Archives de catégorie : droit pénal

« Sarkozy confond interpellés et condamnés »

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Stéphane Maugendre, vice-président du GISTI, propos recueillis par Simon Piel, 10/11/2005

Quelle est la réaction du GISTI aux dernières déclarations de Nicolas Sarkozy sur l’expulsion du territoire des étrangers arrêtés dans le contexte des émeutes ?

– Le GISTI va se réunir ce soir à ce sujet mais je pense que nous avoir, déjà dit l’essentiel. Quand Sarkozy parle de 120 étrangers condamnés il a tort. 120 condamnés, c’est faux. Cet ancien avocat confond interpellés et condamnés! Voici les chiffres du ministère de la Justice hier soir (mercredi 9 novembre): il y a eu 2.000 interpellations, 1.462 gardés à vue, et 329 déférés devant la justice. Il y a eu 173 condamnés définitivement à des peines de prison ferme et 32 avec sursis. De toute façon, il semblerait que le ministère ait fait une petite reculade. D’après la DGPN (Direction générale de la police nationale), parmi les 2.000 interpellations, il y aurait 6 à 8% d’étrangers. De toute façon c’est l’histoire d’une chronique annoncée. Le jour de l’Aïd, dire que ces jeunes sont corrompus par des mafias ça annonce quelque chose. Après, Villepin dit que les événements en banlieue doivent faire réfléchir sur la politique de l’immigration. Puis l’instauration du couvre-feu qui résonne historiquement de façon très symbolique. Au final, le message est: les responsables des émeutes, ce sont les étrangers.

Quels sont les textes sur lesquels le ministère de l’intérieur peut s’appuyer pour expulser les 120 étrangers évoqués par Nicolas Sarkozy ? Qu’en est-il des étrangers en situation régulière ? L’état d’urgence donne t-il des attributions particulières aux préfets en matière de procédure d’éloignement ?

Concernant la loi, pour les étrangers en situation irrégulière, il n’y a pas de problème. La loi permet la reconduite à la frontière par décision préfectorale. Pour les gens en situation régulière ça ne correspond pas à ce que j’ai pu voir. Si ce sont des mômes qui ont toutes leurs attaches sur le territoire français je ne vois pas comment ils pourraient être expulsés. Concernant l’État d’urgence, il ne donne aucune attribution particulière aux préfets en matière de procédure d’éloignement.

Concernant les déclarations de Jean-Marie Le Pen et de Jean Paul Garraud qui souhaitent que les émeutiers reconnus coupables soient déchus de leur nationalité française, quelle est la réalité de l’application d’une telle mesure ?

L’article 25 du code civil réglemente la perte de la nationalité française. L’article peut être applique si les intérêts de la France sont enjeu, mais pour un jet de cocktail molotov contre une voiture, il faut arrêter de délirer! Jean Paul Garaud veut déposer un projet de loi. Dans ce cas là on fait ça pour tout. Et puis même, autant ne pas leur donné la nationalité française. On est dans la surenchère délirante.

Certains politiques essaient sur la base d’événements sociaux et pas raciaux de recentrer ça sur l’étranger qui est l’ennemi de la France. Ils se retrouvent sur le terrain de Le Pen et ils essaient de grapiller d’éventuelles voix. Se droitiser, c’est un classique de Sarkozy. Il n’a pas pu tenir sa langue plus de dix jours. Il a remis de l’huile sur un feu qui était en train de s’éteindre.

Cinq et sept ans de prison pour les braqueurs de Poste

 Damien Delseny, 15/10/2005

APRÈS trois heures de délibéré, les jurés de la cour d’assises du Val-d’Oise ont condamné hier soir Mohamed C., 23 ans et Nicolas C., 22 ans à cinq et sept ans de prison.

Les deux copains qui ont grandi à deux pas-de-porte l’un de l’autre dans une cité d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) comparaissaient depuis jeudi pour trois braquages commis en avril et juin 2003 dans des bureaux de poste d’Osny, attaqué deux fois, et de Paris XVIIIe.

Une série qui leur avait rapporté environ 30 000 .
Un butin appréciable pour ce duo étonnant, qui n’était même pas de petits voyous avant de se lancer dans le grand banditisme. « Leur moteur, c’était l’immaturité et le désœuvrement »,a résumé Me Yann Lebras, l’avocat de Nicolas. « La rencontre aussi de deux jeunes fragilisés par leurs échecs », a-t-il ajouté. Mais aussi l’appât du gain comme l’a rappelé l’avocat général Sébastien Piève dans son réquisitoire : «Le butin amassé en trois braquages équivaut à deux ans de Smic. Deux ans de travail honnête auxquels ils ont préféré la facilité.»
L’avocat général, qui avait requis six ans de prison pour Mohamed et neuf ans pour Nicolas, a aussi insisté sur les « dégâts psychologiques réels subis par les victimes » de ces braquages. Un raisonnement partagé par Me Stéphane Maugendre qui défendait les employés victimes et la Poste : « Quand on subit cela, il en reste toujours quelque chose ». Quant aux conséquences sociales des braquages, l’avocat a eu cette formule : «Demain, à force de braquages, les guichetiers seront transformés en machines et les caissiers en distributeurs et la Poste fermera ses bureaux dans certains quartiers. Est-ce cela que l’on veut?»
A l’époque des faits, Nicolas et Mohamed ne se posaient pas toutes ces questions. Il s’agissait de prendre de l’argent pour partir en vacances ou améliorer le quotidien. Deux ans derrière les barreaux plus tard, ils jurent avoir pris du recul. « Mohamed peut compter sur sa famille pour se reconstruire », a plaidé son avocate Isabelle Gaspar. « Nicolas a ouvert une parenthèse délinquante. Mais il va la refermer », insiste Me Yann Lebras.
Une plaidoirie renforcée par la longue conclusion de Nicolas lui-même juste avant que le jury se retire : « La vie ce n’est pas ça. Maintenant je veux travailler et fonder une famille. Je veux que mes proches soient fiers car jusqu’à maintenant je n’ai su les rendre que malheureux ».

L’étonnante dérive des braqueurs de la poste

logoParisien-292x75 Damien Delseny, 14/10/2005

D’ORDINAIRE, le chemin qui conduit des jeunes gens devant une cour d’assises est pavé d’actes de petite délinquance. Comme des signaux d’alerte. Mais pour les deux accusés qui comparaissent jusqu’à ce soir pour trois braquages commis entre avril et juin 2003 dans des bureaux de poste d’Osny et de Paris, ces signaux sont presque invisibles. Surtout pour Mohamed G, 23 ans aujourd’hui, dont le casier judiciaire est entaché d’un simple excès de vitesse.

Alors comment ce fils décrit comme « calme et sans problème par ses parents a-t-il pu basculer dans cette série rapprochée de braquages avec son copain d’enfance Nicolas C.? Ses proches n’en savent rien et ruminent cette incompréhension depuis son arrestation à l’automne 2003. Certes Mohamed n’était pas un élève brillant mais il a souvent travaillé, notamment au travers de petits stage dans l’informatique, une de ses passions. Il rêvait aussi selon ses proches d’intégrer la RATP pour devenir conducteur de bus. Il s’est d’ailleurs inscrit au concours dont il a été recalé en mai 2003. Quelques jours plus tard, il entrait casqué et armé dans le bureau de poste d’Osny avec son complice et ami Nicolas.

Les parents et tous, les membres de la famille de Mohamed voit dans cet échec à la RATP la raison, majeure de son entrée dans le grand banditisme. « Il devait être mal, mais on ne l’a pas vu », résume sa mère qui culpabilise beaucoup évoquant sans le nommer le sentiment de honte qui s’est abattu sur la famille lorsque son fils a été incarcéré. Une famille sans histoires, très unie et qui continue à soutenir celui qui a fauté. Sa fiancée, étudiante, a elle aussi été entendue hier.

« Je lui fais toujours confiance », a-t-elle martelé, même si elle n’arrive pas non plus à expliquer pourquoi il a pu se muer en braqueur. « Peut- être l’appât du gain, de la facilité » souffle-t-elle. Une facilité qui aura amené Mohamed et Nicolas, les deux copains de cité, à se hisser brutalement dans la hiérarchie criminelle. Leur chute a d’ailleurs été tout aussi brutale avec leur interpellation trois mois seulement après, leur dernier braquage.

Les débats se poursuivent aujourd’hui et le verdict est attendu ce soir.

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Six ans pour les braqueurs de la poste d’Ermont

 Damien Delseny, 29/09/2005

GÉRARD B. ET VICTOR T., les deux braqueurs de la poste annexe d’Ermont, ont été condamnés hier soir à six ans de prison par les jurés de la cour d’assises du Val-d’Oise. Hier matin, au cours d’un réquisitoire sans concession, l’avocat général avait stigmatisé des faits « d’une banalité aussi affligeante qu’inquiétante », décrivant un duo « ancré lourdement dans la délinquance ».

Le 13 août 2002, les deux hommes, en compagnie d’un complice qui n’a jamais pu être identifié, avaient vidé le coffre-relais du bureau de poste annexe de la cité des Chênes (Hauts-de-Seine). Butin : près de 120 000 . Encagoulés et armés, les trois braqueurs avaient bénéficié d’une série de failles dans la sécurité de ce bureau et d’une faute du responsable qui n’avait pas entreposé l’argent dans le coffre adéquat pour mettre la main sur ce stock très important de billets. Simple coup de chance ou complicité interne, la réponse n’a jamais pu être formellement apportée.

Identifiés et interpellés cinq mois plus tard, Gérard et Victor avaient adopté une stratégie de défense différente. Victor avait avoué au bout de quelques auditions, tandis que Gérard a nié durant les deux ans d’instruction et n’a fini par admettre sa participation au hold-up que lundi à l’ouverture du procès. « Des aveux stratégiques », selon l’accusation.

Toxicomanes

A l’époque des faits, les deux hommes étaient toxicomanes aux drogues dures et ont affirmé que l’argent du braquage avait principalement servi à financer cette consommation. Gérard avait quand même fait quelques achats, une Golf VR6 d’occasion, une Opel Corsa d’occasion et une bague sertie de diamants pour sa fiancée. « De toute façon, si leur toxicomanie peut expliquer les faits, elle ne les excusera jamais», s’est emporté l’avocat général. Comme souvent lorsqu’un accusé manque dans le box, c’est l’absent qui est présenté comme le meneur. Un homme dont les accusés n’auront rien dit. « Pour cette raison et pour d’autres, mon client repart avec des doutes de ce procès », a regretté Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la Poste et du responsable victime du braquage.

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Les braqueurs de la poste devant les assises

 Damien Delseny, 28/09/2005

DEUX toxicomanes aux drogues dures qui « montent » au braquage pour s’assurer des fins de mois plus confortables. Voilà résumé le profil de Gérard B., 27 ans, et Victor T., 28 ans, qui comparaissent depuis lundi devant la cour d’assises du Val-d’Oise, à Pontoise, pour le hold-up commis le 13 août 2002 à la poste annexe d’Ermont, au cœur de la cité des Chênes.

Un vol à main armée qui avait eu de lourdes conséquences sociales, notamment pour le directeur de l’agence, et qui avait mis en lumière une série de dysfonctionnements sérieux au niveau de la sécurité .

Ce jour-là, vers 8 h 20, le directeur de l’agence rentre le premier par la porte située derrière le bureau. Au même moment, il voit surgir trois hommes encagoulés, dont un tenant un pistolet. Il reçoit un violent coup sur le crâne et se retrouve poussé dans l’agence par les braqueurs qui lui demandent tout de suite l’accès à la salle des coffres. En une poignée de minutes, les trois malfaiteurs vident l’un des deux coffres et s’emparent d’un peu plus de 8 000 billets de différentes coupures, dont certains étaient rangés dans des cassettes destinées au distributeur automatique de billets. Butin : près de 120 000 .

Sonné et perdant beaucoup de sang, le directeur est ligoté grossièrement avec le fil arraché du téléphone et entend les braqueurs s’enfuir. Il est à peine 8 h 30.

Saisis de l’enquête, les policiers de l’antenne PJ de Cergy obtiennent au bout de quelques semaines un « tuyau » qui les mène jusqu’à un certain Gérard B. qui fréquente d’ailleurs un autre homme déjà bien connu de leurs services. Placé sur écoute téléphonique, Gérard qui se fait appeler Negro ou Gégé, se trahit dans quelques-unes de ses conversations. Au cours de l’une d’elles, particulièrement édifiante, il est en contact avec un homme surnommé le Portugais qui habite Ermont. Fin janvier 2003, les enquêteurs interpellent Gérard à Puteaux (Hauts-de-Seine) chez sa petite amie et Victor, alias le Portugais, chez ses parents à Ermont.

Juste après le braquage,

Gérard a acheté deux voitures dont une Golf VR6 d’occasion. Il a aussi acheté un bijou pour sa fiancée. Les deux hommes ont aussi passé des vacances près de La Baule en payant toutes leurs dépenses en liquide. Après avoir nié, Victor avoue sa participation. Gérard, lui, a attendu le premier jour du procès lundi pour reconnaître des faits qu’il a nié farouchement pendant trois ans. En revanche, aucun des deux n’a livré leur troisième complice, resté inconnu.

A l’époque des faits, les deux hommes étaient toxicomanes aux drogues dures. Plusieurs grammes d’héroïne et de cocaïne quotidiens selon leur propre récit. Pour expliquer que leur choix se soit porté sur l’agence d’Ermont, ils expliquent qu’ils ont bénéficié d’un « renseignement interne ». Sans en dire plus. De quoi alimenter la série de coïncidences mystérieuses qui entourent ce braquage.

Les débats se poursuivent aujourd’hui avec le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries de la défense. Le verdict est attendu dans la soirée. Les deux hommes encourent vingt ans de réclusion criminelle.

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Les associations dressent un bilan « décevant » de la réforme de la double peine adoptée en 2003

index, Sylvia Zappi, 22/01/2005

Les étrangers condamnés à l’expulsion après la prison avaient jusqu’au 31 décembre 2004 pour réclamer le réexamen de leur dossier. Le ministère de l’intérieur a traité 421 des 1 458 demandes.

La réforme de la double peine connaît des hoquets dans son application. Délais de réponse trop longs et refus nombreux : l’inquiétude monte depuis quelques semaines dans les cabinets d’avocat et les associations de défense des étrangers. Le ministère de l’intérieur assure que ses services suivent à la lettre les dispositions prévues par la loi Sarkozy du 26 novembre 2003.

Présentée comme un texte d’abrogation de la double peine – peine complémentaire qui conduit un condamné étranger à être expulsé du territoire une fois purgée sa peine de prison -, la loi Sarkozy a consacré certaines catégories comme « protégées »: les personnes étrangères nées ou entrées en France avant l’âge de 13 ans, les conjoints de Français ou de résidents, les parents d’enfants français et les étrangers résidant en France depuis plus de vingt ans.

Ces « quasi-Français » comme les appellent les associations, avaient la possibilité de demander l’abrogation de leur arrêté ministériel d’expulsion ou de leur interdiction du territoire français (ITF) jusqu’au 31 décembre 2004. Une seule condition était exigée : la preuve d’une résidence « habituelle » sur le territoire français depuis le 30 avril 2003 ; à défaut, il leur était possible de demander une assignation à résidence. Quant aux étrangers déjà expulsés, ils pouvaient prétendre à revenir sur le territoire en demandant un visa d’entrée.

Selon un premier bilan de la place Beauvau, les services – ministériels et préfectoraux – auraient reçu 1 458 demandes de relèvement. 319 abrogations auraient été prononcées et 102 dossiers refusés. Quelque 780 demandes seraient en cours d’instruction et 250 n’ont pas encore été traitées. « Sur le fond, nos services acceptent trois dossiers pour un refus », assure le cabinet de Dominique de Villepin, qui espère « écluser le stock d’ici à juin ».

Le bilan est tout autre chez les associations, avocats ou personnalités qui suivent le dossier. Étienne Pinte, député UMP des Yvelines, estime que « les dispositifs concernant les catégories protégées sont difficilement appliqués ». Sur les 300 dossiers sur lesquels il est intervenu, il n’a reçu que 200 réponses : « Vingt-cinq sont des dossiers résolus, les autres se sont vu opposer un refus ou ne sont pas réglés.  » Le député relève que les tribunaux chargés du relèvement des ITF ne sont pas plus rapides ; sur 70 dossiers, 45 sont en instance. « Le garde des sceaux m’a assuré en décembre qu’une circulaire allait être envoyée aux parquets pour accélérer les audiences d’ITF », ajoute-t-il.

Les associations n’ont pas plus de succès. La Cimade de Paris a déposé :40 dossiers en avril 2004. Seuls 9 ont eu un avis favorable. « Le niveau de réponse est très faible et le bilan, un an après la loi, est plutôt décevant », souligne le responsable de ces dossiers, Luis Rétamal. Le collectif Lorraine contre la double peine, qui soutient une quarantaine de demandes, concernant essentiellement des Turcs, n’a obtenu qu’un tiers de réponses positives, le reste se partageant entre rejets et absences de réponse. Les proportions sont identiques chez les avocats spécialisés – Jacques Debré, au barreau de Lyon, ou Stéphane Maugendre, à Bobigny. Seul le pasteur Jean Costil, de la Cimade de Lyon, peut s’enorgueillir d’avoir obtenu une cinquantaine d’abrogations sur 60 dossiers déposés.

.Certaines dispositions de la loi semblent mal prises en compte. Les services préfectoraux seraient particulièrement tatillons sur la notion de résidence habituelle, en considérant la période durant laquelle les étrangers ont été expulsés comme une rupture de continuité de séjour. « Près de 200 dossiers sont en litige », remarque le pasteur Costil. Le ministère admet « 220 demandes renvoyées pour défaut de preuves ».

Les mêmes réticences existent concernant les demandes de visas pour entrer en France et pouvoir déposer un dossier d’abrogation. M. Pinte souligne que, sur les onze dossiers qu’il a appuyés, seuls trois ont un feu vert. « Ces refus sont désastreux par l’effet psychologique créé dans les banlieues. On est en train de dire aux familles touchées par la double peine qu’elles n’ont pas leur place dans la République”, soutient le cinéaste Jean-Pierre Thorn, un des piliers de la campagne contre la double peine.

Enfin, le faible taux de demandes inquiète les associations. Rappelant que le nombre des « double-peine » depuis dix ans est évalué entre 5 000 à 10 000 personnes, Me Maugendre, vice-président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), s’interroge : « Que vont devenir tous ces étrangers qui n’ont pas été informés des procédures et de la date butoir ? Il faut rouvrir le débat et le solder définitivement. « 

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Les oubliés de la réforme

P.E.,  29/11/2004

EXPULSIONS de personnes pourtant « protégées », « extrême lenteur » des réponses, interprétation « restrictive voire erronée » de la nouvelle loi… Un an après la réforme de la « double peine » censée limiter le nombre d’expulsions d’étrangers à la suite de leur condamnation en France, rien n’aurait vraiment changé : « La loi est mal appliquée, dans sa lettre comme dans son esprit », martèle le député (UMP) des Yvelines Etienne Pinte.

L’élu, qui a mis en place un comité de suivi et multiplié les interventions auprès des ministres concernés (Intérieur, Justice, Affaires étrangères), défend près de 200 dossiers, dont seuls 18 ont reçu une réponse. « Les délais sont beaucoup trop longs, aussi bien pour les arrêtés préfectoraux ou ministériels d’expulsion que pour les requêtes en relèvement d’interdiction du territoire », constate-t-il, en s’étonnant notamment « de la fermeture d’état d’esprit » du successeur de Sarkozy place Beauvau, Dominique de Villepin, à qui il s’est opposé publiquement sur le sujet le 2 novembre à l’Assemblée nationale.

Récusant les critiques, l’Intérieur et la Justice défendent à l’inverse « une application équilibrée de la loi ». « Les deux tiers des 1 161 demandes d’abrogation d’expulsion reçues ont été traitées, dont la moitié de façon favorable », assure-t-on Place Beauvau. « On est loin des 90 % de régularisations promis il y a un an ! » fustige Me Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti. « La loi a expressément prévu une régularisation rapide, insiste Etienne Pinte. Or des dizaines de personnes qui ne peuvent ni travailler ni faire vivre leurs familles attendent et vivent dans l’angoisse. »

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La réforme de la double peine peine à s’imposer

   Charlotte Rotman

Bouda, c’est ce danseur hip-hop, né en Tunisie, grandi à Dugny en Seine-Saint-Denis. L’une des victimes de la double peine qui a donné un visage à ce phénomène (condamnation pénale plus expulsion du territoire). Il a été l’un de ceux que Nicolas Sarkozy a choisi d’assigner à résidence, suspendant ainsi la menace d’éloignement. Bouda ­ dont le père, aujourd’hui français, est arrivé de Tunisie en 1958 et dont toute la famille, excepté une grand-mère, est en France ­ a maintenant un enfant. Un an après la loi Sarkozy sur l’immigration, malgré l’espoir que la réforme de la double peine votée à l’unanimité avait soulevé, Bouda se trouve dans la même situation. Il n’est hélas pas le seul.

L’adoucissement de la double peine est censé protéger de l’expulsion les étrangers qui ont des attaches en France : soit familiales, soit dues à l’ancienneté de leur présence (lire ci-contre). Ceux que Nicolas Sarkozy appellent les Français de facto. Mercredi, à l’Assemblée nationale, avocats et associations ­ réunis pour la projection d’un documentaire (1) à l’initiative du député UMP Etienne Pinte ­ ont dressé le premier bilan de cette réforme. Faible. Son application, lente et stricte, demeure décevante. Un comité de suivi devrait être mis en place.

Lenteur. Dans les couloirs, les avocats échangent les dernières nouvelles. «Tu sais ce que j’ai eu comme cas ? Un type à qui la préfecture reproche d’être revenu en France irrégulièrement…» «Et alors ?», demande l’autre. «Ben oui, et alors ?» Ou : «Dès qu’il s’agit d’une affaire de stup’, on sent que ça va être non.» «Je n’en suis pas sûr», conteste l’autre, mais le ministère joue la montre.» Flottements, incertitudes. Pourtant, la loi ne demande pas aux étrangers qui ont des attaches en France de faire la preuve de leur bonne conduite pour bénéficier de la protection imaginée par Sarkozy (2). Et contrairement à ce que croient certains juges et préfets, une condamnation dans une affaire de stupéfiants ne retire pas ce droit. Le député-maire de Versailles, Etienne Pinte a dû le rappeler lors d’une récente entrevue avec le directeur de cabinet de Dominique de Villepin. Chantre du combat contre la double peine au sein de la majorité, ce député admet des difficultés: lenteur, traitement trop tatillon, interprétation trop stricte de la loi. Sans parler des cas limites: «Que faire quand un étranger est arrivé à 13 ans et demi (et non avant 13 ans, comme l’exige la loi) ? Il faut alors trouver une solution (…), l’administration doit faire preuve de discernement.»

Et que dire des étrangers entrant dans les catégories protégées mais qui se trouvent hors de France ? Ils devraient bénéficier d’un visa pour retrouver leur famille ici. «J’ai réussi à obtenir un visa de retour, poursuit le député UMP, mais j’ai dû interpeller Villepin à l’Assemblée, pour lui dire qu’il ne respectait pas la loi. Si à chaque litige il faut monter à la tribune et fustiger le ministre…»

Etienne Pinte a dressé des statistiques : sur 125 dossiers qu’il parraine, 11 sont résolus. Sur 70 arrêtés d’expulsion, 21 ont été abrogés, 3 refusés, les cas restant sont en cours de traitement ou sans information. Sur 61 demandes de relèvement d’interdiction du territoire, 10 seulement ont été acceptées.

Minceur. A Lyon, la Cimade compte une moitié de réponses positives sur 50 demandes d’abrogation. En région parisienne, l’association a recensé 5 réponses favorables sur 39. Un «bilan plus que mitigé» selon Luis Rétamal, de la Cimade. Pris de découragement, des militants venus de Moselle demandent de l’aide : «Qu’est-ce qu’on fait avec les dossiers qu’on a ?» «Vous me les envoyez», répond Etienne Pinte, inquiet, car les recours ne pourront se faire au-delà du 31 décembre.

Pourquoi les demandes sont-elles peu nombreuses ? Selon Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti, «la minceur des chiffres est à la hauteur de ce qu’est le texte : peu de gens sont concernés». Pas assez. «On en sauve quelques-uns, dit-il, mais la majorité ne rentre pas dans les catégories protégées.» Bernard Bolze, animateur de la campagne contre la double peine, nuance : «Je connais plein de gens à Lyon dont les situations sont réglées, mais ils ne sont pas passés par nous.» Autrement dit : les heureux, on n’en entend pas parler. Selon le ministère de l’Intérieur, au moins 204 d’entre eux ont obtenu l’abrogation de leur mesure d’expulsion.

(1) Des exceptions à l’absolu, de Florence Miettaux, JFR Productions.

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La réforme de la double peine mal appliquée

16/09/2004

BEAUCOUP de « lenteur », de « non-réponses » et un désarroi palpable. Près d’un an après l’adoption de la réforme de la double peine, inscrite dans la loi Sarkozy sur l’immigration de novembre 2003, militants associatifs et avocats réunis hier à l’Assemblée nationale à l’invitation du député UMP Etienne Pinte et à l’occasion de la projection d’un documentaire* ont fait part de leurs inquiétudes.

L’application de ce texte revendiquée pour des milliers d’étrangers condamnés par la justice et menacés d’une expulsion se heurte à une foule d’obstacles. Pour tous ceux qui entraient dans les quatre « catégories protégées » créées par la nouvelle loi, l’espoir d’échapper à un retour dans leur pays d’origine était réel. En pratique, très peu ont obtenu gain de cause.

Et les exemples affluent. Me Alain Mikovski, qui défend une centaine de dossiers, n’en a vu qu’un seul « réglé en huit jours ». « On a le sentiment que les préfectures et les tribunaux jouent la montre ! » s’indigne-t-il.

Cinéaste militant, engagé auprès de Bouda, un danseur hip-hop de Seine-Saint-Denis dont il avait fait le symbole des double peine, Jean-Pierre Thorn s’étonne : « Sarkozy avait vu le film, il avait promis… Depuis, rien n’a bougé. Bouda est toujours assigné à résidence ! » Me Stéphane Maugendre relève pour sa part que le faible nombre de cas résolus « est à la hauteur de ce que le texte est ». A ses yeux : « un acte manqué ». « On arrive à en sauver quelques-uns, mais la grande majorité ne rentre pas dans les catégories, déplore-t-il. Or ces personnes peuvent être interpellées à n’importe quel moment, et elles le sont. »

« Une interprétation trop tatillonne»

Infatigable défenseur de cette cause, le parlementaire Etienne Pinte, qui « parraine » près de 300 dossiers, dont la moitié « restent à ce jour sans réponse », se fait plus précis. Outre « la lenteur du traitement », en particulier « pour les relèvements d’interdiction du territoire auprès des tribunaux », il regrette « une interprétation trop tatillonne de la loi ». « Ces personnes sont privées du droit au travail, nombre d’entre elles sont en grande précarité… Quelle solution pour celui qui se voit exclu du bénéfice de la réforme parce qu’il est arrivé en France à 13 ans et demi au lieu de 13 ? » interroge-t-il. Après « un point » avec le ministère de l’Intérieur lundi dernier, le député s’apprête à solliciter le ministère de la Justice sur le sujet. « Des décisions prises par les juges vont à l’encontre de la lettre mais aussi de l’esprit de la loi », souligne-t-il.

Du côté des associations, certains s’étonnent aussi du faible nombre de dossiers dont ils ont été saisis jusque-là. Complexité du texte ? Manque d’information ? Toujours est-il que le terme du délai fixé pour ceux qui souhaitent solliciter l’abrogation d’un arrêté d’expulsion ou d’une peine d’interdiction du territoire français (ITF) les concernant approche. « La date fatidique est le 31 décembre prochain », souligne Etienne Pinte.

D’ores et déjà décidé à solliciter « un moratoire » sur ce délai, il a appelé à la création d’un « comité de suivi de la réforme » qui devrait être mis en place très prochainement.

* « Des exceptions à l’absolu », Florence Miettaux, JFR production 2004.

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Un projet de loi pour faciliter les expulsions

17/06/2004

UN « RETOUR EN ARRIÈRE » élaboré « en catimini » doublé d’une volonté de « mise au pas des juges administratifs ». C’est en ces termes que plusieurs associations et syndicats (Gisti, Cimade, LDH, Syndicat des avocats de France et Syndicat de la magistrature) ont protesté, hier, contre une proposition de loi sur l’expulsion des étrangers qui doit être débattue aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Présenté par deux députés UMP, ce court texte vise en effet à exclure des catégories d’étrangers protégés de l’expulsion ceux qui – comme l’imam de Vénissieux à l’encontre des femmes – ont eu un comportement « constituant des actes de provocation explicite à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

Fin avril, au grand dam du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, le tribunal administratif de Lyon avait suspendu l’arrêté ministériel d’expulsion (AME) d’Abdelkader Bouziane. L’Elysée était alors venu à la rescousse du ministre en estimant qu’il y avait « un vide juridique à combler ». « Nicolas Sarkozy avait déjà regretté que la justice ne facilite pas le travail de la police. Son successeur va encore plus loin ! Le politique ne peut faire de la loi un outil modulable à sa volonté ! », s’indigne le président du Syndicat des avocats de France, Daniel Joseph.

« Des critères très flous »

Par-delà son caractère opportuniste, les cinq organisations estiment que cette proposition de loi porte atteinte à la réforme de la « double peine » adoptée il y a huit mois. Cette dernière, qui modifiait l’article 26 de l’ordonnance de 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers, excluait certaines catégories d’étrangers des mesures d’éloignement du territoire à trois exceptions près (terrorisme, espionnage, provocation à la haine en raison de l’origine ou de la religion).

« Alors même que les étrangers concernés par la réforme se heurtent à une foule de difficultés, la nouvelle exception ouvre un champ beaucoup plus large sur des critères très flous », dénonce Stéphane Maugendre, vice-président du Gisti. « Elle ouvre la voie à d’autres futures dérogations », souligne Gérard Tcholakian, du Syndicat des avocats de France (SAF).

Les associations s’inquiètent aussi d’un projet de décret en cours de rédaction au ministère de l’Intérieur. Il viserait, selon les propos tenus par Dominique de Villepin dans une interview récente au « Figaro », à faire du Conseil d’Etat « le juge en première et dernière instance des questions d’expulsion pour motif terroriste ». Là encore, à leurs yeux, un projet qui marque l’« intrusion croissante du pouvoir exécutif
dans la justice ».

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