes filles. Il les touchait même, puisqu’ils les soulevaient.

Placé sous contrôle judiciaire, il lui est interdit de s’approcher de tout établissement scolaire

Aucun enlèvement n’a eu lieu mais la crainte s’est répandue. Le maire, Claude Capillon (UMP), avait appelé les parents à surveiller les enfants sur les trajets de l’école. Les policiers de la sûreté enquêtaient déjà. Leurs investigations ont permis de mettre un visage sur le conducteur de la camionnette blanche en moins de deux mois. De fait, c’est un chauffeur-livreur amené à apporter du matériel dans les établissements scolaires.

« Il n’a jamais voulu enlever ces jeunes filles, soutient Me Stéphane Maugendre, l’avocat du suspect. Par jeu ou par défi, il se mettait en tête de déterminer le poids des gens, en les soulevant, il faisait ça y compris avec des adultes. Il comprend désormais qu’il a pu faire peur. »

Un élément qui semble avoir compté pour remettre en liberté ce suspect, le temps de la poursuite de l’enquête, dans le cadre d’une in-formation judiciaire. Le contrôle judiciaire auquel il est astreint lui interdit de s’approcher de tout établissement scolaire, l’oblige à pointer au commissariat et à entamer un suivi psychologique.

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Tentatives d’enlèvement d’enfants : le suspect déféré

logoParisien-292x75 Nathalie Perrier, 15/11/2014

L’HOMME INTERPELLÉ mercredi dans le cadre de l’enquête portant sur des tentatives de rapts d’enfants à Rosny-sous-Bois mais aussi à Bondy a été déféré hier soir à l’issue de sa garde à vue au parquet de Bobigny pour « tentatives d’enlèvement » et « agressions sexuelles sur mineur ».

A cinq reprises, entre le 24 septembre et le 10 novembre, cet homme de 32 ans, chauffeur-livreur de profession, aurait abordé des fillettes ou des adolescentes et essayé de procéder à des attouchements. « A chaque fois, il leur disait qu’il avait besoin d’acheter des vêtements pour une soi-disant petite sœur, explique une source proche de l’enquête. Il leur proposait de les peser pour ne pas se tromper de taille. Il les prenait par les aisselles et en a profité pour leur toucher les fesses, la poitrine… » Heureusement, toutes les victimes ont réussi à s’enfuir à temps.

Le suspect, qui vit en couple, n’hésitait pas à commettre son forfait en plein jour. « La plupart des faits se sont produits l’après-midi quand ces jeunes filles allaient ou revenaient de l’école. Il les abordait au hasard, au gré de ses livraisons dans le secteur », indique un policier. Le témoignage de l’une d’entre elles a permis aux enquêteurs de la sûreté territoriale en charge de l’affaire de remonter jusqu’au suspect. L’homme, qui n’était connu de la police que pour des affaires de vol, a finalement été interpellé mercredi à son domicile, à Drancy.

Ces tentatives d’enlèvements avaient provoqué un vif émoi à Rosny-sous-Bois. Mi octobre, « après mûre réflexion », selon son expression, le maire (UMP) Claude Capillon, avait décidé d’adresser un courrier à l’ensemble des parents d’élèves du quartier de la Boissière, où ont eu lieu les trois premiers faits. L’élu demandait « à toutes et tous d’adopter une certaine vigilance » et invitait les parents à s’organiser « pour amener ou aller chercher [leurs] enfants ». Les patrouilles des polices municipale et nationale avaient également été renforcées.

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Robes noires premier prix

index Laure Mentzel,

Dans les locaux du "P12", la section du Palais de justice de Paris où les avocats commis d'office rencontrent leurs clients.

Tous les ténors du barreau sont passés par là. Comparution immédiate, instruction, garde à vue… Les avocats commis d’office assistent, moyennant une indemnisation de l’État, des clients démunis. Une justice au rabais que dénoncent depuis plusieurs mois ces soutiers des prétoires. Mais aussi une excellente école pour de jeunes avocats désireux de se faire un nom.

Comme les intermittents, ils ont fait grève. Au début de l’été, ils ont accroché une bavette rouge à leur robe noire en signe de colère, ont vidé les salles d’audience et envahi les parvis des tribunaux en décrétant des journées « Palais mort ». Plus d’avocats à la barre pour montrer que, sans eux, les « gratuits », justice ne peut être rendue. Depuis des années, ils martèlent une même revendication : l’augmentation de l’aide juridictionnelle, ce financement de plus de 300 millions d’euros de l’État qui permet de couvrir les frais de justice des plus démunis.

L’IDÉE MÊME DE LA JUSTICE POUR TOUS

C’est quand il a été question de taxer les cabinets d’avocats pour la financer, après des années sans l’augmenter, que la colère des robes noires a éclaté. La grève a été largement suivie. En réponse, le gouvernement a commandé un rapport au député Jean-Yves Le Bouillonnec. Au fil de l’été, la mobilisation est retombée, mais à Bordeaux, deux cents avocats ont décidé d’assigner l’État en référé. L’audience se tiendra le 15 septembre. Pour les plaignants, c’est l’idée même de justice pour tous qui est remise en cause par ces problèmes de financements.

Quels que soient leurs moyens, tous les justiciables doivent pouvoir bénéficier d’un avocat. Si son assistance est nécessaire rapidement, on fait appel à un « commis d’office ». Intermittent de la défense d’urgence, il assure sur la base du volontariat quelques permanences de comparution immédiate, instruction ou garde à vue. Une tous les quatre à six mois à Paris, où résident près de la moitié des 50000 avocats de France. Une par mois en Seine-Saint-Denis, où ils ne sont que 500. Pour toutes ces tâches, le commis d’office est « indemnisé » – c’est le terme employé sur les formulaires qu’il doit remplir pour toucher ses honoraires – et perçoit des sommes forfaitaires très inférieures aux habituels honoraires d’avocat. 1100 euros pour une instruction criminelle avec audition, visites en prison et passage en cour d’assises. 325 euros pour une journée de permanence en comparution immédiate à Paris, 500 euros pour les premières 24 heures de garde à vue et 250 pour les 24 suivantes…

Dans les téléfilms, tomber sur un «commis d’office », c’est l’assurance d’être condamné à perpétuité pour un crime dont on est innocent. Sorte de sous-Colombo des prétoires, il traîne son imper sale et son ennui dans les couloirs du tribunal, prêt à toutes les bassesses pour toucher ses maigres honoraires. Dans la réalité, le commis d’office est souvent jeune. Parfois même débutant. Il ne suinte pas l’échec mais plutôt l’envie de bien faire et une certaine dose d’anxiété. On le reconnaît à ses chaussures. «Des souliers vernis et tout neufs, ses premières pompes d’avocat», sourit Stéphane Sebag, conseil notamment de Ziad Takieddine et d’un des frères Hornec, qui a, comme tout le monde, pratiqué les permanences pénales avant de monter son cabinet. Le jeune commis d’office porte un costume qu’il n’habite pas encore : la robe de l’avocat. Évolue dans un décor qu’il maîtrise mal: le tribunal et ses codes inamovibles. Devant un public qui ne lui est pas acquis: le client, qui pense souvent qu’il serait mieux défendu par un avocat choisi.

A Paris, ils arrivent au Palais de justice par grappes, avant 10 heures, contournent la Sainte-Chapelle et les préfabriqués, sortent leur carte professionnelle et passent la porte de la section de permanence du Palais. « Le P12 », comme l’appellent les professionnels des comparutions immédiates. Un hall de gare tout de boiseries et de peinture écaillée où robes noires et polos bleus, ceux des gendarmes, se pressent et se bousculent. Vite, fondre sur un de ces petits boxes qui servira de bureau, il n’y en aura pas assez pour tout le monde. Arriver en retard, c’est prendre le risque de faire connaissance avec ses clients sur l’un de ces bancs de bois usés comme à la messe où patientent déjà les interprètes. Vite, consulter les dossiers que le coordinateur vous a attribués. Une petite dizaine souvent. Vérifier qu’aucun délai n’a été dépassé, traquer un vice de procédure ou une nullité dans des montagnes de papiers.

Vendeur à la sauvette, un homme accusé de violences sur policiers, un vol en réunion… Julien Courvoisier, 32 ans, feuillette sa moisson du jour. Le tout-venant de la petite délinquance, jugée dans l’urgence. Dans l’une des salles d’audience réservées aux comparutions immédiates, sous les sculptures représentant la Justice, son glaive et sa balance, devant trois juges graves et un procureur sévère, elle se lèvera pour déclamer son texte. En attendant, dans le « bocal », une minuscule pièce vitrée mal insonorisée qui sert de bureau aux avocats, on prépare les dialogues de la pièce à venir. Les entretiens débutent. Ils serviront de canevas à la plaidoirie mais aussi aux déclarations du prévenu. Très à l’aise avec ses clients du jour, Julia Courvoisier brise la glace.  Une blague, un regard appuyé qui montre qu’elle lit pas tout à fait, une remarque bienveillante… Il faut aller vite pour tisser ce lien de confiance qui donnera du crédit à ses conseils. Brief express plus qu’entretien particulier: l’avocate a un quart d’heure pour expliquer au client ce qui l’attend, un procès, peut-être la prison, et le faire accoucher d’une version des faits audible audible par les juges… Lui apprendre comment se tenir – le b.a.-ba de l’audience. «Rappeler qu’il ne faut pas dire « Votre Honneur” ou, pire, “Chef », soupire Me Eolas, le célèbre avocat blogueur qui décrypte le monde de la justice. Julia Courvoisier interroge adroitement ses clients – trois marocains accusés de vol – pour vérifier sans qu’ils s’en doutent que leurs versions sont compatible : ne pas tout croire, pour être soi-même crédible. Ne pas soulever les incohérences, pour conserver ce lien de confiance si fragile.

A Bobigny, c’est au dépôt, dans les sous-sols du tribunal que les avocats reçoivent leurs clients. Fermé par d’épaisses grilles, le lieu a tout de l’antichambre d’une prison. Odeurs de sueur, lumière sale, cris des prévenus qui tentent de communiquer avant leur procès… Accusé d’avoir participé à un trafic de stupéfiants à Epinay-sur-Seine, un jeune homme doit être jugé cet après-midi. « J’ai rien à voir là-dedans, moi, j’ai toutarrêté! » jure-t-il au commis d’office. Dans un flot précipité, où s’entrechoquent des sanglots, il raconte la délinquance, la pauvreté qui l’oblige à « gratter » un peu de cannabis, à acheter ses cigarette à l’unité. La toxicomanie. «J’ai besoin d’aide! » hurle-t-il soudain. Impassible, son avocat prend quelques notes: « Pleurez, ça, c’est bien, mais ne criez pas tout à l’heure devant les juges. » Il lui reste encore deux personnes à voir avant l’audience, dans une demi-heure.

ILS SOUVIENNENT TOUS DE LEUR PREMIÈRE FOIS.

Le jour où, jeunes avocats, ils ont pris leur air le plus professionnel, plié leur robe presque neuve et enfourné un casse-croûte dans leur sacoche en prévision d’une journée interminable. Ils n’ont oublié ni le nom du procureur contre qui ils ont ferraillé, ni le nombre de mois de prison accumulés par l’ensemble de leurs clients du jour.

Tous les ténors du barreau sont passés par là. « Une formation accélérée, indispensable pour qui veut devenir un bon pénaliste», assure Me Pascal Garbarini. Pendant trois ou quatre ans, «Garba» a hanté les prétoires, apprenant sur le tas com¬ment se placer dans la salle, à quel moment donner ses pièces au procureur, quels effets de manche éviter. Grand banditisme, nationalisme corse, assassins dignes de « Faites entrer l’accusé»…, celui qui figure dans le classement des avocats les plus puissants de France a pourtant l’œil qui pétille en repensant à ses années de commis d’office. « Vous plaidez dix fois les mêmes faits devant les mêmes juges. » Il faut savoir se renouveler pour ne pas lasser le tribunal. Plaider une fois la nocivité de la prison, une autre le vice de procédure. Parfois, aussi, sacrifier certains clients pour en sauver d’autres. «Sur huit dossiers, il y en avait deux dont je voulais obtenir la relaxe parce que c’étaient des erreurs de trajectoire. »
Pour le jeune avocat, être commis d’office permet de se frotter à la critique. Une bonne prestation à l’audience, et il se fait un nom, une réputation, une clientèle. Surtout s’il a la « chance » d’aller aux assises. Car les «belles» affaires que lorgnent les avocats débutants, celles qui font « suer de la robe » comme ils disent, et qui attirent la presse, sont précieuses. Le jeune avocat « monte aux assises » comme il monterait à la capitale. Il joue là plus que l’avenir de l’accusé : le sien. Le grand pénaliste Eric Dupond-Moretti a hanté les prétoires à ses débuts. L’indemnisation couvrait à peine les frais d’essence et d’hô¬tel. « Il faut avoir faim pour réussir dans le métier. » Et une fois dans la cour d’assises, commis d’office et avocat choisi, débutants et ténors se partagent la barre, sans distinction.

Certains avocats expérimentés continuent de s’inscrire sur les listes de permanence. Parfois par conviction, parce qu’ils estiment devoir offrir un peu de leur temps à la société. Stéphane Maugendre, avocat en Seine-Saint-Denis et président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), qui propose des permanences juridiques gratuites, a repris par principe et à perte les permanences pénales qu’il avait arrêtées un temps, trop chronophages. «Elles occupent30% de mon temps et ne couvrent que 10% de mes revenus. » Parfois hélas, les vétérans de la permanence pénale sont avant tout des « cachetonneurs ». Aux procès, ils s’en rapportent aux réquisitions du procureur. Pendant les gardes à vue, on en a vu qui dormaient, d’autres qui ne quittaient pas leur téléphone portable des yeux. Ils font de la présence pour toucher leur écot et boucler leurs fins de mois. Pour Pierre-Olivier Sur, le bâtonnier de Paris, ces avocats en perdition sont la plaie de la profession. «J’ai honte!», a-t-il martelé au début de son mandat devant un parterre de commis d’office médusés. Il réclame une défense d’urgence «d’excellence». Pour cela, il a décidé d’augmenter le nombre d’heures de formation dispensées par l’école de la défense pénale, obligatoires pour exercer en tant que commis d’office, et de limiter l’exercice à sept ans. Aucun des grands pénalistes n’est resté longtemps avocat d’urgence. Dans leurs rangs, d’ailleurs, personne ne fait grève pour l’augmentation de l’aide juridictionnelle. «Nous sommes une profession libérale, qui n ’a pas à être sous perfusion de l’État», souligne Pascal Garbarini. Être commis d’office, pour eux, est synonyme d’une jeunesse heureuse, faite de vaches maigres et de nuits blanches. Une époque épuisante mais exaltante.

Pour d’autres, c’est parfois au contraire un souvenir de cauchemar. En 1999, une toute jeune avocate est commise d’office pour la première fois de sa vie. En sortant du taxi qui la conduit dans un commissariat de banlieue pour une garde à vue, elle s’assied face à son client, qui sort, lui, d’une cellule de dégrisement. De son sac siglé posé au milieu de la table débordent tubes de rouge à lèvres, dossiers, et un paquet de cigarettes. L’homme lui en demande une. Elle y ajoute une petite boîte d’allumettes comme elle aurait fait pour un ami… Toute la journée, elle guette l’info qui ne manquera pas de ruiner sa carrière. Imagine les titres : « La pyromane radiée du barreau »… «Je n ’ai pas refait de commission d’office», souffle avec soulagement cette avocate d’affaires, aujourd’hui associée dans un grand cabinet anglo-saxon, qui n’a jamais plus exercé le droit pénal. « Ils envoyaient vraiment n’importe qui à l’époque. »

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Un avocat du GISTI

index 3 23/08/2014

Mort de migrants en Méditerranée : la cour d’appel de Paris ordonne une enquête

La cour d’appel de Paris a ordonné une enquête sur la mort en Méditerranée de 63 migrants qui fuyaient la Libye en guerre en 2011, un drame dans lequel l’armée française est mise en cause, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.

Deux survivants de cette embarcation de fortune, où 72 personnes avaient pris place pour rallier l’Europe, avaient déposé en juin 2013 à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour « non-assistance à personne en danger ».

Soutenus par quatre ONG (Migreurop, FIDH, LDH et Gisti), ils estimaient que plusieurs armées européennes engagées en Libye, et la marine française en particulier, avaient eu connaissance du péril pesant sur leur canot en panne.

Comme l’avait requis en novembre le parquet de Paris, une juge d’instruction avait rendu en décembre une ordonnance de non-lieu ab initio – c’est-à-dire sans avoir entrepris elle-même d’investigations. Elle avait estimé que la responsabilité de l’armée française ne pouvait être retenue, en se fondant notamment sur les résultats de démarches entreprises auprès du ministère de la Défense par le parquet après une première plainte classée en novembre 2012.

Saisie d’un appel des plaignants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a infirmé mardi cette ordonnance, contre l’avis du parquet général. Elle a jugé « prématuré » d’affirmer qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre un quelconque militaire français et renvoyé l’enquête à la juge d’instruction, selon la source proche du dossier.

« C’est une très grande satisfaction, a réagi Me Stéphane Maugendre, avocat des rescapés et du Gisti. Nous voulons comprendre pourquoi le canot a été notamment survolé par un avion militaire et des hélicoptères, mais pas secouru ».

Le 26 mars 2011, peu après le début de la révolte contre l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi, 70 migrants africains et deux bébés avaient embarqué à bord d’un fragile canot pneumatique dans l’espoir d’atteindre les côtes européennes. À court de carburant le 28 au matin, le bateau avait dérivé jusqu’à son échouement sur les côtes libyennes à la suite d’une tempête le 10 avril. Seules neuf personnes ont survécu.

Les plaignants affirmaient que pendant les deux semaines de leur dérive cauchemardesque, l’embarcation avait été photographiée par un avion de patrouille français, survolée à deux reprises par un hélicoptère et qu’ils avaient croisé au moins deux bateaux de pêche et plusieurs autres navires, dans une zone que surveillaient des dizaines de bâtiments de plusieurs marines.

Les naufragés étaient également parvenus à l’aide d’un téléphone satellitaire à avertir le responsable d’une association italienne qui avait à son tour alerté les garde-côtes italiens, lesquels avaient relayé l’appel de détresse à l’ensemble des navires circulant dans la zone, mais également au quartier général de l’Otan à Naples (Italie), selon la plainte.

Dans son arrêt, la cour d’appel demande des vérifications pour déterminer notamment la position du navire d’où opérait l’avion qui aurait photographié les migrants, vérifier s’il a réceptionné l’appel de détresse relayé par le centre de coordination et de sauvetage maritime de Rome, et comprendre, le cas échéant, pourquoi il n’a pas porté secours aux naufragés, selon la source proche du dossier.

« Cette décision sonne comme un avertissement adressé à l’Union européenne et à ses États membres qui s’emploient à dresser toutes sortes d’obstacles (…) au franchissement des frontières par des migrants jugés indésirables aussi longtemps qu’ils n’ont pas été « choisis » », ont estimé dans un communiqué les quatre associations.

« L’accumulation de dispositifs aussi coûteux que sophistiqués ne dissuade pas les candidats au départ mais les contraint seulement à recourir à des voies de plus en plus dangereuses pour gagner l’Europe », ajoutent-elles.